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Document 62017CJ0425

    Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 octobre 2018.
    Günter Hartmann Tabakvertrieb GmbH & Co. KG contre Stadt Kempten.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof.
    Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Interdiction de mise sur le marché du tabac à usage oral – Notions de “tabac à mâcher” et de “tabac à usage oral” – Pâte composée de tabac finement moulu (Thunder Chewing Tabacco) et sachets‑portions poreux en cellulose remplis de tabac finement coupé (Thunder Frosted Chewing Bags).
    Affaire C-425/17.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:830

    ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    17 octobre 2018 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Interdiction de mise sur le marché du tabac à usage oral – Notions de “tabac à mâcher” et de “tabac à usage oral” – Pâte composée de tabac finement moulu (Thunder Chewing Tabacco) et sachets-portions poreux en cellulose remplis de tabac finement coupé (Thunder Frosted Chewing Bags) »

    Dans l’affaire C‑425/17,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (tribunal administratif supérieur du Land de Bavière, Allemagne), par décision du 11 juillet 2017, parvenue à la Cour le 14 juillet 2017, dans la procédure

    Günter Hartmann Tabakvertrieb GmbH & Co. KG

    contre

    Stadt Kempten,

    en présence de :

    Landesanwaltschaft Bayern,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. E. Regan, président de la cinquième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. G. Fernlund et S. Rodin (rapporteur), juges,

    avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour Günter Hartmann Tabakvertrieb GmbH & Co. KG, par Me A. Mayer, Rechtsanwalt,

    pour la Stadt Kempten, par Mme C. Hage, en qualité d’agent,

    pour la Landesanwaltschaft Bayern, par Me P. Hahn, Landesanwalt,

    pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Pavliš et J. Vláčil, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement danois, par M. J. Nymann-Lindegren ainsi que par Mmes M. Wolff et P. Ngo, en qualité d’agents,

    pour le gouvernement hellénique, par M. G. Kanellopoulos ainsi que par Mmes A. Vasilopoulou et E. Chroni, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par MM. C. Hödlmayr et J. Tomkin, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, points 6 et 8, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO 2014, L 127, p. 1).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Günter Hartmann Tabakvertrieb GmbH & Co. KG à la Stadt Kempten (ville de Kempten, Allemagne) au sujet de l’interdiction faite à cette société de commercialiser sur le marché allemand des produits du tabac sans combustion.

    Le cadre juridique

    3

    Les considérants 32, 34 et 35 de la directive 2014/40 énoncent :

    « (32)

    La directive 89/622/CEE du Conseil [, du 13 novembre 1989, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière d’étiquetage des produits de tabac ainsi que l’interdiction de certains tabacs à usage oral (JO 1989, L 359, p. 1),] a interdit la vente dans les États membres de certains tabacs à usage oral. La directive 2001/37/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac (JO 2001, L 194, p. 26),] a réaffirmé cette interdiction. L’article 151 de l’[acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1)] accorde [au Royaume de] Suède une dérogation à l’interdiction. L’interdiction de la vente de tabac à usage oral devrait être maintenue afin d’empêcher l’introduction dans l’Union (à l’exception [du Royaume de] Suède) de ce produit qui entraîne une dépendance et a des effets indésirables sur la santé humaine. Pour les autres produits du tabac sans combustion qui ne sont pas produits pour le marché de masse, des dispositions strictes en matière d’étiquetage et certaines dispositions concernant leurs ingrédients sont jugées suffisantes pour contenir leur expansion sur le marché au-delà de leur usage traditionnel.

    [...]

    (34)

    Tous les produits du tabac sont des sources potentielles de mortalité, de morbidité et d’incapacité. En conséquence, il convient d’en réglementer la fabrication, la distribution et la consommation. Il est donc important de surveiller l’évolution des nouveaux produits du tabac. Les fabricants et les importateurs devraient être tenus de soumettre une notification concernant les nouveaux produits du tabac, sans préjudice de la capacité des États membres de les interdire ou de les autoriser.

    (35)

    Afin de garantir l’existence de conditions de concurrence équitables, les nouveaux produits du tabac qui constituent des produits du tabac tels qu’ils sont définis dans la présente directive devraient être conformes aux exigences de celle-ci. »

    4

    L’article 2 de la directive 2014/40, intitulé « Définitions », prévoit :

    « Aux fins de la présente directive, on entend par :

    [...]

