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Document 62018CC0465

Conclusions de l'avocat général M. G. Hogan, présentées le 2 octobre 2019.
AV et BU contre Comune di Bernareggio.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.
Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement – Cession d’une pharmacie dans le cadre d’une procédure d’adjudication – Législation nationale – Droit de préemption pour les employés de la pharmacie cédée.
Affaire C-465/18.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:812

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 2 octobre 2019 ( 1 )

Affaire C‑465/18

AV,

BU

contre

Comune di Bernareggio,

autre partie à la procédure :

CT

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement – Transfert d’une pharmacie municipale à la suite d’une procédure d’appel d’offres – Législation nationale prévoyant un droit de préemption en faveur des employés d’une pharmacie municipale – Marché finalement adjugé à un employé qui n’avait pas participé à la procédure d’appel d’offres à la suite de l’exercice d’un droit de préemption »

I. Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle, qui a été déposée au greffe de la Cour le 16 juillet 2018 par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), concerne l’interprétation des articles 45, 49 à 56 et 106 TFUE et des articles 15 et 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »).

2.

La demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, AV et BU, et, d’autre part, la Comune di Bernareggio (commune de Bernareggio, Italie) et CT.

3.

Dans la procédure au principal, les propriétaires d’une pharmacie située en dehors de la commune de Bernareggio se sont vu attribuer provisoirement le marché pour l’achat d’une pharmacie municipale à l’issue d’une procédure d’appel d’offres.

4.

En dépit du fait qu’AV et BU avaient présenté l’offre la plus avantageuse économiquement et qu’ils étaient les adjudicataires provisoires du marché, la priorité a été donnée à CT, un pharmacien travaillant pour l’Azienda Speciale Farmacie Vimercatesi, l’organisme municipal chargé de la gestion des pharmacies de la municipalité. Les événements ayant donné lieu à cette situation seront exposés de manière plus détaillée au fil des présentes conclusions.

5.

À la suite de l’adjudication provisoire du marché, CT (qui est un employé de la pharmacie municipale, mais qui n’avait pas participé à l’appel d’offres), a ensuite exercé, par courrier, un droit de préemption accordé par la loi aux employés des pharmacies municipales en cas de transfert de ces pharmacies. CT a donc remporté l’adjudication définitive du marché en question.

6.

AV et BU ont contesté cette adjudication définitive devant les juridictions administratives italiennes.

7.

La demande de décision préjudicielle offre à la Cour l’occasion de se prononcer pour la première fois sur la légalité d’une règle nationale accordant un droit de préemption aux employés en cas de transfert de la propriété d’une pharmacie municipale à la suite d’une procédure d’appel d’offres.

II. Le droit italien

8.

L’article 9 de la legge n. 475 – Norme concernenti il servizio farmaceutico (loi no 475 relative aux règles concernant le service pharmaceutique), du 2 avril 1968, énonce :

« La propriété des pharmacies qui deviennent vacantes et de celles nouvellement créées à la suite d’une modification du plan de répartition des pharmacies (pianta organica) peut être acquise, pour la moitié d’entre elles, par la commune […] ».

9.

L’article 12 de cette loi dispose :

« […]

Le transfert [d’une pharmacie] peut s’opérer seulement en faveur d’un pharmacien qui a déjà été propriétaire ou qui a obtenu l’habilitation à l’acquisition dans le cadre d’un concours précédent.

[…] »

10.

L’article 4 de la legge n. 362 – Norme di riordino del settore farmaceutico (loi no 362 portant dispositions de réorganisation du secteur pharmaceutique, ci‑après la « loi no 362/1991 »), du 8 novembre 1991, prévoit :

« 1.   L’attribution des officines pharmaceutiques vacantes ou nouvellement créées disponibles pour l’exploitation par des particuliers se fait par concours […]

2.   Sont admis au concours prévu au paragraphe 1 les ressortissants d’un État membre de la Communauté économique européenne […] inscrits au tableau professionnel des pharmaciens […] »

11.

L’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 dispose :

« En cas de transfert de la propriété d’une pharmacie municipale, les salariés ont un droit de préemption […] »

12.

L’article 2112 du codice civile (code civil) est libellé comme suit :

« En cas de transfert d’entreprise, la relation de travail se poursuit avec le cessionnaire et le travailleur conserve tous les droits qui en découlent. […] Le transfert d’entreprise ne constitue pas en lui‑même un motif valable de licenciement. Le travailleur, dont les conditions de travail subissent une modification substantielle dans les trois mois suivant le transfert d’entreprise, peut donner sa démission […] »

III. Le litige au principal et la question préjudicielle

13.

