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Document 62018CC0575

Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 12 mars 2020.
République tchèque contre Commission européenne.
Pourvoi – Ressources propres de l’Union européenne – Responsabilité financière des États membres – Demande de dispense de mise à disposition de ressources propres – Recours en annulation – Recevabilité – Lettre de la Commission européenne – Notion d’“acte attaquable” – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Protection juridictionnelle effective – Recours fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union.
Affaire C-575/18 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:205

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 12 mars 2020 ( 1 )

Affaire C‑575/18 P

République tchèque

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Ressources propres de l’Union européenne – Responsabilité financière des États membres – Constatation de la responsabilité financière de la République tchèque – Perte de certains droits à l’importation – Obligation de verser à la Commission le montant correspondant à ladite perte – Notion d’“acte attaquable” – Droit à un recours effectif »

Introduction

1.

Par son pourvoi, la République tchèque sollicite l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 28 juin 2018, République tchèque/Commission ( 2 ), par laquelle ce dernier a rejeté le recours en annulation qu’elle avait formé à l’égard de la prétendue décision de la Commission européenne qui serait contenue dans la lettre du 20 janvier 2015, émanant du directeur de la direction « Ressources propres et programmation financière » de la direction générale du Budget et portant la référence Ares (2015)217973 (ci‑après la « lettre litigieuse »), au motif de son irrecevabilité.

2.

Ce pourvoi soulève nombre de questions fondamentales quant au fonctionnement du système des ressources propres traditionnelles (RPT) de l’Union, quant au concept de paiement assorti de réserves mais aussi, plus généralement, quant à l’accès des États membres à une protection juridictionnelle effective en cas de litiges portant sur l’étendue de leurs responsabilités financières à l’égard de l’Union.

Le cadre juridique

Le traité FUE

3.

L’article 263, premier alinéa, TFUE dispose :

« La Cour de justice de l’Union européenne contrôle la légalité des actes législatifs, des actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Elle contrôle aussi la légalité des actes des organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. »

La Charte

4.

Aux termes de l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. »

La décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil

5.

D’après le considérant 2 de la décision 2007/436/CE, Euratom du Conseil, du 7 juin 2007, relative au système des ressources propres des Communautés européennes ( 3 ), le système des ressources propres doit « assurer des ressources suffisantes pour le développement ordonné des politiques [de l’Union], sous réserve de la nécessité d’une discipline budgétaire stricte ».

6.

Conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, constituent des ressources propres inscrites au budget général de l’Union européenne les recettes provenant notamment des droits du tarif douanier commun et autres droits établis ou à établir par les institutions de l’Union sur les échanges avec les pays non membres.

7.

L’article 8, paragraphe 1, précise encore que les ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), sont perçues par les États membres. Ceux-ci mettent lesdites ressources à la disposition de la Commission.

Le règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil

8.

Le considérant 21 du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 ( 4 ) dispose qu’une étroite collaboration entre les États membres et la Commission est de nature à faciliter l’application correcte de la réglementation financière relative aux ressources propres.

9.

Au titre de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, un droit de l’Union sur les ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436 est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.

10.

L’article 6, paragraphes 1 et 3, dispose :

« 1.   Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.

[...]

3.   

a)

Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

b)

Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus.

[...] »

11.

Aux termes de l’article 9, paragraphe 1 :

« Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné.

[...] »

12.

Au titre de l’article 10, paragraphe 1, l’inscription des ressources propres visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436 intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 de ce règlement.

13.

L’article 11, paragraphe 1, prévoit que tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’intérêts de retard.

14.

Enfin, aux termes de l’article 17, paragraphes 1 à 4 :

« 1.   Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2.   Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables :

a)

soit pour des raisons de force majeure ;

b)

soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

Les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables par décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement.

Les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables au plus tard après une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le montant a été constaté conformément à l’article 2 ou, en cas de recours administratif ou judiciaire, à compter de la date de la notification ou de la publication de la décision définitive.

En cas de paiement échelonné, la période de cinq ans au maximum court à compter du dernier paiement effectif dans la mesure où celui‑ci ne solde pas la dette.

Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité séparée visée à l’article 6, paragraphe 3, point b). Ils sont mentionnés en annexe au relevé trimestriel visé au paragraphe 4, point b), du même article ainsi que, le cas échéant, dans le relevé trimestriel visé au paragraphe 5 de cet article.

3.   Dans les trois mois suivant la décision administrative mentionnée au paragraphe 2 ou suivant l’échéance visée à ce même paragraphe, les États membres communiquent à la Commission les éléments d’information portant sur les cas d’application dudit paragraphe 2 pour autant que le montant des droits constatés en jeu dépasse 50000 euros.

[...]

Cette communication, qui est faite sur un modèle établi par la Commission après consultation du comité visé à l’article 20, doit permettre à cette dernière d’apprécier les raisons visées au paragraphe 2, points a) et b), qui ont empêché l’État membre concerné de mettre à disposition le montant en cause, ainsi que les mesures prises par ce dernier pour assurer le recouvrement.

4.   La Commission dispose d’un délai de six mois à compter de la réception de la communication visée au paragraphe 3 pour transmettre ses observations à l’État membre concerné.

Lorsque la Commission juge utile de demander des renseignements complémentaires, le délai de six mois court dès réception des informations complémentaires sollicitées. »

Les antécédents du litige

15.

Les antécédents du litige peuvent être résumés comme suit.

16.

Le 30 mai 2008, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a adopté un rapport final à la suite d’une enquête qui portait sur des vérifications relatives à l’importation de briquets de poche avec pierre en provenance du Laos, au cours de la période comprise entre les années 2004 et 2007. Ces briquets étaient en réalité originaires de Chine et auraient dû être frappés d’un droit anti-dumping.

17.

Ce rapport indiquait que « les éléments de preuve de l’origine chinoise établis au cours de la mission d’inspection suffisent pour que les États membres ouvrent une procédure administrative de redressement fiscal ». Selon ledit rapport, il était nécessaire « que les États membres réalisent des audits de suivi et, le cas échéant, des enquêtes sur les importateurs concernés et qu’ils ouvrent, d’urgence, une procédure de recouvrement ».

18.

S’agissant de la République tchèque, les conclusions du rapport de l’OLAF ont mis en lumière 28 cas d’importation de marchandises, qui relevaient de la compétence de trois bureaux de douane différents.

19.

Les bureaux de douane concernés ont pris des mesures afin de procéder au redressement et au recouvrement fiscal dans ces 28 cas.

20.

Cependant, la République tchèque n’a pas été en mesure d’assurer le redressement dans le délai imparti dans l’entièreté de ces 28 cas.

21.

Entre les mois de novembre 2013 et novembre 2014, la République tchèque a consigné dans le système WOMIS ( 5 ) 28 cas d’impossibilité de recouvrement de ressources propres.

22.

En juillet et en décembre 2014, cet État membre a communiqué des informations complémentaires à la Commission, à la demande de cette dernière, par l’intermédiaire du système WOMIS.

23.

Par la lettre litigieuse, le directeur de la direction « Ressources propres et programmation financière » de la direction générale du Budget de la Commission a informé les autorités tchèques que les conditions de dispense de l’obligation de mise à disposition des ressources propres, prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, n’étaient remplies dans aucun des cas susmentionnés. Il a invité lesdites autorités tchèques à prendre les mesures nécessaires pour créditer le compte de la Commission à hauteur de 53976340 couronnes tchèques (CZK) (environ 2112708 euros), au plus tard le premier jour ouvrable suivant le dix-neuvième jour du deuxième mois suivant le mois durant lequel ladite lettre a été envoyée. Le directeur susvisé a ajouté que tout retard donnerait lieu au paiement d’intérêts de retard au titre de l’article 11 du règlement no 1150/2000.

24.

À la date du 17 mars 2015, la République tchèque a versé le montant litigieux sur le compte de la Commission, tout en réitérant ses réserves quant à la thèse défendue par celle‑ci dans la lettre litigieuse.

La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

25.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mars 2015, la République tchèque a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre litigieuse.

26.

Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 11 juin 2015, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au motif que la lettre litigieuse ne constituait pas une décision susceptible de recours en annulation. La République tchèque a présenté ses observations sur cette exception.

27.

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2015, la République slovaque a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République tchèque.

28.

Par décision du 22 décembre 2015, après avoir recueilli les observations des parties principales, le Tribunal a suspendu la procédure devant lui en l’attente du prononcé des arrêts Slovaquie/Commission ( 6 ) et Roumanie/Commission ( 7 ). La procédure a repris son cours à la suite du prononcé de ces arrêts et les parties principales ont été invitées à se prononcer sur les conséquences qu’il convenait d’en tirer.