    4)

    “produits du tabac”, des produits pouvant être consommés et composés, même partiellement, de tabac, qu’il soit ou non génétiquement modifié ;

    5)

    “produit du tabac sans combustion”, un produit du tabac ne faisant appel à aucun processus de combustion, notamment le tabac à mâcher, à priser et à usage oral ;

    6)

    “tabac à mâcher”, un produit du tabac sans combustion, exclusivement destiné à être mâché ;

    [...]

    8)

    “tabac à usage oral”, tous les produits du tabac destinés à un usage oral, à l’exception de ceux destinés à être inhalés ou mâchés, constitués intégralement ou partiellement de tabac, présentés sous forme de poudre, de particules fines ou de toute combinaison de ces formes, notamment ceux présentés en sachets-portions ou sachets poreux ;

    [...]

    14)

    “nouveau produit du tabac”, un produit du tabac qui :

    a)

    ne relève d’aucune des catégories suivantes : cigarette, tabac à rouler, tabac à pipe, tabac à pipe à eau, cigare, cigarillo, tabac à mâcher, tabac à priser ou tabac à usage oral ; et

    b)

    est mis sur le marché après le 19 mai 2014 ;

    [...] »

    5

    L’article 17 de ladite directive, intitulé « Tabac à usage oral », prévoit :

    « Les États membres interdisent la mise sur le marché du tabac à usage oral, sans préjudice des dispositions de l’article 151 de l’acte d’adhésion de [la République d’]Autriche, de la [République de] Finlande et [du Royaume de] Suède. »

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    6

    Günter Hartmann Tabakvertrieb est une société allemande qui importe en Allemagne divers produits du tabac qu’elle distribue sur le marché allemand, au nombre desquels figurent, notamment, les produits dénommés « Thunder Chewing Tobacco » et « Thunder Frosted Chewing Bags », fabriqués par V2 Tobacco A/S, société de droit danois.

    7

    Dans un avis du 18 septembre 2014, le Bayerisches Landesamt für Gesundheit und Lebensmittelsicherheit (service du Land de Bavière chargé de la santé et de la sécurité alimentaire, Allemagne) a analysé le produit « Thunder Frosted Chewing Bags », distribué sur le marché allemand par Günter Hartmann Tabakvertrieb, et est parvenu à la conclusion qu’il constituait, en raison de sa structure, de sa consistance et de son type d’utilisation, un produit du tabac interdit, étant donné qu’il était destiné à un autre usage oral que celui consistant à être fumé ou mâché.

    8

    Par des avis, respectivement, du 19 novembre 2014 et du 26 novembre 2014, ledit service a considéré qu’il en allait de même des produits « Thunder Wintergreen Chewing Tobacco » et « Thunder Original Chewing Tobacco ».

    9

    Par la suite, par des décisions du 13 octobre 2014 et du 15 janvier 2015, adoptées en application de la loi allemande ayant transposé la directive 2014/40, la ville de Kempten a fait interdiction à Günter Hartmann Tabakvertrieb de mettre sur le marché les produits « Thunder Chewing Tobacco » et « Thunder Frosted Chewing Bags ».

    10

    Cette société a contesté ces décisions en formant des recours devant le Bayerisches Verwaltungsgericht Augsburg (tribunal administratif bavarois d’Augsbourg, Allemagne). Cette juridiction a tenu le 28 juillet 2015 une audience portant sur les deux recours dans le cadre de laquelle elle a elle-même examiné lesdits produits du tabac ainsi que du tabac à mâcher classique et du produit du type « snus ».

    11

    Par un jugement du 28 juillet 2015, le Bayerisches Verwaltungsgericht Augsburg (tribunal administratif bavarois d’Augsbourg) a annulé la décision de la ville de Kempten concernant le produit « Thunder Chewing Tobacco », en estimant que, s’agissant d’un produit destiné à être mâché, il pouvait être mis sur le marché.

