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Document 62016TJ0286

Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 21 juin 2017.
Ernst Kneidinger contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un abattant de toilettes – Dessin ou modèle communautaire antérieur – Motif de nullité – Caractère individuel – Article 6 du règlement (CE) no 6/2002.
Affaire T-286/16.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:411

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

21 juin 2017 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un abattant de toilettes – Dessin ou modèle communautaire antérieur – Motif de nullité – Caractère individuel – Article 6 du règlement (CE) nº 6/2002 »

Dans l’affaire T‑286/16,

Ernst Kneidinger, demeurant à Wilhering (Autriche), représenté par Me M. Grötschl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Topseat International, établie à Plano, Texas (États-Unis), représentée par Mes C. Eckhartt, A. von Mühlendahl, et P. Böhner, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 5 avril 2016 (affaire R 1030/2015-3), relative à une procédure de nullité entre Topseat International et M. Kneidinger,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juin 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 21 juillet 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 août 2016,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 juillet 2013, le requérant, M. Ernst Kneidinger, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) nº 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé est représenté comme suit :

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3        Le dessin ou modèle évoqué au point 2 ci-dessus a été enregistré le jour du dépôt de la demande sous le numéro 2274035-0001 (ci-après le « dessin ou modèle contesté ») et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires nº 139/2013, du 25 juillet 2013.

4        Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué relèvent des classes 23-02 et 32-00 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins ou modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Ornementation, sièges de toilettes (partie de) ».

5        Le 14 novembre 2014, l’intervenante, Topseat International, a présenté devant l’EUIPO une demande en nullité du dessin ou modèle contesté. Le motif invoqué au soutien de sa demande était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002, lu en combinaison avec les articles 4 à 6 du même règlement. À l’appui de sa demande, l’intervenante a produit une représentation d’un abattant de toilettes de la société Bemis Manufacturing Company vendu en Europe à travers le site en ligne « amazon.co.uk » depuis avril 2012 (ci-après le « dessin ou modèle antérieur D1 »), représenté comme suit :

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6        Après avoir déposé sa demande en nullité, l’intervenante a présenté quatre photos d’un siège de toilettes avec abattant de la société Bemis Manufacturing Company, ensemble avec des photos de l’emballage du produit et la notice d’installation avec la mention « ©2011 1B5990740 » (ci-après le « dessin ou modèle antérieur D2 »), représenté comme suit :

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7        Par décision du 24 mars 2015, la division d’annulation de l’EUIPO a fait droit à la demande de nullité, au motif que le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau. Elle a fondé son appréciation sur le dessin ou modèle antérieur D1.

8        Le 22 mai 2015, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement nº 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 5 avril 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré, contrairement à la division d’annulation, que le dessin ou modèle contesté présentait un caractère nouveau, au sens de l’article 5 du règlement nº 6/2002. Toutefois, en fondant son appréciation sur le dessin ou modèle antérieur D2, la chambre de recours a estimé que le dessin ou modèle contesté devait être déclaré nul en raison de l’absence de caractère individuel au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 6/2002. Plus particulièrement, la chambre de recours a constaté, en premier lieu, que les dessins ou modèles en cause, tous les deux représentant un abattant de toilettes, produisaient la même impression globale sur l’utilisateur averti et que le degré de liberté du créateur était limité à la conception de l’abattant étant donné que la forme extérieure était imposée par les dimensions de la cuvette et par la fonction technique, à savoir la couverture du siège et de la cuvette. En second lieu, la chambre de recours a relevé que le dessin ou modèle contesté montrait les contours d’un abattant de toilettes ovale sous forme d’un bord étiré vers le haut et que le dessin ou modèle antérieur D2 montrait un abattant de toilettes ovale légèrement décalé et voûté vers l’extérieur en direction du siège, provoquant l’impression d’un bord étiré vers le haut et décalé vers l’intérieur. Dès lors, elle a estimé, d’une part, que les dessins ou modèles en cause concordaient non seulement par leur forme extérieure, mais aussi par leur caractéristique du bord étiré vers le haut et, d’autre part, que les différences dans la hauteur totale de l’abattant et la fin voutée vers le siège entre les dessins ou modèles en cause n’étaient pas aptes à avoir d’influence sur l’impression d’ensemble. En outre, la chambre de recours a fait valoir que le requérant avait choisi un type de reproduction et de vues du dessin ou modèle contesté qui ne montrait pas intégralement ou pas clairement les caractéristiques pour lesquelles la protection était demandée, et que seules les caractéristiques qui étaient clairement divulguées dans le dessin ou modèle contesté pouvaient être prises comme base de la comparaison de l’impression d’ensemble. À cet égard, la chambre de recours a considéré que la reproduction du dessin ou modèle contesté sous forme de dessins ne permettait pas de reconnaître les proportions du bord, ni sa conception concrète, étant donné qu’une coupe transversale faisait défaut.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens ainsi qu’aux dépens de la procédure devant la chambre de recours.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

12      Le requérant invoque, en substance, un moyen unique tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002 au motif que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause.