29.

Par son ordonnance attaquée, le Tribunal a accueilli l’exception d’irrecevabilité de la Commission au motif, exposé aux points 64 et 87 de ladite ordonnance, que la lettre litigieuse ne constituait qu’une simple manifestation d’opinion écrite à visée informative, complétée d’une invitation à mettre à disposition des ressources propres, de sorte qu’elle ne saurait faire l’objet d’un recours en annulation.

30.

Cette qualification découle d’une analyse, d’une part, du contexte de l’adoption de la lettre litigieuse et des pouvoirs de la Commission dans le domaine des ressources propres de l’Union et, d’autre part, du contenu de cette lettre.

31.

En premier lieu, le Tribunal a jugé en substance que, en vertu de la décision 2007/436, ainsi que du règlement no 1150/2000, il incombait directement aux États membres de constater et de mettre à disposition les ressources propres (points 37 à 43 de l’ordonnance attaquée), sans que ces actes prévoient de procédure spécifique à l’issue de laquelle la Commission serait amenée à adopter une décision relative à l’obligation de mise à disposition (point 47 de ladite ordonnance). En particulier, s’agissant de la dispense exceptionnelle de cette obligation prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000, la Commission pourrait seulement émettre, en vertu du paragraphe 4 de cet article, ses observations sur les raisons qui ont empêché un État membre de mettre à disposition un montant déclaré irrécouvrable par décision de l’autorité administrative nationale compétente et sur les mesures prises par cet État membre pour assurer le recouvrement. Ces observations seraient dépourvues de valeur contraignante et, partant, d’effets de droit obligatoires (points 44 à 49 de ladite ordonnance).

32.

En outre, aux points 51 à 55 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a ajouté, en substance, que d’éventuels différends entre un État membre et la Commission au sujet de la constatation et de la mise à disposition de ressources propres relevaient de la procédure en manquement.

33.

En second lieu, le Tribunal a estimé, au point 59 de l’ordonnance attaquée, qu’il ressort du contenu de la lettre litigieuse que la Commission a, pour l’essentiel, exposé à la République tchèque ses observations, conformément à l’article 17, paragraphe 4, du règlement no 1150/2000, quant à la demande de cette dernière d’être dispensée de l’obligation de mettre à disposition le montant litigieux et que cette institution a invité cet État membre à mettre à disposition ce montant. Dans la mesure où cette lettre faisait mention d’un délai pour la mise à disposition dudit montant, le Tribunal a relevé, aux points 62 et 63 de cette ordonnance, que, eu égard au contenu global de ladite lettre, la mention d’un tel délai ne permettait pas de considérer que la Commission entendait adopter un acte produisant des effets de droit obligatoires et que, par cette mention, la lettre litigieuse reprenait le libellé des articles 10 et 11 de ce règlement.

34.

Enfin, le Tribunal a écarté les différents arguments soulevés par la République tchèque. En particulier, s’agissant d’un argument pris du droit à une protection juridictionnelle effective, il a relevé ce qui suit, aux points 81 à 84 de l’ordonnance attaquée :

« 81. […] d’une part, bien que la condition relative aux effets de droit obligatoires doive être interprétée à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective tel que garanti à l’article 47, premier alinéa, de la [Charte], il suffit de rappeler que ce droit n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union, ainsi qu’il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de cette [Charte], être prises en considération pour l’interprétation de celle‑ci. Partant, l’interprétation de la notion d’“acte attaquable” à la lumière dudit article 47 ne saurait aboutir à écarter cette condition sans excéder les compétences attribuées par le traité aux juridictions de l’Union (arrêts [Slovaquie/Commission], point 66, et du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 68).

82. En outre, il était, à la réception de la lettre [litigieuse], loisible à la République tchèque de ne pas donner suite à la lettre [litigieuse], dans l’attente de l’introduction éventuelle, par la Commission, d’un recours en manquement.

83. Certes, il résulte de l’économie de l’article 258 TFUE que la Commission n’est pas tenue de former un tel recours, le pouvoir d’appréciation dont elle dispose quant à l’opportunité de saisir la Cour d’un recours en manquement excluant le droit pour quiconque d’exiger d’elle qu’elle prenne position dans un sens déterminé (voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission, T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, point 55 et jurisprudence citée).

84. Il aurait cependant également été loisible à la République tchèque de procéder à une mise à disposition conditionnelle [du montant] en cause, tout en formulant des réserves quant au bien‑fondé de la thèse défendue par cette institution, la Cour ayant mentionné à plusieurs reprises cette possibilité (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C‑96/89, EU:C:1991:213, point 17 ; du 12 septembre 2000, Commission/Royaume-Uni, C‑359/97, EU:C:2000:426, point 31, et ordonnance du 4 octobre 2007, Finlande/Commission, C‑457/06 P, non publiée, EU:C:2007:582, point 39). »

35.

Par conséquent, le Tribunal a rejeté le recours en annulation de la République tchèque comme étant irrecevable, sans se prononcer sur la demande en intervention de la République slovaque.

Conclusions des parties au pourvoi et procédure devant la Cour

36.

Aux termes de son pourvoi, formé en date du 13 septembre 2018, la République tchèque conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

annuler l’ordonnance attaquée ;

rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission ;

renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur le bien‑fondé du recours ;

condamner la Commission aux dépens.

37.

La Commission invite pour sa part la Cour à :

rejeter le pourvoi ;

condamner la République tchèque aux dépens.

38.

Le Royaume des Pays‑Bas est intervenu au soutien des conclusions de la République tchèque.

39.

Les parties au pourvoi ont présenté leurs arguments respectifs au cours de l’audience du 11 novembre 2019.

Analyse

40.

À l’appui de son pourvoi, la partie requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 263 TFUE, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte. Avant d’examiner l’argumentation des parties, il me semble utile de rappeler les principes légaux et jurisprudentiels qui régissent les RPT et, en particulier, leur mise à disposition.

Le régime des RPT

41.

Les RPT (y compris les droits de douane) ont vocation à financer les politiques de l’Union. L’Union ne disposant pas d’un corps d’agents habilités à percevoir ces ressources, la collecte et la gestion de celles‑ci incombe aux États membres, qui se voient imposer plusieurs obligations à cet égard (conformément au règlement no 1150/2000, s’agissant de la période pertinente en l’espèce) ( 8 ).

42.

Les ressources propres sont dues dès qu’elles sont constatées. Il convient de noter que les États membres sont tenus de constater un droit sur les ressources propres « dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable » (voir article 2, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000) ( 9 ).

43.

Les États membres ne jouissent d’aucune marge d’appréciation à cet égard. En effet, selon la jurisprudence constante de la Cour, les États membres ne peuvent pas se dispenser de constater les créances, même s’ils les contestent, « sous peine d’admettre que l’équilibre financier de l’Union soit bouleversé » par le comportement d’un État membre ( 10 ). Il s’ensuit que toute contestation (éventuelle) ne pourra être soulevée qu’a posteriori.

44.

Une fois cette constatation effectuée, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès du Trésor public ou de l’organisme que cet État a désigné. Chaque État membre agit, en quelque sorte, en qualité de banquier et de dépositaire des ressources en cause, avec l’obligation de mettre celles‑ci à la disposition de la Commission dans leur intégralité, peu importe que celles‑ci aient fait l’objet (ou non) d’un recouvrement ( 11 ). Ainsi, les États membres ne peuvent échapper à leur obligation de mise à disposition que dans les cas énoncés à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000 – à savoir lorsque les montants correspondant aux droits constatés s’avèrent irrécouvrables, soit pour des raisons de force majeure soit pour d’autres raisons qui ne sont pas imputables aux États concernés.

45.

Ce mécanisme strict se justifie par la nécessité d’assurer la mise à disposition « rapide et efficace » des ressources propres de l’Union ( 12 ). Il vise notamment à responsabiliser les États membres.

46.

C’est aussi pour ce motif que la violation des obligations mises en lumière ci‑dessus entraîne l’imposition d’intérêts de retard élevés, en vertu de l’article 11 du règlement no 1150/2000. À cet égard, d’après la Cour, il existe « un lien indissociable » entre l’obligation de constater les ressources propres, celle de les inscrire au compte de la Commission dans les délais impartis et celle de verser des intérêts de retard ( 13 ).

47.

Dans ce contexte, la Commission est chargée de veiller à ce que les États membres s’acquittent de leurs obligations. Elle est habilitée à engager une procédure d’infraction conformément à l’article 258 TFUE, lorsqu’un État membre manque auxdites obligations.