    12

    À cet égard, cette juridiction a relevé, notamment, que le seul fait que le produit « Thunder Chewing Tobacco » constitue un nouveau produit et diffère du tabac à mâcher traditionnel ne justifiait pas une interdiction de mise sur le marché. En effet, pour savoir si un produit est destiné à être mâché, il conviendrait de s’appuyer sur une appréciation objective du produit et non pas sur les indications du fabricant ou sur l’avis des consommateurs. Or, il résulterait de l’examen auquel ladite juridiction a elle-même procédé que le produit du tabac en question est un produit qui peut être mâché. Selon ladite juridiction, même après avoir mis le produit dans un verre d’eau, jusqu’à la fin de l’audience, il restait une pièce d’un seul tenant de masse consistante, qui résistait à la pression, sans se désagréger. En revanche, le « snus » en vrac se serait rapidement dissous dans l’eau et serait resté au fond du verre. Le produit « Thunder Chewing Tobacco » résisterait ainsi à une action mécanique des dents et aurait dans une certaine mesure besoin d’une telle action pour dégager les composants du tabac.

    13

    En revanche, en ce qui concerne le produit « Thunder Frosted Chewing Bags », le Bayerisches Verwaltungsgericht Augsburg (tribunal administratif bavarois d’Augsbourg) a, par un jugement du 28 juillet 2015, rejeté le recours introduit par Günter Hartmann Tabakvertrieb, considérant, notamment, qu’il s’agissait d’un tabac très finement coupé, de consistance plutôt granuleuse, emballé dans des sachets en cellulose, qui ne résistait pas à une action mécanique des dents et qui n’avait pas besoin d’une telle action pour dégager ses composants. En effet, selon cette juridiction, un produit du tabac ne serait pas destiné à être mâché du seul fait que son aptitude à être mâché lui est conférée par une forme de présentation indépendante du produit du tabac proprement dit.

    14

    Günter Hartmann Tabakvertrieb et la ville de Kempten ont chacune interjeté appel desdits jugements du Bayerisches Verwaltungsgericht Augsburg (tribunal administratif bavarois d’Augsbourg) devant la juridiction de renvoi.

    15

    Cette juridiction fait observer que la directive 2014/40 n’indique pas en quelle circonstance un produit du tabac est destiné à être mâché au sens de l’article 2, point 8, de cette directive et que plusieurs variantes d’interprétation ont été avancées dans la procédure au principal sans qu’aucune ne puisse prétendre l’emporter clairement.

    16

    Dans ces conditions, le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (tribunal administratif supérieur du Land de Bavière, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    L’article 2, point 8, de la directive [2014/40] doit-il être interprété en ce sens que relèvent de la notion de “produits destinés à être mâchés” uniquement les produits de tabac à mâcher au sens classique du terme ?

    2)

    L’article 2, point 8, de la directive [2014/40] doit-il être interprété en ce sens que la notion de “produits destinés à être mâchés” est synonyme de la notion de “tabac à mâcher”, visée à l’article 2, point 6, de cette directive ?

    3)

    Pour déterminer si un produit du tabac est “destiné à être mâché”, au sens de l’article 2, point 8, de la directive [2014/40], convient-il de se fonder sur une appréciation objective du produit et non pas sur les indications du fabricant ou sur l’utilisation effective par les consommateurs ?

    4)

    L’article 2, point 8, de la directive [2014/40] doit-il être interprété en ce sens que, pour être destiné à être mâché, il faut que le produit du tabac soit de par sa consistance et sa fermeté objectivement apte à être mâché et que la mastication aboutisse à dégager ainsi les substances contenues dans le produit ?

    5)

    L’article 2, point 8, de la directive [2014/40] doit-il être interprété en ce sens que pour qu’un produit du tabac soit destiné “à être mâché”, il est en outre nécessaire, mais également suffisant, qu’en exerçant une légère pression répétée avec les dents ou la langue sur le produit du tabac, le dégagement des substances contenues dans le produit soit plus important qu’en tenant celui-ci simplement en bouche ?

    6)

    Ou bien est-il nécessaire, pour une “destination à être mâché”, qu’il n’y ait aucun dégagement de substances en tenant le produit simplement en bouche ou en le suçant ?

    7)

    L’aptitude d’un produit du tabac “à être mâché”, au sens de l’article 2, point 8, de la directive [2014/40], peut-elle être également conférée, en dehors du tabac transformé lui-même, par la forme de présentation, par exemple un sachet en cellulose ? »

    Sur les questions préjudicielles

    17

    Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur l’interprétation à donner de la notion de « produits du tabac destinés à être mâchés », au sens de l’article 2, point 8, de la directive 2014/40, lu en combinaison avec l’article 2, point 6, de cette directive, afin d’apprécier si des produits du tabac sans combustion tels que ceux en cause au principal tombent sous l’interdiction de mise sur le marché du tabac à usage oral énoncée à l’article 17 de ladite directive.

