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Document 62013TJ0514

Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 10 juin 2015.
AgriCapital Corp. contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
Marque communautaire - Procédure d’opposition - Demande de marque communautaire verbale AGRI.CAPITAL - Marques communautaires verbales antérieures AgriCapital et AGRICAPITAL - Motif relatif de refus - Absence de similitude des services - Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009.
Affaire T-514/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2015:372

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire T‑514/13,

AgriCapital Corp., établie à New York (États-Unis), représentée par M es  P. Meyer et M. Gramsch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

agri.capital GmbH, établie à Münster (Allemagne), représentée par M e  A. Nordemann-Schiffel, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 10 juillet 2013 (affaire R 2236/2012‑2), relative à une procédure d’opposition entre AgriCapital Corp. et agri.capital GmbH,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, M me M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M me J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 janvier 2014,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 24 avril 2014,

à la suite de l’audience du 10 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Antécédents du litige

1. Le 4 juin 2009, l’intervenante, agri.capital GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal AGRI.CAPITAL.

3. Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, notamment, de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Services d’un promoteur immobilier, à savoir en particulier en rapport avec des installations de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à partir de sources d’énergie renouvelables ; développement de concepts d’utilisation (conclusion de contrats de gestion des infrastructures) ; gestion d’immeubles ; gestion de terrains ; gestion immobilière et médiation, location et affermage d’immeubles (gestion d’infrastructures) ; affaires immobilières ; location d’exploitations agricoles ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition ».

4. La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 59/2009, du 14 décembre 2009.

5. Le 12 mars 2010, la requérante, AgriCapital Corp., a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement nº 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les services relevant de la classe 36.

6. L’opposition était fondée sur les marques communautaires antérieures suivantes :

– la marque communautaire verbale AgriCapital, enregistrée le 24 août 2007, sous le numéro 6192322 ;

– la marque communautaire verbale AGRICAPITAL, enregistrée le 7 juillet 2006, sous le numéro 4589339.

7. Les services pour lesquels la marque communautaire verbale antérieure AgriCapital a été enregistrée relèvent de la classe 36 et correspondent à la description suivante : « Services de financement ; conseils en matière de financement ».

8. Les services pour lesquels la marque communautaire verbale antérieure AGRICAPITAL a été enregistrée relèvent également de la classe 36 et correspondent à la description suivante : « Services de conseils et de placements en matière bancaire destinés aux entreprises du secteur agricole ».

9. Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

10. Par décision du 2 octobre 2012, la division d’opposition de l’OHMI a rejeté l’opposition au motif que les services visés par la marque demandée et ceux visés par les marques antérieures relevant de la classe 36 étaient différents, de sorte que l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, à savoir l’identité ou la similitude des services, n’était pas remplie.

11. Le 3 décembre 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12. Par décision du 10 juillet 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours et condamné la requérante à payer 850 euros au titre des frais exposés par la demanderesse devant l’OHMI lors de l’opposition et du recours. En particulier, elle a considéré que le public pertinent était le consommateur moyen dans tous les États membres de l’Union européenne. Elle a toutefois estimé que celui-ci était susceptible de faire preuve d’un niveau d’attention élevé eu égard aux sommes importantes qui sont impliquées dans les transactions financières ou immobilières. Elle a ensuite comparé les services visés par la marque demandée, compris dans la classe 36, avec ceux pour lesquels les marques antérieures avaient été enregistrées. À l’issue de cette comparaison, elle a abouti à la conclusion que les services relevant de la classe 36 visés par la marque demandée et ceux visés par les marques antérieures étaient dissemblables. En conséquence, elle a estimé que, l’un des critères pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 n’étant pas rempli, il ne pouvait exister de risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures au sens de cette disposition.

Conclusions des parties

13. La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner l’OHMI aux dépens.

14. L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité des documents produits par la requérante à l’audience

15. À l’audience, la requérante a demandé au Tribunal l’autorisation de produire un courriel daté du 21 octobre 2014 qui lui avait été adressé par un organisateur de conférences, en vue de démontrer que, dans la marque demandée, le point situé entre les termes « agri » et « capital » ne suffisait pas à écarter le risque de confusion entre cette dernière et la marque antérieure de la requérante AgriCapital.

16. L’OHMI a fait valoir l’irrecevabilité de ce document, en arguant de ce qu’il avait été produit tardivement et que, en conséquence, ni l’OHMI ni le Tribunal n’avaient pu en prendre connaissance.

17. Le Tribunal a pris connaissance du document lors de l’audience tout en réservant sa décision quant à la recevabilité de celui-ci.

18. À cet égard, il y a lieu de considérer que cette pièce, produite pour la première fois devant le Tribunal, ne peut être prise en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement nº 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter le document susvisé sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

Sur le fond

19. À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

20. La requérante fait grief à la chambre de recours de l’OHMI, en substance, d’avoir considéré que les services relevant de la classe 36 visés par la marque demandée ne présentaient pas de similitude avec les services visés par les marques antérieures. Elle soutient en particulier que, conformément à la jurisprudence, afin d’apprécier la similitude entre les services, il convient de tenir compte, notamment, de leur caractère concurrent ou complémentaire ainsi que de leurs canaux de distribution. Or, en l’espèce, la chambre de recours aurait, d’une part, négligé la complémentarité entre les « services d’entrepreneur », « [de] gestion et de médiation immobilières » ainsi que de « développement de concept d’utilisation », visés par la marque demandée, et les « services financiers » ainsi que les « services bancaires de conseils et d’investissement aux entreprises du secteur agricole », visés par les marques antérieures, et, d’autre part, exclu à tort que ces services puissent être offerts au travers des mêmes canaux de distribution. La requérante fait valoir que, en conséquence, eu égard au caractère distinctif des marques antérieures ainsi qu’à la similitude visuelle et à l’identité phonétique des marques en conflit, la chambre de recours de l’OHMI a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, en concluant à l’absence de risque de confusion entre lesdites marques, au sens de cette disposition.

