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Document 62015CC0158

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 3 mars 2016.
Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ NV contre Bestuur van de Nederlandse Emissieautoriteit.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State (Pays-Bas).
Renvoi préjudiciel – Pollution atmosphérique – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Directive 2003/87/CE – Notion d’“installation” – Inclusion du site de stockage du combustible – Règlement (UE) nº 601/2012 – Notion de “combustible exporté hors de l’installation”.
Affaire C-158/15.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:139

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 3 mars 2016 ( 1 )

Affaire C‑158/15

Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ NV

contre

Bestuur van de Nederlandse Emissieautoriteit

[demande de décision préjudicielle

formée par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas)]

«Droit de l’environnement — Directive 2003/87/CE — Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre — Notion d’‘installation’ — Règlement (UE) no 601/2012 — Surveillance des émissions de gaz à effet de serre — Combustible exporté hors de l’installation»

I – Introduction

1.

Le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre régi par la directive 2003/87/CE ( 2 ) représente l’un des principaux instruments de l’Union européenne pour lutter contre le changement climatique. Dans ce système, les centrales à charbon doivent acquérir des droits d’émissions, appelés quotas, pour pouvoir rejeter du CO2 lors de la production d’électricité. La demande de décision préjudicielle porte sur le point de savoir si cela recouvre aussi le rejet de CO2 imputable à l’échauffement du charbon sur le propre site de stockage de la centrale énergétique.

2.

Inclure ces émissions supposerait que le site de stockage fasse partie de l’installation de la centrale énergétique aux fins de la directive 2003/87. La notion d’«installation» qui doit être appliquée ici n’est pas limitée à cette directive, mais se retrouve sous un libellé largement identique dans la directive 2010/75/UE, beaucoup plus générale ( 3 ), où elle revêt une importance centrale. Avec la présente affaire, ce sera la première fois que la Cour s’exprime au sujet de cette notion. Et si l’interprétation d’une notion employée dans une directive ne doit pas obligatoirement être transposée à une autre directive, une certaine valeur de précédent s’attache néanmoins à la présente affaire.

3.

Même si le site de stockage devait être compris dans l’installation de la centrale énergétique, une inclusion des émissions en cause serait toutefois à écarter dans le cas où le charbon perdu par l’échauffement devrait être considéré comme du combustible exporté hors de l’installation au sens de l’article 27, paragraphe 2, du règlement (UE) no 601/2012 ( 4 ).

II – Le cadre juridique

A – La directive 2003/87

4.

Le champ d’application de la directive 2003/87 est défini à son article 2, paragraphe 1:

«La présente directive s’applique aux émissions résultant des activités indiquées à l’annexe I et aux gaz à effet de serre énumérés à l’annexe II.»

5.

Parmi les définitions données à l’article 3 de la directive 2003/87, il convient de s’arrêter sur les trois suivantes:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

b)

‘émissions’, le rejet dans l’atmosphère de gaz à effet de serre, à partir de sources situées dans une installation […]

[…]

e)

‘installation’, une unité technique fixe où se déroulent une ou plusieurs des activités indiquées à l’annexe I ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement qui est liée techniquement aux activités exercées sur le site et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution;

[…]

t)

‘combustion’, toute oxydation de combustibles quelle que soit l’utilisation faite de la chaleur, de l’énergie électrique ou mécanique produites par ce processus et toutes autres activités s’y rapportant, y compris la destruction des effluents gazeux;

[…]»

6.

L’obligation de restituer des quotas d’émission de gaz à effet de serre est prévue à l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2003/87:

«Les États membres s’assurent que, le 30 avril de chaque année au plus tard, tout exploitant d’une installation restitue un nombre de quotas, autres que des quotas délivrés en vertu du chapitre II, correspondant aux émissions totales de cette installation au cours de l’année civile écoulée, telles qu’elles ont été vérifiées conformément à l’article 15, et que ces quotas soient ensuite annulés.»

7.

La combustion de carburants dans des installations avec une puissance calorifique totale de combustion supérieure à 20 MW est l’une des activités indiquées à l’annexe I de la directive 2003/87. Au début de cette annexe, il est précisé quelles opérations sont à prendre en considération pour la combustion:

«3.