Par avis publié le 31 janvier 2014, la commune de Bernareggio a ouvert une procédure d’appel d’offres pour le transfert d’une pharmacie municipale ( 2 ). Conformément à l’avis d’appel d’offres, le marché était attribué au soumissionnaire offrant le prix le plus élevé. La valeur minimale ou de base du marché avait été fixée à 580000 euros. Il convient néanmoins de faire observer que l’avis d’appel d’offres stipulait que le transfert de la pharmacie au soumissionnaire retenu était subordonnée à l’absence d’exercice du droit de préemption prévu à l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991, entre autres par l’un des pharmaciens employés à durée indéterminée par l’Azienda Speciale Farmacie Vimercatesi.

14.

Le 11 mars 2014, la commune de Bernareggio a déclaré que le marché devait être provisoirement adjugé à AV et BU, les propriétaires d’une pharmacie située dans une municipalité voisine, qui avaient présenté l’offre la plus avantageuse économiquement, à savoir 600000 euros. Cependant, comme je l’ai déjà indiqué, à l’issue de la procédure d’appel d’offres, la priorité a été donnée à CT, un pharmacien travaillant pour l’Azienda Speciale Farmacie Vimercatesi. CT, qui n’avait pas participé à l’appel d’offres, a exercé, par lettre du 27 mars 2014, le droit légal de préemption prévu à l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 et a donc remporté l’adjudication définitive par la décision no 31 de la commune de Bernareggio du 12 mai 2014.

15.

AV et BU ont contesté l’attribution définitive du marché à CT devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional pour la Lombardie, Italie). Dans leur recours, AV et BU ont notamment fait valoir que le droit légal de préemption des employés de pharmacies municipales était contraire aux principes de libre concurrence et d’égalité de traitement prévus par le droit de l’Union. Ils ont souligné que le droit de préemption comportait un avantage substantiel pour ces employés. Les employés en question peuvent prendre la place des concurrents dans une procédure d’appel d’offres sans même participer à la procédure en exerçant leur droit inconditionnel à la conclusion du contrat que la loi leur confère. AV et BU ont indiqué que le droit de préemption prévu par la loi était dépourvu de justification juridique.

16.

Le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional pour la Lombardie) ayant rejeté leur recours, AV et BU ont interjeté appel devant la juridiction de renvoi en invoquant les mêmes moyens que ceux sur lesquels ils avaient fondé leur recours en première instance.

17.

Le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) fait remarquer que le droit de préemption accordé à l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 avantage les employés des pharmacies municipales lorsque celles‑ci sont transférées à des opérateurs privés ( 3 ). La juridiction de renvoi, citant son propre arrêt no 5329 du 5 octobre 2005 ( 4 ), a déclaré que l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 répond à la nécessité d’une meilleure gestion du service pharmaceutique et repose sur l’idée selon laquelle un pharmacien qui était déjà employé dans la pharmacie municipale cédée offre une garantie de continuité et de valorisation fructueuse de l’expérience déjà acquise dans la gestion de celle‑ci. Toutefois, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) doute que le droit de préemption soit effectivement justifié par l’existence d’un intérêt général prééminent réellement appréciable.

18.

La juridiction de renvoi considère que le droit de préemption est excessif puisque l’article 2112 du code civil italien, qui transpose, entre autres, la directive 2001/23/CEE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements ( 5 ) garantit spécifiquement le maintien de la relation de travail et garantit l’ensemble des droits des employés de l’établissement transféré.

19.

En outre, si la finalité du droit de préemption est de garantir la préservation de l’expérience acquise par les employés dans le cadre de la fourniture de services pharmaceutiques, celle‑ci pourrait, selon la juridiction de renvoi, être poursuivie par des modalités alternatives, par exemple en prévoyant, dans l’avis d’appel d’offres, l’attribution d’un nombre de points approprié en fonction de l’expérience, sans sacrifier la concurrence et l’égalité de traitement.

20.

En tout état de cause, la juridiction de renvoi a des doutes sur le caractère raisonnable et proportionnel de la mesure au regard des objectifs sociaux poursuivis par le droit de préemption étant donné que, premièrement, dans un contexte professionnel exigeant un niveau de qualification élevé dans lequel le transfert de la pharmacie peut s’opérer seulement au profit d’un pharmacien inscrit au tableau de l’Ordre, qui a les qualifications requises pour gérer une pharmacie ou qui a au moins deux ans de pratique professionnelle, il n’y a aucune raison de valoriser davantage l’expérience acquise dans une pharmacie particulière, deuxièmement, ce droit confère une préférence inconditionnelle à l’employé sans tenir compte du point de savoir si la pharmacie en question a effectivement été bien gérée et, troisièmement, pour bénéficier du droit de préemption, il suffit d’avoir travaillé en tant qu’« employé » de la pharmacie, ce qui ne correspond pas nécessairement au statut de personne responsable de la gestion de la pharmacie.