21. À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

22. Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

23. Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec, EU:C:2007:514, point 48, et GIORGIO BEVERLY HILLS, point 22 supra, EU:T:2003:199, point 32).

24. Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

25. C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours de l’OHMI a considéré à juste titre qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

Sur le public pertinent

26. Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

27. La chambre de recours de l’OHMI a considéré au point 16 de la décision attaquée que les services désignés par les marques en conflit s’adressaient au consommateur moyen dans tous les États membres de l’Union, mais que celui-ci était susceptible de faire preuve d’un niveau d’attention élevé eu égard aux sommes importantes qui sont impliquées dans les transactions financières ou immobilières.

28. Les parties ne contestent pas la définition du public pertinent donnée par la chambre de recours de l’OHMI dans la décision attaquée. Par ailleurs, au vu des considérations qui y sont exposées, il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition dans la présente affaire. En particulier, s’agissant de services bancaires et financiers ainsi que de services immobiliers mettant généralement en jeu des sommes importantes, force est de constater que le public concerné aura un degré d’attention élevé [voir, en ce sens, arrêt du 9 s eptembre 2011, BVR/OHMI – Austria Leasing (Austria Leasing Gesellschaft m.b.H. Mitglied der Raiffeisen-Bankengruppe Österreich), T‑197/10, EU:T:2011:455, point 20].

Sur la comparaison des services en cause

29. Il convient de rappeler que, pour apprécier la similitude des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces services, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que, par exemple, les canaux de distribution des services concernés [voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec, EU:T:2005:140, point 53].

30. À cet égard, il convient de relever d’emblée que, aux fins de comparer les services visés par les marques antérieures avec les services visés par la marque demandée, la chambre de recours de l’OHMI a divisé ces derniers en trois groupes, à savoir, premièrement, les « services d’un promoteur immobilier, en particulier en rapport avec des installations de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à partir de sources d’énergie renouvelables ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition », deuxièmement, les services de « gestion immobilière et médiation, location et affermage d’immeubles (gestion d’infrastructures) ; affaires immobilières ; location d’exploitations agricoles ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition », troisièmement, les services de « développement de concepts d’utilisation (conclusion de contrats de gestion des infrastructures) ; gestion d’immeubles ; gestion de terrains ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition ».

31. Or, force est de constater que cette division reflète une différence de nature, de destination et d’utilisation entre les services visés par la marque demandée et qu’elle n’est pas contestée par la requérante. Dès lors, il convient seulement de vérifier si la chambre de recours de l’OHMI a conclu à juste titre à l’absence de similitude entre les services couverts par la marque demandée, tels qu’elle les a divisés, et les services visés par les marques antérieures.

– Sur l’absence de similitude entre les « services de gestion et de médiation immobilières » et les « services financiers »

32. Aux points 23 à 28 de la décision attaquée, la chambre de recours de l’OHMI a d’abord défini les « affaires immobilières » comme comprenant la gestion de biens immobiliers, l’agence immobilière et l’évaluation des biens immobiliers ainsi que les conseils et informations afférents. Ces services consistent principalement, selon la chambre de recours de l’OHMI, à trouver un bien immobilier, à le présenter à des acheteurs potentiels et à servir d’intermédiaire, par exemple en fournissant une assistance non seulement lors de l’achat, la vente ou la location d’un bien, mais également lors de la négociation des contrats, entre un acheteur et un vendeur d’immeuble ou de terrain. Cela inclut également, selon la chambre de recours de l’OHMI, la location d’exploitations agricoles, dans la mesure où elle relève d’une catégorie plus large, une location étant un contrat par lequel un bien est transmis à une personne pour une période spécifiée, généralement sous la forme d’un contrat de bail. Elle a en outre précisé que les « affaires immobilières » pouvaient également s’étendre à l’achat immobilier et à sa revente à profit.

33. La chambre de recours de l’OHMI a ensuite relevé que les « services financiers », précédemment définis, étaient fournis par des banques et des établissements de crédit, alors que les affaires immobilières étaient des activités généralement exercées par des agents immobiliers ou des promoteurs immobiliers. Elle a également relevé que ces services étaient très réglementés et devaient, dans de nombreux cas, être effectués par des entités distinctes. Elle en a conclu que le consommateur percevait les agents immobiliers comme étant clairement distincts des banques, des établissements financiers et des compagnies d’assurances, qui offraient des produits et des services différents, lesquels ne sont pas substituables.

34. La chambre de recours de l’OHMI a enfin considéré que, si les « affaires immobilières » nécessitaient un financement, cela ne suffisait pas pour démontrer l’existence d’un lien étroit entre elles et les « services financiers » et qu’ils présentaient, in fine, seulement des rapports de nature lointaine et indirecte. À cet égard, elle a précisé que, « s’il est vrai que des conseils financiers peuvent être nécessaires pour de nombreux types d’achats (par exemple, l’achat d’un bien ou la création d’une entreprise) et que les acheteurs prudents peuvent chercher des informations pour assurer l’achat ou la création de l’entreprise, cela ne signifie pas que l’un est indispensable pour l’autre ou que les consommateurs pensent que la responsabilité des services respectifs incombe au même prestataire ».

