Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62017TJ0150

Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 4 octobre 2018.
Asolo LTD contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale FLÜGEL – Marques nationales verbales antérieures…VERLEIHT FLÜGEL et RED BULL VERLEIHT FLÜÜÜGEL – Motifs relatifs de refus – Forclusion par tolérance – Article 54, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 61, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de risque de confusion – Absence de similitude des produits – Article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] – Article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001].
Affaire T-150/17.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2018:641

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

4 octobre 2018 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale FLÜGEL – Marques nationales verbales antérieures…VERLEIHT FLÜGEL et RED BULL VERLEIHT FLÜÜÜGEL – Motifs relatifs de refus – Forclusion par tolérance – Article 54, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 61, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de risque de confusion – Absence de similitude des produits – Article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] – Article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑150/17,

Asolo Ltd, établie à Limassol (Chypre), représentée par Mes W. Pors et N. Dorenbosch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno, M. A. Folliard-Monguiral et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Red Bull GmbH, établie à Fuschl am See (Autriche), représentée par Mes A. Renck et S. Petivlasova, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 17 novembre 2016 (affaire R 282/2015-5), relative à une procédure de nullité entre Red Bull et Asolo,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias (rapporteur), président, A. Dittrich et P. G. Xuereb, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 23 mai 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 juin 2017,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal le 6 mars 2018,

à la suite de l’audience du 12 avril 2018,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 24 septembre 1997, International Licensing Services, un des prédécesseurs en droit de la requérante, Asolo Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal FLÜGEL.

3

Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons sans alcool ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

classe 33 : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ».

4

La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 1998/45, du 22 juin 1998, et la marque a été enregistrée le 1er février 1999.

5

Le 7 septembre 2006, l’EUIPO a enregistré le transfert de la marque contestée à la requérante.

6

Le 5 décembre 2011, l’intervenante, Red Bull GmbH, a formé une demande de nullité, au titre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 (devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du même règlement (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001).

7

La demande de nullité était fondée sur les droits antérieurs suivants :

le signe verbal…VERLEIHT FLÜGEL, enregistré en tant que marque en Autriche sous le numéro 175793 ;

le signe verbal RED BULL VERLEIHT FLÜÜÜGEL, enregistré en tant que marque en Autriche sous le numéro 161298.

8

Les deux marques nationales antérieures ont été enregistrées pour les produits « boissons énergisantes », relevant de la classe 32.

9

Par décision du 2 décembre 2014, la division d’annulation a, en invoquant la communication no 2/12 du président de l’EUIPO, du 20 juin 2012, concernant l’utilisation des intitulés de classes dans les listes de produits et services pour les demandes et les enregistrements de marque communautaire (JO OHMI 7/2012), constaté que les « essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool » devaient être analysés, en l’espèce, au même titre que les produits « boissons alcoolisées », couverts par la classe 33.

10

La division d’annulation a considéré, en invoquant la renommée de la marque antérieure…VERLEIHT FLÜGEL (ci-après la « marque antérieure »), qu’il y avait lieu, pour des raisons d’économie de la procédure, de fonder ses conclusions sur la renommée de cette marque. Ainsi, au regard de la renommée de cette marque, du lien qui était susceptible d’être établi dans l’esprit du public entre la marque antérieure et la marque contestée et de la possibilité que le titulaire de la marque contestée puisse tirer indûment profit de la marque antérieure, la division d’annulation a, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, accueilli la demande de nullité pour l’ensemble des produits visés par la marque contestée. S’agissant, par ailleurs, de la forclusion par tolérance revendiquée par la requérante, la division d’annulation a conclu qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, de faire application de l’article 54 du règlement no 207/2009 (devenu article 61 du règlement 2017/1001), dans la mesure où, même si l’intervenante avait connaissance de l’existence de la marque contestée, il n’avait pas été établi qu’elle avait toléré son usage en Autriche en connaissance de celui-ci pendant la période pertinente en l’espèce, à savoir du 5 décembre 2006 au 5 décembre 2011.

11

Le 29 janvier 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation d’accueillir la demande en nullité formée par l’intervenante.

12

Par décision du 17 novembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

13

Plus spécifiquement, en premier lieu, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’annulation en ce que celle-ci avait rejeté l’allégation de forclusion par tolérance de l’intervenante. Elle a, à cet égard, considéré que les éléments de preuve produits par la requérante devant la division d’annulation ne suffisaient pas pour conclure que l’intervenante avait connaissance ou pouvait raisonnablement être supposée avoir connaissance de l’usage de la marque contestée. S’agissant des éléments de preuve que la requérante a produits pour la première fois devant la chambre de recours, cette dernière a considéré que ceux-ci ne sauraient être considérés comme complémentaires ou supplémentaires, au sens de la jurisprudence. En tout état de cause, selon la chambre de recours, même à supposer qu’elle ait dû tenir compte de ces éléments de preuve, sa conclusion resterait inchangée, au vu de leur valeur probante et de l’intensité de l’usage démontrée. La chambre de recours a également considéré que le fait que l’intervenante avait ou aurait pu avoir connaissance de l’enregistrement de la marque contestée, du fait d’un litige l’opposant à la requérante en Allemagne, ne saurait suffire pour établir qu’elle avait connaissance de l’usage de cette marque en Autriche.