21.

Selon la juridiction de renvoi, il est possible de se demander si le droit de préemption assure un équilibre raisonnable entre les exigences de l’économie de marché, de la libre circulation des services et de la protection de la santé publique. Elle a attiré l’attention sur le fait qu’une réglementation, telle que celle en cause, pourrait être considérée comme une mesure de politique protectionniste procurant un avantage injustifié à un groupe de citoyens particulier par rapport à d’autres ressortissants italiens ainsi, en effet, qu’à des ressortissants d’autres États membres.

22.

La juridiction de renvoi considère que la préférence accordée par la loi aux salariés d’une pharmacie municipale constitue une restriction à la liberté d’établissement. Le droit de préemption est donc discriminatoire à l’encontre d’autres parties espérant remporter le marché, qu’elles soient originaires du même État membre ou d’autres États membres. Par ailleurs, il est possible de s’interroger sur le caractère raisonnable et proportionnel de la limitation des principes de protection de la concurrence et de l’égalité de traitement entre les opérateurs économiques qui en résulte, ainsi que de la restriction à la liberté d’entreprise et à la liberté d’exercer une activité professionnelle.

23.

La juridiction de renvoi considère qu’il faut également tenir compte du fait que la réglementation en cause empêche d’autres opérateurs potentiels d’accéder à un marché qui est déjà soumis à des quotas, sachant que le nombre de pharmacies est limité par un plan national de répartition, et que l’ouverture de nouvelles pharmacies est subordonnée à leur adjudication au terme d’une procédure de mise en concurrence et à la délivrance subséquente d’une autorisation au soumissionnaire retenu.

24.

En outre, selon la juridiction de renvoi, le droit de préemption ne semble pas avoir pour objet de protéger la santé, dans la mesure où il ne semble pas nécessaire à la poursuite de l’objectif visant à garantir à la population une fourniture de médicaments sûre et de qualité.

25.

Dans ces conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les principes de liberté d’établissement, de non‑discrimination, d’égalité de traitement, de protection de la concurrence et de libre circulation des travailleurs, visés aux articles 45, 49 à 56, et 106 TFUE, ainsi qu’aux articles 15 et 16 de la [Charte], et le principe de proportionnalité et du caractère raisonnable qui en découle, s’opposent‑ils à une disposition nationale comme celle de l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991, qui, en cas de transfert de la propriété de la pharmacie municipale, accorde le droit de préemption aux salariés de ladite pharmacie ? »

IV. La procédure devant la Cour

26.

Des observations écrites ont été déposées par AV et BU, la commune de Bernareggio et la Commission européenne.

27.

À la suite d’une demande formulée par CT, qui n’a pas présenté d’observations écrites, la Cour, par décision du 14 mai 2019, a décidé, conformément à l’article 76, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, qu’une audience devait être organisée le 3 juillet 2019.

28.

AV et BU, la commune de Bernareggio, CT et la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience du 3 juillet 2019.

V. Les dispositions applicables du droit de l’Union

29.

Dans la présente procédure, la juridiction de renvoi sollicite une interprétation des articles 45, 49 à 56, et 106 TFUE, ainsi que des articles 15 et 16 de la Charte.

30.

L’affaire au principal concerne un litige opposant, d’une part, AV et BU (qui sont tous deux pharmaciens), et, d’autre part, la commune de Bernareggio et CT, un pharmacien employé par cette commune dans la pharmacie ayant fait l’objet de l’appel d’offres en question.

31.

Étant donné qu’au terme de l’acquisition, la pharmacie en question doit être gérée de manière stable et pour une durée indéterminée soit par AV et BU, soit par CT, je considère que l’article 49 TFUE relatif à la liberté d’établissement est applicable.

32.

À mon avis, au regard des informations figurant dans le dossier soumis à la Cour, ni l’article 45 TFUE relatif à la libre circulation des travailleurs ni l’article 56 TFUE relatif à la libre prestation des services ne sont applicables ( 6 ). Étant donné que les soumissionnaires sont eux‑mêmes des ressortissants italiens, ils n’ont pas exercé de droits à la libre circulation qui feraient jouer ces dispositions dans une situation qui est, pour le reste, propre à l’État italien.

33.

