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Document 62018CJ0010

    Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 4 mars 2020.
    Mowi ASA contre Commission européenne.
    Pourvoi – Concurrence – Contrôle des opérations de concentration entre entreprises – Règlement (CE) no 139/2004 – Article 4, paragraphe 1 – Obligation de notification préalable des concentrations – Article 7, paragraphe 1 – Obligation de suspension – Article 7, paragraphe 2 – Exemption – Notion de “concentration unique” – Article 14, paragraphe 2 – Décision infligeant des amendes pour la réalisation d’une opération de concentration avant sa notification et son autorisation – Principe ne bis in idem – Principe d’imputation – Concours d’infractions.
    Affaire C-10/18 P.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:149

     ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

    4 mars 2020 ( *1 )

    « Pourvoi – Concurrence – Contrôle des opérations de concentration entre entreprises – Règlement (CE) no 139/2004 – Article 4, paragraphe 1 – Obligation de notification préalable des concentrations – Article 7, paragraphe 1 – Obligation de suspension – Article 7, paragraphe 2 – Exemption – Notion de “concentration unique” – Article 14, paragraphe 2 – Décision infligeant des amendes pour la réalisation d’une opération de concentration avant sa notification et son autorisation – Principe ne bis in idem – Principe d’imputation – Concours d’infractions »

    Dans l’affaire C‑10/18 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 janvier 2018,

    Mowi ASA, anciennement Marine Harvest ASA, établie à Bergen (Norvège), représentée par M. R. Subiotto, QC,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Commission européenne, représentée par MM. M. Farley et F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (quatrième chambre),

    composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. S. Rodin, D. Šváby, Mme K. Jürimäe (rapporteure) et M. N. Piçarra, juges,

    avocat général : M. E. Tanchev,

    greffier : M. M. Longar, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mai 2019,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 septembre 2019,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par son pourvoi, Mowi ASA, anciennement Marine Harvest ASA, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission (T‑704/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:753), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2014) 5089 final de la Commission européenne, du 23 juillet 2014, infligeant une amende pour la réalisation d’une concentration en violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil [Affaire M.7184 – Marine Harvest/Morpol (proc. article 14, paragraphe 2)] (ci-après la « décision litigieuse »), et, à titre, subsidiaire, l’annulation ou la réduction des amendes qui lui ont été infligées.

    Le cadre juridique

    2

    Les considérants 5, 6, 8, 20 et 34 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), énoncent :

    « (5)

    Il convient [...] de s’assurer que le processus de restructuration n’entraîne pas de préjudice durable pour la concurrence. Par conséquent, le droit communautaire doit comporter des dispositions applicables aux concentrations susceptibles d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.

    (6)

    Un instrument juridique spécifique est donc nécessaire sous la forme d’un règlement qui permette un contrôle effectif de toutes les concentrations en fonction de leur effet sur la structure de concurrence dans [l’Union européenne] et qui soit le seul applicable à de telles concentrations. [...]

    [...]

    (8)

    Les dispositions à arrêter dans le présent règlement devraient s’appliquer aux modifications structurelles importantes dont l’effet sur le marché s’étend au-delà des frontières nationales d’un État membre. Ces concentrations devraient, en règle générale, être examinées exclusivement au niveau de [l’Union], en application du système du “guichet unique” et conformément au principe de subsidiarité.

    [...]

    (20)

    Il est utile de définir la notion de concentration de telle sorte qu’elle couvre les opérations entraînant un changement durable du contrôle des entreprises concernées et donc de la structure du marché. Il convient par conséquent d’inclure dans le champ d’application du présent règlement toutes les entreprises communes accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome. Il convient en outre de traiter comme une concentration unique des opérations qui sont étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref.

    [...]

    (34)

    Pour assurer un contrôle efficace, il y a lieu d’obliger les entreprises à notifier préalablement leurs concentrations qui ont une dimension communautaire après la conclusion de l’accord, l’annonce de l’offre publique d’achat ou d’échange ou l’acquisition d’une participation de contrôle. [...] La réalisation des concentrations devrait être suspendue jusqu’à l’adoption d’une décision finale. Le cas échéant, une dérogation à cette suspension pourrait toutefois être accordée, à la demande des entreprises concernées. [...] »

    3

    L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

    « Sans préjudice de l’article 4, paragraphe 5, et de l’article 22, le présent règlement s’applique à toutes les concentrations de dimension communautaire telles qu’elles sont définies au présent article. »

    4

    L’article 3 dudit règlement, intitulé « Définition de la concentration », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

    « 1.   Une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte :

    a)

    de la fusion de deux ou de plusieurs entreprises ou parties de telles entreprises, ou

    b)

    de l’acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen.

    2.   Le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et notamment :

    a)

    des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une entreprise ;

    b)

    des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise. »

    5

    L’article 4 du même règlement, intitulé « Notification préalable des concentrations et renvoi en prénotification à la demande des parties notifiantes », énonce, à son paragraphe 1 :

    « Les concentrations de dimension communautaire visées par le présent règlement doivent être notifiées à la Commission avant leur réalisation et après la conclusion de l’accord, la publication de l’offre publique d’achat ou d’échange ou l’acquisition d’une participation de contrôle.

    La notification peut également être faite lorsque les entreprises concernées démontrent de bonne foi à la Commission leur intention de conclure un accord ou, dans le cas d’une offre publique d’achat ou d’échange, lorsqu’elles ont annoncé publiquement leur intention de faire une telle offre, à condition que l’accord ou l’offre envisagés aboutisse à une concentration de dimension communautaire.

    Aux fins du présent règlement, l’expression “concentration notifiée” vise aussi les projets de concentration notifiés au titre du deuxième alinéa. Aux fins des paragraphes 4 et 5 du présent article, le terme “concentration” comprend les projets de concentrations au sens du deuxième alinéa. »

    6

    L’article 7 du règlement no 139/2004, intitulé « Suspension de la concentration », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

    « 1.   Une concentration de dimension communautaire telle que définie à l’article 1er ou qui doit être examinée par la Commission en vertu de l’article 4, paragraphe 5, ne peut être réalisée ni avant d’être notifiée ni avant d’avoir été déclarée compatible avec le marché commun par une décision prise en vertu de l’article 6, paragraphe 1, point b), ou de l’article 8, paragraphes 1 ou 2, ou sur la base de la présomption établie à l’article 10, paragraphe 6.

    2.   Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à la réalisation d’une offre publique d’achat ou d’échange ou d’opérations par lesquelles le contrôle au sens de l’article 3 est acquis par l’intermédiaire de plusieurs vendeurs au moyen d’une série de transactions sur titres, y compris sur ceux qui sont convertibles en d’autres titres admis à être négociés sur un marché tel qu’une bourse de valeurs pour autant :

    a)

    que la concentration soit notifiée sans délai à la Commission conformément à l’article 4, et

    b)

    que l’acquéreur n’exerce pas les droits de vote attachés aux participations concernées ou ne les exerce qu’en vue de sauvegarder la pleine valeur de son investissement et sur la base d’une dérogation octroyée par la Commission conformément au paragraphe 3. »

    7

    Aux termes de l’article 14, paragraphes 2 à 4, de ce règlement :

    « 2.   La Commission peut, par voie de décision, infliger aux personnes visées à l’article 3, paragraphe 1, point b), ou aux entreprises concernées des amendes jusqu’à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires total réalisé par les entreprises concernées au sens de l’article 5, lorsque de propos délibéré ou par négligence :

    a)

    elles omettent de notifier une concentration conformément à l’article 4 ou à l’article 22, paragraphe 3, avant sa réalisation, à moins qu’elles n’y soient expressément autorisées par l’article 7, paragraphe 2, ou par une décision prise en vertu de l’article 7, paragraphe 3 ;

    b)

    elles réalisent une concentration en violation de l’article 7 ;

    c)

    elles réalisent une concentration déclarée incompatible avec le marché commun par voie de décision prise en vertu de l’article 8, paragraphe 3, ou ne prennent pas les mesures ordonnées par voie de décision prise en vertu de l’article 8, paragraphe 4 ou 5 ;

    d)

    elles contreviennent à une condition ou une charge imposée par décision prise en vertu de l’article 6, paragraphe 1, point b), de l’article 7, paragraphe 3, ou de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa.