    18

    Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2016, Thomas Philipps, C‑419/15, EU:C:2016:468, point 18, ainsi que du 26 juillet 2017, Jafari, C‑646/16, EU:C:2017:586, point 73 et jurisprudence citée).

    19

    À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que, aux termes de l’article 17 de la directive 2014/40, les États membres, sans préjudice des dispositions de l’article 151 de l’acte d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède, interdisent la mise sur le marché des tabacs à usage oral.

    20

    Ceux-ci sont définis à l’article 2, point 8, de cette directive comme étant « tous les produits du tabac destinés à un usage oral, à l’exception de ceux destinés à être inhalés ou mâchés, constitués intégralement ou partiellement de tabac, présentés sous forme de poudre, de particules fines ou de toute combinaison de ces formes, notamment ceux présentés en sachets-portions ou sachets poreux ».

    21

    En ce qui concerne le tabac à mâcher, qui échappe ainsi, conformément à cette disposition, à l’interdiction des tabacs à usage oral prévue à l’article 17 de ladite directive, celui-ci est défini à l’article 2, point 6, de la même directive comme étant « un produit du tabac sans combustion, exclusivement destiné à être mâché ».

    22

    À cet égard, contrairement à la thèse sous-jacente à la deuxième question préjudicielle, la notion de « tabac destiné à être mâché », au sens de l’article 2, point 8, de la directive 2014/40, ne saurait être distinguée de celle de « tabac à mâcher », visée à l’article 2, point 6, de cette directive. En effet, ce produit ayant spécifiquement fait l’objet d’une définition à cette dernière disposition, rien n’indique que cette définition ne s’appliquerait pas lorsqu’il est justement question, à l’article 2, point 8, de ladite directive, des « produits du tabac [...] destinés à être mâchés ».

    23

    S’agissant, ensuite, de la finalité des dispositions en cause, il convient de rappeler, en premier lieu, que la directive 2014/40 poursuit, selon son article 1er, un double objectif, consistant à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes (arrêts du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 171, ainsi que du 4 mai 2016, Pologne/Parlement et Conseil, C‑358/14, EU:C:2016:323, point 80).

    24

    Pour ce qui est, plus spécifiquement, de l’objectif de l’interdiction des tabacs à usage oral, prévue à l’article 17 de cette directive, il convient de relever que cette interdiction a été introduite par la directive 92/41/CEE du Conseil, du 15 mai 1992, modifiant la directive 89/622 (JO 1992, L 158, p. 30).

    25

    Or, il ressort des considérants de la directive 92/41 que ladite interdiction, qui a, par la suite, été confirmée et reprise par les actes qui ont succédé à cette directive en la matière, le dernier d’entre eux étant la directive 2014/40, a été motivée, en particulier, par le risque réel que présenteraient des produits du tabac à usage oral nouveaux sur le marché des États membres, notamment pour les jeunes, étant donné l’attrait particulier que ces produits exercent sur ce groupe de consommateurs, entraînant ainsi une dépendance précoce à l’égard de la nicotine.

    26

    En même temps, le législateur de l’Union a considéré qu’il convenait de réserver un traitement différent à d’autres produits du tabac sans combustion, pouvant être qualifiés de produits du tabac « traditionnels », tels que le tabac à mâcher, compte tenu, notamment, de l’absence du caractère nouveau et attractif pour les jeunes (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2004, Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 66).

    27

    Or, si l’interdiction des tabacs à usage oral a ainsi été introduite en raison de l’apparition sur le marché de nouveaux produits du tabac destinés à un tel usage, plus particulièrement ceux du type « snus », il ne saurait en être déduit que le caractère nouveau ou, à l’inverse, « classique » ou « traditionnel » d’un produit, auquel la juridiction de renvoi fait référence dans la décision de renvoi, serait en tant que tel déterminant pour qualifier un produit de produit du tabac destiné à usage oral, au sens de l’article 17 de la directive 2014/40, lu conjointement avec l’article 2, point 8, de cette directive.