En outre, étant donné que le droit de préemption en question dans la procédure au principal a été exercé par un employé d’une pharmacie municipale, à savoir CT, et que l’offre de ce dernier a donc prévalu sur celle des pharmaciens AV et BU, il n’y a pas suffisamment d’informations dans le dossier soumis à la Cour qui tendraient à indiquer que le litige au principal porte directement ou indirectement sur la gestion d’entreprises publiques (ou privées) auxquelles un État membre a accordé des droits spéciaux ou exclusifs, ou d’entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal conformément à l’article 106 TFUE.

34.

En ce qui concerne l’article 15, paragraphe 2, de la Charte, cette disposition indique, entre autres, que tout citoyen a la liberté de s’établir dans tout État membre. Dans la présente espèce, la référence à la liberté de s’établir doit être entendue en ce sens que l’article 15, paragraphe 2, de la Charte renvoie, entre autres, à l’article 49 TFUE ( 7 ). À mon avis, lorsqu’une législation nationale est conforme à l’article 49 TFUE, elle l’est également à l’article 15, paragraphe 2, de la Charte ( 8 ).

35.

En outre, l’article 16 de la Charte énonce que « la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit [de l’Union] et aux législations et pratiques nationales ». Ainsi, en identifiant la portée de la liberté d’entreprise, l’article 16 de la Charte fait spécifiquement référence au droit de l’Union. Cette référence doit être entendue en ce sens que l’article 16 de la Charte renvoie, à son tour, à l’article 49 TFUE.

36.

Compte tenu de l’ensemble des circonstances susvisées et étant donné que la question posée ne vise, en réalité, que la liberté d’établissement, il convient, selon moi, d’apprécier la réglementation nationale en cause au principal au regard du seul ( 9 ) article 49 TFUE ( 10 ).

VI. La recevabilité de la demande de décision préjudicielle

37.

Il ressort des documents soumis à la Cour que tous les éléments de fait du litige au principal sont cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre, à savoir la République italienne.

38.

À cet égard, il convient de noter que, en vertu d’une jurisprudence constante, les dispositions du traité FUE en matière de liberté d’établissement ne trouvent pas à s’appliquer aux situations dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre ( 11 ). Par ailleurs, pour que l’article 49 TFUE puisse s’appliquer en matière de marchés publics à des activités dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, il est requis que le marché en cause au principal présente un intérêt transfrontalier certain ( 12 ).

39.

À mon avis, la juridiction de renvoi n’a pas constaté les éléments de fait spécifiques permettant à la Cour de vérifier si, dans l’affaire au principal, il existe un intérêt transfrontalier certain à acheter des pharmacies municipales en Italie ( 13 ). Toutefois, la juridiction de renvoi a bien souligné que la procédure d’appel d’offres en question était ouverte en application du droit national à tous les ressortissants adultes de l’Union inscrits en tant que pharmaciens et, citant les arrêts du 13 février 2014, Sokoll-Seebacher (C‑367/12, EU:C:2014:68), et du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez (C‑570/07 et C‑571/07, EU:C:2010:300, point 40), elle a déclaré que la réglementation nationale en question était susceptible d’avoir des effets transfrontaliers. Par ailleurs, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a également fait référence, entre autres, aux règles de l’Union sur la reconnaissance des diplômes de pharmacien ( 14 ).

40.

Malgré l’absence de constatations de fait spécifiques sur ce point dans la demande de décision préjudicielle, il convient de noter que la Cour a néanmoins jugé recevables des demandes de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des dispositions des traités relatives aux libertés fondamentales bien que tous les éléments des litiges au principal soient, par ailleurs, cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre. La Cour a pris cette position dans ce type d’affaires, car il ne pouvait être exclu que des ressortissants établis dans d’autres États membres aient été ou soient intéressés à faire usage de ces libertés pour exercer des activités sur le territoire de l’État membre ayant édicté la réglementation nationale en cause et, partant, que cette réglementation, indistinctement applicable aux ressortissants nationaux et aux ressortissants d’autres États membres, soit susceptible de produire des effets qui ne sont pas cantonnés à l’État membre en question ( 15 ).

41.

À mon avis, étant donné qu’une réglementation nationale telle que l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 est, d’après son libellé, indistinctement applicable aux ressortissants italiens et aux ressortissants des autres États membres, il est raisonnablement possible de concevoir que des pharmaciens d’États membres autres que la République italienne aient été ou soient intéressés à l’acquisition et la gestion d’une pharmacie municipale en République italienne et que l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 soit ainsi susceptible d’affecter les échanges au sein de l’Union ( 16 ).

