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Document 62016CC0183

Conclusions de l'avocat général M. N. Wahl, présentées le 4 mai 2017.
Tilly-Sabco SAS contre Commission européenne.
Pourvoi – Agriculture – Viande de volaille – Poulets congelés – Restitutions à l’exportation – Règlement d’exécution (UE) no 689/2013 fixant la restitution à zéro euro – Légalité – Règlement (CE) no 1234/2007 – Articles 162 et 164 – Objet et nature des restitutions – Critères de fixation de leurs montants – Compétence du directeur général de la direction générale (DG) de l’agriculture et du développement rural pour signer le règlement litigieux – Détournement de pouvoir – “Comitologie” – Règlement (UE) no 182/2011 – Article 3, paragraphe 3 – Consultation du comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles – Remise du projet de règlement d’exécution au cours de la réunion de ce comité – Respect des délais – Violation des formes substantielles – Annulation avec maintien des effets.
Affaire C-183/16 P.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:348

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 4 mai 2017 ( 1 )

Affaire C‑183/16 P

Tilly-Sabco SAS

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Agriculture – Restitution à l’exportation – Règlement (CE) no 1234/2007 – Articles 162 et 164 – Procédure de comitologie – Règlement (UE) no 182/2011 – Article 3 – Viande de volaille – Poulets congelés – Règlement (UE) no 689/2013 – Pratique de la Commission européenne pour la fixation des restitutions à l’exportation – Restitution à l’exportation fixée à zéro euro – Délais applicables – Obligation de motivation »

1. 

Par le présent pourvoi, Tilly-Sabco SAS demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T‑397/13 ( 2 ), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation du règlement (UE) no 689/2013 ( 3 ), qui fixait à zéro le montant des restitutions à l’exportation de poulets congelés vers certains pays. Le présent pourvoi soulève plusieurs questions de droit.

2. 

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment jugé que la pratique actuelle de fixation des restitutions à l’exportation de la Commission européenne respecte les règles de la comitologie, et plus particulièrement l’article 3 du règlement (UE) no 182/2011 ( 4 ). En substance, cette pratique consiste à soumettre et à adopter des projets d’actes d’exécution dans un très bref délai afin de minimiser le risque de fuites et, selon la Commission, de spéculation. En outre, le Tribunal a estimé que, en se limitant à remplacer, dans le règlement litigieux, le montant préalablement restitué par le chiffre zéro sans modifier la motivation fournie dans le règlement qui a précédé le règlement litigieux, la Commission n’a pas violé l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE. Il a également rejeté plusieurs autres moyens d’annulation soulevés par la requérante au pourvoi.

3. 

Pour les raisons exposées ci-après, j’estime qu’aucun des moyens invoqués par Tilly-Sabco à l’appui du présent pourvoi n’est fondé. Je propose donc à la Cour de rejeter celui-ci.

I. Le cadre juridique

A. Le règlement (CE) no 1234/2007

4.

L’article 162 du règlement no 1234/2007 ( 5 ), intitulé « Champ d’application des restitutions à l’exportation », dispose ce qui suit :

« 1.   Dans la mesure requise pour permettre la réalisation des exportations sur la base des cours ou des prix du marché mondial et dans les limites découlant des accords conclus conformément à l’article [218 TFUE], la différence entre ces cours ou ces prix et les prix de [l’Union européenne] peut être couverte par une restitution à l’exportation :

a)

pour les produits des secteurs suivants exportés en l’état :

[…]

viii)

viande de volaille ;

[…]. »

5.

L’article 164 du règlement no 1234/2007, intitulé « Fixation de la restitution à l’exportation », est rédigé comme suit :

« 1.   Les restitutions à l’exportation sont les mêmes pour toute [l’Union]. Elles peuvent être différenciées selon la destination, notamment lorsque la situation du marché mondial, les besoins spécifiques de certains marchés ou les obligations découlant des accords conclus conformément à l’article [218 TFUE] l’exigent.

2.   Les restitutions sont fixées par la Commission.

Elles peuvent l’être :

a)

de façon périodique ;

b)

par voie d’adjudication en ce qui concerne les produits pour lesquels cette procédure a été prévue avant la date d’application du présent règlement, conformément à l’article 204, paragraphe 2.

Sauf dans les cas de fixation par voie d’adjudication, la liste des produits pour lesquels il est accordé une restitution à l’exportation et le montant de cette restitution sont fixés au moins une fois tous les trois mois. Cependant, les restitutions peuvent être maintenues au même niveau pendant plus de trois mois et, en cas de nécessité, être modifiées dans l’intervalle par la Commission, sans l’assistance du comité visé à l’article 195, paragraphe 1, à la demande d’un État membre, ou bien de sa propre initiative.

3.   Lors de la fixation des restitutions applicables à un produit donné, il est tenu compte d’un ou de plusieurs des éléments suivants :

a)

la situation actuelle et les perspectives d’évolution en ce qui concerne :

les prix du produit considéré et sa disponibilité sur le marché [de l’Union] ;

les prix du produit considéré sur le marché mondial ;

b)

les objectifs de l’organisation commune des marchés, qui consistent à assurer à ces marchés une situation équilibrée et un développement naturel sur le plan du prix et des échanges ;

c)

la nécessité d’éviter des perturbations susceptibles d’entraîner un déséquilibre prolongé entre l’offre et la demande sur le marché [de l’Union] ;

d)

l’aspect économique des exportations envisagées ;

e)

les limites découlant des accords conclus conformément à l’article [218 TFUE] ;

f)

la nécessité d’instaurer un équilibre entre l’utilisation des produits de base [de l’Union] dans la fabrication de produits transformés destinés à l’exportation vers des pays tiers et l’utilisation de produits originaires de pays tiers, admis au titre du régime de perfectionnement ;

g)

les frais de commercialisation et les frais de transport les plus favorables à partir des marchés de [l’Union] jusqu’aux ports ou autres lieux d’exportation de [l’Union], ainsi que les frais d’acheminement jusqu’aux pays de destination ;

h)

la demande sur le marché [de l’Union] ;

i)

en ce qui concerne les secteurs de la viande porcine, des œufs et de la viande de volaille, la différence entre les prix dans [l’Union] et les prix sur le marché mondial pour la quantité de céréales fourragères nécessaire à la production dans [l’Union] des produits de ces secteurs.

[…] »

6.

L’article 195, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1234/2007, intitulé « Comité », dispose ce qui suit :

« 1.   La Commission est assistée par le comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles (ci-après dénommé “le comité”).

2.   Lorsqu’il est fait référence au présent paragraphe, les articles 4 et 7 de la décision 1999/468/CE [ ( 6 )] s’appliquent.

La période prévue à l’article 4, paragraphe 3, de la décision 1999/468/CE est fixée à un mois. »

B. Le règlement no 182/2011

7.

Le règlement no 182/2011 a abrogé et remplacé la décision 1999/468. Son article 3, intitulé « Dispositions communes », est libellé dans les termes que voici :

« 1.   Les dispositions communes mentionnées au présent article s’appliquent à toutes les procédures visées aux articles 4 à 8.

2.   La Commission est assistée par un comité composé des représentants des États membres. Le comité est présidé par un représentant de la Commission. Le président ne prend pas part au vote du comité.

3.   Le président soumet au comité le projet d’acte d’exécution à adopter par la Commission.

Sauf dans des cas dûment justifiés, le président convoque une réunion au moins quatorze jours à compter de la soumission du projet d’acte d’exécution et du projet d’ordre du jour au comité. Le comité émet son avis sur le projet d’acte d’exécution dans un délai que le président peut fixer en fonction de l’urgence de la question. Les délais sont proportionnés et donnent aux membres du comité de réelles possibilités, à un stade précoce, d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion.

[…] »

8.

L’article 5 du règlement no 182/2011, intitulé « Procédure d’examen », dispose ce qui suit :

« […]

2.   Lorsque le comité émet un avis favorable, la Commission adopte le projet d’acte d’exécution.

3.   Sans préjudice de l’article 7, si le comité émet un avis défavorable, la Commission n’adopte pas le projet d’acte d’exécution. Lorsqu’un acte d’exécution est jugé nécessaire, le président peut soit soumettre une version modifiée du projet d’acte d’exécution au même comité, dans un délai de deux mois à partir de l’émission de l’avis défavorable, soit soumettre le projet d’acte d’exécution, dans un délai d’un mois à compter de l’émission de cet avis, au comité d’appel pour une nouvelle délibération.

4.   Lorsque aucun avis n’est émis, la Commission peut adopter le projet d’acte d’exécution, sauf dans les cas énoncés au deuxième alinéa. Lorsque la Commission n’adopte pas le projet d’acte d’exécution, le président peut présenter au comité une version modifiée dudit projet.

Sans préjudice de l’article 7, la Commission n’adopte pas le projet d’acte d’exécution lorsque :

[…]

c)

une majorité simple des membres qui composent le comité s’y oppose.

[…]. »

9.

L’article 7 du règlement no 182/2011, intitulé « Adoption d’actes d’exécution dans des cas exceptionnels », énonce la règle suivante :

« Par dérogation à l’article 5, paragraphe 3, et à l’article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, la Commission peut adopter un projet d’acte d’exécution lorsque son adoption sans délai est nécessaire pour éviter de créer une importante perturbation des marchés dans le domaine de l’agriculture ou un risque pour les intérêts financiers de l’Union, au sens de l’article 325 [TFUE].

[…] »

II. Antécédents du litige

10.

Tilly-Sabco est une société française active dans l’exportation de poulets entiers congelés vers les pays du Moyen-Orient.

11.

Conformément aux principes que le règlement no 1234/2007, notamment ses articles 162 et 164, pose en matière de restitutions à l’exportation, la Commission adoptait périodiquement des règlements d’exécution fixant le montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille.

12.

Depuis l’adoption du règlement (UE) no 525/2010 ( 7 ), le montant des restitutions a décru pour trois catégories de poulets congelés. Il a d’abord été ramené de 40 euros pour 100 kg à 32,50 euros pour 100 kg, puis, après avoir été maintenu par huit règlements d’exécution successifs, il a été abaissé à 21,70 euros pour 100 kg en vertu du règlement (UE) no 962/2012 ( 8 ).