    3.   Pour fixer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération la nature, la gravité et la durée de l’infraction.

    4.   Les décisions prises en vertu des paragraphes 1, 2 et 3 n’ont pas un caractère pénal. »

    Les antécédents du litige et la décision litigieuse

    8

    Les antécédents du litige ont été résumés aux points 1 à 37 de l’arrêt attaqué, comme suit :

    « 1

    La [requérante] est une société de droit norvégien inscrite à la Bourse d’Oslo (Norvège) et à la Bourse de New York (États-Unis), qui pratique l’élevage et la transformation primaire du saumon au Canada, au Chili, en Écosse, dans les Îles Féroé, en Irlande et en Norvège ainsi que l’élevage et la transformation primaire du flétan blanc en Norvège. La requérante procède également à des activités de transformation secondaire en Belgique, au Chili, aux États-Unis, en France, en Irlande, au Japon, en Norvège, aux Pays-Bas, en Pologne et en République tchèque.

    A. Acquisition par la requérante de Morpol

    2

    Le 14 décembre 2012, la requérante a conclu un contrat d’acquisition d’actions (“Share Purchase Agreement”, ci-après le “SPA”) avec Friendmall Ltd et Bazmonta Holding Ltd portant sur la cession des actions que ces sociétés détenaient dans le capital de Morpol ASA.

    3

    Morpol est un producteur et transformateur norvégien de saumon. [Cette société] produit du saumon d’élevage et offre un large éventail de produits à valeur ajoutée dérivés du saumon. Elle pratique l’élevage et la transformation primaire du saumon en Écosse et en Norvège. Elle procède également à des activités de transformation secondaire en Pologne, au Royaume-Uni et au Viêt Nam. Avant son acquisition par la requérante, Morpol était inscrite à la Bourse d’Oslo.

    4

    Friendmall et Bazmonta Holding étaient des sociétés privées à responsabilité limitée constituées et enregistrées à Chypre. Les deux sociétés étaient contrôlées par une seule personne, M. M., fondateur et ancien président-directeur général de Morpol.

    5

    Grâce au SPA, la requérante a acquis un intérêt dans Morpol s’élevant à environ 48,5 % du capital social de Morpol. La clôture de cette acquisition (ci-après l’“acquisition de décembre 2012”) a eu lieu le 18 décembre 2012.

    6

    Le 17 décembre 2012, la requérante a annoncé, au moyen d’un communiqué de Bourse, qu’elle allait lancer une offre publique d’achat pour les actions restantes de Morpol. Le 15 janvier 2013, la requérante a soumis, conformément à la loi norvégienne relative à la négociation de titres, une telle offre publique obligatoire d’achat pour les actions restantes de Morpol, représentant 51,5 % des actions de la société. Selon les dispositions de la loi norvégienne, l’acquéreur de plus d’un tiers des actions d’une société cotée en Bourse est contraint de présenter une offre obligatoire pour les actions restantes de cette société.

    7

    Le 23 janvier 2013, le conseil d’administration de Morpol a nommé un nouveau président-directeur général en remplacement de M. M., ce dernier ayant démissionné entretemps avec effet au 1er mars 2013, à la suite d’un engagement à cet effet qui avait été inclus dans le SPA.

    8

    À la suite du règlement et de l’exécution de l’offre publique d’achat le 12 mars 2013, la requérante détenait au total 87,1 % des actions de Morpol. Par conséquent, grâce à l’offre publique d’achat, la requérante a acquis des actions représentant environ 38,6 % du capital de Morpol, en plus des actions représentant 48,5 % du capital de Morpol, qu’elle avait déjà obtenues par l’acquisition de décembre 2012.

    9

    L’acquisition des actions restantes de Morpol a été réalisée le 12 novembre 2013. Le 15 novembre 2013, une assemblée générale extraordinaire a décidé de demander une radiation des actions de la cote de la Bourse d’Oslo, de réduire le nombre des membres du conseil d’administration et de supprimer le comité de nomination. Le 28 novembre 2013, Morpol n’était plus cotée à la Bourse d’Oslo.

    B. Phase de prénotification

    10

    Le 21 décembre 2012, la requérante a envoyé à la [Commission] une demande de désignation d’une équipe chargée de traiter son dossier concernant l’acquisition du contrôle exclusif de Morpol. Dans cette demande, la requérante a fait savoir à la Commission que l’acquisition de décembre 2012 avait été clôturée et qu’elle n’exercerait pas ses droits de vote avant l’adoption de la décision de la Commission.

    11

    La Commission a demandé la tenue d’une téléconférence avec la requérante, laquelle a eu lieu le 25 janvier 2013. Pendant la téléconférence, la Commission a demandé des informations concernant la structure de l’opération et des éclaircissements quant à la question de savoir si l’acquisition de décembre 2012 pouvait déjà avoir conféré à la requérante le contrôle de Morpol.

    12

    Le 12 février 2013, la Commission a envoyé à la requérante une demande de renseignements concernant l’acquisition éventuelle d’un contrôle de fait de Morpol à la suite de l’acquisition de décembre 2012. Elle a également demandé que lui soient fournis l’ordre du jour et le procès-verbal des assemblées générales de Morpol et des réunions du conseil d’administration de Morpol des trois dernières années. La requérante a répondu partiellement à cette demande le 19 février 2013 et a produit une réponse complète à celle-ci le 25 février 2013.

    13

    Le 5 mars 2013, la requérante a soumis un premier projet de formulaire de notification, tel que figurant à l’annexe I du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 133, p. 1) (ci-après le “premier projet de formulaire CO”). Le premier projet de formulaire CO portait essentiellement sur un marché global comprenant l’élevage ainsi que la transformation primaire et la transformation secondaire du saumon de toutes origines.

    14

    Le 14 mars 2013, la Commission a envoyé à la requérante une demande de renseignements complémentaires concernant le premier projet de formulaire CO. Le 16 avril 2013, la requérante a répondu à cette demande de renseignements. La Commission a considéré que cette réponse était incomplète et a envoyé d’autres demandes de renseignements les 3 mai, 14 juin et 10 juillet 2013. La requérante a répondu à ces demandes respectivement les 6 juin, 3 et 26 juillet 2013.

    C. Notification et décision autorisant la concentration sous réserve du respect de certains engagements

    15

    Le 9 août 2013, l’opération [de concentration] a été officiellement notifiée à la Commission.

    16

    Lors d’une réunion-bilan qui s’est tenue le 3 septembre 2013, la Commission a informé la requérante et Morpol du fait qu’elle nourrissait des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’opération avec le marché intérieur pour ce qui concernait un marché potentiel du saumon écossais.

    17

    Afin d’éliminer les doutes sérieux identifiés par la Commission, la requérante a proposé, le 9 septembre 2013, des engagements, conformément à l’article 6, paragraphe 2, du [règlement no 139/2004]. La Commission a soumis ces engagements initiaux à une consultation du marché. Après certaines modifications, une série d’engagements finaux a été présentée le 25 septembre 2013. La requérante s’est engagée à céder environ trois quarts de la capacité d’élevage du saumon écossais se chevauchant entre les parties à la concentration, dissipant ainsi les doutes sérieux identifiés par la Commission.

    18

    Le 30 septembre 2013, la Commission a adopté la décision C(2013) 6449 (affaire COMP/M.6850 – Marine Harvest/Morpol) (ci-après la “décision d’autorisation”), conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement no 139/2004, autorisant l’opération de concentration sous réserve du respect intégral des engagements proposés.