14

En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré qu’il convenait, pour des raisons d’économie de la procédure, d’examiner la demande en nullité sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. À cet égard, premièrement, elle a constaté que, en l’espèce, le public pertinent était constitué par les consommateurs moyens autrichiens, tout en soulignant que les « boissons énergisantes » visaient plutôt un public jeune. Deuxièmement, s’agissant des produits visés par les signes en conflit, la chambre de recours a constaté, d’une part, que les produits « boissons énergisantes », visés par la marque antérieure, étaient en partie identiques et en partie moyennement similaires aux produits visés par la marque contestée. Plus spécifiquement, la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où les « autres boissons sans alcool » incluaient les « boissons énergisantes », ces produits étaient identiques. Les « bières ; eaux minérales et gazeuses ; boissons à base de fruits et jus de fruits » visés par la marque contestée, étant tous des boissons et ayant tous la même destination que celle des « boissons énergisantes », visées par la marque antérieure, à savoir « étancher la soif », seraient des produits concurrents aux « boissons énergisantes », pourraient être achetés dans les mêmes points de vente et devraient, dès lors, être considérés comme moyennement similaires aux « boissons énergisantes ». Il en irait de même pour les produits « sirops et autres préparations pour faire des boissons ». En ce qui concerne, enfin, les produits « boissons alcoolisées », la chambre de recours a considéré qu’ils avaient un certain lien avec les « boissons énergisantes ». En invoquant, à cet égard, l’arrêt du 9 mars 2005, Osotspa/OHMI – Distribution & Marketing (Hai) (T‑33/03, EU:T:2005:89), la chambre de recours a constaté que c’était à juste titre que la division d’annulation avait souligné que les boissons alcoolisées étaient souvent mélangées avec des boissons énergisantes « et/ou consommées ensemble ». Il en irait de même pour ce qui est des produits « essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool ».

15

Troisièmement, s’agissant de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a considéré que les signes étaient moyennement similaires sur les plans visuel et phonétique, dans la mesure où ils coïncidaient, à tout le moins, par les deux syllabes « flü » et « gel ». Il en irait ainsi également sur le plan conceptuel, puisque les deux signes renvoient au concept d’« aile ».

16

Quatrièmement, la chambre de recours a considéré que l’élément « flügel » était l’élément dominant de la marque antérieure. Cinquièmement, elle a, en outre, considéré que, pour des raisons d’économie de la procédure, il n’y avait pas lieu d’examiner les éléments de preuve produits aux fins d’établir le caractère distinctif renforcé de la marque antérieure et fait reposer son analyse sur le caractère distinctif intrinsèque de cette marque.

17

Dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion entre les signes en conflit, la chambre de recours a conclu que, au vu de ses constatations exposées aux points 14 à 16 ci-dessus, compte tenu du « principe du souvenir imparfait » et de l’interdépendance des facteurs, les similitudes entre les signes en cause étaient suffisantes pour qu’il existe un risque de confusion pour les produits visés par ceux-ci.

18

La chambre de recours a, enfin, considéré que la division d’annulation avait commis une erreur dans son raisonnement en ce qui concernait l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 2007/2009. Pour ce motif, elle a annulé, par le point 2 du dispositif de la décision attaquée, la décision de la division d’annulation « dans la mesure où l’examen au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n’était pas nécessaire en l’espèce ».

Conclusions des parties

19

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

20

L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

21

À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 61, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) et, le second, de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

22

Avant de procéder à l’examen des moyens invoqués par la requérante, il y a lieu de préciser la portée de la décision attaquée.

Sur la portée de la décision attaquée

23

Il y a lieu, à cet égard, de constater que, selon le point 2 du dispositif de la décision attaquée, la décision de la division d’annulation a été annulée « dans la mesure où l’examen au titre de l’article 8, paragraphe 5, du [règlement no 207/2009] n’était pas nécessaire ». La chambre de recours a indiqué, au point 82 de la décision attaquée, que la division d’annulation avait « commis une erreur dans son raisonnement dans la mesure où l’examen au titre de l’article 8, paragraphe 5, du [règlement no 207/2009] n’était pas nécessaire en l’espèce ».

24

Or, au vu de l’ensemble de la décision attaquée, il convient de considérer, à l’instar des parties, interrogées sur ce point lors de l’audience, que le point 2 du dispositif de la décision attaquée doit être interprété en ce sens que la chambre de recours n’a fait que substituer sa propre appréciation à celle de la division d’annulation, en fondant la nullité de la marque contestée sur un motif différent de celui privilégié par cette dernière instance, en exerçant les prérogatives dont elle dispose en vertu de l’article 64 du règlement no 207/2009.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

25

En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a, à tort, considéré comme étant inadmissibles les éléments de preuve qu’elle a fournis, pour la première fois dans le cadre de son recours devant celle-ci, afin de prouver que les conditions d’application de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 étaient remplies. Elle fait, plus spécifiquement, valoir que, selon la jurisprudence, des preuves supplémentaires peuvent être prises en compte en deuxième instance lorsque les preuves initiales ont été, comme en l’espèce, considérées comme étant insuffisantes. Selon la requérante, il est clair que les nouveaux éléments de preuve visaient à renforcer ou à clarifier les éléments de preuve initialement déposés devant les instances de l’EUIPO. La requérante prétend également que, selon la jurisprudence, il n’est nécessaire de fournir ni une justification pour la production tardive de preuves ni une explication sur le lien entre les nouveaux éléments de preuve et ceux qui ont été fournis en première instance. Enfin, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas exercé le pouvoir d’appréciation dont elle disposait pour ce qui était de la prise en compte d’éléments de preuve produits tardivement de manière objective et raisonnée et elle n’a, ainsi, pas satisfait à l’exigence de motivation qui lui est imposée selon la jurisprudence.