13.

Le montant des restitutions pour les trois catégories de poulets congelés en question a subi une nouvelle baisse lorsqu’il a été ramené à 10,85 euros pour 100 kg par le règlement (UE) no 33/2013 ( 9 ). Il a par la suite été maintenu par le règlement (UE) no 360/2013 ( 10 ).

14.

Par le règlement litigieux, la Commission a notamment fixé à zéro euro le montant des restitutions à l’exportation pour trois catégories de poulets congelés.

15.

Le montant des restitutions pour les six autres produits, essentiellement des poussins, a été fixé à zéro euro par le règlement (UE) no 1056/2011 ( 11 ) et a été repris dans l’annexe du règlement litigieux sans être modifié.

16.

Aux termes de l’annexe du règlement litigieux, les destinations concernées par les restitutions à l’exportation sont notamment des pays du Moyen-Orient.

17.

Les considérants pertinents du règlement litigieux sont libellés comme suit :

« (1)

Conformément à l’article 162, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007, la différence entre les prix des produits visés à la partie XX de l’annexe I de ce règlement sur le marché mondial et les prix dans l’Union peut être couverte par une restitution à l’exportation.

(2)

Compte tenu de la situation actuellement observée sur le marché de la viande de volaille, des restitutions à l’exportation devraient être fixées conformément aux règles et critères prévus aux articles 162, 163, 164, 167 et 169 du règlement (CE) no 1234/2007.

(3)

L’article 164, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007 prévoit que la restitution peut être différenciée selon la destination, notamment lorsque la situation du marché mondial, les besoins spécifiques de certains marchés ou les obligations découlant des accords conclus conformément à l’article [218 TFUE] l’exigent.

[…]

(6)

Afin d’éviter de perturber le marché, d’éviter la spéculation sur le marché et d’assurer une gestion efficace, il convient que le présent règlement entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

(7)

Le comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles n’a pas émis d’avis dans le délai imparti par son président. »

18.

Les points 76 à 82 de l’arrêt attaqué détaillent les circonstances de l’adoption du règlement litigieux, lesquelles sont exposées ci-dessous.

19.

Le 16 juillet 2013, la Commission a envoyé aux membres du comité visé à l’article 195, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 (ci-après le « comité de gestion ») un courriel auquel était joint un document intitulé « EU Market Situation for Poultry » (« Situation du marché avicole de l’Union »).

20.

La Commission a présenté la situation du marché avicole lors de la réunion du comité de gestion qui s’est tenue le 18 juillet 2013 au matin. Cette réunion a repris à 13 heures et la Commission y a présenté le projet du règlement litigieux (ci-après le « projet litigieux »). Il s’agissait d’une photocopie du règlement qui a précédé le règlement litigieux et avait fixé les restitutions à l’exportation, sur laquelle les mentions relatives aux montants des restitutions avaient été barrées au crayon.

21.

Le projet litigieux a par la suite été soumis au vote. Le directeur général de la direction générale (DG) de l’agriculture et du développement rural a accompli les formalités d’autocertification le même jour, à 15 h 46, afin de permettre une publication du règlement litigieux au Journal officiel de l’Union européenne le lendemain, pour une entrée en vigueur et une application immédiates.

22.

Aucun des représentants des États membres présents au comité de gestion n’a contesté la procédure ou les délais suivis par la Commission.

III. La procédure devant le Tribunal

23.

Par requête déposée au Tribunal le 6 août 2013, Tilly-Sabco a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux, lequel se fondait sur cinq moyens tirés i) d’une violation d’une forme substantielle et d’un détournement de procédure, ii) d’un vice de procédure et d’incompétence, iii) d’un défaut de motivation, iv) d’une violation de la loi ou d’une erreur manifeste d’appréciation et v) d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

24.

Le même jour, Tilly-Sabco a introduit une demande en référé visant à ce que le Tribunal suspende l’application du règlement litigieux jusqu’à ce qu’il ait statué sur le recours en annulation. Par ordonnance du 29 août 2013, la République française a été autorisée à intervenir à l’appui des conclusions de Tilly-Sabco. Par ordonnance du 26 septembre 2013, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé ( 12 ).

25.

Par ordonnance du 7 avril 2014, Doux SA a été autorisée à intervenir à l’appui des conclusions de Tilly-Sabco dans son recours en annulation.

26.

À la suite de l’audience qui s’est tenue le 22 avril 2015, le Tribunal a rejeté le recours en annulation de Tilly-Sabco et l’a condamnée aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé. Il a également condamné la Commission, la République française et Doux à supporter leurs propres dépens.

IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

27.

Par le présent pourvoi, déposé au greffe de la Cour le 31 mars 2016, Tilly-Sabco conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

annuler l’arrêt attaqué, excepté sur la recevabilité de l’action ;

décider, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de juger directement et annuler le règlement litigieux ;

condamner la Commission aux dépens de première instance et du présent pourvoi.

28.

Par mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour le 17 juin 2016, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

rejeter le pourvoi ;

condamner Tilly-Sabco aux dépens.

29.

Les parties ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 1er mars 2017.

V. Analyse

A. Propos introductifs

30.

Tilly-Sabco soulève quatre moyens à l’appui de son pourvoi, dont la plupart se divisent en plusieurs branches. En substance, elle fait valoir que le Tribunal a donné une interprétation erronée de i) l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011, ii) de l’article 164, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007, iii) de l’article 296 TFUE et iv) de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 ou qu’il a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’examen de cette dernière disposition. Après avoir résumé la position des parties, j’analyserai chaque moyen tour à tour.

31.

Le premier moyen me semble le plus délicat. Il concerne la légalité de la pratique de la Commission dans ses interactions avec le comité de gestion en matière de fixation du taux de restitutions à l’exportation. Cette institution a expliqué au Tribunal (voir point 79 de l’arrêt attaqué) que cette pratique remonte à l’année 1962.

32.

Cette question s’entremêle avec le fait que le présent pourvoi a pour objet un règlement qui reprend presque mot pour mot celui qu’il abroge et remplace en n’en modifiant que certains chiffres. Ce type de « règlement canevas » soulève quant à lui des interrogations relatives tant à l’obligation de motivation qu’à la possibilité, pour la Commission, de mettre de facto un terme à l’adoption de ce que l’on appelle les « instruments agricoles périodiques » conformément au règlement no 1234/2007 en fixant le montant des restitutions à zéro euro.

33.

Il convient également d’évoquer les deux arrêts, rendus le même jour que l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté les recours en annulation du règlement litigieux introduits par Doux ( 13 ) et la République française ( 14 ). Ces arrêts sont passés en force de chose jugée puisqu’ils n’ont pas fait l’objet de pourvois devant la Cour.

34.

Enfin, aux points 28 à 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que toutes les conditions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE sont réunies, notamment celle qui veut que le règlement litigieux ne comporte pas de mesure d’exécution ( 15 ). La Commission, qui a contesté la qualité pour agir de la requérante devant le Tribunal ( 16 ), n’a pas introduit de pourvoi contre cette partie de l’arrêt attaqué. Dès lors, il n’y a pas lieu pour la Cour d’examiner d’office le bien-fondé de l’arrêt attaqué sur ce point ( 17 ).

B. Sur le premier moyen : interprétation erronée de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 par le Tribunal

1. Arguments des parties

35.

Par la première branche du premier moyen, Tilly-Sabco soutient qu’aux points 70 à 146 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété de manière erronée la notion de « délai proportionné » figurant à l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011. La remise du projet litigieux lors d’une réunion qui a débuté après 13 heures et s’est conclue à 15 h 46 ne revient pas, selon elle, à un traitement dans un délai proportionné. En outre, dans sa réplique, elle soutient que la possibilité pour les particuliers d’invoquer la violation du règlement no 182/2011 n’a jamais été remise en cause et que ne pas reconnaître cette possibilité constituerait une violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

36.

Par la deuxième branche du premier moyen, Tilly-Sabco fait valoir qu’aux points 86, 110 à 115 et 128 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété le critère de l’urgence de façon incorrecte ou contradictoire. Selon elle, il ne pouvait à la fois confirmer l’absence d’urgence et souligner le risque de fuites pouvant justifier la remise du projet litigieux lors de la réunion ; un risque qui, selon le Tribunal, ne présente, en tout état de cause, pas un caractère urgent. Dans sa réplique, elle invoque le règlement intérieur type ( 18 ) relatif à la décision 1999/468, aux termes duquel il y a extrême urgence « en particulier lorsque la santé humaine ou animale est menacée ».

37.

Par la troisième branche du premier moyen, Tilly-Sabco fait valoir qu’aux points 92 à 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a confondu le délai de communication des documents relatifs à la situation du marché avec le délai applicable à la communication du projet litigieux. Après avoir reçu le projet litigieux, les membres du comité de gestion n’auraient eu que quelques minutes pour en prendre connaissance. Il leur aurait été impossible d’examiner toutes les circonstances à prendre en compte dans un délai aussi bref, voire inexistant.

38.

Par la quatrième branche du premier moyen, Tilly-Sabco fait valoir qu’en validant, aux points 111 à 118 de l’arrêt attaqué, la pratique de la Commission remontant à l’année 1962, le Tribunal a violé l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011. Selon Tilly-Sabco, rien n’empêchait la Commission de modifier ce règlement pour le concilier avec sa pratique.

39.

Enfin, par la cinquième branche du premier moyen, Tilly-Sabco fait valoir que le Tribunal s’est contredit en affirmant, au point 149 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait indiqué avoir fixé à zéro euro le montant des restitutions à l’exportation en raison de la situation du marché à l’époque, alors qu’au point 255 il déclare que, selon la Commission, la baisse progressive des taux applicables résultait d’une situation en cours et non pas existante.

40.

La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

2. Appréciation

41.

J’examinerai toutes les branches du premier moyen conjointement puisque, hormis la cinquième, elles concernent toutes, en substance, les diverses prétendues interprétations erronées de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 par le Tribunal.

42.