    19

    Dans la décision d’autorisation, la Commission a constaté que l’acquisition de décembre 2012 avait déjà conféré à la requérante le contrôle exclusif de fait de Morpol. Elle a affirmé que l’on ne pouvait exclure une violation de l’obligation de [suspension], prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, et de l’obligation de notification, prévue à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement. Elle a également relevé qu’elle pouvait examiner, dans le cadre d’une procédure distincte, s’il convenait d’appliquer une sanction au titre de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

    D. [Décision litigieuse] et procédure ayant conduit à l’adoption de celle-ci

    20

    Dans une lettre du 30 janvier 2014, la Commission a informé la requérante qu’une enquête était en cours concernant les éventuelles violations de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

    21

    Le 31 mars 2014, la Commission a adressé une communication des griefs à la requérante, conformément à l’article 18 du règlement no 139/2004 (ci-après la “communication des griefs”). Dans la communication des griefs, la Commission est parvenue à la conclusion préliminaire selon laquelle la requérante avait violé de propos délibéré, ou au moins par négligence, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

    22

    Le 30 avril 2014, la requérante a présenté sa réponse à la communication des griefs. Le 6 mai 2014, la requérante a présenté les arguments figurant dans sa réponse au cours d’une audition. Le 7 juillet 2014, une réunion du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises s’est tenue.

    23

    Le 23 juillet 2014, la Commission a adopté la [décision litigieuse].

    24

    Les trois premiers articles du dispositif de la [décision litigieuse] sont libellés comme suit :

    “Article 1

    En réalisant une concentration de dimension communautaire pendant la période s’étendant du 18 décembre 2012 au 30 septembre 2013, avant qu’elle n’ait été notifiée et déclarée compatible avec le marché intérieur, [la requérante] a violé l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du [règlement no 139/2004].

    Article 2

    Une amende de 10000000 d’euros est infligée à [la requérante] pour la violation de l’article 4, paragraphe 1, du [règlement no 139/2004] visée à l’article 1.

    Article 3

    Une amende de 10000000 d’euros est infligée à [la requérante] pour la violation de l’article 7, paragraphe 1, du [règlement no 139/2004] visée à l’article 1.”

    25

    Dans la [décision litigieuse], la Commission a, tout d’abord, considéré que la requérante avait acquis le contrôle exclusif de fait de Morpol après la clôture de l’acquisition de décembre 2012, car la requérante aurait eu la quasi-certitude d’obtenir une majorité aux assemblées générales, compte tenu du taux de sa participation (48,5 %) et du taux de présence d’autres actionnaires aux assemblées générales au cours des années antérieures.

    26

    La Commission a, ensuite, considéré que l’acquisition de décembre 2012 ne bénéficiait pas de l’exemption prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004. À cet égard, elle a relevé que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 ne s’appliquait qu’à des offres publiques d’achat ou d’échange ou à des opérations par lesquelles le contrôle au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004 était acquis “par l’intermédiaire de plusieurs vendeurs” au moyen d’une série de transactions sur titres. Selon la Commission, en l’espèce, la participation de contrôle a été acquise auprès d’un seul vendeur, à savoir M. M., par l’intermédiaire de Friendmall et Bazmonta Holding, grâce à l’acquisition de décembre 2012.

    27

    Selon la Commission, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 n’est pas destiné à s’appliquer à des situations dans lesquelles l’acquisition d’un important volume d’actions est réalisée auprès d’un seul vendeur et où il est aisé d’établir, sur la base des votes exprimés lors des assemblées générales ordinaires et extraordinaires précédentes, que ce volume d’actions confère un contrôle exclusif de fait de la société cible.

    28

    La Commission a, de plus, relevé que l’acquisition de décembre 2012, qui avait été clôturée le 18 décembre 2012, ne faisait pas partie de la réalisation de l’offre publique d’achat, laquelle a été réalisée entre le 15 janvier et le 26 février 2013. Elle a considéré que le fait que l’acquisition de décembre 2012 était susceptible d’avoir déclenché l’obligation pour la requérante de lancer l’offre publique d’achat pour les actions restantes de Morpol était dénué de pertinence, dès lors que le contrôle de fait avait déjà été acquis par l’intermédiaire d’un seul vendeur.

    29

    La Commission a en outre estimé que les renvois, par la requérante, à des sources juridiques selon lesquelles “plusieurs étapes unitaires” seraient considérées comme constituant une seule concentration lorsqu’elles faisaient, en droit ou en fait, l’objet d’un lien conditionnel, semblaient être déplacés. Elle a souligné que la requérante avait acquis le contrôle de Morpol par le biais d’un seul achat de 48,5 % des actions de Morpol, et non par le biais d’opérations partielles multiples portant sur des éléments d’actifs constituant, en fin de compte, une seule entité économique.

    30

    La Commission a relevé que, selon l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, pour fixer le montant de l’amende, il y avait lieu de prendre en considération la nature, la gravité et la durée de l’infraction.

    31

    Elle a considéré que toute violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 constituait, par nature, une infraction grave.

    32

    Dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, la Commission a pris en compte le fait que, selon elle, l’infraction commise par la requérante l’avait été par négligence, que la concentration en cause soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, ainsi que le fait qu’il existait des affaires précédentes d’infractions procédurales concernant la requérante ainsi que d’autres sociétés.

    33

    En ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission a relevé qu’une violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 était une infraction instantanée et qu’elle avait été commise en l’espèce le 18 décembre 2012, à savoir à la date de la réalisation de la concentration. Elle a en outre considéré qu’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 était une infraction continue et qu’elle avait duré, en l’espèce, du 18 décembre 2012 jusqu’au 30 septembre 2013, à savoir de la date de la réalisation de l’acquisition de décembre 2012 jusqu’à la date de son autorisation. Selon la Commission, la durée de neuf mois et douze jours était particulièrement longue.

    34

    La Commission a retenu, en tant que circonstance atténuante, le fait que la requérante n’avait pas exercé ses droits de vote au sein de Morpol et l’avait maintenue en tant qu’entité séparée de la requérante pendant la procédure de contrôle de la concentration.

    35

    Elle a également retenu comme circonstance atténuante le fait que la requérante avait soumis une demande de désignation d’une équipe quelques jours après la clôture de l’acquisition de décembre 2012.

    36

    En revanche, la Commission n’a pas retenu l’existence de circonstances aggravantes.

    37

    La Commission a considéré que, dans le cas d’une entreprise de la taille de la requérante, le montant de la sanction devait être important pour avoir un effet dissuasif. Tel serait d’autant plus le cas lorsque l’opération de concentration en cause a soulevé des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. »

    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    9

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 octobre 2014, la requérante a formé un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction des amendes infligées par la Commission.

    10

    À l’appui de son recours, elle a soulevé cinq moyens dont seuls le premier et le troisième présentent un intérêt aux fins du présent pourvoi. Le premier moyen était tiré d’une « erreur manifeste de droit et de fait », en ce que la décision litigieuse a rejeté l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004. Le troisième moyen était tiré d’une violation du principe général ne bis in idem.

    11

    Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble.

    Les conclusions des parties au pourvoi

    12

    Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

    d’annuler en tout ou en partie l’arrêt attaqué, en ce qu’il rejette le recours formé contre la décision litigieuse ;

    d’annuler la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, d’annuler les amendes qui lui ont été infligées ou, à titre très subsidiaire, de réduire substantiellement le montant de ces amendes ;

    de condamner la Commission aux dépens et autres frais qu’elle a exposés en rapport avec la procédure devant la Cour et le Tribunal ;

    de renvoyer, le cas échéant, l’affaire au Tribunal afin qu’il statue à nouveau conformément à l’arrêt de la Cour, et

    de prendre toutes autres mesures que la Cour jugera appropriées.

    13

    La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.

    Sur le pourvoi

    14

    À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a méconnu l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004. Le second moyen est tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a violé le principe ne bis in idem, le principe d’imputation et le principe régissant le concours d’infractions.

    15

    Lors de l’audience devant la Cour, la requérante a soulevé un moyen nouveau, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004.

    Sur le premier moyen

    Argumentation des parties

    16

    Le premier moyen du pourvoi se divise en deux branches.

    17

    Par la première branche de ce moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur en droit, aux points 70, 150 et 151 ainsi que 230 de l’arrêt attaqué, en interprétant de manière erronée la notion de « concentration unique », au sens du considérant 20 du règlement no 139/2004.

    18

    En jugeant, aux points 70 et 230 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels il existait une conditionnalité entre l’acquisition de décembre 2012 et l’offre publique d’achat en cause, le Tribunal aurait méconnu le critère pertinent pour déterminer si des opérations multiples peuvent être assimilées à une opération de concentration unique, lequel résiderait dans le fait que ces opérations font l’objet d’un lien conditionnel et non pas dans le moment où a lieu l’opération par laquelle le contrôle est acquis.