Pour calculer la puissance calorifique totale de combustion d’une installation afin de décider de son inclusion dans le système communautaire, on procède par addition des puissances calorifiques de combustion de toutes les unités techniques qui la composent, dans lesquelles des carburants sont brûlés au sein de l’installation. Parmi ces unités peuvent notamment figurer tous les types de chaudières, brûleurs, turbines, appareils de chauffage, hauts-fourneaux, incinérateurs, calcinateurs, fours, étuves, sécheurs, moteurs, piles à combustible, unités de combustion en boucle chimique, torchères, ainsi que les unités de postcombustion thermique ou catalytique. Les unités dont la puissance calorifique de combustion est inférieure à 3 MW et les unités qui utilisent exclusivement de la biomasse ne sont pas prises en considération dans ce calcul. […]

[…]

5.

Lorsqu’une installation dépasse le seuil de capacité défini pour une activité dans la présente annexe, toutes les unités de combustion de carburants, autres que les unités d’incinération de déchets dangereux ou municipaux, sont incluses dans le permis d’émission de gaz à effet de serre.»

B – Le règlement no 601/2012

8.

Aux termes de son article 1er, le règlement no 601/2012 contient des dispositions relatives à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et des données d’activité au titre de la directive 2003/87 pour la période d’échanges du système d’échange de quotas d’émission de l’Union qui commence le 1er janvier 2013 et pour les périodes d’échanges ultérieures.

9.

En vertu de l’article 5 du règlement no 601/2012, la surveillance doit être exhaustive:

«La surveillance et la déclaration sont exhaustives et couvrent toutes les émissions de procédé et de combustion provenant de l’ensemble des sources d’émission et des flux liés aux activités énumérées à l’annexe I de la directive 2003/87/CE et aux autres activités incluses en application de l’article 24 de cette directive, ainsi que les émissions de tous les gaz à effet de serre indiqués en rapport avec ces activités, tout en évitant une double comptabilisation.

Les exploitants et les exploitants d’aéronefs appliquent des mesures appropriées pour éviter toute lacune dans les données au cours de la période de déclaration.»

10.

L’article 20, paragraphe 1, du règlement no 601/2012 précise les limites de la surveillance à exercer par l’exploitant de l’installation:

«L’exploitant définit, pour chaque installation, les limites de la surveillance.

À l’intérieur de ces limites, l’exploitant prend en considération l’ensemble des émissions des gaz à effet de serre concernés, provenant de toutes les sources et de tous les flux liés aux activités menées dans l’installation et visées à l’annexe I de la directive 2003/87/CE, ainsi que les émissions liées aux activités et au gaz à effet de serre inclus par un État membre en vertu de l’article 24 de ladite directive.

L’exploitant tient également compte des émissions liées aux opérations normales et aux événements exceptionnels, tels que le démarrage et l’arrêt de l’installation et les situations d’urgence survenues au cours de la période de déclaration, à l’exception des émissions provenant des engins mobiles destinés au transport.»

11.

L’article 21, paragraphe 1, du règlement no 601/2012 concerne le choix de la méthode de surveillance:

«Aux fins de la surveillance des émissions d’une installation, l’exploitant choisit d’appliquer une méthode fondée sur le calcul ou une méthode fondée sur la mesure, sous réserve des dispositions spécifiques du présent règlement.

La méthode fondée sur le calcul consiste à déterminer les émissions des différents flux à partir des données d’activité obtenues au moyen de systèmes de mesure et de paramètres complémentaires issus d’analyses de laboratoire, ou de valeurs par défaut. La méthode fondée sur le calcul peut être mise en œuvre sous la forme de la méthode standard définie à l’article 24 ou de la méthode du bilan massique définie à l’article 25.

[…]»

12.

L’article 27 du règlement no 601/2012 détermine comment les données d’activité d’une installation doivent être calculées:

«1.   L’exploitant détermine les données d’activité d’un flux de l’une des deux façons suivantes:

a)

par mesurage en continu au niveau du procédé responsable des émissions;

b)

par cumul des mesures des quantités livrées séparément, compte tenu des variations des stocks.