26

En second lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que, en tout état de cause, même à considérer que les nouveaux éléments de preuve devraient être considérés comme étant recevables, ceux-ci n’étaient pas suffisants pour prouver que l’intervenante avait effectivement connaissance de l’usage de la marque contestée.

27

Plus particulièrement, selon la requérante, d’une part, la chambre de recours a considéré à tort que la déclaration de l’organisateur du festival de Westendorf (Autriche), M. S., qui avait déclaré avoir parlé, lors dudit festival, de la « boisson Flügel » avec des représentants de l’intervenante, était d’une « valeur probante faible », ce que la chambre de recours n’aurait, de plus, pas étayé à suffisance de droit. Cette déclaration aurait, pourtant, dû suffire à démontrer que l’intervenante avait effectivement connaissance de l’usage de la marque contestée en Autriche. D’autre part, selon la requérante, la chambre de recours a erronément omis de tenir compte du fait que la boisson protégée par la marque contestée était proposée à la vente dans 19 bars en Autriche, comme l’était également le produit de l’intervenante. La requérante considère que, contrairement aux conclusions de la chambre de recours, le nombre de ces établissements, en tant que tel, n’est pas pertinent en l’espèce, puisque l’offre à la vente des produits protégés par les signes en conflit dans les mêmes établissements suffirait à prouver que les représentants de l’intervenante auraient eu connaissance de l’usage de la marque contestée.

28

En tout état de cause, même sans tenir compte de ces éléments de preuve supplémentaires, la requérante soutient qu’elle avait apporté suffisamment d’éléments pour prouver que les conditions prévues par l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 étaient remplies en l’espèce. S’agissant, ainsi, des factures produites devant la division d’annulation pour les années 2005 et 2006, la chambre de recours aurait à tort confirmé que les exigences quantitatives étaient pertinentes pour constater un niveau minimal quant à l’usage de la marque contestée. La requérante souligne, à cet égard, que le terme « usage » au sens de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ne correspond pas au concept d’« usage sérieux » et qu’il suffirait, en l’espèce, de démontrer que l’intervenante avait connaissance ou qu’elle pouvait raisonnablement être supposée avoir connaissance de cet usage. La requérante reproche, en outre, à la chambre de recours d’avoir omis de tenir compte du litige qui l’opposait, ainsi que sa filiale, à l’intervenante, depuis 2001, à propos de l’usage de la marque contestée aux Pays-Bas et au Benelux. La chambre de recours aurait, également, écarté la déclaration d’un chanteur autrichien fournie par la requérante au motif qu’elle ne comporterait pas d’appréciation objective par un tiers, sans justifier correctement sa conclusion.

29

Enfin, selon la requérante, la chambre de recours a conclu que « chaque élément de preuve [était] à lui seul insuffisant », alors qu’elle n’aurait pas dû apprécier ces éléments de manière isolée, mais pris dans leur ensemble.

30

L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

31

Conformément à une jurisprudence établie, quatre conditions doivent être réunies pour faire courir le délai de forclusion par tolérance en cas d’usage d’une marque postérieure identique à la marque antérieure ou similaire au point de prêter à confusion. Premièrement, la marque postérieure doit être enregistrée, deuxièmement, son dépôt doit avoir été effectué de bonne foi par son titulaire, troisièmement, elle doit être utilisée dans l’État membre où la marque antérieure est protégée et, enfin, quatrièmement, le titulaire de la marque antérieure doit avoir connaissance de l’usage de cette marque après son enregistrement [voir arrêt du 20 avril 2016, Tronios Group International/EUIPO – Sky (SkyTec), T‑77/15, EU:T:2016:226, point 30 et jurisprudence citée].

32

Il ressort également de cette jurisprudence que l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 a pour objet de sanctionner les titulaires des marques antérieures ayant toléré l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure pendant cinq années consécutives, en connaissance de cet usage, par la perte des actions de nullité et d’opposition envers ladite marque. Cette disposition vise ainsi à mettre en balance les intérêts du titulaire d’une marque à sauvegarder la fonction essentielle de celle-ci et les intérêts d’autres opérateurs économiques à disposer de signes susceptibles de désigner leurs produits et leurs services. Cet objectif implique que, pour sauvegarder cette fonction essentielle, le titulaire d’une marque antérieure doit être en mesure de s’opposer à l’usage d’une marque postérieure identique ou semblable à la sienne. En effet, ce n’est qu’à partir du moment où le titulaire de la marque antérieure connaît l’usage de la marque de l’Union européenne postérieure qu’il a la possibilité de ne pas le tolérer et, donc, de s’y opposer ou de demander la nullité de la marque postérieure et que, partant, le délai de forclusion par tolérance commence à courir (voir arrêt du 20 avril 2016, SkyTec, T‑77/15, EU:T:2016:226, point 31 et jurisprudence citée).

33

Il résulte d’une interprétation téléologique de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 que la date pertinente permettant de calculer le point de départ du délai de forclusion est celle de la connaissance de l’usage de la marque postérieure (voir arrêt du 20 avril 2016, SkyTec, T‑77/15, EU:T:2016:226, point 32 et jurisprudence citée).

34

De même, cette interprétation exige que le titulaire de la marque postérieure apporte la preuve de l’existence d’une connaissance effective de l’usage de ladite marque par le titulaire de la marque antérieure, en l’absence de laquelle ce dernier ne serait pas en mesure de s’opposer à l’usage de la marque postérieure. En effet, il y a lieu de tenir compte, à cet égard, de la règle analogue de forclusion par tolérance visée à l’article 9, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), remplacé par l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25). Concernant cette règle, le onzième considérant de la première directive 89/104 ainsi que le considérant 12 de la directive 2008/95 précisent que ce motif de forclusion est applicable lorsque le titulaire de la marque antérieure « a sciemment toléré l’usage pendant une longue période », ce qui veut dire « délibérément » ou « en connaissance de cause ». Cette appréciation s’applique mutatis mutandis à l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 dont le libellé correspond à celui de l’article 9, paragraphe 1, de la première directive 89/104 et de la directive 2008/95 (voir arrêt du 20 avril 2016, SkyTec, T‑77/15, EU:T:2016:226, point 33 et jurisprudence citée).