    19

    À cet égard, en premier lieu, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, notamment aux points 150 et 151 de l’arrêt attaqué, en estimant que le considérant 20 du règlement no 139/2004 ne constitue pas la base appropriée pour interpréter la notion de « concentration unique ». Or, selon elle, ce considérant traduit clairement l’intention du législateur de traiter comme une « concentration unique » toutes les opérations « étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ».

    20

    Le constat effectué par le Tribunal, au point 150 de l’arrêt attaqué, selon lequel ledit considérant 20 n’est qu’une « seule phrase, très courte » et qu’il ne constitue pas une règle de droit juridiquement contraignante ne permettrait pas au Tribunal d’infirmer l’interprétation que la requérante retient de la notion de « concentration unique ». En effet, la requérante considère que celui-ci a omis de prendre en compte le fait que le même considérant a été traduit dans une règle de droit contraignante, à savoir l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, qui fait référence aux offres publiques d’achat ou d’échange et à une série de transactions sur titres. Par ailleurs, le Tribunal aurait rejeté cette interprétation en s’appuyant, aux points 106 à 109 de l’arrêt attaqué, sur la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1), laquelle constituerait, selon la jurisprudence de la Cour, un ensemble d’orientations non contraignantes. En outre, le Tribunal aurait procédé à une lecture erronée du même considérant 20, au point 151 de l’arrêt attaqué, en affirmant que, si la même interprétation devait être retenue, toutes les opérations « qui font l’objet d’un lien conditionnel » seraient traitées comme une concentration unique, alors même qu’elles n’ont pas donné lieu à une acquisition de contrôle.

    21

    En second lieu, la requérante considère que l’acquisition de décembre 2012 et l’offre publique d’achat en cause faisaient l’objet d’un lien conditionnel et constituaient, par conséquent, une concentration unique.

    22

    D’une part, elle soutient que, en l’espèce, la condition liant cette offre publique d’achat et l’acquisition de décembre 2012 est prescrite par la loi norvégienne relative à la négociation de titres, ce qui représenterait le niveau de conditionnalité le plus élevé possible. En particulier, cette condition dériverait du droit norvégien qui met en œuvre la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d’acquisition (JO 2004, L 142, p. 12). Or, le Tribunal n’aurait pas remis en cause cette circonstance.

    23

    D’autre part, l’existence d’un lien conditionnel entre l’offre publique et l’acquisition de décembre 2012 serait également confirmée par la communication juridictionnelle codifiée visée au point 20 du présent arrêt, aux termes de laquelle deux ou plusieurs opérations peuvent être liées en droit ou en fait. En l’occurrence, l’acquisition de décembre 2012 et l’offre publique d’achat en cause seraient liées en droit par une conditionnalité réciproque, dans la mesure où cette offre publique d’achat serait rendue obligatoire par la réalisation de l’acquisition de décembre 2012 et conditionnée à celle-ci. De même, ces deux opérations seraient liées en fait, puisque conformément au point 43 de cette communication, sur le plan économique, « chacune des opérations dépend nécessairement de la réalisation [de l’autre] ». Ces deux opérations auraient été envisagées et convenues simultanément et exécutées en vue de réaliser le même objectif économique, à savoir acquérir toutes les actions en circulation de Morpol.

    24

    Par la seconde branche du premier moyen du pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal a interprété de manière erronée la raison d’être de l’exemption visée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

    25

    En premier lieu, la requérante soutient que l’approche formaliste retenue par le Tribunal est inappropriée aux fins de l’interprétation de l’objectif visé par cette exemption, laquelle exige une analyse de l’objectif politique de cette dernière. Ainsi, le Tribunal aurait adopté une approche restrictive en rejetant, aux points 174 à 189 de l’arrêt attaqué, la pertinence du Livre vert sur la révision du règlement (CEE) no 404/89 du Conseil [COM(2001) 745 final, ci-après le « Livre vert »], qui invitait à étendre le champ d’application de ladite exemption pour faciliter les acquisitions. De plus, le point 189 de l’arrêt attaqué se fonderait sur une distinction formaliste entre les structures d’opérations et rejetterait, de manière erronée, l’application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 à une structure d’opérations, lorsque le contrôle est susceptible d’avoir été acquis avant le lancement d’une offre publique d’achat.

    26

    En deuxième lieu, l’objectif politique de l’exemption prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 consisterait à faciliter les offres publiques et les reprises rampantes, moyennant le respect de conditions rigoureuses visant à éviter les modifications de la structure du marché avant que la Commission n’adopte une décision relative à la concentration notifiée. Ainsi, l’acheteur pourrait, en principe, acquérir des actions de la société cible, mais ne pourrait les utiliser effectivement avant que la Commission n’autorise cette concentration, ce qui n’empêcherait pas cette institution d’exercer ses pouvoirs de contrôle des concentrations.

    27

    Il ne serait pas justifié de refuser l’application de l’exemption prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 à une structure d’opérations particulière lorsque le contrôle est susceptible d’avoir été acquis avant le lancement d’une offre publique d’achat. Au point 134 du Livre vert, la Commission aurait reconnu que l’acquisition d’une société cotée en Bourse devrait bénéficier de la dérogation prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, au motif que, « [d]ans les scénarios de ce genre, il sera normalement peu pratique et artificiel de considérer que la concentration intervient au rachat de l’action ou du bloc d’actions conférant à l’acquéreur le contrôle (de fait) de l’entreprise cible ». Si cette affirmation concernait les reprises rampantes, elle serait également valable pour les offres publiques d’achat ou d’échange.

    28

    Ainsi, en estimant que cette disposition ne s’appliquait pas à une structure d’opérations dans laquelle le contrôle était susceptible d’avoir été acquis avant le lancement d’une offre publique d’achat, le Tribunal aurait opéré une différenciation formaliste entre structures d’opérations, faisant naître une insécurité quant aux opérations qui relèvent de ladite exemption et aurait exposé les acquéreurs à d’importants risques pratiques et financiers.

    29

    En troisième lieu, la requérante se réfère à la décision de la Commission du 20 janvier 2005 (affaire Orkla/Elkem –COMP/M.3709), qui porterait sur une situation semblable à celle en cause en l’espèce, dans laquelle cette institution aurait notamment admis que l’acquéreur d’une participation donnant lieu à une offre publique obligatoire s’exposait à de graves risques financiers en attendant l’approbation de cette acquisition par la Commission.

    30

    En quatrième lieu, la requérante fait valoir qu’une interprétation de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, en ce sens qu’il s’applique à toutes les offres publiques d’achat ou d’échange, faciliterait les objectifs du contrôle des concentrations, en permettant à la Commission de tenir compte du taux définitif de la participation acquise et de différents effets de l’opération considérée.

    31

    En cinquième lieu, la requérante soutient que, en l’occurrence, elle s’est conformée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 en notifiant la concentration sans délai, à savoir trois jours après la clôture de l’acquisition de décembre 2012, et en s’abstenant d’exercer les droits de vote attachés aux actions acquises, ce que le Tribunal n’aurait pas remis en cause.

    32

    La Commission conteste les arguments de la requérante et considère que le premier moyen n’est pas fondé.

    Appréciation de la Cour

    33

    Par son premier moyen, dont il convient d’examiner les deux branches conjointement, la requérante conteste, en substance, l’interprétation faite par le Tribunal de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, qui a conduit celui-ci à rejeter son premier moyen d’annulation.

    34

    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le paragraphe 2 de l’article 7 du règlement no 139/2004 prévoit que, pour autant que les conditions prévues à cette disposition soient satisfaites, le paragraphe 1 de cet article ne fait pas obstacle à la réalisation d’une offre publique d’achat ou d’échange ou d’opérations par lesquelles le contrôle, au sens de l’article 3 de ce règlement, est acquis par l’intermédiaire de plusieurs vendeurs, au moyen d’une série de transaction sur titres.

    35

    Il y a lieu de constater que le Tribunal a examiné, aux points 68 à 83 de l’arrêt attaqué, l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 à la situation en cause en l’espèce, au regard de la seule acquisition de décembre 2012.