13      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

14      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 6/2002, la protection communautaire d’un dessin ou modèle n’est assurée que dans la mesure où celui-ci est nouveau et présente un caractère individuel.

15      Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002, que le caractère individuel doit être apprécié, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti. L’impression globale produite sur l’utilisateur averti doit être différente de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité a été revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 6/2002 précise qu’il convient de tenir compte, dans l’appréciation du caractère individuel, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de ce dessin ou modèle.

16      Conformément à la jurisprudence, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée].

17      Lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion (voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée).

18      Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner si, du point de vue de l’utilisateur averti et compte tenu du degré de liberté du créateur des abattants de toilettes, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté diffère de celle produite par les dessins ou modèles antérieurs.

 Sur l’utilisateur averti

19      En ce qui concerne l’interprétation de la notion d’utilisateur averti, il y a lieu de considérer que la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise [arrêts du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59, et du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, points 46 et 47].

20      La notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle du consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme d’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non pas d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53).

21      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les dessins ou modèles en cause concernaient des abattants de toilettes et que l’utilisateur averti était familiarisé avec les caractéristiques des abattants de toilettes.

22      Le requérant soulève que le degré d’attention d’un utilisateur averti n’a pas été pris en compte. Il fait valoir que, conformément à la jurisprudence, l’utilisateur averti fait preuve, notamment, d’une vigilance particulière ou d’un degré d’attention relativement élevé et que, si la chambre de recours avait pris en compte ce degré d’attention, elle aurait reconnu que des différences, même légères, pouvaient susciter une impression globale différente entre les dessins ou modèles en cause.

23      À cet égard, il convient de signaler qu’il n’y a pas lieu de déduire de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas retenu une approche correcte quant au degré d’attention de l’utilisateur averti. La chambre de recours s’est fondée sur un utilisateur averti familiarisé avec les caractéristiques des abattants de toilettes et connaissant le degré de liberté limité du créateur, ce qui suppose un utilisateur averti avec un degré d’attention relativement élevé. En tout état de cause, il convient de relever que la motivation de la décision attaquée ne repose pas sur le fait que l’utilisateur averti ne reconnaîtra pas d’éventuelles différences dans l’impression globale des dessins ou modèles en cause en raison de sa trop faible attention.

24      Dès lors, il convient d’entériner l’appréciation faite par la chambre de recours.

 Sur le degré de liberté du créateur

25      Il ressort de la jurisprudence que le degré de liberté du créateur d’un dessin ou modèle est défini, à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes à plusieurs dessins ou modèles appliqués au produit concerné [voir arrêt du 15 octobre 2015, Promarc Technics/OHMI – PIS (Pièce de porte), T‑251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 51 et jurisprudence citée].

26      Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (voir arrêt du 15 octobre 2015, Pièce de porte, T‑251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 52 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, la chambre de recours a estimé, à juste titre, que le degré de liberté d’un créateur d’un abattant de toilettes était limité à la conception de l’abattant dans la mesure où la forme extérieure était imposée par les dimensions de la cuvette et par la fonction technique, à savoir la couverture du siège de la cuvette.

28      Le requérant ne remet pas en cause le fait que le degré de liberté d’un abattant de toilettes soit limité à la conception de l’abattant en raison de sa fonction technique. Toutefois, il reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tiré les conclusions qui découlent du fait que le degré de liberté du créateur soit limité. À cet égard, il soutient que, lorsque la liberté du créateur est sérieusement limitée, des différences mineures peuvent suffire à justifier le caractère individuel.

29      Il convient de relever que ces arguments ont trait à des considérations qui sont sans influence sur le degré de liberté du créateur, mais qui relèvent plutôt de l’appréciation du caractère individuel.