Au point 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’en principe, l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 ne s’oppose pas à ce qu’un projet de règlement d’exécution soit présenté en cours de réunion. Après avoir examiné les circonstances de la procédure qui a conduit à l’adoption du règlement litigieux, il a jugé, au point 108 de l’arrêt, que le délai entre la présentation du projet litigieux et la mise au vote était suffisant pour donner aux membres du comité de gestion de réelles possibilités d’examiner ce projet et d’exprimer leur opinion. Au point 114 de l’arrêt attaqué, il a estimé qu’il incombe à la Commission de décider de l’urgence de la question, au sens de l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, dudit règlement, et que le contrôle juridictionnel est limité à l’examen de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir. Aux points 119 et 120 de l’arrêt attaqué, il a conclu que le délai pour l’avis du comité de gestion était proportionné et que l’appréciation de l’urgence par la Commission n’était entachée ni d’une erreur manifeste d’appréciation ni d’un détournement de pouvoir, de sorte que celle-ci n’avait pas méconnu cette disposition. Aux points 123 et 124 de l’arrêt attaqué, il a ajouté que, à supposer que la requérante ait souhaité soulever un moyen d’annulation tiré de la violation du règlement intérieur du comité de gestion ( 19 ), les particuliers ne sauraient se prévaloir d’une prétendue violation de ces règles. Enfin, aux points 125 à 129 de l’arrêt attaqué, il a indiqué, par souci d’exhaustivité, que, même si la Commission avait violé l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 128/2011, le délai s’était révélé suffisant, de sorte qu’une éventuelle violation ne conduirait pas à l’annulation du règlement litigieux.

43.

Sur le plan de la procédure, force est de constater que, même si Tilly-Sabco affirme effectivement dans son pourvoi qu’aucune urgence n’a été invoquée en l’espèce pour justifier un traitement accéléré, l’argument spécifique qu’elle tire de la notion d’« urgence », telle qu’utilisée dans le règlement intérieur type (voir point 36 des présentes conclusions), n’a pas été soulevé dans le pourvoi et n’a donc pas été invoqué en temps utile puisque rien dans le mémoire en défense de la Commission ne justifiait de le soulever dans la réplique ( 20 ). Même à supposer que cet argument spécifique soit recevable, il ne devrait pas davantage être accueilli puisque les particuliers ne sauraient se prévaloir d’un règlement intérieur, comme je l’expliquerai ci-dessous.

44.

Je vais maintenant me pencher sur l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011, qui contient trois règles distinctes.

45.

Tout d’abord, cet article prévoit que, « sauf dans des cas dûment justifiés », le président de la Commission doit convoquer une réunion au moins quatorze jours à compter de la soumission du projet d’acte d’exécution et du projet d’ordre du jour au comité (ci-après la « première règle »).

46.

Ensuite, il exige du comité de gestion qu’il émette son avis sur le projet d’acte d’exécution dans un délai que la Commission peut fixer « en fonction de l’urgence de la question » (ci-après la « deuxième règle »).

47.

Enfin, il dispose que les délais doivent être « proportionnés » et doivent donner aux membres du comité de « réelles possibilités, à un stade précoce », d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion (ci-après la « troisième règle »).

48.

Il ressort d’emblée du libellé de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 qu’aucun délai absolu n’est prévu. Même lorsqu’un délai fixe est évoqué, comme dans la première règle, il peut faire l’objet d’ajustements. Je souscris donc à la position du Tribunal selon laquelle l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 n’exclut pas, en principe, la présentation d’un projet de règlement d’exécution lors d’une réunion du comité de gestion.

49.

Bien évidemment, les deux premières règles, qui prévoient des obligations spécifiques propres à la Commission et au comité de gestion ainsi que le délai dans lequel les respecter, semblent bien limiter la possibilité de fixer des délais brefs. Il en va de même pour la troisième règle, qui revêt la fonction de clause générale.

50.

Ces trois règles sont toutefois imparfaites : le règlement no 182/2011 n’explique à aucun moment ce que le législateur entend par « dans des cas dûment justifiés », « urgence », « proportionnés » ou encore « réelles possibilités, à un stade précoce ». Ces règles semblent plus se rapprocher d’une déclaration de principe que d’une règle absolue. Plus précisément, il me semble que la question de savoir s’il est « dûment justifié » de réduire le délai pour la présentation, au comité de gestion, d’un projet de règlement d’exécution et d’un projet d’ordre du jour en vertu de la première règle et celle de savoir si le délai laissé au comité de gestion pour émettre son avis est « proportionné » en vertu de la troisième règle sont des questions qui dépendent entièrement des circonstances du cas d’espèce.

51.

En ce qui concerne la deuxième règle, la disposition ne fait pas réellement référence à des cas d’urgence, mais utilise l’expression « en fonction de l’urgence de la question », ce qui est tout autre chose. Ces termes n’excluent même pas la possibilité de fixer un long délai dans un cas urgent et un délai court dans un cas banal. En tout état de cause, la deuxième règle ne réserve pas le traitement accéléré aux cas urgents. Cela est confirmé par d’autres dispositions du règlement no 182/2011.

52.

En effet, du point de vue systémique, la possibilité d’agir rapidement en cas d’urgence, ou plutôt d’extrême urgence, est évoquée dans une autre disposition, à savoir l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 182/2011 ( 21 ). Il est révélateur que cette disposition n’évoque pas la possibilité d’une prorogation de ces délais.

53.

De même, l’article 7 du règlement no 182/2011, qui déroge à l’article 5, paragraphes 3 et 4, de celui-ci, instaure une procédure particulière permettant à la Commission d’adopter un projet d’acte d’exécution lorsque son « adoption sans délai est nécessaire » afin d’éviter de créer une importante perturbation des marchés dans le domaine de l’agriculture ou un risque pour les intérêts financiers de l’Union, au sens de l’article 325 TFUE. L’effet utile de cette disposition serait moindre, voire nulle, si, en vertu de la deuxième règle, seules les questions d’urgence permettaient à la Commission de demander au comité de gestion d’émettre son avis sur le projet de règlement d’exécution dans un délai très bref.

54.

En outre, les termes ambitieux de l’article 196 (« Organisation du comité ») du règlement no 1234/2007, qui dispose que « [l’]organisation des réunions du comité [de gestion] tient compte, notamment, de son domaine de compétence, des particularités des questions à traiter et de la nécessité de disposer de l’expertise requise », étayent l’idée que les délais fixés à l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 sont souples et que la Commission dispose d’une certaine marge d’appréciation dans leur fixation.

55.

Par ailleurs, du point de vue téléologique, le règlement no 182/2011 vise à garantir que les procédures permettant aux États membres de contrôler la façon dont la Commission exerce ses compétences d’exécution soient claires, efficaces et proportionnées à la nature des actes d’exécution et qu’elles reflètent les exigences institutionnelles du TFUE, ainsi que l’expérience acquise et la pratique courante suivie lors de la mise en œuvre de la décision 1999/468. Plus précisément, la procédure d’examen vise à garantir que la Commission ne puisse pas adopter les actes d’exécution s’ils ne sont pas conformes à l’avis du comité de gestion ( 22 ). Inversement, l’objectif de cette procédure n’est pas de garantir qu’elle ne puisse pas adopter les actes d’exécution si des opérateurs privés s’y opposent.

56.

À ce stade, il me semble opportun d’établir un parallèle. En effet, la Cour a autorisé les États membres à invoquer la violation d’un règlement intérieur ( 23 ) et a aussi jugé qu’une institution ne saurait s’en écarter sans le modifier formellement ( 24 ). Toutefois, elle a aussi jugé à plusieurs reprises que le règlement intérieur d’une institution a pour objet d’organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration. Par conséquent, des particuliers ne sauraient se prévaloir d’une prétendue violation de ce règlement intérieur puisqu’il n’est pas destiné à assurer leur protection ( 25 ). Ce n’est que lorsqu’une règle d’un règlement intérieur constitue une forme substantielle destinée à garantir la sécurité juridique, comme l’authentification des actes, qu’une violation de celle-ci est susceptible de donner lieu à un recours en annulation ( 26 ). Tel n’est pas le cas en l’espèce.

57.

Comme indiqué au point 50 des présentes conclusions, les notions employées dans les trois règles établies à l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 sont imprécises. C’est la raison pour laquelle elles doivent être correctement étoffées dans des règlements intérieurs spécifiques ( 27 ). C’est ce qui a été fait dans le règlement intérieur du comité de gestion. Par conséquent, admettre que des particuliers puissent tirer des règles absolues de normes de rang supérieur telles que l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011, dont on peut supposer qu’elles ont vraisemblablement été délibérément rédigées en des termes vagues et malléables par le législateur de l’Union, comporterait, selon moi, le risque que la jurisprudence exposée dans le point précédent soit contournée.

58.

Cela ne remet pas en cause le fait que les règles du règlement no 182/2011 sont à la fois contraignantes et directement applicables en vertu de l’article 288 TFUE et que des particuliers tels que la requérante peuvent donc, en principe, se fonder sur celles-ci devant le juge de l’Union pour contester la validité d’instruments adoptés en violation de celles-ci. Les particuliers peuvent, par exemple, dénoncer le fait qu’aucune réunion n’a eu lieu. Il n’en demeure pas moins que, en l’absence de règles spécifiques en ce sens, les règles de comitologie ne confèrent généralement pas de droits aux particuliers ( 28 ). En l’espèce, les délais fixés à l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement sont trop imprécis pour conférer à des particuliers un droit susceptible de fonder valablement une action en justice ( 29 ). Ce constat n’implique pas une violation des droits de la requérante au sens de l’article 47 de la Charte.

59.

En ce qui concerne le contrôle effectué par le Tribunal, je me rallie à sa position lorsqu’il rappelle que, dans l’arrêt Allemagne/Commission ( 30 ), la Cour a jugé qu’il appartient à la Commission de décider de l’urgence du traitement d’une affaire donnée dans une procédure de comitologie et que le contrôle juridictionnel se limite à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ou à un détournement de pouvoir. Cet arrêt traitait toutefois de l’interprétation du règlement de procédure du comité spécifiquement en cause dans cette affaire, dans laquelle un État membre, et non pas un particulier, contestait l’avis de la Commission concernant l’urgence de la question à résoudre. Cet arrêt n’est donc pas directement pertinent aux fins du présent pourvoi, bien qu’il eût pu l’être pour le recours en annulation formé par la République française. Or, il est révélateur à cet égard que cet État membre n’a contesté le règlement litigieux ni sur le fondement d’une violation de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 ni sur celui d’une violation du règlement intérieur du comité de gestion ( 31 ).