    36

    Il a relevé, d’une part, aux points 69 et 70 de l’arrêt attaqué, que la violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, constatée par la Commission, découlait de la seule acquisition de décembre 2012, à savoir de l’opération par laquelle la requérante a acquis le contrôle de Morpol. Dans la mesure où cette opération est intervenue avant l’offre publique d’achat en cause, il en a conclu que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 était dénué de pertinence en ce que cette disposition visait les offres publiques d’achat.

    37

    D’autre part, le Tribunal a également exclu l’applicabilité de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, en ce que cette disposition vise la réalisation d’opérations par lesquelles le contrôle, au sens de l’article 3 de ce règlement, est acquis par l’intermédiaire de plusieurs vendeurs au moyen d’une série de transactions sur titres. Ainsi qu’il ressort de la lecture combinée des points 75 et 79 à 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la requérante a acquis le contrôle de Morpol par l’intermédiaire d’un seul vendeur au moyen d’une seule transaction sur titres, à savoir l’acquisition de décembre 2012. Quant à l’offre publique d’achat en cause, celle-ci est intervenue, selon le Tribunal, à une date où la requérante détenait déjà le contrôle exclusif de fait de Morpol, en raison de l’acquisition de décembre 2012.

    38

    Or, devant le Tribunal, la requérante a soutenu, en substance, que l’acquisition de décembre 2012 et l’offre publique d’achat en cause, en raison des liens existants entre elles, constituaient les étapes d’une concentration unique, de telle sorte que, en vertu du paragraphe 2 de l’article 7 du règlement no 139/2004, le paragraphe 1 de cet article ne trouvait pas à s’appliquer à cette concentration.

    39

    Aux points 85 à 229 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les arguments avancés par la requérante au soutien de cette thèse et les a écartés. Il a relevé, dans ce cadre, que la notion de « concentration unique » n’est pas destinée à s’appliquer dans un cas de figure dans lequel le contrôle exclusif de fait de la seule société cible est acquis auprès d’un seul vendeur, au moyen d’une seule transaction privée, même lorsque celle-ci est suivie par une offre publique obligatoire.

    40

    Dans le cadre du premier moyen du pourvoi, la requérante soutient, en substance, qu’une telle interprétation de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 est erronée, dans la mesure où cette disposition, lue à la lumière du considérant 20 de ce règlement, devait être interprétée de manière large, de telle sorte que ladite disposition était applicable à l’acquisition de décembre 2012 et à l’offre publique d’achat en cause, en ce que ces deux opérations constituaient les étapes d’une concentration unique.

    41

    En premier lieu, la requérante considère que le Tribunal a méconnu, dans son interprétation de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, la notion de « concentration unique », telle qu’elle ressort du considérant 20 de ce règlement, qui constitue, selon elle, la base juridique appropriée pour cette interprétation.

    42

    À cet égard, ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 91 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de constater que la notion de « concentration unique » figure uniquement au considérant 20 du règlement no 139/2004 et non pas dans les articles de ce règlement.

    43

    Au point 150 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que ce considérant ne contenait toutefois pas de définition exhaustive des conditions dans lesquelles deux opérations constituent une concentration unique. Il s’est fondé, à ce titre, sur la nature spécifique dudit considérant, qui, bien que pouvant permettre d’éclairer l’interprétation qu’il convient de donner d’une règle de droit, ne saurait, à défaut d’avoir une valeur juridique contraignante propre, constituer une telle règle.

    44

    Or, si, comme la requérante le reconnaît par les arguments qu’elle invoque, le considérant 20 du règlement no 139/2004 est susceptible de servir d’élément d’interprétation des dispositions de ce règlement, elle ne saurait valablement déduire du seul libellé de ce considérant une interprétation de la notion de « concentration unique » qui ne serait pas conforme à ces dispositions. En ce sens, la Cour a d’ailleurs eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’indiquer que les considérants d’un acte de l’Union n’ont pas de valeur juridique contraignante et ne sauraient être utilement invoqués pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (voir, en ce sens, arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, point 76, ainsi que du 2 avril 2009, Tyson Parketthandel, C‑134/08, EU:C:2009:229, point 16).

    45

    Dès lors, la requérante ne peut se fonder sur une lecture large du libellé du considérant 20 du règlement no 139/2004 pour élargir la portée de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

    46

    À cet égard, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 71 de l’arrêt attaqué, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 permet, dans certaines circonstances, la réalisation d’une offre publique d’achat avant sa notification à la Commission et avant qu’elle ait été autorisée par cette dernière, même si cette opération constitue une concentration de dimension communautaire, au sens de l’article 3 de ce règlement.

    47

    Or, l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, interdisant la réalisation d’une concentration, limite cette interdiction aux seules concentrations, telles que définies à l’article 3 du même règlement (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 43).

    48

    Dans la mesure où l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 constitue une dérogation à ladite interdiction, il convient, afin de définir la portée de cette disposition, de prendre en considération la notion de « concentration » figurant audit article 3 (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 44).

    49

    Aux termes de l’article 3 du règlement no 139/2004, une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte de la fusion de deux ou de plusieurs entreprises ou parties de telles entreprises, ou de l’acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises, étant entendu que le contrôle découle de la possibilité, conférée par des droits, des contrats ou d’autres moyens, d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 45).

    50

    Il s’ensuit que la réalisation d’une concentration a lieu dès que les parties à une concentration mettent en œuvre des opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible (arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 46).

    51

    Si le considérant 20 du règlement no 139/2004 prévoit, certes, qu’il convient de traiter comme concentration unique des opérations étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref, seules les opérations qui sont nécessaires pour parvenir à un changement de contrôle sont susceptibles de relever de l’article 7 de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, points 48 et 49).

    52

    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 70 de l’arrêt attaqué, que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 est dénué de pertinence dans une situation dans laquelle le contrôle est conféré dans le cadre d’une première opération privée bien que celle-ci soit suivie d’une offre publique d’achat, cette dernière n’étant pas nécessaire pour parvenir à un changement de contrôle d’une entreprise concernée par la concentration en cause.

    53

    Il en découle que c’est également à bon droit que le Tribunal a écarté les arguments de la requérante tirés de l’existence, en l’occurrence, d’une concentration unique, dans la mesure où, comme il l’a relevé, en substance, au point 151 de l’arrêt attaqué, ceux-ci conduiraient à inclure dans la notion de « concentration unique » et, partant, dans le champ d’application de l’article 7 du règlement no 139/2004, des opérations qui, bien qu’accessoires à la concentration, ne présentent pas de lien fonctionnel direct avec la réalisation de celle-ci.

    54

    Partant, il ne saurait être soutenu par la requérante qu’une opération qui n’est pas nécessaire pour parvenir à un changement de contrôle d’une entreprise, telle qu’une offre publique d’achat lancée après l’acquisition du contrôle de l’entreprise cible, relève de la notion de « concentration » visée aux articles 3 et 7 du règlement no 139/2004.

    55

    Par conséquent, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante tirés d’une interprétation erronée de la notion de « concentration unique ».

    56

    En deuxième lieu, la requérante soutient que l’interprétation, par le Tribunal, de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 est contraire à l’objectif poursuivi par cette disposition. À cet égard, elle fait valoir que ladite disposition vise à faciliter les offres publiques et les reprises rampantes, de telle sorte que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 s’applique aux structures d’opérations dans lesquelles le contrôle est susceptible d’avoir été acquis avant le lancement d’une offre publique d’achat.

    57

    Il y a lieu de constater que la requérante reconnaît que son interprétation large de la notion de « concentration unique » conduirait à conférer à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 une portée plus large que celle qui découle du libellé de cette disposition.

    58

    Aux points 200 et 201 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, à juste titre, et comme l’admet la requérante, que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 énonce une exception à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, laquelle doit être interprétée de manière stricte.

    59

    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 57 du présent arrêt et comme le Tribunal l’a souligné aux points 202 à 204 de l’arrêt attaqué, l’interprétation invoquée par la requérante reviendrait à élargir le champ d’application de l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

    60

    Dans ces conditions, les arguments de la requérante, tirés du fait qu’une telle interprétation serait justifiée par les objectifs du droit de l’Union dans le domaine considéré, tels qu’ils ressortiraient de la directive 2004/25 ou du Livre vert, doivent être écartés.