48.

En cas de contestation quant à l’existence de RPT ou au montant dû par un État membre, celui‑ci peut échapper à la sanction des intérêts de retard « en mettant à la disposition de la Commission les montants réclamés, tout en formulant des réserves quant au bien‑fondé de la thèse défendue par cette institution » ( 14 ).

49.

Cependant, la Cour n’a pas défini les modalités d’un tel paiement assorti de réserves. Elle ne s’est pas davantage prononcée sur le point de savoir si un tel paiement peut – en définitive – être tenu pour « parfait » sur le plan juridique ou si l’État membre concerné demeure en défaut au regard de ses obligations.

50.

La Cour a seulement noté que si la Commission ne peut refuser à un État membre le bénéfice d’un paiement assorti de réserves, le régime des RPT s’oppose à la possibilité (pour la Commission) de négocier les conditions et les modalités d’un tel paiement ( 15 ).

51.

Cette situation résulte d’une particularité du régime des RPT : la Commission ne jouit d’aucun pouvoir décisionnel au titre du règlement no 1150/2000.

52.

En effet, si la Commission est tenue de formuler des observations au titre de l’article 17, paragraphe 4, du règlement no 1150/2000, sur le point de savoir si un État membre peut être dispensé de son obligation de mise à disposition, elle n’est pas appelée à adopter une décision à cet égard. De même, les États membres conservent la maîtrise des comptes qu’ils tiennent au nom de la Commission et peuvent même en retirer les montants litigieux ( 16 ), au risque de devoir faire face, le cas échéant, à une procédure d’infraction et au paiement des intérêts de retard susvisés.

53.

Il ne s’agit pas d’un oubli de la part du législateur : celui‑ci a fait le choix délibéré de ne pas conférer un tel pouvoir à la Commission. En effet, dans une proposition de modification du règlement no 1150/2000 datant de 2003, le nouvel article 17, paragraphe 4, prévoyait l’adoption d’une « décision motivée de la Commission » en cas de désaccord sur le point de savoir si un non‑recouvrement définitif résultait de raisons de force majeure ou d’autres raisons non imputables à l’État membre mis en cause ( 17 ). Le Conseil a rejeté cette proposition. Les États membres ont préféré préserver leurs prérogatives et ont refusé à la Commission tout pouvoir décisionnel quant aux montants à verser.

54.

Cependant, cette absence de pouvoir décisionnel ne remet pas en cause le rôle de la Commission en qualité de gardienne des traités ni son habilitation à formuler des avis juridiques sur les obligations incombant aux États membres en vertu du règlement no 1150/2000.

55.

Dans ce cadre, ainsi que la doctrine l’a relevé, la Commission est (parfois) amenée à adresser aux États membres récalcitrants des lettres à la teneur comminatoire ( 18 ).

56.

La Cour a déjà constaté que de telles lettres ne constituaient pas des « actes attaquables » au titre de l’article 263 TFUE ( 19 ), de sorte que les États membres qui souhaitent contester l’analyse de la Commission sont confrontés à un dilemme cornélien : soit ils refusent de mettre à la disposition de la Commission les montants réclamés, encourant ainsi le risque de devoir s’acquitter d’intérêts de retard très élevés ; soit, afin de se prémunir de ce risque, ils effectuent un versement assorti de réserves, sans avoir toutefois la certitude que la Commission initiera la procédure d’infraction permettant de faire trancher le litige au fond par la Cour ( 20 ).

57.

Le pourvoi dont la Cour est saisie en l’espèce est symptomatique de cette situation juridique presque kafkaïenne. La République tchèque a voulu remettre en cause l’analyse formulée par la Commission dans la lettre litigieuse. Pour y parvenir, elle a procédé à un paiement assorti de réserves et elle a engagé un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE. Le Tribunal a refusé de faire droit à ce recours, au motif que la lettre litigieuse ne constituait pas un acte attaquable. La Commission a, pour sa part, estimé qu’il n’y avait pas de manquement dans la mesure où le paiement réclamé avait été effectué – les réserves formulées étant, semble-t-il, dénuées d’effet juridique à ses yeux ( 21 ).

58.

C’est à la lumière de ce contexte juridique particulier que je vais m’atteler à présent à analyser le moyen unique soulevé par la requérante à l’appui de son pourvoi et les arguments invoqués par les autres parties au pourvoi.

Argumentation des parties

59.

Par son moyen unique, tiré de la violation de l’article 263 TFUE, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, la République tchèque fait valoir – en substance – qu’elle ne dispose d’aucune voie de recours effective afin de porter devant le juge de l’Union le litige l’opposant à la Commission quant à l’existence (ou l’absence) d’une obligation de mise à disposition de RPT, contrairement à ce que le Tribunal a indiqué aux points 81 et suivants de l’ordonnance attaquée.

60.

À titre liminaire, la République tchèque souligne que, lorsque la Commission invite un État membre à mettre à sa disposition un montant de ressources propres par l’intermédiaire d’un document tel que la lettre litigieuse, cet État membre est – de facto – obligé de verser dans le délai imparti le montant réclamé, en dépit des réserves qu’il formule à l’égard de la thèse de la Commission. En effet, à défaut d’un tel versement, cet État membre risquerait de devoir verser des intérêts de retard élevés en cas de constatation de manquement à son obligation de mise à disposition. Le montant de ces intérêts dépendrait, en pratique, de la date à laquelle la Commission entame la procédure en manquement et de la durée de cette procédure, et serait dès lors hors du contrôle de l’État membre concerné.

61.

Or, premièrement, eu égard au pouvoir discrétionnaire dont jouit la Commission quant à l’ouverture d’une procédure en manquement ( 22 ) et à l’absence de condition de délai à cet effet, un État membre n’aurait aucune certitude de voir le différend examiné au fond par la Cour. Dans la mesure où l’accès au juge dépendrait, à ce titre, du bon vouloir de la Commission, le droit à une protection juridictionnelle effective ne serait pas garanti ( 23 ).

62.

Il n’en irait autrement que si, à la suite d’un paiement assorti de réserves effectué par l’État membre en cause, la Commission était tenue d’ouvrir une procédure en manquement à l’égard dudit État membre. En l’état actuel des choses ( 24 ), une telle obligation ne ressortirait toutefois ni de l’ordonnance attaquée ni de la jurisprudence de la Cour en matière de paiement assorti de réserves. Cette jurisprudence manquerait, de surcroît, de précision quant aux conditions, ainsi qu’aux effets d’un tel paiement, générerait un état d’insécurité juridique et compromettrait le droit à une protection juridictionnelle effective.

63.

Deuxièmement, la République tchèque fait valoir que la pratique actuelle de la Commission révèle que celle‑ci ne s’estime pas obligée de former un recours en manquement en cas de paiement avec réserves ( 25 ).

64.

Troisièmement, la République tchèque juge que les insuffisances de la protection juridictionnelle d’un État membre (en cas de paiement assorti de réserves), telles qu’elles ressortent des arguments présentés ci‑dessus, constituent un élément de « contexte factuel et juridique » de l’émission de la lettre litigieuse, lequel forme un critère pertinent pour apprécier la nature attaquable de cette lettre ( 26 ). Or, au vu de ce contexte, il conviendrait d’interpréter les notions d’« effets de droit obligatoires » et d’« acte attaquable » d’une manière différente de celle retenue par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée, aux fins de garantir le droit à une protection juridictionnelle effective.

65.

La République tchèque précise avoir réitéré ses réserves (quant à son obligation de mettre le montant litigieux à disposition) et demandé à la Commission de lui restituer ledit montant ou d’ouvrir une procédure en manquement, sans succès.

66.

Le Royaume des Pays‑Bas, intervenu au soutien des conclusions de la République tchèque, affirme que la lettre litigieuse était destinée à produire des effets de droit, notamment dans la mesure où elle a fixé, de manière autonome, la date à partir de laquelle les intérêts de retard sont dus.

67.

La Commission conteste le bien‑fondé du moyen unique.

68.

De prime abord, elle souligne que la République tchèque ne remet nullement en cause l’interprétation (exposée notamment aux points 42 et 47 de l’ordonnance attaquée) de la décision 2007/436 et du règlement no 1150/2000, selon laquelle il incombe aux États membres de constater les ressources propres de l’Union et selon laquelle ces instruments ne prévoient aucune procédure spécifique permettant à la Commission d’adopter une décision quant à l’obligation de mise à disposition des RPT. À ce titre, la Commission s’estime dénuée de tout pouvoir décisionnel.

69.