 Sur l’appréciation du caractère individuel

30      La chambre de recours a relevé que la reproduction du dessin ou modèle contesté montrait en lignes continues les contours d’un abattant de toilettes ovale sous la forme d’un bord étiré vers le haut et que le dessin ou modèle antérieur D2 montrait un siège de toilettes ovale avec un abattant légèrement décalé vers le bord et voûté vers l’extérieur en direction du siège, ce qui provoquait l’impression d’un bord étiré vers le haut et décalé vers l’intérieur. Par ailleurs, la chambre de recours a fait valoir que la reproduction du dessin ou modèle contesté ne permettait pas de reconnaître clairement si le bord étiré vers le haut formait en même temps la fin de l’abattant ou s’il était placé sur l’abattant de manière légèrement rentrée.

31      Ainsi, la chambre de recours a considéré que l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause était déterminée par leur forme extérieure et par leur caractéristique du bord étiré vers le haut et que les différences dans la hauteur totale de l’abattant et la fin voûtée vers le siège entre les dessins ou modèles en cause ne pouvaient pas avoir d’influence sur l’impression d’ensemble.

32      En outre, la chambre de recours a fait valoir que le requérant avait choisi un type de reproduction et de vues qui ne montraient pas intégralement ou clairement les caractéristiques pour lesquelles une protection était demandée, et qui ne permettaient pas de reconnaître les proportions du bord, ni sa conception concrète, étant donné qu’une coupe transversale faisait défaut.

33      Elle en a conclu que les dessins ou modèles en conflit produisaient la même impression globale sur l’utilisateur averti et que, par conséquent, le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement nº 6/2002.

34      Le requérant fait valoir que les impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause sont différentes. Il soutient, en substance, en premier lieu, que la chambre de recours n’a pas réalisé une interprétation correcte des reproductions des dessins ou modèles en cause. En deuxième lieu, il fait valoir que les proportions du dessin ou modèle contesté n’ont pas été appréciées correctement. Enfin, en troisième lieu, le requérant reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte du fait que la liberté du créateur était limitée lors de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

35      À cet égard, il convient de rappeler que le caractère individuel d’un dessin ou d’un modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions dissemblables (voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, à titre liminaire, il convient de signaler que le requérant ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours, figurant au point 18 de la décision attaquée, selon laquelle les dessins ou modèles en cause sont identiques par leur forme ovale extérieure, de sorte que d’éventuelles différences dans l’impression d’ensemble ne peuvent résulter que de la conception de l’abattant.

37      En premier lieu, le requérant fait valoir que la reproduction du dessin ou modèle contesté ne saurait montrer ni un bord étiré vers le haut, ni un bord rainuré décrivant une marche descendant vers l’extérieur de l’abattant, car cela exigerait un tracé des lignes différent de celui présenté dans les reproductions du dessin ou modèle contesté. Le requérant soutient qu’une interprétation correcte aurait conduit à conclure que le dessin ou modèle contesté montrait un bourrelet de bordure qui débordait du reste de l’abattant de toilettes s’élevant vers le haut. En outre, il soutient que la chambre de recours n’aurait également pas examiné convenablement la description relative au dessin ou modèle contesté déposée lors de l’enregistrement de ce dernier. Au soutien de ses arguments, le requérant fait référence à des représentations, et à leurs éventuelles vues transversales, des dessins ou modèles en cause, jointes en annexe 7 à 14 de la requête.

38      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, au soutien de son argumentation, en annexe 7 à 14 de la requête, le requérant a produit pour la première fois devant le Tribunal un certain nombre de reproductions des dessins ou modèles en cause. Selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 65 du règlement n° 207/2009 que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que ce dernier ne peut réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [voir arrêt du 11 décembre 2014, Nanu-Nana Joachim Hoepp/OHMI – Vincci Hoteles (NAMMU), T‑498/13, non publié, EU:T:2014:1065, point 36 et jurisprudence citée]. Par conséquent, le Tribunal ne saurait examiner ces documents qui sont irrecevables.

39      Ensuite, en vertu de la jurisprudence, la comparaison des dessins ou modèles doit porter uniquement sur des éléments effectivement protégés sans tenir compte des caractéristiques exclues de la protection [voir arrêt du 29 octobre 2015, Roca Sanitario/OHMI – Villeroy & Boch (Robinet à commande unique), T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 58 et jurisprudence citée]. En l’espèce, il convient de relever que les caractéristiques du dessin ou modèle contesté protégées sont celles qui figurent sur les représentations du dessin ou modèle contesté, reproduites au point 2 ci-dessus, telles qu’elles avaient été divulguées au public.

40      Le requérant soutient que le dessin ou modèle contesté montre un bourrelet de bordure qui déborde du reste de l’abattant de toilettes s’élevant vers le haut qui le distingue du dessin ou modèle antérieur D1, qui présente une bordure en creux en forme de rigole sur la surface du couvercle qui sépare visuellement la bordure du reste de l’abattant, et du dessin ou modèle antérieur D2, qui présente un abattant de toilettes avec un bord rainuré décrivant une marche descendant vers l’extérieur de l’abattant.