35

Partant, le titulaire d’une marque qui est contestée par le biais d’une demande de nullité ne saurait se contenter de prouver la connaissance potentielle de l’usage de sa marque par le titulaire d’une marque qui est antérieure ou d’établir des indices concordants donnant lieu à la présomption de l’existence éventuelle d’une telle connaissance (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 avril 2016, SkyTec, T‑77/15, EU:T:2016:226, point 34).

36

Dès lors que la chambre de recours a conclu qu’une connaissance effective de l’usage de la marque contestée n’était pas établie en l’espèce en tenant compte de l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante, y compris ceux qui avaient été produits tardivement par cette dernière, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 31 à 35 ci-dessus, les arguments avancés par la requérante s’agissant du contenu et de la valeur probante des éléments de preuve qu’elle a produits devant les instances de l’EUIPO.

37

À cet égard, en ce qui concerne, tout d’abord, l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait examiné chaque élément de preuve de manière isolée et n’aurait, ainsi, pas tenu compte de ces éléments dans leur ensemble (voir point 29 ci-dessus), il convient de constater qu’elle est fondée sur une lecture erronée de la décision attaquée.

38

En effet, la chambre de recours n’a pas tenu compte de chaque élément de preuve de manière isolée. Elle a, certes, examiné le contenu et la valeur probante individuelle de chacun de ces éléments, mais, ainsi qu’il ressort du point 21 de la décision attaquée, elle a explicitement considéré, tout en se référant à la décision de la division d’annulation qu’elle a confirmée sur ce point, que lesdits éléments de preuve n’étaient pas, dans leur ensemble, suffisants pour établir la connaissance effective de l’usage de la marque contestée par l’intervenante.

39

Il en va de même, ainsi qu’il ressort des points 27 et 28 de la décision attaquée, s’agissant des éléments de preuve que la requérante a produits tardivement devant les instances de l’EUIPO.

40

Il convient, ensuite, d’examiner les arguments présentés par la requérante concernant le contenu et la valeur probante des éléments de preuve fournis par celle-ci devant les instances de l’EUIPO.

41

Premièrement, quant aux factures produites devant la division d’annulation pour les années 2005 et 2006 (voir point 28 ci-dessus), il y a lieu de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que celles-ci démontraient un niveau insuffisant s’agissant de l’usage de la marque contestée pour établir la connaissance effective de cet usage par l’intervenante.

42

À cet égard, ainsi qu’il a pu être jugé, si un volume relativement restreint de ventes est, certes, apte à démontrer un certain usage d’une marque, ce volume peut, comme en l’espèce, être insuffisant pour établir la connaissance effective dudit usage par le demandeur en nullité (voir, en ce sens, arrêt du 20 avril 2016, SkyTec, T‑77/15, EU:T:2016:226, point 44) ou, en tout état de cause, pour laisser supposer, sans aucun doute possible, que ce dernier a eu une telle connaissance de l’usage revendiqué. Partant, et contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours n’a pas émis des exigences quantitatives concernant l’usage de la marque contestée en l’espèce qui ne seraient pas posées par l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. Eu égard à cette constatation et étant donné que la requérante ne fournit aucun élément spécifique visant à établir une connaissance effective de l’usage de la marque contestée de la part des représentants de l’intervenante, se contentant, à cet égard, d’affirmations générales s’agissant de l’offre à la vente des produits visés par les marques en conflit dans les mêmes établissements, il convient d’écarter l’argumentation s’y référant de la requérante exposée au point 27 ci-dessus.

43

Deuxièmement, s’agissant de la déclaration d’un chanteur autrichien, M. R., force est de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la simple affirmation de celui-ci selon laquelle, avant décembre 2006, des boissons alcoolisées commercialisées sous la marque contestée avaient été vendues dans un établissement en Autriche et que lui-même avait été sponsorisé par la requérante depuis 2005 n’était pas de nature à prouver la connaissance de l’usage de la marque contestée par l’intervenante. En effet, cette affirmation n’est accompagnée d’aucun élément concret attestant de la sponsorisation de M. R. par la requérante ou de la publicité qui aurait été donnée à cette opération commerciale et encore moins des preuves concernant la vente ou la mise en évidence des boissons commercialisées sous la marque contestée dans l’établissement auquel celui-ci se réfère. De même, cette déclaration ne contient aucun élément concret permettant d’identifier les représentants de l’intervenante qui auraient visité « régulièrement » l’établissement auquel se réfère M. R.

44

Troisièmement, pour ce qui est de l’affichette publicitaire portant sur le festival « Feestweek » organisé en mars 2005 à Westendorf, dans le Tyrol (Autriche), contenant l’expression « Mmv FLÜGEL Events », outre le fait que cette expression y apparaît en petits caractères et n’attire, dès lors, pas forcément l’attention, force est de constater que cette expression ne saurait être perçue comme faisant obligatoirement référence à une marque telle que la marque contestée.