35. Elle en a conclu que les services de « gestion immobilière et médiation, location et affermage d’immeubles (gestion d’infrastructures) ; affaires immobilières ; location d’exploitations agricoles ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition » visés par la marque demandée étaient différents des « services financiers » visés par les marques antérieures de la requérante.

36. La requérante fait grief à la chambre de recours de l’OHMI de s’être concentrée sur l’absence de substituabilité entre les services de gestion et de médiation immobilières et les services financiers, sans examiner leur complémentarité. À cet égard, elle fait valoir que la chambre de recours de l’OHMI a retenu une définition trop étroite des services financiers. Elle soutient, en particulier, qu’il est courant que des banques et des établissements financiers proposent des biens immobiliers à la vente, soit eux-mêmes, soit par l’intermédiaire d’une filiale. Cela serait démontré par la publicité commune qui serait faite pour ces deux types de services. Il s’ensuivrait que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours de l’OHMI, les « services de gestion immobilière et de médiation » sont étroitement liés aux « services financiers » et, partant, complémentaires.

37. L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

38. À cet égard, premièrement, il a déjà été jugé, s’agissant de la nature, de la destination ou de l’utilisation des services en cause, que les services financiers n’ont pas la même nature, la même destination ou la même utilisation que les services immobiliers. En effet, alors que les services financiers sont fournis par des institutions financières aux fins de la gestion des moyens financiers de leurs clients et consistent, notamment, en la conservation des fonds déposés, en des remises de fonds, en des octrois de prêts ou en des opérations de nature financière diverses, les services immobiliers consistent en des services portant sur un bien immobilier, à savoir, en particulier, la location, l’achat, la vente ou la gestion d’un bien [arrêt du 11 juillet 2013, Metropolis Inmobiliarias y Restauraciones/OHMI – MIP Metro (METRO), T‑197/12, EU:T:2013:375, point 42].

39. Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours de l’OHMI n’a pas défini les « services financiers » visés par les marques antérieures de façon trop étroite.

40. Deuxièmement, il convient d’observer que, ainsi que cela a été relevé au point 34 ci-dessus, la chambre de recours de l’OHMI ne s’est pas limitée à examiner la substituabilité des « affaires immobilières » avec les « services financiers », mais elle a effectivement procédé à un examen de leur complémentarité.

41. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, au soutien de l’argumentation concernant la complémentarité des services en cause, la requérante se borne à alléguer que la vente de biens immobiliers est un service qui est souvent offert par des établissements financiers.

42. Or, ainsi qu’il a également déjà été jugé, s’agissant du fait que les services visés pourraient se trouver dans les mêmes canaux de distribution, force est de constater que les services immobiliers ne sont pas, en principe, fournis dans les mêmes locaux que les services financiers (arrêt METRO, point 38 supra, EU:T:2013:375, point 43).

43. Les documents produits par la requérante dans le cadre de la procédure administrative (annexe A5 de la requête) ne permettent pas de contredire cette constatation dans la mesure où les services immobiliers effectués par les institutions financières sont fournis par des succursales distinctes, de sorte que les activités financières sont distinctes des éventuelles activités immobilières (arrêt METRO, point 38 supra, EU:T:2013:375, point 45).

44. Il s’ensuit que la chambre de recours de l’OHMI n’a pas commis d’erreur en considérant que les services de « gestion immobilière et médiation, location et affermage d’immeubles (gestion d’infrastructures) ; affaires immobilières ; location d’exploitations agricoles ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition » visés par la marque demandée étaient différents des « services financiers » visés par les marques antérieures de la requérante.

– Sur l’absence de similitude des « services d’un promoteur immobilier » avec les « services financiers »

45. Aux points 19 à 21 de la décision attaquée, la chambre de recours de l’OHMI a estimé que les services d’un promoteur immobilier étaient des affaires aux aspects multiples qui englobent des activités allant de la rénovation d’immeubles existants à l’achat de terrains nus et à la vente de terrains ou parcelles aménagés à des tiers. Elle a également estimé qu’il ressortait clairement du libellé de la spécification de la demande de marque communautaire que ces services concernaient spécifiquement des installations de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à partir de sources d’énergie renouvelables.

46. En revanche, la chambre de recours de l’OHMI a considéré que les services financiers visés par les marques antérieures consistaient en la fourniture de tous les services à des fins d’épargne ou à des fins commerciales concernant la réception, le prêt, le change, l’investissement et la protection d’argent, l’émission de billets et l’exécution d’autres opérations financières. La chambre de recours de l’OHMI a également précisé que, alors que les prestataires des services visés par les marques antérieures pouvaient fournir des services en matière de financement et de projets de construction et que de nombreux projets dans le secteur agro-industriel dépendaient des investissements ou d’une aide financière, il était fort peu probable que ces prestataires fournissent les services spécifiques d’un entrepreneur dans la mesure où ceux-ci exigent des compétences techniques spécifiques ou un savoir-faire particulier. Elle en a conclu que les services en cause étaient différents par leur nature et leur destination.

47. La chambre de recours de l’OHMI a en outre considéré que les services en cause relevaient de deux secteurs différents, à savoir le secteur immobilier, d’une part, et le secteur financier, d’autre part, et qu’ils ne seraient donc pas fournis par la même entreprise ou par des entreprises liées et qu’ils ne partageraient pas les mêmes canaux de distribution.