2.   Aux fins du paragraphe 1, point b), la quantité de combustible ou de matière transformée au cours de la période de déclaration est calculée en déduisant de la quantité de combustible ou de matière achetée au cours de la période de déclaration la quantité de combustible ou de matière exportée hors de l’installation, et en y ajoutant la quantité de combustible ou de matière en stock au début de la période de déclaration, moins la quantité de combustible ou de matière en stock à la fin de la période de déclaration.

[…]»

III – Faits et demande de décision préjudicielle

13.

Elektriciteits Produktiemaatschappij Zuid-Nederland EPZ NV (ci-après «EPZ») exploite une centrale à charbon dans la zone portuaire et industrielle de Vlissingen-Oost près de Borssele, dans la province de la Zélande (Pays-Bas). La centrale énergétique a actuellement une puissance de 406 MW et consomme en moyenne 2500 tonnes de charbon par jour. Le charbon est acheminé par bateau dans l’un des ports de la zone. Le livreur est un aconier du nom d’OVET, établi près du port. OVET déverse le charbon, déchargé du bateau et destiné à EPZ, dans deux trémies mobiles et les transporte jusqu’au lieu d’entreposage, également appelé communément «parc à charbon», d’EPZ.

14.

Le centre du parc à charbon est situé à une distance d’environ 800 mètres de la limite du terrain de la centrale à charbon. Le terrain sur lequel est implantée la centrale à charbon est séparé du lieu d’entreposage par une voie publique. Le charbon est enlevé du lieu d’entreposage au moyen de bennes qui le déversent sur un convoyeur à bande. Ce convoyeur à bande enjambe la voie publique pour accéder à la centrale énergétique. Le charbon y est alors broyé puis introduit dans l’installation de combustion.

15.

EPZ peut placer dans le parc à charbon environ deux cargaisons maritimes. Le charbon séjourne entre six mois et un an sur ce site de stockage avant d’être brûlé dans la centrale.

16.

EPZ est assujettie au système d’échange de quotas d’émission et doit donc restituer des quotas d’émission au titre des émissions de gaz à effet de serre. La quantité de quotas ainsi nécessaires est déterminée par référence aux quantités de charbon livrées. EPZ demande cependant à être autorisée à réduire ces quantités par application d’un pourcentage fixe.

17.

Le seul point demeurant en litige consiste à savoir si l’échauffement du charbon peut justifier une réduction. Ce qui est visé ici, c’est la perte d’une partie du charbon durant le stockage dans le parc à charbon, du fait de la combustion résultant de l’échauffement. L’oxygène de l’air présent dans les espaces libres entre les morceaux de charbon stockés interagit avec le charbon et dégage de la chaleur, ce qui entraîne la perte d’une partie du charbon. Ce processus conduit certes à une émission de CO2, mais ne contribue pas à la production d’électricité par la centrale énergétique.

18.

Le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas) demande donc à la Cour de statuer, à titre préjudiciel, sur les questions suivantes:

«1)

Une situation, comme en l’espèce, où du charbon est stocké dans un parc à charbon qui dégage des émissions de CO2 dues au processus d’échauffement, où le centre du terrain du parc à charbon se trouve à une distance d’environ 800 mètres de la limite [du terrain] de la centrale au charbon, où les deux terrains sont séparés l’un de l’autre par une voie publique et où le charbon est transporté du site de stockage à la centrale par un tapis roulant qui enjambe la route, relève-t-elle de la notion d’‘installation’ au sens de l’article 3, initio et sous e), de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil?

2)

Les termes ‘combustible exporté hors de l’installation’, figurant à l’article 27, paragraphe 2, du règlement (UE) no 601/2012 de la Commission, du 21 juin 2012, relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, visent-ils la situation, comme en l’espèce, où une quantité de charbon se perd par combustion durant la période de son stockage dans le parc à charbon en raison du processus d’échauffement?»

19.

Ont pris position par écrit EPZ, le Royaume des Pays-Bas et la Commission européenne. La Cour, s’estimant suffisamment informée à la lecture de ces observations, a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries conformément à l’article 76, paragraphe 2, de son règlement de procédure.

IV – Appréciation

20.