45

En ce qui concerne, quatrièmement, la déclaration de M. S. (voir point 27 ci-dessus), il convient de constater que celle-ci ne comprend aucun élément spécifique s’agissant des prétendues visites des représentants de l’intervenante à son établissement et, plus spécifiquement, aucun indice permettant d’identifier le représentant commercial auquel M. S. fait référence. À cet égard, le fait que M. S. se déclare « prêt à répéter sa déclaration devant les tribunaux » ne saurait, à lui seul, augmenter la valeur probante de ses propos.

46

Du reste, il convient de constater que, dans sa requête, la requérante ne conteste aucunement de manière spécifique l’appréciation, par la chambre de recours, des autres éléments de preuve qu’elle avait produits devant les instances de l’EUIPO.

47

Enfin, il y a lieu de confirmer les conclusions de la chambre de recours s’agissant des procédures juridictionnelles qui auraient opposé la requérante à l’intervenante dans des États membres autres que l’Autriche. D’une part, il y a lieu, à cet égard, de constater que la requérante se contente, sur ce point, d’affirmations générales, s’agissant, par exemple, de l’implication personnelle du fondateur de l’intervenante dans les procès en question, sans pourtant fournir des éléments concrets susceptibles d’appuyer ses allégations.

48

D’autre part, il ressort des écritures des parties que les litiges auxquels il est fait référence dans la présente affaire ne portaient pas sur l’usage de la marque de l’Union européenne contestée, mais sur l’usage d’autres signes. Selon l’EUIPO (voir point 53 du mémoire en réponse), seul l’enregistrement de la marque contestée a été mentionné dans le cadre de ces litiges et non pas son usage dans le territoire de l’Union européenne et, encore moins, en Autriche. Il convient, ainsi, à l’instar de l’EUIPO, de constater que la connaissance éventuelle, par l’intervenante, de l’usage d’autres marques, nationales ou internationales, similaires à la marque contestée ne saurait suffire à établir sa connaissance effective de l’usage de cette dernière et encore moins de son usage dans le territoire pertinent, à savoir en Autriche [voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2013, SFC Jardibric/OHMI – Aqua Center Europa (AQUA FLOW), T‑417/12, non publié, EU:T:2013:550, point 41, et du 20 avril 2016, SkyTec, T‑77/15, EU:T:2016:226, point 45].

49

S’agissant, à cet égard, en outre, de la procédure juridictionnelle ayant opposé, en Autriche, la requérante à l’intervenante, la requérante a indiqué, dans sa réponse du 6 mars 2018 aux questions que le Tribunal lui avait communiquées, qu’il s’agissait d’une procédure de contrefaçon, introduite par l’intervenante le 4 octobre 2010 à son égard et ayant donné lieu à l’arrêt de l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) du 25 mai 2012 ainsi qu’à l’arrêt de l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) du 18 septembre 2012, qu’elle avait produits devant la division d’annulation en annexes 14 et 15 de ses observations du 1er septembre 2014. Selon la requérante, ces arrêts comportent plusieurs analyses pertinentes en l’espèce.

50

Or, même à supposer que lesdits arrêts aient été susceptibles de constituer une preuve de la connaissance effective de la part de l’intervenante de l’usage de la marque contestée en Autriche, cette connaissance ne saurait être établie, sur la base de ces arrêts, qu’à partir de 2010, à savoir à partir de la date à laquelle la procédure en cause a été entamée. Partant, étant donné que l’intervenante a formulé sa demande de nullité de la marque contestée le 5 décembre 2011, une telle connaissance, à la supposer établie, ne saurait suffire à prouver qu’elle avait toléré l’usage de la marque contestée pendant cinq années consécutives au sens de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (voir point 32 ci-dessus).

51

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a confirmé, sur la base de l’ensemble des éléments du dossier, la décision de la division d’annulation sur la question de savoir si la requérante avait apporté la preuve d’une connaissance effective par l’intervenante de l’usage de la marque contestée en Autriche et, dès lors, de rejeter le premier moyen. Il n’y a, dès lors, pas lieu d’examiner l’argumentation de la requérante visant à mettre en cause les constatations de la chambre de recours concernant la recevabilité de certains des éléments de preuve qu’elle avait produits pour la première fois devant cette dernière instance de l’EUIPO.

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec son article 8, paragraphe 1, sous b)

52

Aux termes d’une lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et de son article 8, paragraphe 1, sous b), sur demande du titulaire d’une marque antérieure, une marque de l’Union européenne enregistrée peut être déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

53

Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 février 2017, International Gaming Projects/EUIPO – adp Gauselmann (TRIPLE EVOLUTION), T‑82/16, non publié, EU:T:2017:66, point 25 et jurisprudence citée].

54

Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives (voir arrêt du 9 février 2017, TRIPLE EVOLUTION, T‑82/16, non publié, EU:T:2017:66, point 26 et jurisprudence citée).

55

C’est en tenant compte de ces considérations qu’il convient d’examiner, en l’espèce, le second moyen invoqué par la requérante.

56

La requérante prétend qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les signes en conflit. S’agissant, plus particulièrement, de la comparaison entre les produits visés par ces signes, elle soutient que les produits « pour lesquels les slogans sont utilisés dans la classe 32, à savoir les boissons énergisantes, ne sont pas similaires aux produits pour lesquels la marque [contestée] est enregistrée dans la classe 33 ». D’après la requérante, les motifs sur lesquels est fondée l’appréciation de la chambre de recours sur ce point « ne satisfont pas aux exigences posées par l’article 75 du règlement no 207/2009 en matière de motivation ». Elle considère que la chambre de recours a présumé à tort et sans aucune motivation que les boissons alcoolisées relevant de la classe 33 avaient un certain lien avec les boissons énergisantes.