60.

En conséquence, je considère que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que la Commission n’a pas violé l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011. Aucun des arguments de la requérante ne remet ce constat en cause.

61.

En effet, les arguments soulevés au titre des trois premières branches du premier moyen ne sauraient étayer les conclusions de Tilly-Sabco puisque, dans les circonstances du cas d’espèce, l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 ne confère pas aux exportateurs le droit de contester valablement en justice la manière dont la Commission interagit avec le comité de gestion.

62.

De plus, c’est à tort que Tilly-Sabco soutient, dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, que le Tribunal disposait de suffisamment d’éléments de preuve pour juger que le comité de gestion n’avait pas tous les éléments nécessaires pour adopter sa décision. En effet, l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 exige uniquement que la Commission présente un projet de règlement d’exécution et un projet de l’ordre du jour, et non d’autres documents. Elle n’était donc, à strictement parler, pas tenue de révéler au comité de gestion son calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation basé sur la différence entre les prix du marché de l’Union et ceux du marché mondial (ci-après le « calcul théorique ») ( 32 ). Ainsi qu’il ressortira également des points 107 et 108 des présentes conclusions, Tilly-Sabco n’est pas davantage fondée à prétendre que les restitutions à l’exportation ont pour but de remédier au déséquilibre qui existe entre le marché de l’Union et le marché mondial en permettant aux opérateurs d’exporter, ce qui implique que la Commission et le comité tiennent compte de la situation des exportateurs.

63.

La quatrième branche du premier moyen est tout aussi inopérante puisqu’elle est à double tranchant : comme la Commission l’a affirmé lors de l’audience, dès lors qu’elle a considéré que sa pratique était licite, elle ne voyait aucune nécessité de modifier les règles de comitologie, quelle que soit la durée de cette pratique.

64.

La cinquième branche du premier moyen concerne non pas la question de savoir si le comité de gestion a disposé de suffisamment de temps pour réfléchir sur le projet litigieux, mais une prétendue contradiction entre la procédure choisie et les considérants du règlement litigieux. Cela relève du troisième moyen, que j’examinerai aux points 78 et suivants des présentes conclusions. Quoi qu’il en soit, au point 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas exposé sa position, mais celle de la Commission. Il n’a donc pas pu se contredire en adoptant la position de la Commission. En tout état de cause, une situation de marché peut être à la fois actuelle (existante) et en cours, de sorte que je ne relève aucune contradiction.

65.

En résumé, dès lors qu’aucune des cinq branches du premier moyen n’est fondée, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.

66.

En outre, eu égard à cette conclusion, il ne me semble pas nécessaire de prendre position sur la question de savoir si l’examen du projet litigieux aurait pu aboutir à un résultat différent en ce qui concerne les montants de restitution à l’exportation fixés si un délai plus long avait été accordé au comité de gestion ( 33 ).

C. Sur le deuxième moyen : interprétation erronée de l’article 164, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 et contradiction dans les motifs exposés par le Tribunal

1. Arguments des parties

67.

Tilly-Sabco fait valoir que, dans la mesure où, au point 200 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté son argument selon lequel le règlement litigieux n’était pas un « instrument agricole périodique », il n’a pas analysé cette notion, alors que la subdélégation accordée en l’espèce au directeur général portait sur ces instruments. Dès lors que le règlement litigieux n’a pas été remplacé par un nouveau règlement, il ne pouvait s’agir d’un « instrument agricole périodique » visé par cette subdélégation, quel qu’en soit le motif, de sorte que le Tribunal aurait commis une erreur en considérant que tel était bien le cas. Dans sa réplique, elle soutient que le non-renouvellement découlait d’une orientation prédéterminée et que le Tribunal n’a pas sanctionné la Commission pour ne pas avoir tenu compte des « perspectives d’évolution » évoquées à l’article 164, paragraphe 3, sous a), du règlement no 1234/2007, que ce soit lors de la réunion de comité de gestion du 18 juillet 2013 ou en n’organisant pas de réunion en octobre 2013 pour réévaluer le taux de restitutions.

68.

La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

2. Appréciation

69.

Ce moyen doit être rejeté.

70.

D’emblée, je précise que je me rallie à la position de la Commission, qui considère obscure la portée précise de ce moyen. De manière générale, les arguments de Tilly-Sabco sont parfois, dans l’ensemble, dirigés moins contre l’arrêt attaqué que contre le règlement litigieux.

71.

Quoi qu’il en soit, dans la mesure où ce moyen est tiré d’une violation de l’article 164, paragraphe 2, du règlement 1234/2007 en ce que, selon Tilly-Sabco, le Tribunal n’a examiné ni la question de savoir si le règlement litigieux était un « instrument agricole périodique » couvert par la subdélégation pertinente ni les conséquences de cette qualification, il suffit de rappeler que cette disposition ne fait aucune référence à cette notion. Le fait que l’article 164, paragraphe 3, sous a), de ce règlement évoque les « perspectives d’évolution » n’y change rien. Par conséquent, peu importe que le Tribunal n’ait pas examiné cette notion.

72.

En outre, le fait qu’au point 200 de l’arrêt attaqué le Tribunal ait rejeté l’argument de Tilly-Sabco selon lequel le règlement litigieux n’était pas un « instrument agricole périodique » ne signifie pas, a contrario, qu’il l’aurait considéré comme tel ou qu’il aurait reconnu la valeur juridique de cette notion. Le Tribunal a simplement rejeté l’argument selon lequel le règlement litigieux n’était pas un « instrument agricole périodique » au motif qu’il n’avait pas été renouvelé.

73.

En tout état de cause, Tilly-Sabco se méprend sur l’article 164, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007. Si la première phrase de cette disposition énonce que les « restitutions sont fixées par la Commission », la deuxième phrase prévoit que « [les restitutions] peuvent […] être [fixées] »« de façon périodique » ou « par voie d’adjudication ». Dans la première hypothèse, la troisième phrase précise que le montant de la restitution « [est] fixé au moins une fois tous les trois mois », mais que « [les restitutions] peuvent être maintenues au même niveau pendant plus de trois mois ». La Commission était donc en droit de maintenir le niveau fixé au-delà de trois mois. À cet égard, cette disposition n’établit pas les modalités de ce maintien. Il s’ensuit que, s’il avait été possible de fixer une date d’expiration dans le règlement litigieux, cette disposition ne l’imposait pas étant donné que, sans date d’expiration, le règlement litigieux continuerait simplement à s’appliquer, ainsi que le montant qui y était fixé ( 34 ).

74.

En ce qui concerne l’argument selon lequel le non-renouvellement était le résultat d’une orientation prédéterminée, Tilly-Sabco a précisé, lors de l’audience, qu’elle se fondait principalement sur deux éléments. En premier lieu, elle fait valoir que, durant la réunion du mois d’octobre 2013, le comité de gestion n’a pas examiné la question du maintien ou du renouvellement du règlement litigieux. En second lieu, elle soutient que le procès-verbal de la réunion de comité de gestion du 18 juillet 2013 démontre que la fixation des restitutions à l’exportation avait pris fin.

75.

D’emblée, force est de relever que les échanges entre la Commission et le comité de gestion qui ont fait suite à l’adoption du règlement litigieux ne peuvent remettre en cause la validité de celui-ci, laquelle doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où ce règlement a été adopté ( 35 ). De plus, les éléments invoqués par la requérante exigent d’apprécier les circonstances factuelles de l’affaire, ce qui n’incombe pas à la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Enfin, et en tout état de cause, Tilly-Sabco a tort sur ces deux points : la Commission a soutenu, lors de l’audience, sans être contredite, qu’aux termes de l’ordre du jour de la réunion du comité de gestion du mois d’octobre 2013 le comité de gestion pourrait être invité à émettre un avis sur un projet de règlement fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille. Cette affirmation est confirmée par le procès-verbal de cette réunion, qui s’est tenue le 17 octobre 2013 ( 36 ). En outre, indépendamment de la valeur interprétative que le procès-verbal d’une réunion de comité de gestion pourrait avoir en ce qui concerne la validité des décisions adoptées lors de celle-ci, le procès-verbal de la réunion du comité de gestion qui s’est tenue le 18 juillet 2013 n’évoque pas un« terme » ou une « suspension », contrairement ce que soutient Tilly-Sabco. Il énonce simplement que « la Commission a proposé de fixer les restitutions restantes à zéro [euro] ». C’est la traduction non officielle de ce procès-verbal, que la requérante a annexée à sa requête, qui affirme erronément que « la Commission a proposé de supprimer les restitutions ».

76.

Enfin, dans son pourvoi, Tilly-Sabco ne soutient pas que le Tribunal n’a pas jugé qu’une suspension de facto de la fixation des restitutions à l’exportation ne pouvait être adoptée qu’en vertu de l’article 162 du règlement no 1234/2007 ni que la subdélégation émise en l’espèce ne pouvait englober le règlement litigieux ( 37 ). En outre, celle-ci a précisé, lors de l’audience, que l’argumentation selon laquelle le règlement litigieux n’était pas un « instrument agricole périodique » était distincte de la question de savoir si la Commission pouvait l’adopter en vertu de l’article 164, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1234/2007, et qu’elle était invoquée à titre subsidiaire. Partant, l’on peut se demander si elle a soulevé le grief tiré de la violation de l’article 162 du règlement no 1234/2007 en temps utile, compte tenu du fait que la Cour n’est pas tenue d’examiner d’office le fondement juridique du règlement litigieux ( 38 ).

77.