42.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’un litige, bien qu’opposant des ressortissants d’un même État membre, doit être considéré comme présentant un élément de rattachement avec l’article 49 TFUE susceptible de rendre l’interprétation de ces dispositions nécessaire à la solution de ce litige pour la juridiction de renvoi, lorsque le droit national impose à la juridiction de renvoi de faire bénéficier lesdits ressortissants des mêmes droits que les ressortissants d’autres États membres placés dans la même situation tireraient du droit de l’Union ( 17 ).

43.

À cet égard, la Cour a indiqué, dans ses observations écrites et lors de l’audience, sans être contredite par les autres parties, que le droit italien interdisait la discrimination à rebours des ressortissants italiens.

44.

Il semblerait donc que le droit italien impose à la juridiction de renvoi de faire bénéficier un ressortissant italien des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation ( 18 ).

45.

Il s’ensuit que la question posée est recevable dans la mesure où elle fait référence à l’article 49 TFUE relatif à la liberté d’établissement.

VII. Analyse de la question préjudicielle au fond

46.

Selon une jurisprudence constante, l’article 49 TFUE s’oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté d’établissement garantie par le traité ( 19 ).

47.

Je considère que, compte tenu du fait que la participation à une procédure d’appel d’offres implique d’investir du temps, des efforts et de l’argent, un droit de préemption tel que celui en cause dans la procédure au principal dissuaderait incontestablement les pharmaciens originaires des autres États membres de participer à cette procédure. À cet égard, même lorsqu’un pharmacien originaire d’un autre État membre a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, il ou elle n’a absolument aucune garantie de remporter l’appel d’offres étant donné qu’un employé de la pharmacie municipale, en exerçant son droit de préemption et en s’alignant sur cette offre, peut effectivement « éclipser » ladite offre ( 20 ). Par conséquent, il est clair que le droit de préemption national donne un avantage distinct à tout employé d’une pharmacie municipale qui souhaiterait exercer ce droit, fût-ce aux dépens du soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse.

48.

À mon avis, le droit de préemption visé à l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 a pour effet de gêner et de rendre moins attrayant l’exercice, par des pharmaciens d’autres États membres, de leur droit de participer à une procédure d’appel d’offres pour l’achat d’une pharmacie municipale en Italie. Ainsi, un tel droit de préemption gêne et rend moins attrayant l’exercice par des pharmaciens d’autres États membres de leurs activités dans le cadre de la libre circulation sur le territoire italien par l’intermédiaire d’un établissement stable.

49.

Par conséquent, une disposition législative nationale, telle que l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991, en cause dans l’affaire soumise à la juridiction de renvoi, constitue, selon moi, une restriction à la liberté d’établissement au sens de l’article 49 TFUE. Dès lors, il convient d’examiner dans quelle mesure la disposition nationale en cause dans l’affaire au principal peut être justifiée par l’une des raisons visées à l’article 52, paragraphe 1, TFUE ou, conformément à la jurisprudence de la Cour, par des raisons impérieuses d’intérêt général. C’est la question que je vais examiner à présent.

50.

Il résulte des dispositions de l’article 52, paragraphe 1, TFUE que la protection de l’ordre public, de la sécurité publique ou de la santé publique peut justifier des restrictions à la liberté d’établissement.

51.

Par ailleurs, en vertu d’une jurisprudence constante, les restrictions à la liberté d’établissement, qui sont applicables sans discrimination tenant à la nationalité, peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, à condition qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ( 21 ).

52.

D’après le dossier soumis à la Cour, il semblerait que l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 soit applicable sans discrimination tenant à la nationalité.

53.

Étant donné qu’il incombe à la juridiction de renvoi, dans le cadre d’une affaire dont est saisie la Cour au titre de l’article 267 TFUE, d’identifier les objectifs poursuivis par la réglementation nationale en question, susceptibles de justifier des restrictions à la liberté d’établissement ( 22 ), la juridiction de renvoi ( 23 ) a brièvement rappelé que l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 répondait à la nécessité d’une meilleure gestion du service pharmaceutique et reposait sur l’idée selon laquelle un pharmacien qui était déjà employé dans la pharmacie municipale cédée offrait une garantie de continuité et de valorisation fructueuse de l’expérience déjà acquise dans la gestion de celle‑ci ( 24 ).

54.

À la lumière de cette explication, une réglementation telle que celle en cause dans la procédure au principal semble poursuivre l’objectif de protéger la santé public, lequel peut, en principe, justifier des restrictions à la liberté d’établissement, conformément à l’article 52, paragraphe 1, TFUE ( 25 ). Plus précisément, au point 28 de l’arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316), la Cour a déclaré que des restrictions à la liberté d’établissement pouvaient être justifiées par l’objectif visant à assurer un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.