48. La requérante soutient, en substance, qu’il existe une similitude entre les services d’un promoteur immobilier visés par la marque demandée et les services financiers visés par les marques antérieures de la requérante.

49. En effet, selon elle, les services d’un promoteur immobilier visés par la marque demandée incluent une activité de commercialisation qui présente un chevauchement avec des services financiers, tels que ceux visés par les marques antérieures de la requérante. Cela ressortirait de la pratique des promoteurs immobiliers, dont l’activité impliquerait la recherche de financements et qui procureraient fréquemment à leurs clients des conseils relatifs au financement de projets immobiliers.

50. En toute hypothèse, les services visés par les marques en conflit présenteraient à tout le moins un lien étroit de complémentarité, comme le démontreraient tant la circonstance que des entreprises de services financiers exercent, elles-mêmes ou par l’intermédiaire de filiales, des activités de médiation immobilière que le libellé même de la note explicative afférente à la classe 36.

51. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir l’OHMI, les services d’un promoteur immobilier tels que ceux visés par la marque demandée ne seraient pas limités au seul domaine des « installations de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à partir de sources d’énergie renouvelables ». La requérante ajoute que, en tout état de cause, une telle limitation n’aurait pas de conséquence sur l’existence d’une similitude entre les services désignés par la marque demandée et ceux visés par la marque antérieure AGRICAPITAL dans la mesure où lesdits services permettraient, de la même façon, de fournir des biens immobiliers sur lesquels des installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables peuvent être construites et exploitées.

52. L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

53. À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que la chambre de recours de l’OHMI l’a correctement indiqué, les services d’un promoteur immobilier englobent des activités multiples allant de la rénovation de bâtiments existants à l’achat de terrains nus et à la vente de terrains ou parcelles aménagés à des tiers.

54. Cette activité implique, ainsi que le fait valoir la requérante, la recherche de financements par le promoteur immobilier en vue de l’acquisition de bâtiments ou de terrains. Toutefois, la recherche de ces financements ne saurait être considérée comme un service financier directement fourni par le promoteur immobilier à ses clients, équivalent à une activité de courtage. En effet, la recherche de financements par le promoteur immobilier vise seulement à permettre à ce dernier de supporter, dans un premier temps, le coût de l’achat des bâtiments à rénover ou des terrains à aménager, avant qu’il puisse, dans un second temps, répercuter ce coût auprès des clients auxquels il vendra le bien immobilier réalisé dans le cadre d’un programme de construction ou de rénovation.

55. Si, comme l’affirme la requérante, il est courant que des promoteurs immobiliers proposent à leurs clients des conseils quant au financement de leur achat dans le cadre de la commercialisation de programmes immobiliers, de tels conseils ne sauraient pas davantage être analysés comme des conseils financiers, tels que ceux visés par les marques antérieures de la requérante. De tels conseils sont en effet assimilables à ceux que tout vendeur d’un bien d’une certaine valeur, tel que, par exemple, un bateau, un fonds de commerce ou une œuvre d’art, peut prodiguer à ses clients quant à l’intérêt financier qu’ils peuvent avoir à acquérir le bien en question. Le vendeur qui prodigue de tels conseils n’offre pas pour autant un service financier.

56. Au demeurant, force est de constater que les éléments de preuve présentés par la requérante dans le cadre de la procédure administrative à l’appui de l’affirmation consistent en des copies de pages Internet d’une société d’investissement spécialisée dans l’immobilier, d’un courtier en crédit immobilier et d’une société de crédit immobilier, sans aucun lien avec les services d’un promoteur immobilier (annexe A4 de la requête).

57. Il convient également de rejeter la thèse de la requérante relative à l’existence d’un lien de complémentarité étroit entre les services visés par les marques en conflit.

58. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs puissent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [voir arrêt du 9 avril 2014, Comsa/OHMI – COMSA (COMSA), T‑144/12, EU:T:2014:197, point 44 et jurisprudence citée].

59. Cela implique que les services complémentaires soient susceptibles d’être utilisés ensemble, ce qui présuppose qu’ils soient adressés au même public [voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2012, Hand Held Products/OHMI – Orange Brand Services (DOLPHIN), T‑361/11, EU:T:2012:377, point 48 et jurisprudence citée].

60. En l’espèce, les services de promoteur immobilier, visés par la marque demandée, et les services financiers, visés par les marques antérieures de la requérante, s’adressent au consommateur moyen sur le territoire de l’Union et sont susceptibles d’être utilisés ensemble par ce consommateur.

61. En outre, il ne fait pas de doute que, eu égard à l’importance des sommes généralement impliquées par les opérations immobilières, les services financiers sont importants pour le consommateur moyen dans la perspective de l’utilisation des services d’un promoteur immobilier. Toutefois, il convient d’observer que, dans une économie de marché, une grande partie des activités présentent des besoins de financement ou d’investissement, de sorte que les services financiers peuvent, par nature, être associés à la plupart de ces activités et non pas seulement aux activités de promoteur immobilier (voir, en ce sens, arrêt METRO, point 38 supra, EU:T:2013:375, points 47 à 49).

62. Dès lors, il y a lieu de considérer que le lien entre les services de promoteur immobilier et les services financiers n’est pas, en lui-même, suffisamment étroit pour amener le public pertinent, à savoir, en l’espèce, un consommateur moyen, pouvant faire preuve d’un niveau d’attention particulièrement élevé, à penser que la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (voir, en ce sens, arrêt METRO, point 38 supra, EU:T:2013:375, point 50).

63. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les services d’un promoteur immobilier seraient fournis au travers des mêmes canaux de distribution que les services financiers visés par les marques antérieures. Force est en effet de constater que les services fournis par un promoteur immobilier ne sont pas, en principe, fournis dans les mêmes locaux que les services financiers. En outre, il convient de relever que les documents produits par la requérante dans le cadre de la procédure administrative au soutien de cette thèse ne concernent pas l’activité de promoteur immobilier (annexe A5 de la requête).

64. Cette conclusion ne saurait davantage être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le lien étroit de complémentarité entre les services d’un entrepreneur dans le secteur immobilier et les services financiers ressortirait de la note explicative afférente à la classe 36. En effet, la simple lecture de la note explicative afférente à la classe 36 permet de constater que, si les services de « crédit-bail immobilier » et les « services d’administrateurs d’immeubles, c’est-à-dire les services de location, d’estimation de biens immobiliers ou de bailleurs de fonds », font effectivement partie de la classe 36, ils constituent des sous-rubriques distinctes de celle des « services en rapport avec les affaires financières ou monétaires », qui compre nd, notamment, les « services de tous les instituts bancaires ou institutions en rapport avec eux », les « services d’instituts de crédit autres que les banques » et les « services des courtiers en valeurs et en biens », de sorte que la note explicative afférente à la classe 36 n’est pas de nature à établir un lien étroit entre les services financiers visés par les marques antérieures et les services de promoteur immobilier visés par la marque demandée.

65. Au demeurant, il convient de rappeler que, aux termes du paragraphe 4 de la règle 2 du règlement (CE) nº 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), « [l]a classification des produits et des services est effectuée à des fins exclusivement administratives » et, par conséquent, « [d]es produits et des services ne peuvent […] être considérés comme semblables au motif qu’ils figurent dans la même classe de la classification de Nice, et ne peuvent être considérés comme étant différents au motif qu’ils figurent dans des classes différentes de cette classification ».

66. Il s’ensuit que la chambre de recours de l’OHMI n’a pas commis d’erreur en considérant que les services de promoteur immobilier visés par la marque demandée étaient, par leur nature, différents des services financiers visés par les marques antérieures de la requérante.

67. Eu égard à ce constat, il n’y a pas lieu d’examiner le grief de la requérante tiré d’une limitation erronée de la destination des services visés par la marque demandée.

– Sur l’absence de similitude entre les services de « développement de concepts d’utilisation » et les « services financiers »

68. La requérante fait valoir que les services de « développement de concepts d’utilisation » sont aussi proches des « services financiers » que le sont les « services d’un promoteur immobilier », dans la mesure où, selon elle, la mise en valeur et la gestion des biens immobiliers sont les deux faces d’une même activité, qui nécessitent, l’une comme l’autre, des conseils financiers et des solutions de financement. Elle se borne donc à renvoyer aux arguments qu’elle a exposés concernant la similitude entre les services d’un promoteur immobilier et les « services financiers ».

69. Or, ces derniers arguments ayant déjà été rejetés aux points 45 à 67 ci-dessus, le Tribunal ne peut que constater, en l’absence d’arguments spécifiques relatifs aux services de « développement de concepts d’utilisation », que la requérante reste en défaut de démontrer que la chambre de recours de l’OHMI aurait commis une erreur en concluant à l’absence de similitude entre ces services et les « services financiers » visés par les marques antérieures de la requérante.

70. Compte tenu des considérations qui précèdent, force est de constater que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours de l’OHMI a considéré que les services visés par les marques antérieures de la requérante n’étaient pas semblables aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque AGRI.CAPITAL était demandé.

Sur le caractère distinctif des marques antérieures de la requérante et la similitude des signes en conflit

71. Dans la décision attaquée, la chambre de recours de l’OHMI a conclu que l’un des critères pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, à savoir la similitude entre les services, faisait défaut et que, par conséquent, il ne pouvait pas y avoir de risque de confusion, et ce sans examiner le caractère distinctif des marques antérieures ni la similitude entre les signes en conflit.

72. La requérante fait valoir que toute différence entre les services visés par la marque demandée et les marques antérieures peut être compensée, dans le cadre d’une appréciation globale, par le degré de similitude visuelle très élevé et l’identité phonétique entre ces marques, de sorte que, contrairement à ce que la chambre de recours de l’OHMI a considéré, il existerait un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

73. L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

74. À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 24 ci-dessus, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée doit être appréciée au regard de circonstances cumulatives, à savoir la similitude ou l’identité des marques en conflit, d’une part, et la similitude ou l’identité des produits ou des services respectivement couverts par lesdites marques, d’autre part.

75. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, l’absence de similitude entre les services visés par ses marques antérieures et ceux pour lesquels l’enregistrement de la marque AGRI.CAPITAL est demandé, constatée au point 70 ci-dessus, ne saurait être compensée, aux fins de l’appréciation du risque de confusion, par la similitude, fût-elle d’un degré élevé, entre les marques en conflit (voir, en ce sens, ordonnance du 9 mars 2007, Alecansan/OHMI, C‑196/06 P, EU:C:2007:159, points 24 à 26).

76. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours de l’OHMI a conclu que, compte tenu de l’absence de similitude entre les services désignés par les marques en conflit, l’un des critères pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 faisait défaut et que, en conséquence, il ne pouvait pas y avoir de risque de confusion entre lesdites marques.