    61

    De même, l’argument de la requérante selon lequel l’interprétation de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 permettrait de faciliter l’appréciation au fond de la concentration ne saurait prospérer. En effet, un tel argument, qui a trait à l’examen de la compatibilité de la concentration avec le marché intérieur, est dépourvu de pertinence en ce qui concerne la question préalable de savoir si cette concentration était susceptible d’être exemptée d’une notification à la Commission, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

    62

    Partant, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante, tirés d’une méconnaissance de l’objectif visé à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, comme étant non fondés.

    63

    En troisième lieu, il découle des points 52 et 55 du présent arrêt que les arguments de la requérante, tirés du fait que, d’une part, il existait un lien conditionnel entre l’acquisition de décembre 2012 et l’offre publique d’achat en cause et, d’autre part, la requérante s’est conformée aux conditions prévues à l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, doivent être écartés.

    64

    En effet, comme l’a relevé à bon droit le Tribunal aux points 229 et 230 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où la notion de « concentration unique » n’est pas destinée à s’appliquer dans un cas de figure dans lequel le contrôle exclusif de fait est acquis auprès d’un seul vendeur au moyen d’une seule transaction, la question de l’existence d’une conditionnalité de droit ou de fait entre l’acquisition de décembre 2012 et l’offre publique d’achat en cause est dénuée de pertinence. La même conclusion s’impose a fortiori en ce qui concerne la question de savoir si la requérante a respecté les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

    65

    Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son intégralité.

    Sur le second moyen

    66

    Par son second moyen, la requérante soutient que, en jugeant, notamment aux points 306, 319, 339 à 344 et 362 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait infliger des amendes distinctes à la requérante, l’une pour la violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 et l’autre pour la violation de l’obligation de suspension prévue à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, le Tribunal a méconnu le principe ne bis in idem, le principe d’imputation et le principe régissant le concours d’infractions.

    67

    Ce second moyen se divise en deux branches.

    Sur la première branche

    – Argumentation des parties

    68

    Par la première branche du second moyen du pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’appliquant pas, en l’espèce, le principe ne bis in idem ou, à titre subsidiaire, le principe d’imputation.

    69

    Cette erreur de droit se situerait, en particulier, au point 344 de l’arrêt attaqué, auquel le Tribunal a jugé que les deux amendes distinctes infligées à la requérante pour un seul et même comportement ne violaient pas le principe ne bis in idem. Or, ce principe, tel qu’il ressortirait de la jurisprudence de la Cour, comporterait à la fois une interdiction de la double poursuite et une interdiction de la double peine, en ce sens qu’une personne ne doit pas être sanctionnée deux fois pour la même infraction.

    70

    En premier lieu, en retenant comme critère pertinent, au point 319 de l’arrêt attaqué, le fait que les deux amendes infligées à la requérante « ont été imposées par la même autorité dans une seule et même décision », le Tribunal aurait retenu une interprétation formaliste et artificielle du principe ne bis in idem, alors qu’il viserait toute double sanction, indépendamment du fait qu’elle soit infligée dans une même procédure ou dans des procédures distinctes.

    71

    Ce principe interdirait d’infliger plusieurs sanctions pour un même comportement illicite, dès lors que les trois conditions d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé sont réunies, ce qui serait le cas en l’espèce. S’agissant du critère de l’identité des faits et de l’unité du contrevenant, le Tribunal aurait reconnu, au point 305 de l’arrêt attaqué, que les deux amendes distinctes ont été infligées en raison du seul acte commis par la requérante, à savoir l’acquisition de décembre 2012. S’agissant de l’unité de l’intérêt juridique protégé, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 seraient tous deux conçus pour protéger le même intérêt juridique, à savoir veiller à ce qu’il ne soit causé aucun dommage permanent et irréparable à une concurrence effective en conséquence de la réalisation précoce d’opérations de concentration.

    72

    En second lieu, le point 344 de l’arrêt attaqué ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, dont il ressortirait que le principe ne bis in idem s’applique dans le contexte d’une seule et même décision ou procédure. La requérante se réfère, à cet égard, aux arrêts du 18 décembre 2008, Coop de France bétail et viande e.a./Commission (C‑101/07 P et C‑110/07 P, EU:C:2008:741), et du 21 juillet 2011, Beneo-Orafti (C‑150/10, EU:C:2011:507), ainsi qu’à l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Transcatab/Commission (T‑39/06, EU:T:2011:562). En outre, les renvois effectués par le Tribunal, aux points 333 à 338 de l’arrêt attaqué, à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme seraient dépourvus de pertinence, dans la mesure où le droit de l’Union prévoirait une protection plus étendue contre la double sanction, ainsi que cela ressortirait de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

    73

    À titre subsidiaire, la requérante soutient que le Tribunal a, de manière erronée, omis d’appliquer le principe d’imputation (Anrechnungsprinzip), lequel exigerait de prendre en compte la première sanction infligée lors de la détermination de la seconde et serait applicable à toute situation dans laquelle le principe ne bis in idem n’est pas entièrement applicable. Selon la requérante, ni la Commission, aux points 206 et 207 de la décision litigieuse, ni le Tribunal, aux points 339 à 344 de l’arrêt attaqué, n’ont tenu compte de la première amende lorsqu’ils ont infligé la seconde.

    74

    La Commission estime, d’une part, que les arguments de la requérante sont non fondés en ce qu’ils concernent la prétendue violation par le Tribunal du principe ne bis in idem. D’autre part, s’agissant de la prétendue méconnaissance du principe d’imputation, la Commission estime que, à défaut, pour la requérante, d’avoir correctement développé ses arguments ou indiqué l’erreur spécifique que le Tribunal aurait commise à cet égard, lesdits arguments devraient être rejetés comme étant irrecevables.

    – Appréciation de la Cour

    75

    Par la première branche du second moyen du pourvoi, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 344 de l’arrêt attaqué, que le principe ne bis in idem et le principe d’imputation ne s’appliquent pas à une situation dans laquelle plusieurs sanctions sont imposées dans une seule et même décision, même si ces sanctions sont imposées pour les mêmes faits.

    76

    S’agissant, en premier lieu, du principe ne bis in idem, la Cour a jugé que ce principe doit être respecté dans les procédures tendant à l’infliction d’amendes, relevant du droit de la concurrence. Ledit principe interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours. Le même principe vise ainsi à prévenir qu’une entreprise soit « condamnée ou poursuivie une nouvelle fois », ce qui présuppose que cette entreprise ait été condamnée ou déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2019, Powszechny Zakład Ubezpieczeń na Życie, C‑617/17, EU:C:2019:283, points 28 et 29 ainsi que jurisprudence citée).

    77

    Cette interprétation du principe ne bis in idem est confortée par le libellé de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que par la raison d’être de ce principe, cet article visant spécifiquement la répétition d’une procédure ayant abouti à une décision définitive concernant le même élément matériel (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2019, Powszechny Zakład Ubezpieczeń na Życie, C‑617/17, EU:C:2019:283, points 30 et 32).

    78

    Il en découle que, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 319 de l’arrêt attaqué, que le principe ne bis in idem ne s’applique pas en l’espèce, au motif que les sanctions pour la violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 ont été infligées par la même autorité dans une seule et même décision, à savoir la décision litigieuse.

    79

    Ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 106 de ses conclusions, cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par l’argument de la requérante, formulé lors de l’audience, selon lequel la situation ayant donné lieu à l’arrêt du 3 avril 2019, Powszechny Zakład Ubezpieczeń na Życie (C‑617/17, EU:C:2019:283), est différente de celle qui est en cause dans la présente affaire, étant donné qu’il était question, dans ce précédent, de l’infliction, dans le cadre d’une même décision, d’une amende pour la violation du droit national de la concurrence et d’une amende pour la méconnaissance des règles du droit de l’Union relatives à la concurrence.