Si la Cour devait toutefois considérer que cette allégation est englobée dans le deuxième moyen, celle-ci devrait tout de même être rejetée. En effet, l’article 162, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 ne confère à aucun organe de l’Union le pouvoir d’instituer ou de réguler un régime de restitutions à l’exportation ou d’y mettre un terme. En tout état de cause, la décision de fixer le montant des restitutions à l’exportation à zéro n’équivaut pas, en soi, à celle de mettre un terme à ces restitutions. Leur fixation à zéro euro n’est qu’une modulation ou une adaptation particulière du montant restitué dans une situation donnée. Le choix qu’a fait la Commission de fixer ce montant à zéro euro pendant une période donnée ne remet pas en cause le fait qu’elle est compétente pour fixer (de nouveau) le montant des restitutions à l’exportation et suggère encore moins qu’elle aurait illégalement aboli le système des restitutions à l’exportation. Selon la jurisprudence de la Cour, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir, plutôt que de suspendre la prime de dénaturation du sucre destiné à l’alimentation animale, choisi d’en fixer le montant à zéro euro, « selon une méthode courante en droit fiscal, reprise par le droit [de l’Union] » ( 39 ).

D. Sur le troisième moyen : appréciation erronée par le Tribunal de l’absence de justification ou de l’insuffisance de motivation du règlement litigieux

1. Arguments des parties

78.

Par la première branche du troisième moyen, Tilly-Sabco fait valoir que, au point 245 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé l’article 296 TFUE et que, aux points 226 à 231 de ce même arrêt, il s’est mépris sur la jurisprudence pertinente. Selon elle, la motivation d’un règlement qui fixe des restitutions à l’exportation ne peut pas rester la même lorsque les montants changent, en particulier lorsque le montant est fixé à zéro euro.

79.

Par la deuxième branche du troisième moyen, Tilly-Sabco soutient qu’il découle des points 241, 291, 293, 300 et 398 à 401 de l’arrêt attaqué qu’en appliquant la méthode de calcul de la Commission de façon à la soustraire à tout contrôle juridictionnel, y compris à celui de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, le Tribunal a enfreint le droit de l’Union. En outre, elle fait valoir qu’aux points 320 et 321 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a interprété de manière erronée certains documents présentés au comité de gestion, ce qui l’amène à estimer que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal est contradictoire, qu’il restreint le droit au contrôle juridictionnel et qu’il dénature les faits.

80.

La requérante soutient, par la troisième branche du troisième moyen, qu’en affirmant, aux points 253 à 255 de l’arrêt attaqué, que le changement induit par le règlement litigieux n’était pas structurellement différent des changements précédents, tout en affirmant que ce règlement s’inscrivait dans le cadre de la baisse progressive du montant des restitutions à l’exportation, le Tribunal s’est contredit. De plus, elle avance qu’en indiquant, au point 259 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas affirmé avoir fixé le montant des restitutions à zéro euro en raison d’un engagement international, le Tribunal a commis une erreur de droit.

81.

Par la quatrième branche du troisième moyen, Tilly-Sabco soutient que l’arrêt attaqué contient une contradiction entre, d’une part, ses points 53 et 54, où le Tribunal a reconnu qu’aucun exportateur ne demandera de restitution à l’exportation si le taux applicable est fixé à zéro euro, et, d’autre part, ses points 267 et 268, où il n’a pas exclu la possibilité pour les autorités nationales d’accorder des restitutions à l’exportation d’un montant de zéro euro, même s’il est probable qu’aucune demande ne sera déposée.

82.

La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

2. Appréciation

83.

La portée des différentes branches du troisième moyen est obscure. Tilly-Sabco, me semble-t-il, fait valoir, en substance, que le Tribunal n’a pas sanctionné la Commission pour avoir violé son obligation de motivation (première et troisième branches), s’être contredite ou avoir commis des erreurs à divers endroits de l’arrêt attaqué (deuxième, troisième et quatrième branches) ou encore avoir indûment nivelé par le bas l’étendue du contrôle juridictionnel (deuxième branche). J’examinerai ces trois questions l’une après l’autre.

(a) Sur l’obligation de motivation

84.

Il est constant que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée ( 40 ).

85.

Dans le cas d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre ( 41 ). On ne saurait notamment exiger que la motivation des règlements spécifie les différents éléments de fait ou de droit, parfois très nombreux et complexes, qui font l’objet des règlements, dès lors que ceux-ci rentrent dans le cadre systématique de l’ensemble dont ils font partie. Par conséquent, si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques qu’elle a opérés ( 42 ).

86.

La Cour a déjà spécifiquement examiné l’obligation de motivation à propos d’une série de décisions ou d’autres mesures convergentes (c’est-à-dire d’une pratique administrative). Elle a reconnu que le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir ( 43 ). Elle a donc reconnu que, si la décision se plaçant dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante peut être motivée d’une manière sommaire, notamment par une référence à des décisions ou d’autres mesures antérieures, il incombe à l’autorité de l’Union de développer son raisonnement de manière explicite lorsque la décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes ( 44 ).

87.

Les griefs de Tilly-Sabco concernent précisément ces questions. Celle-ci fait valoir qu’en fixant le montant des restitutions à zéro euro la Commission ne pouvait pas se contenter de « recycler » la motivation d’un règlement antérieur puisque le règlement litigieux était allé sensiblement plus loin que tous les règlements antérieurs. Elle soutient que le Tribunal a mal appliqué la jurisprudence figurant au point précédent des présentes conclusions.

88.

Or, tel n’est pas le cas.

89.

Aux points 223 à 231 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé à juste titre la jurisprudence exposée au point 86 des présentes conclusions. Après avoir demandé à la Commission d’expliquer en détail la pratique qu’elle suivait lors de l’adoption du règlement litigieux (points 235 à 241 de l’arrêt attaqué), en vertu de laquelle cette institution fixe le montant des restitutions sur la base de deux méthodes indépendantes, à savoir i) le calcul théorique et ii) une analyse de la situation du marché (ci-après l’« analyse du marché »), le Tribunal a rejeté les arguments de Tilly-Sabco selon lesquels la Commission s’était écartée de cette pratique (points 242 à 262 de l’arrêt attaqué).

90.

En outre cela à juste titre.

91.

En effet, le grief que Tilly-Sabco a formulé devant le Tribunal n’est pas que la Commission n’avait pas suivi sa pratique habituelle d’un point de vue procédural (voir point 242 de l’arrêt attaqué) ( 45 ). C’est la modification substantielle induite par le règlement litigieux qui s’écarte, selon elle, de la pratique de la Commission lors des faits.

92.

Toutefois, c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté ce grief dès lors que les motifs pour lesquels la Cour a annulé le règlement en cause dans l’affaire Silos ne sont manifestement pas applicables en l’espèce. Dans cet arrêt, la Cour a identifié trois motifs distincts qui, pris dans leur ensemble, l’ont amenée à conclure que la Commission s’était écartée de sa pratique habituelle et, partant, à constater un défaut de motivation ( 46 ).

93.

Premièrement, dans l’affaire Silos, le règlement qui précédait celui dont la validité était remise en cause avait augmenté le montant des restitutions pour les aliments concernés alors que le règlement contesté l’avait réduit.

94.

Deuxièmement, le montant des restitutions était passé, d’un seul coup, de 74,93 écus par tonne à zéro écu.

95.

Troisièmement, le règlement en cause dans l’affaire Silos avait été adopté une semaine seulement après celui qui le précédait.

96.

En revanche, comme le Tribunal l’a relevé aux points 8 à 11 de l’arrêt attaqué, le montant des restitutions pour les produits de volaille congelés en cause dans la présente affaire a décru sans interruption sur une période de trois ans : d’un montant initial de 40 euros pour 100 kg le 17 juin 2010, il a été ramené à 32,50 euros pour 100 kg, puis à 21,70 euros pour 100 kg, par la suite à 10,85 euros pour 100 kg, et enfin à zéro euro, le 18 juillet 2013, dans le règlement litigieux. Ce dernier a été adopté trois mois après celui qui s’appliquait précédemment, une période de temps explicitement prévue à l’article 164, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007. Ces faits ne sont pas contestés.

97.

Il est donc clair que le règlement litigieux s’inscrivait dans une procédure uniforme, régulièrement suivie de façon cohérente dans le respect des règlements no 1234/2007 et no 182/2011, dans laquelle les règlements étaient adoptés sur le fondement de critères explicites posés dans le règlement no 1234/2007 et dont les milieux commerciaux avaient parfaitement connaissance. En outre, le contenu du règlement litigieux ne se distingue pas, dans une mesure appréciable, de celui de ses prédécesseurs. Partant, le cas d’espèce se rapproche davantage des circonstances de l’affaire Delacre ( 47 ).

98.

Le fait que le règlement litigieux a fixé le montant de la restitution à zéro euro sans offrir une motivation différente de celle des règlements précédents n’y change rien. Dans le prolongement de ma position, exprimée au point 77 des présentes conclusions, sur la possibilité, en droit, pour la Commission de fixer le montant des restitutions à l’exportation à zéro euro, j’ajoute que la réduction induite par le règlement litigieux suivait simplement la même tendance de réduction du montant des restitutions à l’exportation. En juger autrement conduirait à la conclusion absurde que l’obligation de motivation aurait été respectée si la Commission avait proposé de fixer le montant des restitutions à 0,01 euro pour 100 kg. Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur au point 245 de l’arrêt attaqué en affirmant que le seul fait que le montant des restitutions à l’exportation a été fixé à zéro euro ne signifie pas automatiquement que la Commission a rompu avec sa pratique antérieure et que la modification de ce montant est inhérente au système de fixation périodique du montant de ces restitutions, de sorte qu’une même motivation peut couvrir des montants très différents, y compris le montant zéro euro. Le renvoi de Tilly-Sabco à l’arrêt National Iranian Oil Company ( 48 ), qui reproduit en substance la jurisprudence mentionnée au point 86 des présentes conclusions en matière de mesures de gel des avoirs, ne démontre pas que le règlement litigieux est allé sensiblement plus loin que ses prédécesseurs.

99.

Il découle de ce qui précède que les arguments de Tilly-Sabco selon lesquels le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 296 TFUE doivent être rejetés.

(b) Sur les affirmations contradictoires et autres arguments

100.