L’article 12, paragraphe 3, de la directive 2003/87 fait obligation à l’exploitant de restituer, au plus tard le 30 avril de chaque année, un nombre de quotas correspondant aux émissions totales produites par son installation au cours de l’année civile écoulée, telles que vérifiées conformément à l’article 15. Ce qui est en cause dans la procédure au principal, c’est non pas la restitution des quotas, mais seulement la surveillance prévue à l’article 15. Néanmoins le résultat de cette surveillance est important pour la quantité de quotas requise.

21.

Le Raad van State (Conseil d’État) souhaite savoir, par cette demande de décision préjudicielle, si les émissions de CO2 causées par l’échauffement du charbon sur le site de stockage d’une centrale à charbon doivent faire l’objet de quotas d’émission. Les deux questions visent à déterminer si le site de stockage doit être considéré comme inclus dans l’installation de la centrale énergétique aux fins du système prévu par la directive 2003/87 (voir ci-dessous, sous A) et, le cas échéant, si le combustible perdu par l’effet de l’échauffement peut ne pas être pris en compte, au motif qu’il est «exporté hors de l’installation» (voir ci‑dessous, sous B).

A – Sur la notion d’«installation»

22.

L’article 3, sous e), de la directive 2003/87 définit la notion d’«installation» comme une unité technique fixe où se déroulent une ou plusieurs des activités indiquées à l’annexe I ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement qui est liée techniquement aux activités exercées sur le site et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution.

23.

À l’annexe I de la directive 2003/87 figure la combustion de carburant dans des installations avec une puissance calorifique totale de combustion supérieure à 20 MW. Avec une puissance de 406 MW, la centrale énergétique d’EPZ relève donc du système de la directive.

24.

EPZ fait observer que le stockage de charbon n’est pas une activité visée à l’annexe I de la directive 2003/87. Il se pourrait, néanmoins, que le site de stockage du charbon fasse partie de l’installation de la centrale énergétique.

1. Sur la définition de la notion d’«installation»

25.

La définition de la notion d’«installation» donnée à l’article 3, sous e), de la directive 2003/87 se caractérise par quatre éléments. En effet, il y est question, en premier lieu, d’une unité technique fixe où se déroulent une ou plusieurs des activités indiquées à l’annexe I, en deuxième lieu, des autres activités s’y rapportant directement, qui sont, en troisième lieu, liées techniquement aux activités exercées sur le site, et sont, en quatrième lieu, susceptibles d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution.

26.

Il est vrai qu’il existe entre les diverses versions linguistiques des différences sur le point de savoir si les autres activités se rapportant directement à l’activité principale doivent se dérouler à l’intérieur de l’unité technique ou peuvent aussi se dérouler hors de celle-ci ( 5 ). Ces différences sont toutefois plus minimes qu’il n’y paraît.

27.

En effet, la notion d’«unité technique» n’est pas définie et peut faire l’objet d’une interprétation souple. Ce sont donc les autres éléments constitutifs de la définition qui doivent être décisifs, à savoir le rapport direct de l’autre activité avec l’activité prévue à l’annexe I, le lien technique entre les deux activités ainsi que les incidences sur l’environnement.

28.

Il est exclu d’interpréter ces éléments de la définition de la notion d’«installation» de façon restrictive car, dans le cas contraire, il serait à craindre que certaines émissions de gaz à effet de serre soient exclues et soustraites au système de la directive 2003/87.

29.

Le stockage de charbon sur le site d’une centrale énergétique dans le but de brûler celui-ci ultérieurement dans la centrale énergétique n’est certes pas cité à l’annexe I de la directive 2003/87, mais il résulte de la définition de la notion d’«installation» que d’autres activités doivent aussi être rattachées à l’installation, si elles ont, pour le moins, un rapport direct avec l’activité principale, c’est-à-dire la combustion. Un tel rapport direct existe dans le cas du stockage litigieux de charbon, car le combustible stocké est indispensable à l’exploitation du four de la centrale énergétique.

30.