    80

    En effet, la protection que le principe ne bis in idem vise à offrir contre la répétition des poursuites conduisant à l’infliction d’une condamnation est sans objet dans la situation où, dans une même décision, il est fait application de l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 139/2004, aux fins de sanctionner une violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 3 avril 2019, Powszechny Zakład Ubezpieczeń na Życie, C‑617/17, EU:C:2019:283, point 34).

    81

    En outre, il y a lieu d’écarter les arguments que la requérante tire de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, mentionnée au point 72 du présent arrêt.

    82

    À cet égard, il suffit de relever que, aux points 322 à 328 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a analysé cette jurisprudence et a conclu, à juste titre, que ni la Cour ni le Tribunal ne s’étaient prononcés sur la question de savoir si le principe ne bis in idem s’applique dans une situation dans laquelle plusieurs sanctions sont infligées dans une seule et même décision. Partant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 110 et 111 de ses conclusions, cette jurisprudence n’est pas susceptible de démontrer que le Tribunal a commis une quelconque erreur de droit dans l’interprétation du principe ne bis in idem.

    83

    S’agissant, en second lieu, de l’argument de la requérante, formulé à titre subsidiaire, selon lequel le Tribunal a omis, de manière erronée, d’appliquer le principe d’imputation, il y a lieu de constater que, si, certes, il ressort du pourvoi que, par cet argument, la requérante vise à contester les points 339 à 344 de l’arrêt attaqué, celle-ci n’avance néanmoins aucun élément concret susceptible de démontrer que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, notamment auxdits points, que le principe d’imputation, à supposer qu’il constitue un principe invocable en l’espèce, n’est pas applicable à une situation dans laquelle plusieurs sanctions sont imposées dans une seule et même décision, même si ces sanctions sont imposées pour les mêmes faits.

    84

    Partant, dans la mesure où cette prémisse n’est pas contestée par la requérante, il y a lieu de constater que les arguments visant à faire valoir que ce principe exigeait que le Tribunal constate que la Commission aurait dû prendre en compte la première sanction infligée à la requérante lors de la détermination de la seconde sont inopérants.

    85

    En outre, il y a lieu de relever que, interrogée par la Cour sur ce point lors de l’audience, la requérante a précisé que, en se référant notamment au principe d’imputation, elle entendait tirer argument du caractère disproportionné de ces sanctions. Cet argument est toutefois irrecevable dans la mesure où elle n’a formulé aucun grief à l’égard des points 579 à 631 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal a spécifiquement apprécié le montant de l’amende infligée à la requérante à la lumière du principe de proportionnalité.

    86

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du second moyen doit être écartée dans son intégralité.

    Sur la seconde branche

    – Argumentation des parties

    87

    Par la seconde branche du second moyen du pourvoi, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 362 de l’arrêt attaqué, que la violation alléguée de l’obligation de notification prévue à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 ne constituait pas l’infraction la plus spécifique et n’englobait pas, dès lors, l’infraction plus générale à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement. Ce faisant, il aurait violé le principe régissant le concours d’infractions.

    88

    En premier lieu, la requérante fait valoir que ce principe est reconnu dans le droit international et dans l’ordre juridique des États membres. Il en découlerait que, lorsqu’un acte semble relever de deux dispositions légales, la disposition principalement applicable exclut toutes les autres dispositions, sur la base des principes de subsidiarité, de consommation ou de spécialité. Certains États membres interdiraient également l’infliction de doubles sanctions lorsque celles-ci visent à sanctionner une infraction plus grave et une infraction moindre, qui est incluse dans la première. En outre, la requérante souligne que la jurisprudence constante des juridictions internationales interdit d’infliger une double sanction à une personne lorsque la violation d’une disposition implique la violation d’une autre disposition.

    89

    En deuxième lieu, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 302, 352 et 361 de l’arrêt attaqué, en procédant à une distinction « technocratique » entre les éléments qui définissent l’obligation de notification et ceux qui définissent l’obligation de suspension. Le Tribunal aurait considéré que la violation de la première de ces obligations constituerait une infraction instantanée, tandis que la violation de la seconde constituerait une infraction continue. Or, cette distinction serait dépourvue de pertinence aux fins de l’appréciation du caractère simultané des deux infractions en cause, dans la mesure où celles-ci renverraient au même comportement, à savoir la réalisation d’une concentration, mais à des moments différents, à savoir avant, respectivement, la notification et l’autorisation. En tout état de cause, ladite distinction ne justifierait pas que des sanctions cumulatives soient infligées pour le même comportement.

    90

    En troisième lieu, dans sa requête de pourvoi, la requérante a fait valoir que la violation alléguée de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 constitue l’infraction la plus spécifique et englobe la violation alléguée de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement.

    91

    La requérante considère que l’aptitude de la Commission à infliger des amendes doit correspondre aux différents scénarios visés par les dispositions du règlement no 139/2004. Ainsi, l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement et le pouvoir de la Commission de sanctionner la violation de cet article, au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, concerneraient une situation dans laquelle une concentration a été notifiée, mais réalisée avant qu’elle soit autorisée. En l’absence de notification, réaliser une opération de concentration avant la notification et, partant, nécessairement avant qu’elle soit autorisée constituerait l’infraction la plus spécifique et la plus appropriée, entraînant l’infliction d’une amende au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du même règlement.

    92

    Lors de l’audience devant la Cour, la requérante a néanmoins précisé qu’elle estimait, à l’inverse, que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, en ce qu’il se réfère à la fois à l’obligation de notification et à l’obligation de suspension, englobe l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement.

    93

    Selon la requérante, une violation de l’obligation de notification ne peut être constatée que si l’obligation de suspension est méconnue. À cet égard, au point 306 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait conclu que « le cadre juridique actuel [était] inhabituel, en ce qu’il exist[ait] deux articles dans [le règlement no 139/2004] dont la violation [était] passible d’amendes dans la même échelle de peines, mais pour lesquels une violation du premier entraîn[ait] nécessairement une violation du second ». En outre, la requérante s’appuie, par analogie, sur l’arrêt du 24 mars 2011, IBP et International Building Products France/Commission (T‑384/06, EU:T:2011:113, point 109), dans lequel le Tribunal aurait affirmé, s’agissant de l’infliction d’une amende pour obstruction ou pour la fourniture d’informations inexactes ou dénaturées en réponse à une demande de renseignements, que « l’une des deux qualifications exclut la possibilité de pouvoir retenir simultanément l’autre en ce qui concerne le même comportement ».

    94

    Ainsi, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 356 et 357 de l’arrêt attaqué, il n’existerait pas de risque d’aboutir au résultat « aberrant » décrit à ce point 356, dans l’hypothèse où, comme le fait valoir la requérante, la violation de l’obligation de notification prévue à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 est couverte par l’infraction plus générale prévue à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement.

    95

    Pour la requérante, l’interprétation des dispositions en cause par le Tribunal est conforme au règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1989, L 395, p. 1), lequel a été remplacé par le règlement no 139/2004, et qui exigeait que la concentration soit notifiée dans un délai prescrit. Cette interprétation serait toutefois dénuée de sens dans le cadre du règlement no 139/2004, qui imposerait une simple obligation de notifier l’opération avant de la réaliser, de telle sorte qu’il ne serait plus justifié d’infliger des sanctions cumulatives, au titre de la violation de l’article 4, paragraphe 1, et de celle de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

    96

    La Commission conteste les arguments de la requérante et considère la seconde branche du second moyen du pourvoi comme étant non fondée.

    – Appréciation de la Cour

    97

    Par cette seconde branche, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a violé le principe régissant le concours d’infractions en jugeant, notamment au point 362 de l’arrêt attaqué, que c’est à juste titre que la Commission a sanctionné la requérante à la fois pour violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

    98

    Il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort des points 348 et 349 de l’arrêt attaqué, tout en constatant que, dans le droit de l’Union relatif à la concurrence, il n’existe pas de règles spécifiques concernant le concours d’infractions, le Tribunal a néanmoins examiné les arguments de la requérante, tirés des principes du droit international et des ordres juridiques des États membres. Il a ainsi vérifié le point de savoir si le règlement no 139/2004 contenait, comme le fait valoir la requérante, une « disposition principalement applicable », excluant l’application des autres dispositions de ce règlement.