En premier lieu, les prétendues contradiction et dénaturation des preuves qui ressortent, selon Tilly-Sabco, des points 320 et 321 de l’arrêt attaqué ne sont pas fondées. Lorsque le Tribunal a constaté, d’une part, que les importations ont augmenté plus rapidement que les exportations et, d’autre part, que la valeur des importations a diminué, il ne s’est pas contredit et n’a aucunement dénaturé les preuves. Tilly-Sabco n’expose par ailleurs pas avec précision les preuves que le Tribunal aurait dénaturées ni les erreurs d’appréciation qui auraient conduit à cette dénaturation ( 49 ).

101.

En deuxième lieu, quand bien même Tilly-Sabco prétend que les points 253 à 255 de l’arrêt attaqué sont contradictoires parce que la réduction progressive du montant des restitutions à l’exportation repose sur des considérations politiques, je n’y discerne aucune contradiction de motifs quels que soient le bien-fondé de la théorie de Tilly-Sabco et la lecture qui est faite de ces deux déclarations du Tribunal.

102.

En troisième lieu, Tilly-Sabco a tort de reprocher au Tribunal de ne pas avoir jugé, au point 259 de l’arrêt attaqué, que le montant des restitutions à l’exportation a été fixé en raison d’un engagement pris au niveau international. Le fait que la Commission a affirmé, dans le mémoire en défense qu’elle a présenté devant le Tribunal, que « l’évolution de la [politique agricole commune] tient compte des négociations en cours du cycle de [Doha] de l’Organisation mondiale du commerce [OMC] et des orientations prises par l’Union dans ce contexte en matière de restitutions » ne renvoie en aucune façon à une obligation internationale spécifique.

103.

Enfin, je ne décèle aucune contradiction entre, d’une part, les points 53 et 54 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal concède que les exportateurs ne demanderont pas de restitutions à l’exportation si le taux applicable est fixé à zéro euro et, d’autre part, les points 267 et 268, où il n’exclut pas la possibilité pour des autorités nationales d’octroyer des restitutions à l’exportation pour un montant de zéro euro, même s’il est probable qu’aucune demande ne soit présentée. En effet, l’interprétation que Tilly-Sabco fait de ces passages ne tient pas compte du contexte dans lequel ils s’inscrivent : aux points 53 et 54, le Tribunal a examiné si le règlement litigieux « comportait » des mesures d’exécution pour s’assurer que Tilly-Sabco avait qualité pour agir au sens du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE. Aux points 267 et 268, l’analyse du Tribunal est complètement différente : il s’agissait de savoir si l’article 164, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 permet de fixer la restitution des exportations à zéro. Si ces deux questions étaient aussi étroitement liées que Tilly-Sabco le suggère, il est peu probable qu’elle ait eu qualité pour agir en première instance.

104.

Il découle de ce qui précède que les arguments de Tilly-Sabco selon lesquels le Tribunal s’est contredit, a dénaturé les faits et a interprété de manière erronée les écritures de la Commission doivent être rejetés.

(c) Sur le rabaissement injustifié du niveau du contrôle juridictionnel

105.

Au point 276 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a correctement identifié le niveau de contrôle juridictionnel applicable, à savoir que le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le domaine de l’agriculture. Tel est notamment le cas s’agissant de la question de savoir s’il y a lieu de réviser les règles en vigueur en matière de poulets congelés. Par conséquent, le contrôle juridictionnel doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, ou si l’autorité en question n’a pas manifestement outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation ( 50 ).

106.

Tilly-Sabco ne reproche pas au Tribunal de ne pas avoir identifié le niveau de contrôle juridictionnel approprié. Elle ne lui reproche pas non plus d’avoir appliqué, de manière occulte, un niveau de contrôle qui lui est moins favorable ( 51 ) ou d’avoir appliqué un niveau de contrôle qui méconnaît l’article 47 de la Charte. Il semble, en revanche, que Tilly-Sabco conteste en substance l’interprétation donnée par le Tribunal de la portée du pouvoir discrétionnaire dont la Commission dispose en vertu de l’article 164 du règlement no 1234/2007. Comme la Commission le souligne, cette branche du troisième moyen semble être une émanation du désaccord général qui règne entre les parties sur l’objectif des restitutions à l’exportation.

107.

À ce propos, il y a lieu de rappeler que le régime des restitutions à l’exportation vise à stabiliser le marché de l’Union et à ménager la possibilité d’écouler les produits agricoles dans des pays tiers ( 52 ). Les restitutions à l’exportation n’ont notamment pas pour finalité de garantir un revenu adéquat à l’exportateur. Au contraire, elles ont pour objectif de permettre une intervention efficace et flexible sur un marché toujours fluctuant. En outre, la fréquence des modifications est l’une des caractéristiques centrales du système du droit agricole de l’Union et la législation doit être perpétuellement adaptée aux circonstances économiques et aux priorités politiques nouvelles ( 53 ).

108.

Le Tribunal a eu raison, me semble-t-il, de juger, au point 293 de l’arrêt attaqué, qu’étant donné l’utilisation des termes « d’un ou de plusieurs » à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, la Commission peut accorder une importance particulière à l’un des aspects énumérés dans cette disposition. La Commission peut même légalement se contenter d’un seul aspect. En l’espèce, au point 291, le Tribunal a jugé que la Commission avait mis l’accent sur la nécessité d’assurer une situation équilibrée et un développement naturel sur le plan du prix et des échanges sur le marché, nécessité visée à l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1234/2007 ( 54 ).

109.

Contrairement à ce que Tilly-Sabco soutient, cette constatation n’est pas en contradiction avec le point 401 ( 55 ) de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal n’y a pas affirmé que les aspects énumérés à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 avaient le même poids. Le Tribunal s’y est simplement borné à répondre à l’argument de Tilly-Sabco selon lequel la Commission s’est contredite en affirmant avoir accordé autant d’importance au calcul théorique qu’à l’analyse de marché alors que cette institution aurait finalement accordé plus d’importance à cette dernière. Or, ces deux méthodes sont non pas des « aspects » au sens de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, mais des outils permettant de fixer le montant approprié des restitutions à l’exportation. Tilly-Sabco fait donc une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

110.

Pour autant qu’ils soient compréhensibles et recevables, les arguments restants de la présente branche du troisième moyen sont, eux aussi, fondés sur une série de malentendus ou de déclarations inexactes concernant cet arrêt.

111.

Tout d’abord, au point 401 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a bien statué sur l’argument de Tilly-Sabco évoqué au point 400. Cette constatation exprime la position du Tribunal et ne saurait donc constituer une dénaturation de la position des parties. En tout état de cause, Tilly-Sabco ne soutient pas que le Tribunal a statué ultra petita.

112.

Ensuite, Tilly-Sabco se trompe manifestement lorsqu’elle affirme que le Tribunal a jugé, au point 300 de l’arrêt attaqué, que « le calcul théorique du montant des restitutions n’est pas expliqué par les documents soumis au Comité de gestion » ( 56 ).

113.

Enfin, l’affirmation selon laquelle le Tribunal a commis une erreur en n’exigeant pas de la Commission qu’elle lui fournisse le calcul théorique et qu’il n’a donc pas pu déterminer si l’équilibre établi entre ce calcul et l’analyse de marché constituait une erreur manifeste d’appréciation est erronée. En premier lieu, il appartient non pas aux parties, mais au Tribunal, de décider de l’adoption de mesures d’organisation de la procédure ou de mesures d’enquête, s’il le juge nécessaire ( 57 ). En deuxième lieu, au point 398 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, même si le calcul théorique était positif, ce que la Commission avait reconnu, cette institution pouvait légalement fixer le montant des restitutions à l’exportation à zéro euro au regard des facteurs exposés au point 292 de cet arrêt ( 58 ). Partant, le Tribunal était en mesure d’examiner la différence entre les deux méthodes même sans disposer de détail sur le calcul théorique. En troisième lieu, la position de Tilly-Sabco se résume, en substance, à demander au Tribunal d’exercer le pouvoir discrétionnaire que le règlement no 1234/2007 confère à la Commission.

114.

Il découle de ce qui précède que la présente branche du troisième moyen doit être rejetée, de même, par conséquent, que ce moyen dans son intégralité.

E. Sur le quatrième moyen : violation de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 ou erreur manifeste d’appréciation

1. Arguments des parties

115.

Tilly-Sabco soutient, dans la première branche du quatrième moyen, que, lorsque le Tribunal a examiné la question de savoir si la Commission avait dûment tenu compte des aspects énumérés à l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, il s’est contredit en ce sens qu’il a comparé la baisse des prix aux États-Unis d’Amérique en 2013, au point 301 de l’arrêt attaqué, avec la situation du marché brésilien de l’année 2009 à l’année 2013, au point 302, et qu’il aurait dû examiner les dernières données disponibles.

116.

Dans la deuxième branche du quatrième moyen, Tilly-Sabco soutient que le Tribunal a violé l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1234/2007 en faisant sienne, au point 289 de l’arrêt attaqué, l’appréciation de la Commission selon laquelle la différence de prix avec les volailles originaires du Brésil n’exigeait pas le versement de restitutions à l’exportation. En outre, elle estime que le Tribunal a aussi violé cette disposition en limitant son contrôle au marché mondial sans tenir compte du marché de l’Union.

117.

Par la troisième branche du quatrième moyen, Tilly-Sabco soutient qu’au point 366 de l’arrêt attaqué le Tribunal n’a pas sanctionné la Commission pour ne pas avoir tenu compte de l’état exact de la demande de poulets et qu’il s’est contredit au point 368 de cet arrêt. En outre, elle soutient qu’aux points 350 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne tire pas les conséquences de l’augmentation des prix de l’alimentation animale sur les marges des producteurs. Elle lui reproche de ne pas non plus avoir tiré les conséquences des erreurs de la Commission qu’il a exposées aux points 350 à 356, 360 et 361 de l’arrêt attaqué et d’avoir, au point 369, dénaturé les preuves qui, selon elle, démontrent une tendance au déclin de la demande de volaille en 2013.

118.

La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

2. Appréciation

119.

Les trois branches de ce moyen se composent, en substance, d’une série de critiques de la façon dont le Tribunal a contrôlé l’exercice qu’a fait la Commission du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007. J’estime qu’aucune d’entre elles n’est justifiée et je vais les examiner successivement.

120.