Ce rapport direct est matérialisé par l’élément du lien technique. Il faut conclure à l’existence d’un tel lien lorsque l’activité concernée est intégrée, dans le cadre d’un processus technique global, à l’activité principale relevant du champ d’application de la directive 2003/87. Tel est le cas dans l’affaire au principal, ne serait-ce qu’en raison du convoyeur à bande menant à la centrale énergétique. Le fait que les deux parties de l’installation soient séparées par une route et éloignées d’une certaine distance est secondaire par rapport à cela.

31.

Enfin, les émissions de CO2 dues à l’échauffement montrent bien que le stockage peut avoir des incidences sur les émissions et la pollution. On ne saurait exclure que le stockage de charbon à ciel ouvert ait d’autres répercussions sur l’environnement, sous la forme, par exemple, de particules fines.

32.

C’est pourquoi un site de stockage de charbon tel que celui du litige au principal fait partie de l’installation de la centrale énergétique.

2. Sur les notions particulières d’«installation»

33.

Cette conclusion est confirmée dans les définitions plus spécifiques de la notion d’«installation» données, dans le domaine de l’incinération des déchets, à l’article 42, paragraphe 1, de la directive 2010/75 ainsi qu’à l’article 3, point 8, de la directive 2012/18/UE concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, modifiant et abrogeant la directive 96/82/CE du Conseil ( 6 ).

34.

Dans le cas des installations d’incinération de déchets, le stockage des déchets, c’est-à-dire du combustible, est explicitement qualifié de partie de l’installation concernée. Et dans la directive 2012/18 également, les installations incluent les sites de stockage nécessaires au fonctionnement de celles-ci.

35.

Il est vrai que ces deux définitions visent avant tout à répondre à la finalité spécifique des réglementations en question, mais elles ont, tout comme la définition dans la directive 2003/87, pour ambition de rendre possible une large prise en compte des incidences sur l’environnement visées par chaque réglementation. Et, dans ce contexte, les deux définitions particulières montrent que les installations incluent, en principe, également le stockage qui leur est nécessaire.

36.

La définition retenue dans le domaine de l’incinération des déchets est particulièrement intéressante ici parce qu’elle vise les installations d’incinération et que la centrale énergétique est, elle aussi, une installation d’incinération. Cette définition montre que les installations d’incinération disposent habituellement d’un lieu d’entreposage du combustible.

3. Sur les objectifs de la directive 2003/87

37.

EPZ est néanmoins d’avis que, au regard des objectifs de la directive 2003/87, une interprétation plus stricte de la notion d’«installation» devrait prévaloir. Elle invoque en particulier, dans ce contexte, le fait que l’exploitant d’un parc à charbon n’est pas en mesure de contrôler ni d’éviter les émissions dues à l’échauffement.

38.

À la base de cette affirmation se trouve l’idée selon laquelle le mécanisme de marché que représente l’échange des quotas d’émission doit inciter les exploitants d’installations à réduire, dans toute la mesure du possible, les émissions de CO2 générées à l’occasion de leurs activités.

39.

Cependant, à supposer même que l’exploitant ne puisse effectivement pas éviter l’échauffement dans son parc à charbon, EPZ méconnaît que, dans ce mécanisme de marché, il est également prévu de renoncer éventuellement totalement à des activités déterminées si, en raison du coût des émissions inévitables, elles ne sont plus compétitives.

40.

Par conséquent, les objectifs de la directive 2003/87 confirment également que le parc à charbon est compris dans l’installation de la centrale énergétique.

4. Sur le règlement no 601/2012

41.

Bien que, à première vue, le règlement no 601/2012 ne réponde pas de façon évidente à la question de l’inclusion des émissions du site de stockage, il apparaît en dernière analyse qu’il ne remet pas en cause cette inclusion.

42.

L’article 20 du règlement semble offrir une possibilité de laisser de côté le site de stockage. Il prévoit que l’exploitant définit, pour chaque installation, les limites de la surveillance. On ne saurait cependant comprendre cette disposition comme signifiant que l’exploitant d’une centrale à charbon est autorisé à exclure le site de stockage y associé, et donc à ne pas en tenir compte.

43.