77. Il s’ensuit que le moyen unique de la requérante est non fondé et que, partant, le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

78. Conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, elle supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’OHMI et ceux exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) AgriCapital Corp. est condamnée aux dépens.

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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

10 juin 2015 ( *1 )

«Marque communautaire — Procédure d’opposition — Demande de marque communautaire verbale AGRI.CAPITAL — Marques communautaires verbales antérieures AgriCapital et AGRICAPITAL — Motif relatif de refus — Absence de similitude des services — Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009»

Dans l’affaire T‑514/13,

AgriCapital Corp., établie à New York (États-Unis), représentée par Mes P. Meyer et M. Gramsch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

agri.capital GmbH, établie à Münster (Allemagne), représentée par Me A. Nordemann-Schiffel, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 10 juillet 2013 (affaire R 2236/2012‑2), relative à une procédure d’opposition entre AgriCapital Corp. et agri.capital GmbH,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 janvier 2014,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 24 avril 2014,

à la suite de l’audience du 10 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 4 juin 2009, l’intervenante, agri.capital GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal AGRI.CAPITAL.

3

Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, notamment, de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : «Services d’un promoteur immobilier, à savoir en particulier en rapport avec des installations de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à partir de sources d’énergie renouvelables ; développement de concepts d’utilisation (conclusion de contrats de gestion des infrastructures) ; gestion d’immeubles ; gestion de terrains ; gestion immobilière et médiation, location et affermage d’immeubles (gestion d’infrastructures) ; affaires immobilières ; location d’exploitations agricoles ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition».

4

La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 59/2009, du 14 décembre 2009.

5

Le 12 mars 2010, la requérante, AgriCapital Corp., a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les services relevant de la classe 36.

6

L’opposition était fondée sur les marques communautaires antérieures suivantes :

la marque communautaire verbale AgriCapital, enregistrée le 24 août 2007, sous le numéro 6192322 ;

la marque communautaire verbale AGRICAPITAL, enregistrée le 7 juillet 2006, sous le numéro 4589339.

7

Les services pour lesquels la marque communautaire verbale antérieure AgriCapital a été enregistrée relèvent de la classe 36 et correspondent à la description suivante : «Services de financement ; conseils en matière de financement».

8

Les services pour lesquels la marque communautaire verbale antérieure AGRICAPITAL a été enregistrée relèvent également de la classe 36 et correspondent à la description suivante : «Services de conseils et de placements en matière bancaire destinés aux entreprises du secteur agricole».

9

Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

10

Par décision du 2 octobre 2012, la division d’opposition de l’OHMI a rejeté l’opposition au motif que les services visés par la marque demandée et ceux visés par les marques antérieures relevant de la classe 36 étaient différents, de sorte que l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, à savoir l’identité ou la similitude des services, n’était pas remplie.

11

Le 3 décembre 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12

Par décision du 10 juillet 2013 (ci-après la «décision attaquée»), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours et condamné la requérante à payer 850 euros au titre des frais exposés par la demanderesse devant l’OHMI lors de l’opposition et du recours. En particulier, elle a considéré que le public pertinent était le consommateur moyen dans tous les États membres de l’Union européenne. Elle a toutefois estimé que celui-ci était susceptible de faire preuve d’un niveau d’attention élevé eu égard aux sommes importantes qui sont impliquées dans les transactions financières ou immobilières. Elle a ensuite comparé les services visés par la marque demandée, compris dans la classe 36, avec ceux pour lesquels les marques antérieures avaient été enregistrées. À l’issue de cette comparaison, elle a abouti à la conclusion que les services relevant de la classe 36 visés par la marque demandée et ceux visés par les marques antérieures étaient dissemblables. En conséquence, elle a estimé que, l’un des critères pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’étant pas rempli, il ne pouvait exister de risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures au sens de cette disposition.

Conclusions des parties

13

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’OHMI aux dépens.

14

L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité des documents produits par la requérante à l’audience

15

À l’audience, la requérante a demandé au Tribunal l’autorisation de produire un courriel daté du 21 octobre 2014 qui lui avait été adressé par un organisateur de conférences, en vue de démontrer que, dans la marque demandée, le point situé entre les termes «agri» et «capital» ne suffisait pas à écarter le risque de confusion entre cette dernière et la marque antérieure de la requérante AgriCapital.

16

L’OHMI a fait valoir l’irrecevabilité de ce document, en arguant de ce qu’il avait été produit tardivement et que, en conséquence, ni l’OHMI ni le Tribunal n’avaient pu en prendre connaissance.

17

Le Tribunal a pris connaissance du document lors de l’audience tout en réservant sa décision quant à la recevabilité de celui-ci.

18

À cet égard, il y a lieu de considérer que cette pièce, produite pour la première fois devant le Tribunal, ne peut être prise en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter le document susvisé sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

Sur le fond

19

À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

20

La requérante fait grief à la chambre de recours de l’OHMI, en substance, d’avoir considéré que les services relevant de la classe 36 visés par la marque demandée ne présentaient pas de similitude avec les services visés par les marques antérieures. Elle soutient en particulier que, conformément à la jurisprudence, afin d’apprécier la similitude entre les services, il convient de tenir compte, notamment, de leur caractère concurrent ou complémentaire ainsi que de leurs canaux de distribution. Or, en l’espèce, la chambre de recours aurait, d’une part, négligé la complémentarité entre les «services d’entrepreneur», «[de] gestion et de médiation immobilières» ainsi que de «développement de concept d’utilisation», visés par la marque demandée, et les «services financiers» ainsi que les «services bancaires de conseils et d’investissement aux entreprises du secteur agricole», visés par les marques antérieures, et, d’autre part, exclu à tort que ces services puissent être offerts au travers des mêmes canaux de distribution. La requérante fait valoir que, en conséquence, eu égard au caractère distinctif des marques antérieures ainsi qu’à la similitude visuelle et à l’identité phonétique des marques en conflit, la chambre de recours de l’OHMI a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en concluant à l’absence de risque de confusion entre lesdites marques, au sens de cette disposition.