57

La requérante invoque, à cet égard, l’arrêt du 15 février 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (LINDENHOF) (T‑296/02, EU:T:2005:49, point 57), selon lequel beaucoup de boissons alcoolisées et non alcoolisées peuvent être consommées les unes après les autres ou même mélangées sans qu’elles soient pourtant similaires, ainsi que l’arrêt du 18 juin 2008, Coca‑Cola/OHMI – San Polo (MEZZOPANE) (T‑175/06, EU:T:2008:212).

58

La requérante soutient, en outre, que l’intervenante a toujours nié tout lien entre les boissons énergisantes et les boissons alcoolisées. L’intervenante aurait, dans cette optique, imprimé une phrase sur les canettes contenant le produit commercialisé sous la marque antérieure qui se traduit en français par « ne pas mélanger à de l’alcool ». Selon la requérante, l’intervenante aurait toujours prétendu que son produit rendait ses consommateurs plus énergiques et éveillés, ce qui serait l’effet opposé de la consommation d’une boisson alcoolique, de sorte qu’un consommateur cherchant à rester éveillé, tel un conducteur, ne songerait pas à substituer une boisson alcoolique à une boisson non alcoolique à effet énergisant.

59

Pour sa part, l’EUIPO estime que, bien que les produits en cause soient d’une nature différente, une certaine similitude entre eux ne devrait pas être exclue. La jurisprudence serait, d’ailleurs, constante sur l’existence d’un faible degré de similitude entre les boissons alcoolisées et les boissons non alcoolisées. L’EUIPO invoque, à cet égard, les arrêts du 5 octobre 2011, Cooperativa Vitivinícola Arousana/OHMI – Sotelo Ares (ROSALIA DE CASTRO) (T‑421/10, non publié, EU:T:2011:565), du 21 septembre 2012, Wesergold Getränkeindustrie/OHMI – Lidl Stiftung (WESTERN GOLD) (T‑278/10, EU:T:2012:459, points 31 à 41), du 11 septembre 2014, Aroa Bodegas/OHMI – Bodegas Muga (aroa) (T‑536/12, non publié, EU:T:2014:770, point 32), et du 1er mars 2016, BrandGroup/OHMI – Brauerei S. Riegele, Inh. Riegele (SPEZOOMIX) (T‑557/14, non publié, EU:T:2016:116, points 26 et 27). Dans la mesure où la chambre de recours n’a pas défini expressément le degré de similitude des produits en cause, mais qu’elle a, pourtant, affirmé qu’il existait « un certain lien » entre eux, il conviendrait de considérer que son intention était de conclure que le degré de similitude entre lesdits produits était plus bas que la moyenne.

60

S’agissant de la jurisprudence invoquée par la requérante, l’EUIPO considère que l’arrêt du 18 juin 2008, MEZZOPANE (T‑175/06, EU:T:2008:212), n’est pas pertinent en l’espèce, dans la mesure où la comparaison portait sur les boissons non alcoolisées, d’une part, et sur les vins mousseux, d’autre part, alors que, en l’espèce, les boissons énergisantes doivent être comparées à la catégorie plus large des boissons alcoolisées. Il en irait de même de l’arrêt du 15 février 2005, LINDENHOF (T‑296/02, EU:T:2005:49), en raison des circonstances très différentes de la comparaison des produits qu’impliquait l’affaire y ayant donné lieu. L’EUIPO invoque, par ailleurs, l’arrêt du 9 mars 2005, Hai (T‑33/03, EU:T:2005:89), dans lequel le Tribunal a indiqué que, de nos jours, les boissons énergisantes étaient souvent commercialisées et consommées avec des boissons alcoolisées.

61

S’agissant de la comparaison entre les produits en cause en l’espèce, d’une part, l’intervenante constate que la requérante ne conteste pas les conclusions de la chambre de recours portant sur la comparaison entre les « boissons énergisantes » et les produits relevant de la classe 32.

62

En ce qui concerne les produits relevant de la classe 33, d’autre part, en premier lieu, l’intervenante souligne que le produit commercialisé sous la marque contestée a été « développé sous la forme d’un mélange de vodka et de boisson énergétique ». L’intervenante relève, à cet égard, que, selon certains éléments de preuve fournis par la requérante, des tiers désignent ce produit comme une « boisson énergétique à la vodka Flügel ». Il est d’ailleurs de couleur rouge, ce qui permettrait de faire allusion au produit commercialisé par l’intervenante.

63

L’intervenante approuve les conclusions de la chambre de recours sur le public pertinent en l’espèce et considère que celui-ci est constitué par les jeunes consommateurs autrichiens.

64

L’intervenante approuve également la conclusion de la chambre de recours concernant la similitude entre les boissons alcoolisées et les boissons énergisantes. Elle soutient que, contrairement à ce que semble prétendre la requérante, la pratique consistant à mélanger des boissons énergisantes et des boissons alcoolisées est très répandue parmi les personnes jeunes en Autriche, ce qui découlerait également des preuves fournies par la requérante ayant un lien avec le mélange appelé FLÜGERL, composée de vodka et de Red Bull.

65

L’intervenante considère, plus particulièrement, que la jurisprudence invoquée par la requérante n’est pas pertinente en l’espèce. S’agissant, plus spécifiquement, de l’arrêt du 18 juin 2008, MEZZOPANE (T‑175/06, EU:T:2008:212), il s’agirait d’un cas isolé et, selon la jurisprudence majoritaire, il existerait au moins un faible degré de similitude entre les produits relevant, respectivement, des classes 32 et 33.