En l’absence, d’ailleurs non contestée par la République tchèque, d’une telle compétence reconnue à la Commission, celle‑ci est habilitée à communiquer à l’État membre concerné son avis sur la qualification de certaines sommes comme RPT appartenant à l’Union. Cependant, un tel avis étant dénué d’effets juridiques, il ne saurait être susceptible de recours en annulation.

70.

Selon la Commission, les arguments que la République tchèque tire du droit à une protection juridictionnelle effective du fait du risque financier corrélé aux intérêts de retard ne devraient pas conduire à une conclusion différente. La Commission juge en effet que des arguments analogues ont déjà été rejetés dans l’arrêt Slovaquie/Commission.

71.

À cet égard, la Commission ajoute, dans ses observations sur le mémoire en intervention du Royaume des Pays‑Bas, que ce dernier État membre n’a avancé aucun argument justifiant de distinguer la présente affaire de celles ayant donné lieu à l’arrêt Slovaquie/Commission. Au demeurant, l’obligation de payer des intérêts de retard serait la simple conséquence nécessaire du manquement de l’État membre concerné à son obligation, qui lui incomberait en vertu de la réglementation relative au système des RPT, de mettre lesdites ressources à la disposition de la Commission en temps voulu (et ce quand bien même il contesterait son obligation de verser les montants en cause).

72.

La Commission relève par ailleurs que, au regard de l’état actuel du système des RPT, un différend l’opposant à un État membre au sujet de l’obligation de celui‑ci de constater et de mettre à disposition lesdites ressources ne pourrait être résolu que par un seul moyen : la procédure en manquement. Elle renvoie, à cet égard, aux points 51 et 53 à 55 de l’ordonnance attaquée, auxquels le Tribunal a souligné la compétence exclusive de la Cour quant à la détermination des obligations des États membres en la matière.

73.

Dans ses réponses aux questions de la Cour, la Commission a aussi précisé que, en dépit des réserves dont il est assorti, le paiement effectué par la République tchèque est juridiquement parfait et que ces réserves ne forment pas un manquement à la législation sur les RPT ( 27 ). D’après la Commission, la formulation unilatérale de réserves par l’État membre mis en cause ne saurait modifier le statut juridique de fonds qui doivent être inconditionnellement mis à sa disposition, en vertu de la législation sur les RPT. A contrario, la stabilité financière et la notation de l’Union risqueraient d’être gravement perturbées.

74.

En outre, la Commission note encore que, si un État membre est convaincu du bien‑fondé de sa position et désire récupérer les fonds mis à disposition, il lui est loisible d’opérer (unilatéralement) une correction dans la comptabilité qu’il tient, sans qu’il soit nécessaire de prévoir des mécanismes de protection judiciaire à cet effet. En procédant de la sorte, l’État membre s’exposerait cependant à une procédure en manquement, avec le risque de devoir s’acquitter in fine des intérêts de retard prévus par la législation sur les RPT. Ces intérêts de retard seraient, en quelque sorte, le prix à payer par l’État membre qui agirait à l’encontre de l’avis de la Commission, « à ses risques et périls » ( 28 ). Si la Commission tardait à agir en manquement, augmentant ainsi le montant des intérêts dus, le juge de l’Union serait habilité à réduire la charge pesant sur l’État membre mis en cause à ce titre.

Appréciation

75.

À mon sens, il convient de procéder à une appréciation en deux étapes successives.

76.

Dans un premier temps, j’examinerai la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant à l’irrecevabilité du recours en annulation engagé par la partie requérante à l’encontre de la lettre litigieuse, faute d’un acte attaquable. Ainsi que je l’expliquerai ci‑dessous, la position retenue par le Tribunal me semble exacte sur le plan juridique. Néanmoins, il est également indéniable qu’en l’état, le régime des RPT comporte une lacune, en ce sens qu’il ne permet pas à un État membre de contester utilement la position retenue par la Commission sans prendre le risque de se mettre « hors la loi » et de se voir infliger le paiement d’intérêts de retard très élevés.

77.

C’est pour ce motif que, dans un second temps, j’examinerai des solutions alternatives permettant d’offrir aux États membres un recours juridictionnel effectif en cas de litige portant sur l’obligation de mise à disposition de RPT.

Première étape : l’absence d’acte attaquable en l’espèce

78.

Selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des « actes attaquables » au sens de l’article 263 TFUE « toutes dispositions adoptées par les institutions de l’Union, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires » ( 29 ).

79.

Pour déterminer si un acte attaqué produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance ( 30 ). Ces effets doivent être appréciés en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier, ainsi que des pouvoirs de l’institution auteur ( 31 ).

80.

J’observe, à cet égard, que le Tribunal s’est livré à une analyse détaillée et rigoureuse du contexte de l’envoi de la lettre litigieuse, ainsi que des pouvoirs de la Commission en matière de RPT, aux points 36 à 56 de l’ordonnance attaquée. Le Tribunal a estimé que la Commission n’est pas habilitée à adopter une décision susceptible de produire des effets de droit obligatoires et que la lettre litigieuse doit être considérée comme ayant une valeur informative et comme une simple invitation.

81.

Eu égard au cadre légal et jurisprudentiel exposé précédemment (je me réfère aux points 41 à 58 des présentes conclusions), l’analyse du Tribunal se révèle être exacte.

82.

Ce constat semble partagé par les parties au pourvoi. J’observe, à toutes fins utiles, que lors de l’audience, la République tchèque n’a pas été en mesure d’établir quelle serait précisément la base juridique de la décision prétendument adoptée par la Commission en l’espèce : en effet, comme je l’ai rappelé, aucun article du règlement no 1150/2000 ne confère un quelconque pouvoir décisionnel à la Commission.

83.

S’agissant du contenu de la lettre litigieuse, la partie requérante demeure également en défaut d’établir en quoi l’analyse effectuée par le Tribunal aux points 57 à 64 de l’ordonnance attaquée serait erronée ( 32 ).

84.

S’agissant de l’argument du Royaume des Pays‑Bas selon lequel la lettre litigieuse produirait des effets de droit car elle ferait courir les intérêts de retard à une date différente de celle prévue à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, je relève qu’un tel argument a déjà été écarté par la Cour comme étant insuffisant afin de conférer de tels effets à une lettre de cette nature ( 33 ).

85.

Eu égard aux développements qui précèdent, seule reste posée la question de l’accès à une protection juridictionnelle effective, au titre de l’article 47 de la Charte.

86.

La République tchèque invite en quelque sorte la Cour à redéfinir la notion d’« acte attaquable » afin de l’étendre à des documents tels que la lettre litigieuse, et ce dans l’unique but d’ouvrir une voie de recours aux États membres en cas de litige en matière de mise à disposition de RPT.

87.

Le Tribunal a rappelé, à très juste titre, que le droit à un recours effectif consacré par ledit article 47 de la Charte n’a pas « pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités » ( 34 ). À ce titre, la réinterprétation (proposée par la République tchèque) de la notion d’« acte attaquable » à la lumière de cet article ne saurait prospérer, car elle aboutirait à écarter une condition de recevabilité, d’une manière qui excéderait les compétences attribuées par les traités au juge de l’Union.

88.

De plus, si l’imperfection du système des RPT peut difficilement être niée, comme je l’ai déjà relevé ( 35 ), je doute cependant que le recours en annulation soit la solution la plus appropriée en vue de remédier aux lacunes que j’ai identifiées.

89.

En effet, la thèse défendue par la requérante impliquerait que la Commission s’arroge un pouvoir décisionnel pour établir les obligations des États membres en matière de RPT. Comme je l’ai relevé à plusieurs reprises, eu égard à la répartition des compétences en matière de RPT, il est incontestable que la Commission ne dispose pas d’un tel pouvoir et, du reste, celle‑ci n’a jamais prétendu exercer un tel pouvoir.

90.

Si la Commission s’était arrogé un tel pouvoir et avait réellement adopté un acte produisant des effets juridiques (quod non), alors celui‑ci serait susceptible d’annulation, faute de fondement juridique.

91.

Cependant – à supposer que l’on fasse droit à cette thèse – il n’en demeure pas moins que le contentieux de l’annulation ne permettrait pas d’aboutir à une réformation de la prétendue décision de la Commission. Le Tribunal serait amené à l’annuler pour défaut de compétence – sans pouvoir cependant substituer son appréciation à celle de la Commission et, donc, sans être en mesure de résoudre le vrai problème, à savoir la détermination des obligations de l’État membre concerné au titre des RPT.

92.

À mon sens, il s’agit donc, et en toute hypothèse, d’une voie sans issue.

93.