21

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

22

Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

23

Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec, EU:C:2007:514, point 48, et GIORGIO BEVERLY HILLS, point 22 supra, EU:T:2003:199, point 32).

24

Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

25

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours de l’OHMI a considéré à juste titre qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

Sur le public pertinent

26

Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

27

La chambre de recours de l’OHMI a considéré au point 16 de la décision attaquée que les services désignés par les marques en conflit s’adressaient au consommateur moyen dans tous les États membres de l’Union, mais que celui-ci était susceptible de faire preuve d’un niveau d’attention élevé eu égard aux sommes importantes qui sont impliquées dans les transactions financières ou immobilières.

28

Les parties ne contestent pas la définition du public pertinent donnée par la chambre de recours de l’OHMI dans la décision attaquée. Par ailleurs, au vu des considérations qui y sont exposées, il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition dans la présente affaire. En particulier, s’agissant de services bancaires et financiers ainsi que de services immobiliers mettant généralement en jeu des sommes importantes, force est de constater que le public concerné aura un degré d’attention élevé [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2011, BVR/OHMI – Austria Leasing (Austria Leasing Gesellschaft m.b.H. Mitglied der Raiffeisen-Bankengruppe Österreich), T‑197/10, EU:T:2011:455, point 20].

Sur la comparaison des services en cause

29

Il convient de rappeler que, pour apprécier la similitude des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces services, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que, par exemple, les canaux de distribution des services concernés [voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec, EU:T:2005:140, point 53].

30

À cet égard, il convient de relever d’emblée que, aux fins de comparer les services visés par les marques antérieures avec les services visés par la marque demandée, la chambre de recours de l’OHMI a divisé ces derniers en trois groupes, à savoir, premièrement, les «services d’un promoteur immobilier, en particulier en rapport avec des installations de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à partir de sources d’énergie renouvelables ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition», deuxièmement, les services de «gestion immobilière et médiation, location et affermage d’immeubles (gestion d’infrastructures) ; affaires immobilières ; location d’exploitations agricoles ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition», troisièmement, les services de «développement de concepts d’utilisation (conclusion de contrats de gestion des infrastructures) ; gestion d’immeubles ; gestion de terrains ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition».

31

Or, force est de constater que cette division reflète une différence de nature, de destination et d’utilisation entre les services visés par la marque demandée et qu’elle n’est pas contestée par la requérante. Dès lors, il convient seulement de vérifier si la chambre de recours de l’OHMI a conclu à juste titre à l’absence de similitude entre les services couverts par la marque demandée, tels qu’elle les a divisés, et les services visés par les marques antérieures.

– Sur l’absence de similitude entre les «services de gestion et de médiation immobilières» et les «services financiers»

32

Aux points 23 à 28 de la décision attaquée, la chambre de recours de l’OHMI a d’abord défini les «affaires immobilières» comme comprenant la gestion de biens immobiliers, l’agence immobilière et l’évaluation des biens immobiliers ainsi que les conseils et informations afférents. Ces services consistent principalement, selon la chambre de recours de l’OHMI, à trouver un bien immobilier, à le présenter à des acheteurs potentiels et à servir d’intermédiaire, par exemple en fournissant une assistance non seulement lors de l’achat, la vente ou la location d’un bien, mais également lors de la négociation des contrats, entre un acheteur et un vendeur d’immeuble ou de terrain. Cela inclut également, selon la chambre de recours de l’OHMI, la location d’exploitations agricoles, dans la mesure où elle relève d’une catégorie plus large, une location étant un contrat par lequel un bien est transmis à une personne pour une période spécifiée, généralement sous la forme d’un contrat de bail. Elle a en outre précisé que les «affaires immobilières» pouvaient également s’étendre à l’achat immobilier et à sa revente à profit.

33

La chambre de recours de l’OHMI a ensuite relevé que les «services financiers», précédemment définis, étaient fournis par des banques et des établissements de crédit, alors que les affaires immobilières étaient des activités généralement exercées par des agents immobiliers ou des promoteurs immobiliers. Elle a également relevé que ces services étaient très réglementés et devaient, dans de nombreux cas, être effectués par des entités distinctes. Elle en a conclu que le consommateur percevait les agents immobiliers comme étant clairement distincts des banques, des établissements financiers et des compagnies d’assurances, qui offraient des produits et des services différents, lesquels ne sont pas substituables.

34

La chambre de recours de l’OHMI a enfin considéré que, si les «affaires immobilières» nécessitaient un financement, cela ne suffisait pas pour démontrer l’existence d’un lien étroit entre elles et les «services financiers» et qu’ils présentaient, in fine, seulement des rapports de nature lointaine et indirecte. À cet égard, elle a précisé que, «s’il est vrai que des conseils financiers peuvent être nécessaires pour de nombreux types d’achats (par exemple, l’achat d’un bien ou la création d’une entreprise) et que les acheteurs prudents peuvent chercher des informations pour assurer l’achat ou la création de l’entreprise, cela ne signifie pas que l’un est indispensable pour l’autre ou que les consommateurs pensent que la responsabilité des services respectifs incombe au même prestataire».