66

Dans la mesure où la boisson commercialisée par la requérante serait une boisson énergétique alcoolique, elle présenterait un degré élevé de similitude avec la boisson commercialisée par l’intervenante. Le seul élément qui les différencierait, à partir du moment où les deux boissons pourraient être qualifiées de « boissons destinées aux événements festifs », est la présence d’alcool, étant donné qu’elles sont consommées par les mêmes consommateurs, dans les mêmes endroits, qu’elles sont interchangeables et en concurrence l’une avec l’autre, qu’elles peuvent être mélangées, qu’elles ont une nature stimulante et énergisante très similaire et qu’elles peuvent être fabriquées par les mêmes entreprises.

67

Enfin, selon l’intervenante, la marque contestée couvre les « boissons énergétiques alcooliques », puisque ce terme est compris dans les termes plus généraux « boissons alcoolisées ». L’intervenante invoque, à cet égard, mutatis mutandis, la jurisprudence selon laquelle, lorsque les produits visés par la marque plus récente incluent les produits visés par la marque antérieure, ces produits sont considérés comme identiques.

68

Selon la jurisprudence, afin de procéder à la comparaison entre les produits visés par les signes en conflit, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés ou encore la circonstance que les produits sont fréquemment vendus dans les mêmes points de vente spécialisés, qui est de nature à faciliter la perception par le consommateur concerné des liens étroits existant entre eux et à renforcer l’impression que la responsabilité de leur fabrication incombe à la même entreprise [voir arrêt du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑627/13, non publié, EU:T:2015:740, point 37 et jurisprudence citée].

69

En l’espèce, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a défini le public pertinent comme étant le public autrichien, composé plutôt de personnes jeunes.

70

Au vu de l’argumentation présentée par la requérante (voir point 56 ci-dessus), en deuxième lieu, il convient de rappeler que, certes, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’administration a l’obligation de motiver ses décisions. Cette obligation de motivation, qui est reprise à l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenu article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001), implique que le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque et a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 26 septembre 2017, La Rocca/EUIPO (Take your time Pay After), T‑755/16, non publié, EU:T:2017:663, point 37 et jurisprudence citée].

71

La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 26 septembre 2017, Take your time Pay AfterT‑755/16, non publié, EU:T:2017:663, point 38 et jurisprudence citée).

72

Enfin, il y a lieu de rappeler également que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 26 septembre 2017, Take your time Pay AfterT‑755/16, non publié, EU:T:2017:663, point 42 et jurisprudence citée).

73

À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte de l’ensemble de l’argumentation de la requérante et qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, son recours ne porte pas, en réalité, sur les constatations de la chambre de recours concernant la similitude entre les « boissons énergisantes », visées par la marque antérieure et relevant de la classe 32, et les produits relevant de la classe 32, pour lesquels la marque contestée a été enregistrée. Partant, il convient de considérer que la requérante ne conteste que la constatation de la chambre de recours s’agissant de l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit en ce que ceux-ci couvrent les produits « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » et « essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool », relevant de la classe 33, et les produits « boissons énergisantes », relevant de la classe 32.

74

À cet égard, force est de constater que la chambre de recours a clairement indiqué, aux points 48 et 49 de la décision attaquée, les motifs sur la base desquels elle a conclu que les produits « boissons énergisantes », relevant de la classe 32, et les produits « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33, étaient similaires. Elle a, plus spécifiquement, constaté un certain lien existant entre ces deux catégories de produits, dès lors que les boissons alcoolisées et les boissons énergisantes sont souvent mélangées et consommées ensemble. Elle a, en outre, considéré que les mêmes constatations valaient pour les « essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool » (voir point 9 ci-dessus).

75

Au vu de l’ensemble de l’argumentation présentée par la requérante, qui remet précisément en cause ces constatations de la chambre de recours, il convient, dès lors, de considérer que la motivation de la décision attaquée était, sur ce point, suffisamment claire pour permettre tant à la requérante de défendre ses droits devant le Tribunal qu’à ce dernier d’exercer son contrôle, au sens de la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus. Partant, il y a lieu d’écarter l’argumentation de la requérante en ce qu’elle est fondée sur l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009.

76

En troisième lieu, s’agissant de la similitude entre les produits visés par les signes en conflit, ainsi qu’il résulte du point 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a fondé sa conclusion sur la circonstance que ceux-ci étaient « souvent mélangés et/ou consommés ensemble ». Il ressort de cette formulation et, notamment, de l’utilisation alternative des deux éléments « et » et « ou » que, selon la chambre de recours, sa conclusion pouvait être fondée soit sur la considération qu’il était de pratique courante de mélanger les produits en cause, soit sur la considération que ces produits étaient consommés ensemble, soit, en tout état de cause, sur ces deux considérations prises ensemble.

77

Force est de constater, d’emblée, que cette considération contenue au point 48 de la décision attaquée ne saurait suffire à établir l’existence d’une similitude entre les produits en cause en l’espèce.

78

Il y a lieu, à cet égard, de relever que la chambre de recours s’est référée, au point 48 de la décision attaquée, aux constatations de la division d’annulation et les a validées. La division d’annulation avait, en effet, indiqué qu’il existait un certain lien entre les produits visés par la marque contestée et ceux visés par la marque antérieure, pour lesquels une certaine renommée avait été établie, dans la mesure où il relèverait de l’expérience commune que des boissons alcooliques sont souvent mélangés et/ou consommées avec des boissons énergisantes.