Le pouvoir de déterminer les limites se rapporte, en effet, non pas à l’installation en tant que telle, mais uniquement à la surveillance de celle-ci. Or, limiter la surveillance en laissant de côté certaines émissions de l’installation serait contraire à la finalité de la surveillance. Celle-ci doit, conformément à l’article 5 du règlement, être exhaustive et couvrir toutes les émissions de procédé et de combustion provenant de l’ensemble des sources d’émission et des flux liés aux activités énumérées à l’annexe I de la directive 2003/87. Étant lui aussi une source d’émission liée à l’activité de la centrale énergétique, l’échauffement du charbon sur le site de stockage doit par conséquent être compris dans la surveillance.

5. Sur les autres formes d’organisation du stockage

44.

EPZ demande dans ce contexte, logiquement, si une organisation du stockage autre pourrait exclure l’appartenance de celui-ci à l’installation de la centrale énergétique. Éclaircir ce point ne serait certes pas indispensable pour répondre aux questions préjudicielles, mais pourrait faciliter la résolution définitive du conflit entre EPZ et les autorités compétentes néerlandaises à propos de la prise en compte du site de stockage. C’est pourquoi la Cour devrait prendre position à cet égard.

45.

L’élément constitué par le lien technique montre que la forme économique que revêt l’activité ou le fait qu’elle soit ou non exercée par un autre prestataire (Outsourcing) sont dépourvus de pertinence. Ce qui importe, c’est plutôt son intégration, par un processus technique, dans l’activité principale relevant du champ d’application de la directive 2003/87.

46.

C’est ainsi que le législateur a envisagé, tant au considérant 6 qu’à l’article 4, paragraphe 3, et à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2010/75, qui utilise la même notion d’«installation», la possibilité que divers opérateurs exploitent les différentes parties d’une installation.

47.

Cela est également conforté dans les définitions spécifiques de la notion d’«installation» données dans les domaines de l’incinération des déchets et de la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses. Ces définitions montrent que les installations ne peuvent pas être considérées de façon isolée, mais recouvrent très souvent un processus technique à apprécier dans sa globalité.

48.

C’est pourquoi le choix du moyen technique qui relie les parties de l’installation sera lui aussi peu significatif, dès lors que ces parties sont associées dans l’installation par un processus technique. Le convoyeur à bande utilisé n’est donc qu’un exemple de liaison technique. On pourrait également concevoir d’autres connexions à caractère moins stable, comme les camions.

49.

Pour déterminer s’il existe un tel processus technique, on ne saurait accorder à la distance entre le site de stockage du combustible et le lieu de la combustion qu’une simple valeur d’indice. Plus ils sont éloignés l’un de l’autre, et plus la probabilité d’un processus technique réalisant une association directe sera faible. Cependant, même en cas de distance importante, un site d’entreposage temporaire qui serait exploité exclusivement pour l’approvisionnement d’une centrale déterminée pourrait encore être considéré comme faisant partie de l’installation de la centrale énergétique.

50.

Il devrait en aller de même en cas d’approvisionnement d’autres destinataires à partir du même site de stockage. Cette situation devrait constituer un indice de la non-appartenance du site de stockage à la centrale énergétique. Cependant, si la finalité principale du site de stockage reste d’approvisionner la centrale énergétique, il resterait possible de conclure à l’existence d’une installation unique. L’article 27, paragraphe 2, du règlement no 601/2012, que nous allons analyser plus en détail ci-après, plaide également en ce sens. En effet, cette disposition admet manifestement que du combustible puisse être livré à d’autres destinataires à partir d’une installation.

51.

Il s’ensuit que le site de stockage ne peut pas être exclu de l’installation au seul motif d’autres formes organisationnelles. Il faudrait, pour ce faire, que l’entreprise établisse une séparation si marquée sur le plan structurel que cela exclut un lien technique avec la centrale énergétique.

6. Sur la réponse à la première question

52.

Pour résumer, il convient donc de répondre à la première question qu’une centrale à charbon et un site de stockage du charbon destiné à son approvisionnement, sur lequel des émissions de CO2 ont lieu à la suite de l’échauffement, doivent être considérés comme relevant de la même installation au regard de l’article 3, sous e), de la directive 2003/87 si les deux sont liés l’un à l’autre par la participation à un processus technique commun en vue de l’exploitation de la centrale énergétique.