41      Or, il convient de constater que ces caractéristiques du dessin ou modèle contesté, revendiquées par le requérant, n’apparaissent que sur les vues du dessin ou modèle contesté produites pour la première fois devant le Tribunal et ne ressortent pas des représentations du dessin ou modèle contesté présentées lors de l’enregistrement.

42      À cet égard, la chambre de recours a considéré à bon droit, aux points 23 et 25 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté, tel que représenté par les trois vues reproduites au point 2 ci-dessus, ne permettait pas de reconnaître les proportions du bord, ni sa conception concrète, ni d’apprécier un bourrelet de bordure saillant vers le haut ou vers l’extérieur. Or, pour apprécier l’existence d’un bourrelet, une coupe transversale ou latérale aurait été nécessaire, qui, dans ce cas, faisait défaut.

43      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, en tenant compte des reproductions du dessin ou modèle contesté présentées lors de l’enregistrement de ce dernier, qu’une impression globale de similitude ne pouvait être exclue, étant donné que la bordure rehaussée montrée dans les vues du dessin ou modèle contesté pouvait susciter la même impression globale que le dessin ou modèle antérieur D2, où l’abattant était légèrement décalé et vouté vers l’extérieur en direction du siège, ce qui provoquait l’impression d’un bord étiré vers le haut.

44      Enfin, en ce qui concerne la description du dessin ou modèle contesté fournie par le requérant lors de l’enregistrement de ce dernier, il convient de rappeler qu’elle est dépourvue de pertinence, étant donné que, conformément à l’article 36, paragraphe 6, du règlement nº 6/2002, la description n’a pas d’effet sur l’étendue de la protection du dessin ou modèle contesté. L’objet et l’étendue de la protection d’un dessin ou modèle communautaire enregistré ne sont déterminés que par les vues qui sont fournies lors de l’enregistrement et ne peuvent être remplacés, ni complétés par la description.

45      En tout état de cause, il convient de signaler que, s’agissant de l’appréciation de l’impression globale produite par les dessins ou modèles sur l’utilisateur averti, ce dernier n’accorde qu’une attention limitée aux éléments qui sont totalement banals et communs à tous les exemples du type de produit en cause et se concentre sur les caractéristiques qui sont arbitraires ou qui diffèrent de la norme [arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 77]. À cet égard, il convient de relever que la bordure de l’abattant de toilettes constitue une caractéristique qui présente une importance limitée pour l’utilisateur averti et doit être considérée comme banale.

46      En deuxième lieu, le requérant fait valoir que le fait que les lignes en pointillés indiquent qu’aucune protection n’est revendiquée pour les éléments représentés par ces dernières n’implique pas que lesdites lignes puissent être complétement ignorées, par exemple lorsqu’il s’agit de déterminer les proportions et que c’est donc à tort que la chambre de recours a considéré que le dessin ou modèle contesté ne permettait pas de reconnaître les proportions.

47      En l’espèce, cet argument ne saurait prospérer étant donné que la chambre de recours n’a pas considéré qu’elle ne pouvait pas déterminer les proportions du dessin ou modèle contesté à cause des lignes en pointillés, mais plutôt à cause du type de reproductions ou vues choisies par le requérant qui ne permettaient pas de déterminer les proportions, étant donné qu’une coupe transversale faisait défaut.

48      En troisième lieu, le requérant soutient que, étant donné que la liberté du créateur était sérieusement limitée, la chambre de recours n’a pas tenu compte que, pour un tel degré limité de liberté du créateur, de faibles différences, en l’occurrence la différence entre un bord étiré vers le haut et un creux en forme de rigole, suffisaient pour fonder le caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

49      À cet égard, il convient de relever que les arguments du requérant font référence aux différences existant entre le dessin ou modèle antérieur D1 et le dessin ou modèle contesté. Toutefois, la chambre de recours, pour apprécier le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, s’est fondée sur le dessin ou modèle antérieur D2 et non pas sur le dessin ou modèle antérieur D1. Dès lors, les arguments du requérant à cet égard sont inopérants.

50      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer, ainsi que l’a estimé à bon droit la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté ne présente pas de différences suffisamment marquées pour produire chez l’utilisateur averti une impression globale différente et conclure à son caractère individuel.

51      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

53      Le requérant ayant succombé en l’espèce, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Ernst Kneidinger est condamné aux dépens.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.

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