À ce titre, le moyen unique soulevé par la République tchèque est inopérant et le pourvoi doit être rejeté pour défaut de fondement, dans la mesure où c’est à juste titre que le Tribunal a conclu à l’irrecevabilité du recours en annulation, faute d’acte attaquable.

Seconde étape : examen des solutions alternatives

94.

Quelles autres solutions convient-il d’envisager, à défaut, pour la République tchèque, de pouvoir agir en annulation ?

95.

La Commission se fait l’avocate du statu quo. D’après celle‑ci, il n’est en rien anormal qu’un État membre en désaccord avec son analyse n’ait d’autre choix que de se mettre « hors la loi » et de courir le risque de se voir infliger des intérêts de retard considérables, en contrepartie de l’espoir (et non de la certitude) d’aboutir à un examen de la situation par la Cour, à la faveur d’un recours en manquement. De même, d’après la Commission, les réserves énoncées par un État membre lorsque celui‑ci procède à la mise à disposition d’un montant litigieux au titre des RPT seraient (de facto) dénuées de toute conséquence juridique : le paiement serait juridiquement parfait, de telle sorte qu’une procédure d’infraction ne saurait se justifier en de telles circonstances. Tout au plus admet-elle que la formulation de réserves pourrait justifier, au titre du principe de coopération loyale, une obligation (à sa charge) d’engager un « dialogue constructif » avec l’État membre concerné, visant à rapprocher les points de vue : à la suite d’un tel dialogue, après avoir été dûment éclairé par la sagesse de la Commission, cet État membre pourrait se résoudre à admettre le bien‑fondé de l’analyse de cette dernière ou à retirer les fonds préalablement mis à la disposition de celle‑ci – s’exposant ainsi (derechef) au risque de devoir payer des intérêts de retard élevés en cas d’arrêt de la Cour constatant le manquement à l’obligation de mise à disposition des RPT.

96.

Je ne partage pas cette analyse, qui me paraît circulaire et inapte à apporter une réponse satisfaisante à la problématique de l’accès à une protection juridictionnelle effective ( 36 ).

97.

À mon sens, à titre liminaire, il convient de clarifier le concept de paiement assorti de réserves. À ce jour, comme je l’ai exposé aux points 48 à 50 des présentes conclusions, la Cour n’a pas développé ledit concept et n’en a pas défini les contours juridiques.

98.

La lecture défendue par la Commission prive lesdites réserves de toute signification et de toute portée concrètes. Selon moi, il convient au contraire de considérer qu’un paiement assorti de réserves ne peut pas être tenu pour juridiquement parfait et implique donc un manquement. La Cour a admis ce procédé pour permettre aux États membres d’éviter des conséquences financières préjudiciables (liées aux intérêts de retard imposés par la législation sur les RPT), tout en exprimant formellement un désaccord sur le statut juridique des fonds concernés ( 37 ). Un paiement assorti de réserves implique que la créance sous‑jacente reste litigieuse. La Commission ne peut pas tenir un tel paiement pour (définitivement) acquis.

99.

Si les fonds concernés ont été effectivement mis à la disposition de la Commission et si celle‑ci peut en faire usage, il n’en demeure pas moins que les réserves exprimées par l’État membre ne peuvent pas être ignorées et nécessitent une clarification définitive. Il me semble que la procédure d’infraction, permettant un échange de vues constructif entre la Commission et l’État membre en cause (à tout le moins au cours de la phase précontentieuse), peut constituer un forum approprié à cette fin.

100.

La question suivante se pose : la Commission peut-elle être tenue d’engager une procédure d’infraction dans un tel cas de figure ?

101.

Deux obstacles jurisprudentiels devraient être surmontés avant de parvenir à une telle conclusion.

102.

D’une part, ainsi que la Cour l’a rappelé à de multiples reprises, la Commission, eu égard à son rôle de gardienne des traités, est seule compétente pour décider s’il est opportun d’engager une procédure en constatation de manquement. Elle est également seule compétente pour décider s’il est opportun de poursuivre la procédure précontentieuse par l’envoi d’un avis motivé tout comme elle a la faculté, mais non l’obligation, au terme de cette procédure, de saisir la Cour en vue de faire constater par cette dernière le manquement présumé ( 38 ). Ce pouvoir totalement discrétionnaire ne souffre (a priori) aucune exception ( 39 ). En matière de RPT, le Tribunal a déjà estimé que le pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission quant à l’opportunité de saisir la Cour d’un recours en manquement exclut le droit pour quiconque d’exiger d’elle qu’elle prenne position dans un sens déterminé ( 40 ).

103.

D’autre part, comme je l’ai noté au point 50 ci‑dessus, la Cour a déjà jugé que le régime des RPT « s’oppose à la possibilité de négocier les conditions et les modalités de paiement » ( 41 ). La Cour a précisé, par la même occasion, que les principes de coopération loyale et de sécurité juridique ne sont pas de nature à conférer à l’État membre mis en cause le droit à ce que des négociations soient engagées, notamment en vue de l’introduction d’un recours en manquement dirigé contre lui ( 42 ).

104.

En résumé, selon cette jurisprudence, la Commission dispose donc d’un pouvoir de nature discrétionnaire et l’État membre mis en cause peut certes exprimer des réserves, mais il n’a pas le droit d’exiger de la Commission que celle‑ci introduise une procédure d’infraction, ni de subordonner son paiement à l’introduction d’une telle procédure ( 43 ).

105.

Pour surmonter ces deux obstacles jurisprudentiels, la Cour devra donc constater – à titre purement exceptionnel – une obligation, pour la Commission, d’engager une procédure d’infraction en cas de paiement assorti de réserves. Cette obligation sera strictement limitée à la matière des ressources propres ( 44 ).

106.

Cette obligation d’agir se justifie pour deux raisons.

107.

En premier lieu, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, TUE, la Commission « veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux‑ci ». Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour. À ce titre, la Commission est tenue de veiller à la bonne application du règlement no 1150/2000 ( 45 ). Dans ce cadre, elle se doit de suivre et de contrôler la mise à disposition correcte des RPT par les États membres. Ainsi que je l’ai exposé ci‑dessus, un paiement assorti de réserves ne peut guère être tenu pour parfait et nécessite une clarification qu’il incombera à la Cour d’effectuer, en définitive ( 46 ).

108.

En second lieu, une telle obligation se justifie aussi à la lumière du principe de coopération loyale consacré par l’article 4, paragraphe 3, TUE, et reflété dans le considérant 21 du règlement no 1150/2000 ( 47 ), lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, qui consacre le droit à un recours effectif. En effet, en l’absence d’une telle obligation incombant à la Commission et compte tenu de la pratique actuelle de celle‑ci, qui consiste à considérer un paiement assorti de réserves comme« parfait », le litige entre la Commission et l’État membre concerné quant au bien‑fondé de l’obligation de mise à disposition des RPT persisterait ( 48 ) et ne serait jamais tranché par le juge. L’État membre concerné ne serait pas en mesure de faire juger la conformité de son comportement au prescrit de la législation en matière de RPT par l’organe compétent à cette fin, à savoir la Cour ( 49 ).

109.

À supposer que la Cour refuse de constater l’existence d’une telle obligation incombant à la Commission, quelle autre solution pourrait-on envisager aux fins de permettre à la République tchèque de soumettre ce litige à l’appréciation du juge de l’Union et d’obtenir, le cas échéant, la restitution du montant litigieux ?

110.

D’après moi, un recours indemnitaire pourrait aussi permettre de faire trancher ledit litige par le Tribunal ( 50 ), de sorte que l’État membre mis en cause puisse récupérer le montant litigieux de façon légale et ordonnée.

111.

En effet, le système des RPT repose sur l’idée que ces ressources appartiennent en propre à l’Union dès leur constatation. En principe, les États membres sont simplement appelés à jouer le rôle de percepteurs de ces ressources et ils n’ont pas vocation à s’appauvrir à l’occasion de la collecte et de la gestion de celles‑ci. Il en est autrement lorsque de telles ressources se révèlent irrécouvrables, sans que l’État membre concerné puisse exciper de la force majeure ou d’autres raisons qui ne lui sont pas imputables : dans un tel cas de figure, l’État membre devra procéder à la mise à disposition de ces ressources sur ses propres deniers.

112.

En cas de litige à cet égard et pour peu qu’il procède au paiement tout en formulant des réserves, cet État membre ne pourra pas récupérer le montant litigieux sans s’exposer aux risques financiers précédemment mis en lumière.

113.

Dans ce contexte, deux pistes de nature indemnitaire doivent être examinées, conformément à l’article 268 et à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE ( 51 ). Il s’agit de l’action en responsabilité extracontractuelle pour faute et de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause (action de in rem verso), dont l’existence a été constatée par la Cour dans l’arrêt Masdar ( 52 ).