Tout d’abord, la contradiction qui existe, selon Tilly-Sabco, entre les points 300 et 301 de l’arrêt attaqué n’est pas réelle : le fait que, lorsqu’il a examiné l’évolution des prix du poulet frais, le Tribunal n’a tenu compte que de l’année 2013 pour les États-Unis d’Amérique ne signifie pas qu’il s’est contredit en retenant une période plus étendue pour le Brésil. Rien dans le libellé de l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 n’impose à la Commission de limiter son évaluation comparative de l’évolution des prix à certaines périodes (même s’il est possible de considérer que ne pas le faire serait contraire à l’objectif de la comparaison). Bien que Tilly-Sabco ait raison de souligner que l’article 164, paragraphe 3, sous a), de ce règlement renvoie à la « situation actuelle » sur le marché de l’Union et sur le marché mondial, comme indiqué au point 108 des présentes conclusions, la Commission peut accorder plus d’importance à d’autres aspects énumérés à l’article 164, paragraphe 3, de ce règlement, ce qu’elle a fait en l’espèce selon le Tribunal. En tout état de cause, les points 300 et 301 de l’arrêt attaqué ne sont pas contradictoires puisque le Tribunal y a jugé que le déclin des prix dans ces pays ne s’est produit qu’à la fin de l’année 2013.

121.

Ensuite, il y a lieu d’écarter l’argument de Tilly-Sabco qui reproche au Tribunal de n’avoir pas jugé que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne fixant pas les restitutions à l’exportation à la lumière de la différence de prix estimée, admise au point 289 de l’arrêt attaqué, entre les prix du poulet sur le marché intérieur et de la volaille originaire du Brésil de 44,73 euros pour 100 kg. Cette différence de prix peut découler du fait que les produits comparés étaient non pas de la volaille de chaque région, mais du poulet et de la volaille. De plus, Tilly-Sabco se garde de relever que, dans ce même paragraphe, la Commission a souligné que les prix du poulet sur le marché étaient élevés ( 59 ). Cela a conduit le Tribunal à juger, au point 292, que la Commission pouvait légalement considérer qu’il n’était pas nécessaire de fixer un montant positif pour les restitutions à l’exportation afin de garantir la stabilité du marché, un point que Tilly-Sabco ne conteste pas. En outre cela à juste titre : comme indiqué au point 107 des présentes conclusions, les restitutions à l’exportation n’ont pas pour finalité de garantir un revenu adéquat à l’exportateur. Les opérateurs ne peuvent pas exiger de la Commission qu’elle fixe le niveau de restitutions à un montant déterminé.

122.

Tilly-Sabco prétend qu’en limitant son appréciation à un seul marché, qu’il s’agisse du marché interne ou du marché mondial ( 60 ), le Tribunal a violé l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1234/2007, alors que ces deux marchés sont mentionnés uniquement sous a) et i) de ce règlement. Or, le Tribunal a jugé que la Commission avait accordé une importance particulière à la lettre b), qui ne mentionne pas ces deux marchés ( 61 ).

123.

En ce qui concerne la troisième branche du quatrième moyen, Tilly-Sabco a tort de soutenir qu’au point 366 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est mépris sur le fait que l’article 164, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 exige de la Commission qu’elle connaisse l’état exact de l’évolution de la demande de poulet sur le marché de l’Union et sur le marché mondial. Au contraire, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que le prix est le point de rencontre entre l’offre et la demande, et qu’une analyse de l’évolution des prix tient nécessairement compte de la demande. Au contre-argument de Tilly-Sabco selon lequel une augmentation des prix reflète un déséquilibre dans l’évolution de l’offre ou de la demande, il suffit de rétorquer que les prix peuvent très bien inclure l’évaluation escomptée de l’offre et de la demande. Cet argument doit donc être rejeté, de même que la prétendue contradiction entre les points 366 et 368 de l’arrêt attaqué, qui n’existerait que si la position défendue par Tilly-Sabco quant à la corrélation entre prix et demande était retenue.

124.

Par la suite, l’argument de Tilly-Sabco selon lequel, aux points 350 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas tiré les conclusions qui s’imposaient concernant l’impact que l’augmentation des prix de l’alimentation animale a eu sur les marges des producteurs est dénué de fondement : c’est précisément ce que le Tribunal a fait au point 351.

125.

En avant-dernier lieu, l’argument de Tilly-Sabco selon lequel les points 350 à 356, 360 et 361 de l’arrêt attaqué démontrent que la Commission a fourni au Tribunal des informations différentes de celles qu’elle a données au comité de gestion ne saurait affecter la légalité du règlement litigieux, laquelle doit être appréciée non pas en fonction de ce que la Commission a fourni au Tribunal, mais en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où ce règlement a été adopté. Cet argument est donc inopérant. Il en va de même s’agissant du fait que le Tribunal a jugé, au point 360 de l’arrêt attaqué, qu’il est nécessaire de nuancer les affirmations que la Commission a proférées dans son mémoire en défense à propos des prix de l’alimentation. En tout état de cause, l’absence de pertinence de ces circonstances est confirmée par le fait que, ainsi que le fait valoir la Commission, Tilly-Sabco ne conteste pas les deuxième et troisième phrases du point 361 de l’arrêt, où le Tribunal a jugé, notamment, que la question de savoir quand a eu lieu l’augmentation du prix des aliments n’était pas déterminante.

126.

Enfin, en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle, en considérant, au point 369 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait notamment tenu compte de l’augmentation de la demande de poulet, le Tribunal a dénaturé les preuves, force est de constater que ce point reproduit simplement la position de Tilly-Sabco et ne prétend pas établir des faits. Il ne peut donc contenir une dénaturation. À ce grief de dénaturation des preuves au point 369 de l’arrêt attaqué, Tilly-Sabco ajoute une critique du point 371 de l’arrêt attaqué, mais elle ne démontre pas que le Tribunal a dénaturé ces preuves ou a commis une erreur en droit dans ce point. Comme la Commission le relève à juste titre, Tilly-Sabco ne conteste pas le point 370 de l’arrêt attaqué, aux termes duquel le Tribunal a jugé que les affirmations de la requérante relatives au ralentissement de la production et de la consommation de volaille signifiaient qu’il existait encore une augmentation de la production et de la demande, ainsi qu’une prévision de croissance, bien qu’à un taux plus faible qu’avant.

127.

Ce dernier moyen n’étant ainsi pas davantage fondé et devant donc être écarté, il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

VI. Conclusion

128.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la partie requérante aux dépens.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Arrêt du 14 janvier 2016, Tilly-Sabco/Commission (EU:T:2016:8, ci-après l’« arrêt attaqué »).

( 3 ) Règlement d’exécution de la Commission du 18 juillet 2013 fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO 2013, L 196, p. 13, ci-après le « règlement litigieux »).

( 4 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13).

( 5 ) Règlement du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement no 1234/2007 »).

( 6 ) Décision du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO 1999, L 184, p. 23).

( 7 ) Règlement de la Commission du 17 juin 2010 fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO 2010, L 152, p. 5).

( 8 ) Règlement d’exécution de la Commission du 18 octobre 2012 fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO 2012, L 288, p. 6).

( 9 ) Règlement d’exécution de la Commission du 17 janvier 2013 fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO 2013, L 14, p. 15).

( 10 ) Règlement d’exécution de la Commission du 18 avril 2013 fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO 2013, L 109, p. 27).

( 11 ) Règlement d’exécution de la Commission du 20 octobre 2011 fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO 2011, L 276, p. 31).

( 12 ) Ordonnance du 26 septembre 2013, Tilly-Sabco/Commission (T‑397/13 R, non publiée, EU:T:2013:502).

( 13 ) Arrêt du 14 janvier 2016, Doux/Commission (T‑434/13, non publié, EU:T:2016:7).

( 14 ) Arrêt du 14 janvier 2016, France/Commission (T‑549/13, EU:T:2016:6).

( 15 ) Voir points 39 à 68 de l’arrêt attaqué.

( 16 ) Voir point 27 de l’arrêt attaqué. Plus précisément, la Commission n’a contesté ni le fait que le règlement litigieux est un acte règlementaire ni le fait que la requérante est directement affectée par celui-ci. Voir points 33 et 38 de cet arrêt.

( 17 ) Aux termes de l’article 150 du règlement de procédure de la Cour de justice, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, « la Cour peut, à tout moment, d’office, […] décider de statuer par voie d’ordonnance motivée sur les fins de non-recevoir d’ordre public » (mis en italique par mes soins) ; voir également arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 32). La question de savoir si une mesure litigieuse « comporte » des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE est au cœur de pourvois pendants devant la grande chambre de la Cour : voir affaires C‑244/16 P, Industrias Químicas del Vallés/Commission, et C‑384/16 P, European Union Copper Task Force/Commission.

( 18 ) Règlement intérieur type – Décision du Conseil 1999/468/CE du Conseil – Règlement intérieur du comité… (JO 2001, C 38, p. 3, note de bas de page no 6).

( 19 ) La Commission a annexé le règlement intérieur du comité de gestion au mémoire en défense qu’elle a présenté devant le Tribunal.

( 20 ) Article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable au pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement. En tout état de cause, le règlement intérieur type n’est pas pertinent si le comité en cause a adopté son propre règlement intérieur, comme en l’espèce ; voir arrêt du 25 octobre 2005, Allemagne et Danemark/Commission (C‑465/02 et C‑466/02, EU:C:2005:636, point 31).

( 21 ) L’article 8, paragraphe 5, du règlement no 182/2011, intitulé « Actes d’exécution immédiatement applicables », dispose que « [l]orsque la Commission adopte des mesures antidumping ou compensatoires provisoires, la procédure visée au présent article s’applique. La Commission adopte lesdites mesures après consultation ou, en cas d’extrême urgence, après information des États membres. Dans ce dernier cas, des consultations ont lieu au plus tard dix jours après la notification aux États membres des mesures adoptées par la Commission » (mis en italique par mes soins). Voir également considérant 16 de ce règlement.

( 22 ) Voir considérants 5 et 11 du règlement no 182/2011.

( 23 ) Voir, notamment, arrêts du 14 janvier 1987, Allemagne/Commission (278/84, EU:C:1987:2, points 12 à 16), et du 10 février 1998, Allemagne/Commission (C‑263/95, EU:C:1998:47, points 26 à 32).