55.

Toutefois, il est nécessaire de déterminer si une réglementation telle que l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 est propre à garantir cet objectif et, le cas échéant, si la restriction à la liberté d’établissement ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, c’est‑à‑dire s’il n’existe pas des mesures moins restrictives qui permettraient d’atteindre ledit objectif ( 26 ).

56.

Concernant la nécessité d’assurer la continuité, identifiée par la juridiction de renvoi, on ne sait pas très bien s’il s’agit de la nécessité d’assurer le maintien de l’emploi des pharmaciens de pharmacies municipales afin de préserver leurs droits en cas de transfert d’une telle pharmacie ( 27 ), d’un côté, ou (comme je le pense) la continuité de l’emploi des pharmaciens de pharmacies municipales afin de préserver la continuité du service ou le niveau de service offert au public par une telle pharmacie, de l’autre.

57.

À mon avis, l’objectif visant à assurer le maintien de l’emploi des pharmaciens de pharmacies municipales afin de préserver leurs droits en cas de transfert d’une telle pharmacie est fondé sur des considérations sociales et d’emploi plutôt que sur des considérations de santé publique. Au regard des circonstances de la procédure au principal, cet objectif n’est donc pas propre à justifier par des raisons de santé publique, visées à l’article 52, paragraphe 1, TFUE, des restrictions à la liberté d’établissement introduites par la réglementation nationale en cause au principal.

58.

Par ailleurs, même si cet objectif pouvait être justifié par des raisons impérieuses d’intérêt général, notamment la préservation des droits des employés contre un licenciement en cas de transfert d’une pharmacie municipale, la juridiction de renvoi a indiqué que l’objectif est déjà garanti par l’article 2112 du code civil italien qui transpose, entre autres, la directive 2001/23, laquelle contient ces protections. Dans ces circonstances, si tel était effectivement l’objectif, une réglementation nationale telle que l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 irait bien au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre et ne saurait être justifiée au regard de cet objectif.

59.

En ce qui concerne l’objectif visant à garantir le maintien de l’emploi des pharmaciens travaillant pour des pharmacies municipales afin d’assurer la continuité du service ou le niveau de service offert au public par cette pharmacie et donc, en définitive, une meilleure gestion du service pharmaceutique, il convient de noter que, d’après le dossier soumis à la Cour, AV, BU et CT sont tous des pharmaciens qualifiés ( 28 ).

60.

En outre, AV et BU étaient qualifiés à tous égards en vertu du droit italien pour acheter et gérer la pharmacie en question dans la procédure au principal, comme en atteste le fait qu’ils se sont vu adjuger provisoirement le marché pour cette acquisition.

61.

Il semblerait donc que la seule caractéristique distinctive en termes de qualifications ou d’expérience professionnelles entre les pharmaciens en question, qui a été jugée pertinente lors de l’adjudication définitive effective, tienne à la qualité de salarié de CT au sein de la pharmacie en question à l’époque des faits et à l’exercice du droit de préemption par ce dernier.

62.

De surcroît, le dossier soumis à la Cour ne contient pas la moindre indication qui expliquerait pourquoi un autre pharmacien aussi qualifié et expérimenté que CT ne serait pas capable d’assurer la continuité, ni pourquoi un pharmacien précédemment employé par la municipalité ne conserverait pas cette capacité dans le cadre de la reprise ( 29 ).

63.

Tant la commune de Bernareggio que CT ont mis en évidence le fait que ce dernier n’était pas, en réalité, un simple salarié de la pharmacie municipale en question, mais qu’il ou elle avait géré la pharmacie et son stock pendant de nombreuses années.

64.

S’il est bien possible que cela soit effectivement le cas, il semblerait toutefois, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que, en dehors de l’exigence de l’inscription d’un pharmacien au tableau de l’Ordre ou de son habilitation à l’acquisition dans le cadre d’un concours précédent, l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 ne tienne pas compte du nombre effectif d’années d’emploi du pharmacien dans la pharmacie municipale, de la qualité du service rendu par ce pharmacien, ni du point de savoir s’il a travaillé en tant que simple salarié ou exercé des fonctions de gestion. En effet, dès lors que les conditions de l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 sont remplies, le droit de préemption joue automatiquement.

65.

Ainsi, d’après le dossier soumis à la Cour, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la réglementation nationale en cause ne requiert pas que les qualifications et l’expérience des pharmaciens en question soient comparées ni mises en balance d’une manière quelconque durant la procédure d’appel d’offres. En effet, CT n’a même pas participé à la procédure d’appel d’offres sauf en exerçant le droit de préemption en vertu de l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991.

66.