114.

La première piste (la responsabilité extracontractuelle pour faute) me semble devoir être écartée.

115.

En effet, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions relatives à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué ( 53 ).

116.

Sur le plan de l’illégalité de l’acte ou de l’omission en cause, le juge se doit de pouvoir établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ( 54 ), résultant d’un choix délibéré ou de la négligence de l’institution mise en cause.

117.

En l’espèce, il convient de rappeler que la Commission est dénuée de tout pouvoir décisionnel quant aux obligations de mise à disposition de RPT ; en outre, un État membre ne peut pas être considéré comme un particulier ; et, enfin, l’existence d’une simple différence d’interprétation de la législation entre la Commission et ledit État membre ne suffit pas à établir une « violation caractérisée » d’une règle de droit, constitutive d’une faute imputable à la Commission ( 55 ).

118.

En l’absence d’une telle violation, il n’est pas nécessaire de juger du respect des deux autres conditions visées au point 115 (ci‑dessus) ( 56 ).

119.

Cette première piste indemnitaire doit donc être abandonnée.

120.

Il convient d’examiner la seconde piste indemnitaire évoquée ci‑dessus : l’action pour enrichissement sans cause.

121.

La Cour a établi dans son arrêt Masdar que « [s]elon les principes communs aux droits des États membres, une personne ayant subi une perte qui améliore le patrimoine d’une autre personne sans qu’il y ait un quelconque fondement juridique à cet enrichissement a, en règle générale, droit à une restitution, jusqu’à concurrence de cette perte, de la part de la personne enrichie » ( 57 ). À cet égard, « une action en restitution fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union exige, pour être accueillie, la preuve d’un enrichissement sans base légale valable de l’Union et d’un appauvrissement du demandeur lié audit enrichissement » ( 58 ).

122.

Le recours fondé sur un enrichissement sans cause ne relève pas du régime de la responsabilité non contractuelle au sens strict ( 59 ), dont l’engagement dépend de la réunion des conditions énumérées au point 115 des présentes conclusions.

123.

Il est généralement admis dans la tradition des pays de droit civil que le demandeur agissant au titre de l’enrichissement sans cause se doit d’apporter la preuve : i) d’un enrichissement, ii) d’un appauvrissement, iii) d’un lien causal entre cet enrichissement et cet appauvrissement, iv) du caractère subsidiaire de cette action et v) d’une absence de cause à l’enrichissement et à l’appauvrissement ( 60 ).

124.

Cette action est subsidiaire en ce qu’elle « ne peut servir, par un détour, à faire obtenir ce que la loi ne permet pas d’accorder » ( 61 ). Le caractère subsidiaire de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause s’oppose à ce que celle‑ci soit accueillie lorsque le demandeur a disposé d’un autre recours qu’il a laissé dépérir ( 62 ), notamment par l’écoulement du délai de prescription.

125.

L’enrichissement doit être dénué de toute cause juridique, en ce sens que le transfert patrimonial opéré ne peut trouver sa raison d’être dans une obligation légale ou contractuelle, ou dans une libéralité (telle que, par exemple, une donation).

126.

En l’espèce, en cas de paiement assorti de réserves, il me semble que les cinq éléments visés au point 123 des présentes conclusions sont réunis.

127.

En effet, comme je l’ai relevé au point 111 (ci‑dessus), lorsqu’il doit se résoudre à verser, sur ses propres deniers, des RPT qu’il n’a pas été en mesure de recouvrer auprès du débiteur (qui aurait dû honorer la dette douanière), l’État membre s’appauvrit et, en conséquence, l’Union s’enrichit corrélativement. Le lien de causalité est clair. Il est tout aussi indéniable que, en de telles circonstances, l’action de in rem verso aurait un caractère subsidiaire car il n’existe pas de voie de recours permettant à l’État membre concerné de contester l’analyse qui a été réalisée par la Commission et de récupérer le montant litigieux. Enfin, à mon sens, dès lors que le Tribunal constate, à titre déclaratoire, que l’État membre mis en cause n’était effectivement pas tenu de mettre le montant litigieux à la disposition de la Commission, le paiement (assorti ou non de réserves) devient ipso facto dépourvu de tout fondement juridique. Ce constat étant rétroactif, la cinquième condition (à savoir l’absence de cause) est satisfaite.

128.

C’est au Tribunal, statuant sur cette action, qu’il appartiendra de déterminer le montant exact qui devra être restitué à l’État membre mis en cause. À mon sens, afin de ne pas perturber l’équilibre financier des institutions de l’Union, la restitution devrait porter exclusivement sur le capital qui a été effectivement mis à disposition de l’Union par cet État membre. Ce capital n’a pas vocation à produire des intérêts au profit de ce même État membre.

129.

Enfin, c’est également au Tribunal qu’il appartiendra de vérifier le respect des conditions de recevabilité de l’action, notamment à l’aune des règles relatives à la prescription ( 63 ).

Conclusion

130.

D’après moi, le moyen invoqué par la République tchèque se doit d’être écarté comme étant non fondé et le pourvoi doit donc être rejeté.

131.

Néanmoins, il serait opportun que la Cour apporte une réponse à la problématique mise en lumière par ce pourvoi en constatant, ainsi que je l’ai expliqué aux points 100 à 108 des présentes conclusions, qu’un paiement assorti de réserves ne peut être tenu pour juridiquement parfait et qu’en de telles circonstances, la Commission est obligée de former un recours en manquement en vue d’établir la violation, par l’État membre concerné, de ses obligations de mise à disposition des RPT.

132.

En l’absence d’un tel recours en manquement, la seule autre piste permettant de soumettre un tel litige à l’appréciation du juge de l’Union serait une action fondée sur l’enrichissement sans cause.

133.

À mon sens, la piste du recours en manquement obligatoire est la plus appropriée, en ce sens qu’elle permettrait à la Cour de se prononcer sur le fond du problème, à savoir le respect par l’État membre concerné de ses obligations en matière de RPT, et de constater, le cas échéant, un manquement à celles‑ci. L’inconvénient majeur, dont il convient de ne pas sous-estimer la portée, est que cette piste impliquerait d’établir une exception à la règle jurisprudentielle en vertu de laquelle la Commission jouit d’une liberté d’appréciation complète dans le cadre de la procédure d’infraction. Cet obstacle n’est pas insurmontable, pour autant que cette exception soit clairement limitée à la matière des RPT.

134.

La piste du recours indemnitaire (fondé sur l’enrichissement sans cause) me semble moins adaptée, car elle amènerait le Tribunal à devoir (indirectement) se prononcer sur le respect, par un État membre, de ses obligations au titre du droit de l’Union : tel n’est pas son rôle, au regard de l’architecture juridictionnelle qui prévaut à l’heure actuelle. Une telle piste demeure toutefois acceptable, en guise de solution par défaut.

135.

À l’avenir, il serait évidemment souhaitable que le législateur se saisisse lui‑même de cette problématique et qu’il améliore le fonctionnement du système des RPT, en prévoyant un mécanisme de contrôle juridictionnel adéquat. Dans l’attente de cette initiative, il incombe toutefois à la Cour de résoudre le problème qui lui est soumis en s’appuyant sur les outils procéduraux existants en droit de l’Union.

Sur les dépens

136.

Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

137.

La Commission ayant conclu à la condamnation de la République tchèque aux dépens et celle‑ci ayant succombé en son moyen unique, il y a lieu de condamner la partie requérante à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

138.

L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, qui est également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, dispose que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

139.

Partant, le Royaume des Pays‑Bas supportera ses propres dépens.

Conclusions

140.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

Le pourvoi est rejeté.

La République tchèque supporte, outre ses propres dépens, ceux de la Commission européenne.

Le Royaume des Pays‑Bas supporte ses propres dépens.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) T‑147/15, non publiée, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2018:395.

( 3 ) JO 2007, L 163, p. 17.

( 4 ) Règlement du Conseil du 22 mai 2000 portant application de la décision 2007/436/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 352, p. 1) et par le règlement (CE, Euratom) no 105/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009 (JO 2009, L 36, p. 1) (ci-après le « règlement no 1150/2000 »). Par souci d’exhaustivité, je note qu’à l’heure actuelle, le règlement no 1150/2000 a été abrogé. Ses dispositions ont été en grande partie reprises dans le règlement (UE, Euratom) no 609/2014 du Conseil, du 26 mai 2014, relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres traditionnelles, de la ressource propre fondée sur la TVA et de la ressource propre fondée sur le RNB et aux mesures visant à faire face aux besoins de trésorerie (JO 2014, L 168, p. 39).