    99

    À cet égard, premièrement, au point 350 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a confirmé le constat de la Commission, selon lequel le législateur de l’Union n’a pas défini une infraction comme étant plus grave que l’autre, les infractions à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 étant soumises au même plafond, conformément à l’article 14, paragraphe 2, sous a) et b), de ce règlement.

    100

    En procédant à un tel constat le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.

    101

    Aux points 294 et 295 de l’arrêt attaqué, il a relevé à juste titre, dans ses observations liminaires sur la relation entre l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, que, s’il existe un lien entre ces dispositions, en ce qu’une violation de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement entraîne automatiquement une violation de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, l’inverse n’est toutefois pas exact.

    102

    Ainsi, dans la situation où une entreprise notifie une concentration avant sa réalisation, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, il demeure possible que cette entreprise méconnaisse l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, dans l’hypothèse où elle réaliserait cette concentration avant que la Commission ne la déclare compatible avec le marché intérieur.

    103

    Il en découle que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 poursuivent des objectifs autonomes dans le cadre du système de « guichet unique », visé au considérant 8 de ce règlement.

    104

    Comme le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 302 de l’arrêt attaqué, d’une part, l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement prévoit une obligation de faire, consistant dans l’obligation de notifier la concentration avant sa réalisation, et, d’autre part, l’article 7, paragraphe 1, du même règlement prévoit une obligation de ne pas faire, à savoir ne pas réaliser cette concentration avant sa notification et son autorisation.

    105

    Le règlement no 139/2004 prévoit, à son article 14, paragraphe 2, sous a) et b), des amendes distinctes pour la violation de chacune de ces obligations.

    106

    Dès lors, si, comme le fait valoir la requérante, dans le cadre du règlement no 139/2004, il n’est effectivement pas possible d’envisager une violation de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement indépendamment d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement, il demeure que, comme le Tribunal l’a correctement jugé aux points 296 et 297 de l’arrêt attaqué, le même règlement prévoit la possibilité, conformément à son article 14, paragraphe 2, sous a) et b), d’infliger des amendes distinctes, au titre de chacune de ces violations, dans la situation où ces dernières sont commises concomitamment, par la réalisation d’une concentration avant sa notification à la Commission.

    107

    L’interprétation faite par la requérante, selon laquelle, dans une telle situation, la Commission ne peut sanctionner que la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, dans la mesure où cette disposition engloberait l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, ne saurait prospérer.

    108

    En effet, cette interprétation se heurte à l’objectif du règlement no 139/2004, qui vise, ainsi qu’il ressort du considérant 34 de ce dernier, à assurer un contrôle efficace des concentrations qui ont une dimension communautaire en obligeant les entreprises à notifier préalablement leurs concentrations et en prévoyant que la réalisation de celles-ci soit suspendue jusqu’à l’adoption d’une décision finale (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Ernst & Young, C‑633/16, EU:C:2018:371, point 42).

    109

    Or, en privant la Commission de la possibilité d’établir une distinction, au travers des amendes qu’elle inflige, entre les situations envisagées aux points 102 et 106 du présent arrêt, à savoir, d’une part, celle où l’entreprise respecterait l’obligation de notification, mais violerait l’obligation de suspension et, d’autre part, celle où cette entreprise violerait ces deux obligations, ladite interprétation ne permettrait pas d’atteindre cet objectif, dans la mesure où la violation de l’obligation de notification ne pourrait jamais faire l’objet d’une sanction spécifique.

    110

    En outre, la même interprétation reviendrait à priver de tout effet utile l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004, puisque, comme la requérante le reconnaît elle-même, il n’existerait aucune situation, autre que celle envisagée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, dans laquelle cette disposition pourrait s’appliquer. Dans la mesure où l’interprétation de la requérante reviendrait, à cet égard, à remettre en cause la validité de la même disposition, il convient de souligner, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 306 de l’arrêt attaqué, et sans que cela soit contesté par la requérante, que celle-ci n’a soulevé devant le Tribunal aucune exception d’illégalité en ce qui concerne l’article 14, paragraphe 2, sous a), de ce règlement.

    111

    Partant, le Tribunal était fondé à considérer que la Commission pouvait infliger deux amendes distinctes au titre, respectivement, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement.

    112

    Deuxièmement, aux points 351 à 358 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et écarté l’argument de la requérante, selon lequel l’infraction à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 constitue l’infraction la plus spécifique, qui englobe la violation de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement.

    113

    À cette fin, le Tribunal s’est essentiellement fondé sur le constat, figurant au point 352 de l’arrêt attaqué, qu’une infraction à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 est une infraction instantanée, tandis qu’une infraction à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement est une infraction continue, qui trouve son point de départ au moment même où l’infraction à l’article 4, paragraphe, 1, dudit règlement est commise.

    114

    Aux points 353 à 356 de l’arrêt attaqué, il en a déduit que, au vu des délais de prescription différents qui s’appliquent pour la poursuite de ces deux types d’infractions, l’interprétation défendue par la requérante aurait pour conséquence d’avantager une entreprise qui viole tant l’obligation de notification que l’obligation de suspension, par rapport à une entreprise qui ne violerait que l’obligation de suspension.

    115

    Il en ressort que, contrairement aux allégations de la requérante, la distinction constatée, à juste titre, par le Tribunal entre la violation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, qui constitue une infraction instantanée, et la violation de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, qui est une infraction continue, est pertinente pour l’appréciation de la question de savoir si l’une de ces deux infractions doit être qualifiée de « plus spécifique » et, partant, si l’une est susceptible d’englober l’autre.

    116

    Par ailleurs, au vu des considérations figurant aux points 100 à 111 du présent arrêt, l’argument de la requérante selon lequel la même distinction ne permettrait pas à la Commission d’infliger des sanctions cumulatives est, en tout état de cause, non fondé.

    117

    Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait méconnu le principe du concours d’infractions, tel qu’il résulterait du droit international et de l’ordre juridique des États membres, ne saurait non plus être accueilli.

    118

    En effet, à supposer que ce principe soit pertinent dans la présente espèce, comme le Tribunal l’a jugé à bon droit aux points 372 et 373 de l’arrêt attaqué, en l’absence, dans le règlement no 139/2004, d’une disposition qui serait « principalement applicable », ainsi que cela ressort des points 100 à 111 du présent arrêt, cet argument ne saurait prospérer.

    119

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la seconde branche du second moyen du pourvoi doit être écartée comme étant non fondée.

    120

    Aucune des branches soulevées par la requérante à l’appui du second moyen du pourvoi n’ayant été accueillie, il y a lieu d’écarter ce moyen dans son intégralité.

    Sur le moyen nouveau soulevé lors de l’audience

    Argumentation des parties

    121

    Par un moyen nouveau soulevé lors de l’audience, la requérante s’est fondée sur l’article 277 TFUE pour invoquer l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004.

    122

    Elle soutient, à cet égard, que l’article 14, paragraphe 2, sous b), du règlement no 139/2004 constitue la base juridique permettant de sanctionner à la fois la violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, de telle sorte qu’il n’y aurait aucune raison d’appliquer l’article 14, paragraphe 2, sous a), dudit règlement.

    123

    La Commission considère que ce moyen nouveau est irrecevable.

    Appréciation de la Cour

    124

    Par son moyen nouveau, soulevé lors de l’audience, la requérante excipe de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004.

    125

    À cet égard, comme cela a déjà été relevé au point 110 du présent arrêt, il ressort du point 306 de l’arrêt attaqué que, devant le Tribunal, la requérante n’a pas soulevé d’exception d’illégalité en ce qui concerne cette disposition.

    126

    Or, selon la jurisprudence de la Cour, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant le Tribunal (arrêts du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 99, ainsi que du 3 juillet 2014, Electrabel/Commission, C‑84/13 P, non publié, EU:C:2014:2040, point 35 et jurisprudence citée).

    127

    Par conséquent, le moyen nouveau invoqué par la requérante doit être écarté comme étant irrecevable.

    128

    Aucun des moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter ce pourvoi dans son intégralité.

    Sur les dépens

    129

    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

     

    1)

    Le pourvoi est rejeté.

     

    2)

    Mowi ASA est condamnée aux dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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