Si, par ailleurs, l’objet de la réglementation était de promouvoir la continuité du service pharmaceutique, on ne voit pas très bien pourquoi il s’appliquerait uniquement au transfert de pharmacies municipales et non à d’autres types de pharmacies détenues par des personnes privées ( 30 ).

67.

Par conséquent, je considère que le dossier soumis à la Cour ne contient aucune preuve que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause, invoqué par la juridiction de renvoi pour justifier, par des raisons de sécurité publique visées à l’article 52, paragraphe 1, TFUE, des restrictions à la liberté d’établissement, soit approprié à cet égard, étant précisé que s’il y en avait, cela irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif. Pour toutes les raisons exposées par ailleurs dans les présentes conclusions, je suis d’avis que la réglementation ne répond pas à des objectifs clairs de santé publique et que, en tout état de cause, les moyens employés sont manifestement disproportionnés au regard de cette finalité éventuelle.

68.

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause dans la procédure au principal, qui, en cas de transfert de la propriété d’une pharmacie municipale, accorde un droit de préemption aux salariés de ladite pharmacie.

VIII. Conclusion

69.

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) dans les termes suivants :

L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause dans la procédure au principal, qui, en cas de transfert de la propriété d’une pharmacie municipale, accorde un droit de préemption aux salariés de ladite pharmacie.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) En plus du transfert de la pharmacie elle‑même, le marché comportait des clauses afférentes, entre autres, au mobilier, aux aménagements et équipements, ainsi qu’au stock de la pharmacie.

( 3 ) Il fait ainsi primer les droits collectifs sur les droits privés.

( 4 ) Arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État), cinquième chambre, no 5329 du 5 octobre 2005.

( 5 ) JO 2001, L 82, p. 16.

( 6 ) Par ailleurs, je considère, à la lumière de l’article 2, sous f), de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), qui exclut tous les services de soins de santé de son champ d’application, que cette directive n’est pas pertinente dans la présente procédure.

( 7 ) En effet, l’article 52, paragraphe 2, de la Charte dispose que les droits reconnus par la Charte qui trouvent leur fondement dans les traités s’exercent dans les conditions et limites définies par ceux‑ci ; voir arrêt du 7 avril 2016, ONEm et M. (C‑284/15, EU:C:2016:220, point 33).

( 8 ) Voir, par analogie, arrêt du 7 avril 2016, ONEm et M. (C‑284/15, EU:C:2016:220, points 33 et 34).

( 9 ) Voir arrêt du 13 février 2014, Sokoll-Seebacher (C‑367/12, EU:C:2014:68, points 22 et 23).

( 10 ) Et de ses exceptions, conformément à l’article 52 TFUE et à la jurisprudence de la Cour relative aux justifications tirées de raisons impérieuses d’intérêt général.

( 11 ) Voir arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 47 et jurisprudence citée). Aux points 50 à 53 de cet arrêt, la Cour a cité les quatre situations dans lesquelles il pourrait néanmoins être nécessaire à la solution des litiges au principal d’interpréter les dispositions des traités relatives aux libertés fondamentales bien que tous les éléments de ces litiges soient cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre, ce qui l’a amenée à considérer ces demandes de décision préjudicielle comme étant recevables.

( 12 ) Voir arrêt du 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale n. 5 « Spezzino » e.a. (C‑113/13, EU:C:2014:2440, point 46).

( 13 ) Or, ainsi qu’il résulte de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, dans sa version entrée en vigueur le 1er novembre 2012, celle‑ci doit pouvoir trouver dans une demande de décision préjudicielle un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ainsi que le lien existant notamment entre ces données et ces questions. Dès lors, la constatation des éléments nécessaires permettant la vérification de l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, de même que, de façon générale, l’ensemble des constatations auxquelles il incombe aux juridictions nationales de procéder et dont dépend l’applicabilité d’un acte de droit dérivé ou du droit primaire de l’Union, devrait être réalisée préalablement à la saisine de la Cour. Arrêt du 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale n. 5 « Spezzino » e.a. (C‑113/13, EU:C:2014:2440, point 46).

( 14 ) Voir, par exemple, directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») (JO 2013, L 354, p. 132).

( 15 ) Voir arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 50 et jurisprudence citée). Je tiens à souligner que la juridiction de renvoi a spécifiquement invoqué ce courant jurisprudentiel pour justifier la pertinence transfrontalière de sa question.