( 24 ) Arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil (68/86, EU:C:1988:85, point 48).

( 25 ) Arrêts du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil (C‑69/89, EU:C:1991:186, points 49 et 50), ainsi que du 13 septembre 2007, Common Market Fertilizers/Commission (C‑443/05 P, EU:C:2007:511, point 145).

( 26 ) Arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247, points 76 et 77), ainsi que du 13 septembre 2007, Common Market Fertilizers/Commission (C‑443/05 P, EU:C:2007:511, points 147 et 148).

( 27 ) À cet égard, comparer avec l’arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 72).

( 28 ) Voir, pour une critique de l’absence de droits des particuliers dans la procédure de comitologie, conclusions de l’avocat général Geelhoed dans les affaires jointes Alliance for Natural Health e.a. (C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:199, points 80 à 85). La Cour n’a pas annulé la mesure en cause dans cette affaire : voir arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a. (C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, points 81 et 82).

( 29 ) Voir, par analogie, arrêt du 11 janvier 2001, Monte Arcosu (C‑403/98, EU:C:2001:6, points 26 et 28).

( 30 ) Voir arrêt du 14 janvier 1987, Allemagne/Commission (278/84, EU:C:1987:2, point 13). Voir également, concernant le degré de contrôle juridictionnel de l’existence d’un risque de perturbation du commerce des produits agricoles, arrêt du 25 janvier 1979, Racke (98/78, EU:C:1979:14, points 4 et 5).

( 31 ) Voir arrêt du 14 janvier 2016, France/Commission (T‑549/13, EU:T:2016:6, point 18).

( 32 ) Voir, par analogie, arrêt du 15 mars 2006, Italie/Commission (T‑226/04, non publié, EU:T:2006:85, points 38 à 41).

( 33 ) Voir, à cet égard, arrêt du 25 octobre 2005, Allemagne et Danemark/Commission (C‑465/02 et C‑466/02, EU:C:2005:636, points 36, 38 et 40), dans lequel la Cour a jugé que le fait que la convocation à une réunion du comité a été envoyée moins de quatorze jours avant celle-ci et qu’il n’y a pas eu de version en langue allemande des deux documents examinés lors de cette réunion n’aurait pu avoir aucun effet sur la mesure finalement adoptée.

( 34 ) La révocation d’un acte des institutions est une mesure exceptionnelle ayant des effets rétroactifs et qui ne peut dès lors être qu’explicite ; voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2001, Silos (C‑228/99, EU:C:2001:599, point 19).

( 35 ) Arrêt du 22 septembre 2016, Parlement/Conseil (C‑14/15 et C‑116/15, EU:C:2016:715, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

( 36 ) Voir le document du 22 octobre 2013« Summary of the 435th Management Committee for the Common Organisation of the Agricultural Markets – sector Animal Products on Thursday17 October 2013 » (« Résumé de la 435e réunion du comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles – secteurs des produits d’origine animale du 17 octobre 2013 »), document no ARES REG agri.ddg2.c.4(2013) 3316233, point 9.1.1 (disponible, en langue anglaise, à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/committees/cmo-management/2013/435.pdf).

( 37 ) En réalité, à part la citation de cette disposition dans la partie introductive du pourvoi, aucune mention n’est faite de l’article 162, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007 dans la partie dévolue aux arguments juridiques. Si la réplique de la requérante contient des références à cette disposition, ce n’est qu’en réponse à un point préliminaire que la Commission a soulevé dans son mémoire en réponse au pourvoi à propos de l’objectif du système des restitutions à l’exportation.

( 38 ) Arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a. (C‑272/12 P, EU:C:2013:812, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

( 39 ) Arrêt du 14 mars 1973, Westzucker (57/72, EU:C:1973:30, point 8). Les restitutions à l’exportation et la dénaturation du sucre ont, à certains égards, une fonction identique dans l’organisation commune des marchés ; voir conclusions de l’avocat général Mayras dans l’affaire Westzucker (57/72, non publiées, EU:C:1973:20, point 2).

( 40 ) Arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63), ainsi que du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission (C‑247/14 P, EU:C:2016:149, point 16).

( 41 ) Arrêts du 9 septembre 2004, Espagne/Commission (C‑304/01, EU:C:2004:495, point 51), ainsi que du 9 juin 2016, Pesce e.a. (C‑78/16 et C‑79/16, EU:C:2016:428, point 89).

( 42 ) Arrêts du 28 octobre 1982, Lion e.a. (292/81 et 293/81, EU:C:1982:375, point 19) ; du 22 janvier 1986, Eridania zuccherifici nazionali e.a. (250/84, EU:C:1986:22, point 38), ainsi que du 6 juillet 2000, Eridania (C‑289/97, EU:C:2000:363, point 40).

( 43 ) Arrêts du 1er décembre 1965, Schwarze (16/65, EU:C:1965:117, p. 1096), ainsi que du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission (C‑350/88, EU:C:1990:71, point 16).

( 44 ) Voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission (73/74, EU:C:1975:160, point 31) ; du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission (C‑350/88, EU:C:1990:71, point 15), ainsi que du 8 novembre 2001, Silos (C‑228/99, EU:C:2001:599, point 28).

( 45 ) Cette affirmation n’est pas remise en cause par le fait que, dans son pourvoi, Tilly-Sabco soutient, à propos de la deuxième branche du troisième moyen relative au prétendu nivellement par le bas du contrôle juridictionnel, qu’elle avait clairement démontré que ni elle ni le Tribunal n’avaient eu la possibilité de vérifier ou de contester les éléments spécifiques de la pratique habituelle de la Commission.

( 46 ) Arrêt du 8 novembre 2001, Silos (C‑228/99, EU:C:2001:599, point 29).

( 47 ) Arrêt du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission (C‑350/88, EU:C:1990:71, points 17 à 19).

( 48 ) Arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128, points 60 et suiv.).

( 49 ) Voir, entre autres, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange (C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 99 et jurisprudence citée).

( 50 ) Arrêt du 30 juin 2016, Lidl (C‑134/15, EU:C:2016:498, point 47), et, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Doux (C‑141/15, EU:C:2017:188, point 26).

( 51 ) Comme c’était le cas dans l’affaire qui a donné lieu aux conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, EU:C:2011:63, points 71 à 73).

( 52 ) Si le considérant 65 du règlement no 1234/2007 affirme que « [le] marché unique [de l’Union] requiert un régime d’échanges aux frontières extérieures de [l’Union,] ce régime d’échanges comporterait des droits à l’importation et des restitutions à l’exportation et devrait, en principe, permettre de stabiliser le marché [de l’Union]. Il devrait reposer sur les engagements pris dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle de l’Uruguay », le considérant 77 affirme que « [l]a possibilité d’octroyer aux exportations vers les pays tiers une restitution fondée sur la différence entre les prix pratiqués dans [l’Union] et ceux du marché mondial, et dans les limites prévues par les engagements pris par [l’Union] à l’OMC, devrait permettre d’assurer la participation de [l’Union] au commerce international de certains des produits couverts par le présent règlement. Les exportations faisant l’objet de subventions devraient être soumises à des limites exprimées en termes de quantité et de valeur. »

( 53 ) Voir conclusions de l’avocat général Geelhoed dans l’affaire Silos (C‑228/99, EU:C:2001:196, point 32), qui cite l’arrêt du 8 avril 1992, Wagner (C‑94/91, EU:C:1992:181, point 18). Voir également, en ce sens, arrêts du 14 mars 1973, Westzucker (57/72, EU:C:1973:30, points 6 et 8) ; du 26 janvier 1978, Union Malt e.a./Commission (44/77 à 51/77, EU:C:1978:14, points 23 et 28, concernant la situation spécifique des certificats d’exportation comportant fixation à l’avance de la restitution) ; du 28 octobre 1982, Lion e.a. (292/81 et 293/81, EU:C:1982:375, point 14), ainsi que du 9 mars 2017, Doux (C‑141/15, EU:C:2017:188, point 36).

( 54 ) Si la Commission a affirmé lors de l’audience qu’elle avait envisagé les deux aspects mentionnés à l’article 164, paragraphe 3, sous a) et b), du règlement no 1234/2007, elle n’a pas contesté la constatation faite au point 291 de l’arrêt attaqué.

( 55 ) Le renvoi, dans le pourvoi, au point 400 de l’arrêt attaqué, semble erroné, puisque ce point reproduit la position de Tilly-Sabco.

( 56 ) Au point 300 de l’arrêt attaqué, le Tribunal affirme que « le document soumis au comité de gestion n’a pas vocation à expliquer le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, mais surtout à présenter la situation globale du marché ».

( 57 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 31 janvier 2017, Universal Protein Supplements/EUIPO (C‑485/16 P, non publiée, EU:C:2017:72, point 15 et jurisprudence citée).

( 58 ) Aux termes du point 292 de l’arrêt attaqué, une augmentation des prix sur le marché de l’Union, l’existence de marges des producteurs de l’Union supérieurs à la moyenne historique et une augmentation des exportations sont des éléments qui permettent, en principe, à la Commission de considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la situation sur le marché de l’Union est stable et qu’il n’est pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer la stabilité du marché.

( 59 ) De même, ainsi que le fait valoir la Commission, la requérante ne conteste pas la constatation faite au point 306 de l’arrêt attaqué selon laquelle un document soumis au comité de gestion montrait une tendance à l’augmentation des prix claire sur le marché de l’Union, à court et moyen termes.

( 60 ) Le pourvoi est incohérent sur ce point, dès lors que la requérante affirme que « le Tribunal n’a tenu compte que des prix sur le marché intérieur, du coût élevé des aliments et de la dévaluation du real brésilien ; il ne s’est donc fondé que sur le marché mondial ».

( 61 ) Cela est confirmé par plusieurs versions linguistiques de cette disposition. L’emploi, dans la version en langue française de l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1234/2007 du pluriel (« marchés ») désigne non pas le marché de l’Union et le marché mondial visés à l’article 164, paragraphe 3, sous a) et i), mais l’organisation commune des marchés, qui s’orthographie au pluriel dans cette langue.

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