( 5 ) WOMIS est l’abréviation de Write-Off Management and Information System. Il s’agit d’un système de gestion et d’information relatif aux mises en non‑valeur de créances constatées qui se révèlent irrécouvrables. Pour davantage de précisions à ce sujet, voir aussi : Huitième rapport de la Commission sur le fonctionnement du système de contrôle des ressources propres traditionnelles (2013‑2015) [article 18, paragraphe 5, du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil du 22 mai 2000], COM(2016) 639 final, point 5.1.

( 6 ) Arrêt du 25 octobre 2017 (C‑593/15 P et C‑594/15 P, ci‑après l’« arrêt Slovaquie/Commission », EU:C:2017:800).

( 7 ) Arrêt du 25 octobre 2017, C‑599/15 P, EU:C:2017:801.

( 8 ) Pour de plus amples développements quant au régime des ressources propres, voir : Albert, J.-L., Le droit douanier de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2019, p. 132 à 144 ; Berlin, D., Politiques de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2016, p. 53 à 64.

( 9 ) La Cour a encore précisé que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que les autorités douanières disposent des éléments nécessaires et, partant, sont en mesure de calculer le montant des droits qui résulte d’une dette douanière et de déterminer le débiteur : voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark (C‑392/02, EU:C:2005:683, points 58 et 59, ainsi que jurisprudence citée).

( 10 ) Arrêt du 7 avril 2011, Commission/Finlande (C‑405/09, EU:C:2011:220, point 37 et jurisprudence citée).

( 11 ) L’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000 permet de distinguer, sur le plan comptable, les créances qui n’ont pas encore fait l’objet d’un recouvrement ou qui font l’objet de contestations. Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, dudit règlement.

( 12 ) Voir arrêt du 5 octobre 2006, Commission/Belgique (C‑378/03, EU:C:2006:639, point 48 et jurisprudence citée).

( 13 ) En outre, ces intérêts sont exigibles quelle que soit la raison du retard avec lequel ces ressources ont été portées au compte de la Commission. Voir notamment arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark (C‑392/02, EU:C:2005:683, point 67 et jurisprudence citée).

( 14 ) Voir, à titre d’exemple, arrêt du 12 septembre 2000, Commission/Royaume-Uni (C‑359/97, EU:C:2000:426, point 31 et jurisprudence citée).

( 15 ) Ordonnance du 21 juin 2007, Finlande/Commission (C‑163/06 P, EU:C:2007:371, points 32 et 35, ainsi que jurisprudence citée).

( 16 ) Telle fut, du moins, l’interprétation défendue par la Commission dans ses écrits de procédure et lors de l’audience : voir points 73 et 74 des présentes conclusions.

( 17 ) Voir exposé des motifs et article 1er, point 13.3, de la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 portant application de la décision 2000/597/ CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés, COM(2003) 366 final.

( 18 ) Potteau, A., « Observations » (note relative à l’arrêt Slovaquie/Commission, précité), dans Picod, F., Jurisprudence de la CJUE 2017. Décisions et commentaires, Bruylant, Bruxelles, 2018, p. 1023.

( 19 ) Voir, notamment, arrêt Slovaquie/Commission, point 57.

( 20 ) Ce problème avait déjà été identifié par l’un de mes estimés collègues. Je me réfère aux conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires Slovaquie/Commission et Roumanie/Commission, (C‑593/15 P, C‑594/15 P et C‑599/15 P, EU:C:2017:441, points 104 à 107).

( 21 ) La Commission soutient que la formulation de telles réserves a (tout au plus) pour conséquence, au titre du principe de coopération loyale, de lui imposer l’obligation d’engager un dialogue constructif avec l’État membre concerné afin de chercher à rapprocher les points de vue (voir également point 95 et notes de bas de page 24 et 25 des présentes conclusions).

( 22 ) La République tchèque se réfère à l’arrêt du 11 août 1995, Commission/Allemagne (C‑431/92, EU:C:1995:260, point 22).

( 23 ) La République tchèque se réfère, par analogie, à l’arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:960, points 38 et suiv.).

( 24 ) La République tchèque précise que cette même question fait l’objet d’un recours en carence, dans le cadre de l’affaire en cours T‑13/19. Par ce recours, la République tchèque reproche à la Commission d’avoir omis d’ouvrir une procédure d’infraction à son égard, en dépit du fait que son paiement a été assorti de réserves.

( 25 ) Cet élément a été dûment confirmé par la Commission : voir point 73 des présentes conclusions. Dans l’affaire en cours T‑13/19, la Commission rétorque que, dans la mesure où l’État membre a effectué le paiement requis, aucune infraction imputable à ce dernier ne subsiste et, partant, il n’existe aucune base juridique permettant à la Commission d’engager une procédure d’infraction.

( 26 ) Cet État membre se réfère aux conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires Slovaquie/Commission et Roumanie/Commission (C‑593/15 P, C‑594/15 P et C‑599/15 P, EU:C:2017:441, point 40).

( 27 ) Ainsi, en présence de réserves formulées par un État membre, la Commission aurait tout au plus l’obligation d’engager un dialogue constructif avec celui‑ci aux fins de rapprocher leurs points de vue : voir points 57 et 95 des présentes conclusions.

( 28 ) La Commission se réfère notamment aux conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire Commission/Pays‑Bas (C‑96/89, EU:C:1990:374, point 32).

( 29 ) Voir arrêt Slovaquie/Commission, point 46 et jurisprudence citée. Mise en italique par mes soins.

( 30 ) Arrêt du 22 juin 2000, Pays‑Bas/Commission (C‑147/96, EU:C:2000:335, point 27 et jurisprudence citée).

( 31 ) Arrêt du 13 février 2014, Hongrie/Commission (C‑31/13 P, EU:C:2014:70, point 55 et jurisprudence citée).

( 32 ) J’ajoute que, si certaines formulations contenues dans la lettre litigieuse laissent à penser que la Commission aurait « refusé » d’accorder la dispense de l’obligation de mise à disposition sollicitée par les autorités tchèques, le Tribunal a néanmoins considéré que, eu égard à son contexte et aux pouvoirs de la Commission, cette lettre ne comportait pas de décision sur une demande de dispense, mais un simple avis (points 57 à 59 et 66 à 70 de l’ordonnance attaquée). Cette analyse correspond au constat formulé par la doctrine en matière de RPT : voir point 55 des présentes conclusions.

( 33 ) Voir arrêt Slovaquie/Commission, point 61. Je relève que, sur ce point, la Cour a refusé de suivre l’analyse défendue par mon estimée collègue, Mme J. Kokott : voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires Slovaquie/Commission et Roumanie/Commission (C‑593/15 P, C‑594/15 P et C‑599/15 P, EU:C:2017:441, points 50 à 59). Voir aussi, à cet égard : Potteau, A., op. cit., p. 1022 à 1023.

( 34 ) Voir point 81 de l’ordonnance attaquée et arrêt Slovaquie/Commission, point 66.

( 35 ) Voir points 56 et 57 des présentes conclusions.

( 36 ) Dans le même ordre d’idées, je rejette l’argument, formulé lors de l’audience par la Commission, selon lequel l’État membre est le seul détenteur de la clé du problème dans la mesure où il peut récupérer, de sa propre initiative, le montant litigieux sur le compte ouvert au nom de la Commission. En procédant ainsi, l’État membre mis en cause se trouve à nouveau obligé d’enfreindre la règle pour tenter de susciter un débat judiciaire. Le raisonnement de la Commission est manifestement circulaire et n’apporte pas de solution satisfaisante à l’absence de recours juridictionnel effectif à laquelle l’on est confronté en l’espèce. À cet égard, le fait que la Cour puisse réduire le montant des intérêts de retard (en cas de recours introduit tardivement par la Commission, par exemple) ne compense pas le risque financier encouru par l’État membre mis en cause.

( 37 ) Voir point 48 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

( 38 ) Voir arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Bulgarie (C‑145/14, EU:C:2015:502, point 24 et jurisprudence citée).

( 39 ) Voir, pour de plus amples développements, Von Bardeleben, E., Donnat, F. et Siritzky, D., La Cour de justice de l’Union européenne et le droit du contentieux européen, La Documentation française, Paris, 2012, p. 189.

( 40 ) Voir ordonnance du 9 janvier 2006, Finlande/Commission (T‑177/05, non publiée, EU:T:2006:1, point 39).

( 41 ) Ordonnance du 21 juin 2007, Finlande/Commission (C‑163/06 P, EU:C:2007:371, point 35).