B – Sur l’exportation hors de l’installation

53.

Par sa seconde question, le Raad van State (Conseil d’État) souhaite savoir s’il convient de ne pas tenir compte, dans le calcul des émissions, du charbon qui est brûlé du fait de l’échauffement, au motif qu’il est exporté hors de l’établissement.

54.

Cette question se fonde sur la méthode de calcul des émissions, telle que déterminée à l’article 27, paragraphe 2, du règlement no 601/2012. En vertu de cette disposition, la quantité de combustible ou de matière transformée équivaut à la quantité de combustible ou de matière achetée pendant la période de déclaration, moins la quantité de combustible ou de matière exportée hors de l’installation, plus la quantité de combustible ou de matière déjà en stock au début de la période de déclaration, moins la quantité de combustible ou de matière en stock à la fin de la période de déclaration.

55.

Aux termes d’un guide publié par la Commission, la quantité exportée hors de l’installation désigne l’utilisation pour d’autres installations ou parties d’une installation non assujetties au système de la directive 2003/87 ( 7 ). Il y a donc exportation hors de l’installation dans la mesure où du combustible a effectivement été livré à d’autres installations, ou utilisé pour d’autres parties d’une installation effectivement non assujetties au système.

56.

EPZ est toutefois d’avis que le combustible perdu du fait de l’échauffement est lui aussi exporté hors de l’installation. Elle se fonde, pour affirmer cela, sur le postulat que le site de stockage ne relèverait pas en tant que tel du champ de la directive 2003/87.

57.

Ce présupposé ne vise cependant qu’à réviser l’interprétation donnée à la notion d’«installation» en ce qui concerne le site de stockage. Or, pour les raisons déjà exposées, le site de stockage fait partie de l’installation de la centrale énergétique. C’est pourquoi il n’est pas possible de le séparer à nouveau de l’installation aux fins de l’application des règles de surveillance des émissions de l’installation.

58.

Il faut au contraire constater que le charbon perdu du fait de l’échauffement n’est pas exporté hors de l’installation mais s’oxyde à l’intérieur de celle-ci, et fait donc l’objet d’une combustion au sens de l’article 3, sous t), de la directive 2003/87. L’échauffement est une conséquence du stockage du combustible en vue de sa combustion dans la centrale énergétique, et est donc lié à la finalité première de l’installation justifiant l’inclusion de celle-ci dans le système de la directive.

59.

Toute autre interprétation de l’article 27, paragraphe 2, du règlement no 601/2012 serait d’ailleurs contraire à l’objectif de l’article 5 de ce règlement, qui est de garantir une surveillance exhaustive de l’ensemble des sources d’émission de l’installation.

V – Conclusion

60.

Je propose donc à la Cour de statuer comme suit:

1)

Une centrale à charbon et un site de stockage du charbon destiné à son approvisionnement, sur lequel des émissions de CO2 ont lieu à la suite de l’échauffement, doivent être considérés comme relevant de la même installation au regard de l’article 3, sous e), de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par le règlement (UE) no 421/2014, si les deux sont liés l’un à l’autre par la participation à un processus technique commun en vue de l’exploitation de la centrale énergétique.

2)

Le charbon qui se perd du fait de l’échauffement durant le stockage sur le site de stockage d’une centrale énergétique ne doit pas être considéré comme du «combustible exporté hors de l’installation» au sens de l’article 27, paragraphe 2, du règlement (UE) no 601/2012 de la Commission, du 21 juin 2012, relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par le règlement (UE) no 421/2014 du Parlement et du Conseil, du 16 avril 2014 (JO 2014, L 129, p. 1, ci-après la «directive 2003/87»).

( 3 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17).

( 4 ) Règlement de la Commission du 21 juin 2012 relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87 (JO 2012, L 181, p. 30).

( 5 ) Voir document de la Commission, «Guidance on Interpretation of ‘Installation’ and ‘Operator’ for the Purposes of the IPPC Directive», version 1, avril 2007, p. 1.

( 6 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 (JO 2012, L 197, p. 1).

( 7 ) «The Monitoring and Reporting Regulation – General guidance for installations. MRR Guidance document no 1», 16 juillet 2012, p. 60.

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