79

Or, ces constatations ont été formulées dans un contexte différent de celui de la décision attaquée, à savoir dans le cadre d’une appréciation effectuée par la division d’annulation non pas sur la base de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, mais sur la base de l’article 8, paragraphe 5, de ce dernier. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la similitude entre les produits visés par les signes en conflit ne constitue pas une condition de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, alors qu’elle constitue l’une des conditions cumulatives de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. Partant, la division d’annulation, qui avait, pour sa part, procédé à l’évaluation de la renommée des marques antérieures, ne visait pas, contrairement à la chambre de recours, à faire état d’une similitude entre les produits en cause, mais indiquait un simple lien qui pourrait être établi, dans l’esprit du public pertinent, entre lesdits produits.

80

S’agissant de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il y a lieu de relever qu’une multitude de boissons alcooliques et non alcooliques sont, en règle générale, mélangées, consommées ou, même, commercialisées ensemble, soit dans les mêmes établissements soit en tant que boissons alcooliques prémélangées. Considérer que ces produits devraient, de ce seul fait, être qualifiés de similaires, alors qu’ils ne sont destinés à être consommés ni dans les mêmes circonstances, ni dans le même état d’esprit, ni, le cas échéant, par les mêmes catégories de consommateurs, ferait d’un nombre important de produits susceptibles d’être qualifiés de « boissons » une seule et unique catégorie aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2012, Yilmaz/OHMI – Tequila Cuervo (TEQUILA MATADOR HECHO EN MEXICO), T‑584/10, EU:T:2012:518, point 55 et jurisprudence citée].

81

Ainsi, il ne saurait être considéré qu’une boisson alcoolique et une boisson énergisante sont similaires du seul fait qu’elles sont susceptibles d’être mélangées, consommées ou commercialisées ensemble, étant donné que la nature, la destination et l’utilisation de ces produits diffèrent, eu égard à la présence ou à l’absence d’alcool dans leur composition (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2008, MEZZOPANE, T‑175/06, EU:T:2008:212, point 79). Par ailleurs, il y a lieu de constater que les entreprises qui commercialisent des boissons alcooliques pré-mélangées avec un ingrédient non alcoolique ne vendent pas cet ingrédient séparément et sous la même marque que la boisson alcoolique prémélangée en question ou sous une marque similaire (arrêt du 3 octobre 2012, TEQUILA MATADOR HECHO EN MEXICO, T‑584/10, EU:T:2012:518, point 70).

82

Il a, plus spécifiquement, déjà été jugé que le consommateur moyen allemand était habitué et attentif à la séparation entre les boissons alcooliques et non alcooliques, laquelle est d’ailleurs nécessaire, certains consommateurs ne souhaitant pas, voire ne pouvant pas, consommer d’alcool (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2005, LINDENHOF, T‑296/02, EU:T:2005:49, point 54, et du 18 juin 2008, MEZZOPANE, T‑175/06, EU:T:2008:212, point 80).

83

Aucun élément figurant dans le dossier ne permet d’indiquer que cette appréciation ne vaut pas également pour le public pertinent autrichien en l’espèce. Il y a, ainsi, lieu de considérer que ce dernier est également habitué et attentif à la séparation entre les boissons alcooliques et non alcooliques. Il s’ensuit qu’il fera cette distinction lors de la comparaison entre la boisson énergisante de la marque antérieure et la boisson alcoolique de la marque demandée (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2008, MEZZOPANE, T‑175/06, EU:T:2008:212, point 81, et du 3 octobre 2012, TEQUILA MATADOR HECHO EN MEXICO, T‑584/10, EU:T:2012:518, point 65). Le seul fait que les boissons énergisantes sont susceptibles d’être commercialisées et consommées avec des boissons alcooliques (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2005, Hai, T‑33/03, EU:T:2005:89, point 43), à le supposer établi, ne saurait suffire à remettre en cause ces constatations.

84

Il convient, à cet égard, d’écarter l’argumentation de l’intervenante selon laquelle la jurisprudence citée aux points 81 à 83 ci-dessus ne serait pas pertinente dans le contexte de la présente affaire. En effet, en dépit des différences qui, certes, existent entre les produits visés dans la présente affaire et ceux visés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 juin 2008, MEZZOPANE (T‑175/06, EU:T:2008:212), il n’en reste pas moins que les considérations émises par le juge de l’Union sur la perception du public pertinent des boissons en fonction de leur teneur en alcool sont indubitablement valables dans un contexte comme celui de la présente affaire.

85

Il en va de même en ce qui concerne le reste de la jurisprudence invoquée par l’EUIPO. En effet, bien que le Tribunal ait pu reconnaître, dans des conditions qui n’étaient pas identiques à celles de la présente espèce, un faible degré de similitude entre des boissons alcooliques et des boissons non alcooliques, il ne saurait être considéré que cela suffirait à remettre en cause ce qui est exposé aux points 77 à 84 ci-dessus.

86

Il y a, dès lors, lieu d’accueillir le second moyen et, partant, d’annuler partiellement la décision attaquée, en ce que, par cette dernière, la chambre de recours a constaté l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit s’agissant des produits relevant de la classe 33 visés par la marque contestée et les produits « boissons énergisantes » relevant de la classe 32 visés par la marque antérieure.

Sur les dépens

87

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO et l’intervenante ayant, pour l’essentiel, succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 17 novembre 2016 (affaire R 282/2015-5) est annulée, dans la mesure où elle rejette le recours contre la décision de la division d’annulation de déclarer nulle la marque de l’Union européenne verbale FLÜGEL pour les produits « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » et « essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool », relevant de la classe 33, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

L’EUIPO et Red Bull GmbH sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par Asolo Ltd.

 

Gratsias

Dittrich

Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2018.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

Top