( 42 ) Ordonnance du 21 juin 2007, Finlande/Commission (C‑163/06 P, EU:C:2007:371, point 36). Mise en italique par mes soins.

( 43 ) Je note à cet égard que l’expression « paiement conditionnel », utilisée notamment dans les ordonnances du 9 janvier 2006, Finlande/Commission (T‑177/05, non publiée, EU:T:2006:1) et du 21 juin 2007, Finlande/Commission (C‑163/06 P, EU:C:2007:371), est inappropriée : en vertu de la législation sur les RPT, les États membres n’ont pas le droit de subordonner la mise à disposition desdites ressources à de quelconques conditions. Ils ont uniquement le droit de formuler des réserves, tout en procédant inconditionnellement au paiement légalement requis.

( 44 ) A toutes fins utiles, j’observe encore que la Commission a elle‑même envisagé, par le passé, la possibilité d’une telle obligation : voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires Slovaquie/Commission et Roumanie/Commission (C‑593/15 P, C‑594/15 P et C‑599/15 P, EU:C:2017:441, point 106).

( 45 ) L’économie dudit règlement repose sur la fonction de suivi et de contrôle exercée par la Commission (voir, notamment, considérants 8, 9 et 11 de celui‑ci). Il est aussi utile de noter que sous l’empire de la législation actuelle et, plus particulièrement, du règlement (UE, Euratom) no 608/2014 du Conseil, du 26 mai 2014, portant mesures d’exécution du système des ressources propres de l’Union européenne (JO 2014, L 168, p. 29), les pouvoirs et les responsabilités de la Commission et de ses agents en matière de RPT ont fait l’objet d’une définition nettement plus précise.

( 46 ) Par souci de bonne administration du budget, si la Commission est habilitée à faire usage des fonds mis à disposition, il serait toutefois opportun qu’elle tienne compte de l’incertitude pesant sur ceux‑ci en raison des réserves formulées, en l’attente de la décision de la Cour.

( 47 ) Pour rappel, selon ce considérant, une étroite collaboration entre les États membres et la Commission est de nature à faciliter l’application correcte de la réglementation financière relative aux ressources propres.

( 48 ) En l’espèce, j’en veux pour preuve les tentatives infructueuses de la requérante, qui a invité à plusieurs reprises la Commission à engager un recours en manquement à son égard – ces tentatives culminant avec l’introduction d’un recours en carence, sous le numéro d’affaire T‑13/19, par lequel la partie requérante a invité le Tribunal à constater que la Commission a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte en ce que, à la suite de la mise à disposition conditionnelle de RPT, la Commission n’a pas engagé de procédure en manquement contre la République tchèque à cet égard et en ce qu’elle n’a pas non plus procédé au remboursement de la somme litigieuse. Voir, à cet égard, notes de bas de page 24 et 25 des présentes conclusions.

( 49 ) En effet, conformément à une jurisprudence constante, « la Commission n’a pas le pouvoir de déterminer de manière définitive [...] les droits et obligations d’un État membre ou de lui donner des garanties concernant la compatibilité avec le droit [de l’Union] d’un comportement déterminé ». En ce sens, voir arrêt du 20 mars 2003, Commission/Allemagne (C‑135/01, EU:C:2003:171, point 24).

( 50 ) En l’absence de tout recours en manquement, la décision prise par le Tribunal dans le cadre d’un recours indemnitaire ne se heurterait pas à la compétence exclusive de la Cour en matière de constatation de manquement. Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans les affaires Slovaquie/Commission et Roumanie/Commission (C‑593/15 P, C‑594/15 P et C‑599/15 P, EU:C:2017:441, point 109).

( 51 ) Pour rappel, selon l’article 268 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages visés à l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE. L’article 340, deuxième alinéa, TFUE énonce qu’« en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ».

( 52 ) Je me réfère à l’arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission (C-47/07 P, ci-après « l’arrêt Masdar », EU:C:2008:726). Ainsi, la possibilité d’introduire un recours fondé sur l’enrichissement sans cause de l’Union ne saurait être refusée au justiciable au seul motif que le traité FUE ne prévoit pas expressément une voie de recours destinée à ce type d’action. En effet, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, une interprétation des articles 268 et 340 TFUE qui exclurait cette possibilité aboutirait à un « résultat contraire au principe de protection juridictionnelle effective, consacré par la jurisprudence de la Cour et réaffirmé à l’article 47 de [la Charte] » : voir également, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne (T-702/16 P, EU:T:2018:557, point 105).

( 53 ) Arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C-120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée). Mise en italique par mes soins.

( 54 ) Voir, à titre d’exemple, arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission (C‑282/05 P, EU:C:2007:226, points 47 à 49). Mise en italique par mes soins.

( 55 ) À toutes fins utiles, je rappellerai que la Cour a expressément refusé de reconnaître l’existence d’un régime de responsabilité objective (sans faute) : je me réfère ici à l’arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 175). En l’occurrence, il me semble clair qu’en agissant en sa qualité de gardienne des traités et même si son interprétation sur une question de droit complexe peut, à terme, se révéler erronée, la Commission ne peut pas ipso facto se voir reprocher une violation caractérisée du droit de l’Union (ni, plus généralement, une faute) dans un tel contexte.

( 56 ) En effet, lorsqu’il constate qu’aucun acte ni aucune prétendue omission d’une institution ne présente un caractère illégal, si bien que la première condition à laquelle est soumise l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, le juge peut rejeter le recours dans son ensemble sans qu’il lui soit nécessaire d’examiner les autres conditions de cette responsabilité [arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission (C-120/06 P et C-121/06 P, EU:C:2008:476, point 166 et jurisprudence citée)].

( 57 ) Arrêt Masdar, point 44.

( 58 ) Voir arrêt du 28 juillet 2011, Agrana Zucker (C‑309/10, EU:C:2011:531, point 53, où la Cour se réfère également à l’arrêt Masdar).

( 59 ) Arrêt Masdar, point 49.

( 60 ) Voir, à titre d’exemple, en droit belge : Van Ommeslaghe, P., Traité élémentaire de droit civil, t. II, Les obligations, vol. 2 (Source des obligations – deuxième partie), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 1138, no 782. Ce mécanisme a été consacré, en droit belge, par la jurisprudence. En droit français, il a fait l’objet d’une codification législative : voir articles 1303 à 1303‑4 du Code civil, relatifs à « l’enrichissement injustifié ». Une institution analogue existe dans le système juridique anglo-saxon. Comme c’est souvent le cas en common law, l’institution de l’enrichissement injustifié (unjust enrichment) en droit anglais est un édifice complexe, fondé sur la jurisprudence plutôt que sur un texte de loi. La structure, la portée et la nature précises de cette institution sont encore incertaines : voir, pour un exposé général, Burrows, A., A Restatement of the English Law of Unjust Enrichment, Oxford University Press, 2012 et Virgo, G., The Principles of the Law of Restitution (3e éd.), Oxford University Press, 2015. Dans son arrêt Bank of Cyprus UK Ltd v Menelaou [(2015) UKSC 66], la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume‑Uni) a constaté qu’avant d’accueillir une action fondée sur l’enrichissement injustifié, il convient de raisonner en quatre étapes et d’examiner i) si le défendeur s’est enrichi, ii) si cet enrichissement s’est fait aux dépens du demandeur, iii) si ledit enrichissement est injustifié et iv) si le défendeur est en mesure d’invoquer un quelconque moyen de défense. Une jurisprudence abondante étaye et éclaire chacun de ces critères.

( 61 ) Cour de cassation de Belgique, arrêt du 22 août 1940, Pasicrisie, 1940, p. 205. En d’autres termes, une telle action ne peut pas servir à un détournement de procédure. Dans le même ordre d’idées, le Tribunal a déjà estimé qu’un recours en indemnité doit être déclaré irrecevable lorsqu’il tend en réalité au retrait d’un acte devenu définitif et aurait pour effet – s’il était accueilli – d’annihiler les effets juridiques de cet acte : voir arrêt du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission (T‑514/93, EU:T:1995:49, points 59 et 60, ainsi que jurisprudence citée). Encore faut-il que ledit acte soit susceptible de recours : tel n’est (par hypothèse) pas le cas en l’espèce.

( 62 ) Cour de cassation de Belgique, arrêt du 25 mars 1994, Pasicrisie, 1994, p. 305.

( 63 ) Pour rappel, l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit que les actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu. Il appartiendra donc au Tribunal d’établir à quelle date, précisément, est survenu l’enrichissement (et l’appauvrissement qui y est corrélé).

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