( 16 ) Dans son arrêt du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez (C‑570/07 et C‑571/07, EU:C:2010:300, point 40), la Cour a jugé qu’il ne saurait nullement être exclu que des ressortissants établis dans des États membres autres que le Royaume d’Espagne aient été ou soient intéressés à exploiter des pharmacies dans la Communauté autonome des Asturies. Voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2010, Attanasio Group (C‑384/08, EU:C:2010:133, points 22 à 24) concernant la commercialisation de carburants.

( 17 ) Voir arrêt du 14 novembre 2018, Memoria et Dall’Antonia (C‑342/17, EU:C:2018:906, point 23).

( 18 ) Voir arrêts du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 52), et du 10 mai 2012, Duomo Gpa e.a. (C‑357/10 à C‑359/10, EU:C:2012:283, point 28).

( 19 ) Voir arrêt du 11 mars 2010, Attanasio Group (C‑384/08, EU:C:2010:133, point 43 et jurisprudence citée). Voir également arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, point 22).

( 20 ) Il convient de rappeler que, dans l’affaire au principal, les modalités d’exercice du droit de préemption étaient stipulées dans l’avis d’appel d’offres.

( 21 ) Voir arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, point 25 et jurisprudence citée).

( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Venturini e.a. (C‑159/12 à C‑161/12, EU:C:2013:791, point 39 et jurisprudence citée).

( 23 ) Telle qu’indiquée au point 17 des présentes conclusions.

( 24 ) Dans ses observations écrites, la commune de Bernareggio a cité l’arrêt no 5329 du Consiglio di Stato (Conseil d’État), cinquième chambre, du 5 octobre 2005, dans lequel cette juridiction avait déclaré que la procédure d’appel d’offres prévue à l’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 visait, entre autres, à maximiser le profit qui peut être tiré de la privatisation en question. L’article 12, paragraphe 2, de la loi no 362/1991 fixe les modalités d’exercice du droit de préemption. Ce droit, qui accorde une préférence à l’employé de la pharmacie municipale, tend à protéger les pharmaciens salariés et à optimiser la gestion de la pharmacie.

( 25 ) L’importance de l’objectif de protection de la santé publique est confirmée par l’article 168, paragraphe 1, TFUE et l’article 35 de la Charte, aux termes desquels, notamment, un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union. Voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Venturini e.a. (C‑159/12 à C‑161/12, EU:C:2013:791, points 40 et 41 et jurisprudence citée). Il découle d’une jurisprudence constante que l’objectif consistant à maintenir la qualité des services médicaux, tels que des services pharmaceutiques, peut relever de l’une des dérogations prévues à l’article 52, paragraphe 1, du TFUE, dans la mesure où il contribue à la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé. Arrêt du 16 décembre 2010, Commission/France (C‑89/09, EU:C:2010:772, point 53 et jurisprudence citée).

( 26 ) En vertu de la jurisprudence constante de la Cour, dans l’appréciation du respect du principe de proportionnalité dans le domaine de la santé publique, il convient de tenir compte du fait que l’État membre peut décider du niveau auquel il entend assurer la protection de la santé publique et la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il y a lieu de reconnaître aux États membres une marge d’appréciation. Arrêt du 5 décembre 2013, Venturini e.a. (C‑159/12 à C‑161/12, EU:C:2013:791, point 59 et jurisprudence citée).

( 27 ) On peut soutenir que tel n’est pas l’objectif de la réglementation nationale en question, puisque le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a fait référence, dans ce contexte, à la « meilleure gestion du service pharmaceutique ». Cependant, j’examinerai ce point par souci d’exhaustivité.

( 28 ) La Cour a souligné la nature très particulière des médicaments, les effets thérapeutiques de ceux‑ci les distinguant substantiellement des autres marchandises ; arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes e.a. (C‑171/07 et C‑172/07, EU:C:2009:316, point 31). Elle a admis, en particulier, que les États membres peuvent soumettre les personnes chargées de la distribution des médicaments au détail à des exigences strictes, s’agissant notamment des modalités de commercialisation de ceux‑ci et de la recherche de bénéfices. En particulier, ils peuvent réserver la vente de médicaments au détail, en principe, aux seuls pharmaciens, en raison des garanties que ces derniers doivent présenter et des informations qu’ils doivent être en mesure de donner au consommateur. Voir, en ce sens, notamment, arrêt du 19 mai 2009, Commission/Italie (C‑531/06, EU:C:2009:315, point 58).

( 29 ) Voir, à cet égard, article 2112 du code civil italien qui, d’après la juridiction de renvoi, transpose notamment la directive 2001/23.

( 30 ) En disant cela, je ne cherche pas à insinuer que ce type de réglementation, appliquée indistinctement au transfert de toutes les pharmacies, respecterait les exigences de l’article 52 TFUE.

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