    28

    En effet, ainsi que M. l’avocat général Geelhoed l’a relevé au point 31 de ses conclusions dans l’affaire Arnold André (C‑434/02, EU:C:2004:487), les dispositions en cause distinguent les produits non pas selon leur caractère traditionnel ou non, mais bien selon l’usage auquel ils sont destinés.

    29

    Enfin, il convient de relever, d’une part, qu’il est constant que l’interdiction de mise sur le marché du tabac à usage oral énoncée à l’article 17 de la directive 2014/40 vise, notamment, des tabacs à sucer du type « snus » (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Danemark, C‑468/14, non publié, EU:C:2015:504, points 24 et 25), ce produit pouvant être décrit comme un « tabac finement broyé ou coupé, vendu en vrac ou sous forme de petits sachets-portions et destiné à être consommé en le plaçant entre la gencive et la lèvre » (arrêt du 14 décembre 2004, Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 19).

    30

    D’autre part, il résulte tant du contexte que de la finalité de l’article 2, point 8, de la directive 2014/40, lu en combinaison avec l’article 2, point 6, de cette directive, tels qu’ils ressortent des points 19 à 26 du présent arrêt, notamment du caractère dérogatoire de la première de ces dispositions, que la notion de « produits du tabac destinés à être mâchés » doit être interprétée strictement, de sorte qu’elle ne saurait englober les tabacs à sucer, tels que ceux du type « snus ».

    31

    En effet, ainsi que la Commission européenne l’a fait observer, il ressort des travaux préparatoires de la directive 2014/40 que, par l’ajout de l’adverbe « exclusivement » à la définition de la notion de « tabac à mâcher » figurant à l’article 2, point 6, de cette directive, le législateur de l’Union a entendu préciser cette notion afin de limiter les possibilités de contournement de l’interdiction du tabac à usage oral face à des tentatives répétées de commercialiser des tabacs du type « snus » sous le titre de « tabac à mâcher ».

    32

    Il s’ensuit que seuls peuvent être qualifiés de « produits du tabac destinés à être mâchés », au sens de l’article 2, point 8, de la directive 2014/40, des produits qui ne peuvent proprement être consommés que mâchés, c’est-à-dire qui ne peuvent dégager leurs substances essentielles dans la bouche que par mastication.

    33

    En revanche, ne saurait être qualifié de tel un produit du tabac qui, quoique pouvant également être mâché, est essentiellement destiné à être sucé, c’est-à-dire un produit qu’il suffit de tenir dans la bouche pour que ses substances essentielles se dégagent.

    34

    S’agissant des produits en cause au principal, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’article 267 TFUE, la Cour est habilitée non pas à appliquer les règles de l’Union à une espèce déterminée, mais seulement à se prononcer sur l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions de l’Union (arrêts du 10 mai 2001, Veedfald, C‑203/99, EU:C:2001:258, point 31, ainsi que du 6 octobre 2005, MyTravel, C‑291/03, EU:C:2005:591, point 43).

    35

    Par conséquent, il appartient au juge national de déterminer, en fonction de l’ensemble des caractéristiques objectives pertinentes des produits en cause au principal, telles que leur composition, leur consistance, leur forme de présentation et, le cas échéant, leur utilisation effective par les consommateurs, s’ils ne peuvent proprement être consommés que mâchés.

    36

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions préjudicielles que l’article 2, point 8, de la directive 2014/40, lu en combinaison avec l’article 2, point 6, de cette directive, doit être interprété en ce sens que ne constituent des produits du tabac destinés à être mâchés, au sens de ces dispositions, que des produits du tabac qui ne peuvent proprement être consommés que mâchés, ce qu’il incombe au juge national de déterminer en fonction de l’ensemble des caractéristiques objectives pertinentes des produits concernés, telles que leur composition, leur consistance, leur forme de présentation et, le cas échéant, leur utilisation effective par les consommateurs.

    Sur les dépens

    37

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

     

    L’article 2, point 8, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE, lu en combinaison avec l’article 2, point 6, de cette directive, doit être interprété en ce sens que ne constituent des produits du tabac destinés à être mâchés au sens de ces dispositions, que des produits du tabac qui ne peuvent proprement être consommés que mâchés, ce qu’il incombe au juge national de déterminer en fonction de l’ensemble des caractéristiques objectives pertinentes des produits concernés, telles que leur composition, leur consistance, leur forme de présentation et, le cas échéant, leur utilisation effective par les consommateurs.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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