35

Elle en a conclu que les services de «gestion immobilière et médiation, location et affermage d’immeubles (gestion d’infrastructures) ; affaires immobilières ; location d’exploitations agricoles ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition» visés par la marque demandée étaient différents des «services financiers» visés par les marques antérieures de la requérante.

36

La requérante fait grief à la chambre de recours de l’OHMI de s’être concentrée sur l’absence de substituabilité entre les services de gestion et de médiation immobilières et les services financiers, sans examiner leur complémentarité. À cet égard, elle fait valoir que la chambre de recours de l’OHMI a retenu une définition trop étroite des services financiers. Elle soutient, en particulier, qu’il est courant que des banques et des établissements financiers proposent des biens immobiliers à la vente, soit eux-mêmes, soit par l’intermédiaire d’une filiale. Cela serait démontré par la publicité commune qui serait faite pour ces deux types de services. Il s’ensuivrait que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours de l’OHMI, les «services de gestion immobilière et de médiation» sont étroitement liés aux «services financiers» et, partant, complémentaires.

37

L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

38

À cet égard, premièrement, il a déjà été jugé, s’agissant de la nature, de la destination ou de l’utilisation des services en cause, que les services financiers n’ont pas la même nature, la même destination ou la même utilisation que les services immobiliers. En effet, alors que les services financiers sont fournis par des institutions financières aux fins de la gestion des moyens financiers de leurs clients et consistent, notamment, en la conservation des fonds déposés, en des remises de fonds, en des octrois de prêts ou en des opérations de nature financière diverses, les services immobiliers consistent en des services portant sur un bien immobilier, à savoir, en particulier, la location, l’achat, la vente ou la gestion d’un bien [arrêt du 11 juillet 2013, Metropolis Inmobiliarias y Restauraciones/OHMI – MIP Metro (METRO), T‑197/12, EU:T:2013:375, point 42].

39

Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours de l’OHMI n’a pas défini les «services financiers» visés par les marques antérieures de façon trop étroite.

40

Deuxièmement, il convient d’observer que, ainsi que cela a été relevé au point 34 ci-dessus, la chambre de recours de l’OHMI ne s’est pas limitée à examiner la substituabilité des «affaires immobilières» avec les «services financiers», mais elle a effectivement procédé à un examen de leur complémentarité.

41

Par ailleurs, il y a lieu de relever que, au soutien de l’argumentation concernant la complémentarité des services en cause, la requérante se borne à alléguer que la vente de biens immobiliers est un service qui est souvent offert par des établissements financiers.

42

Or, ainsi qu’il a également déjà été jugé, s’agissant du fait que les services visés pourraient se trouver dans les mêmes canaux de distribution, force est de constater que les services immobiliers ne sont pas, en principe, fournis dans les mêmes locaux que les services financiers (arrêt METRO, point 38 supra, EU:T:2013:375, point 43).

43

Les documents produits par la requérante dans le cadre de la procédure administrative (annexe A5 de la requête) ne permettent pas de contredire cette constatation dans la mesure où les services immobiliers effectués par les institutions financières sont fournis par des succursales distinctes, de sorte que les activités financières sont distinctes des éventuelles activités immobilières (arrêt METRO, point 38 supra, EU:T:2013:375, point 45).

44

Il s’ensuit que la chambre de recours de l’OHMI n’a pas commis d’erreur en considérant que les services de «gestion immobilière et médiation, location et affermage d’immeubles (gestion d’infrastructures) ; affaires immobilières ; location d’exploitations agricoles ; les services précités non en rapport avec les services de l’édition et/ou les produits de l’édition» visés par la marque demandée étaient différents des «services financiers» visés par les marques antérieures de la requérante.

– Sur l’absence de similitude des «services d’un promoteur immobilier» avec les «services financiers»

45

Aux points 19 à 21 de la décision attaquée, la chambre de recours de l’OHMI a estimé que les services d’un promoteur immobilier étaient des affaires aux aspects multiples qui englobent des activités allant de la rénovation d’immeubles existants à l’achat de terrains nus et à la vente de terrains ou parcelles aménagés à des tiers. Elle a également estimé qu’il ressortait clairement du libellé de la spécification de la demande de marque communautaire que ces services concernaient spécifiquement des installations de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à partir de sources d’énergie renouvelables.

46

En revanche, la chambre de recours de l’OHMI a considéré que les services financiers visés par les marques antérieures consistaient en la fourniture de tous les services à des fins d’épargne ou à des fins commerciales concernant la réception, le prêt, le change, l’investissement et la protection d’argent, l’émission de billets et l’exécution d’autres opérations financières. La chambre de recours de l’OHMI a également précisé que, alors que les prestataires des services visés par les marques antérieures pouvaient fournir des services en matière de financement et de projets de construction et que de nombreux projets dans le secteur agro-industriel dépendaient des investissements ou d’une aide financière, il était fort peu probable que ces prestataires fournissent les services spécifiques d’un entrepreneur dans la mesure où ceux-ci exigent des compétences techniques spécifiques ou un savoir-faire particulier. Elle en a conclu que les services en cause étaient différents par leur nature et leur destination.

47

La chambre de recours de l’OHMI a en outre considéré que les services en cause relevaient de deux secteurs différents, à savoir le secteur immobilier, d’une part, et le secteur financier, d’autre part, et qu’ils ne seraient donc pas fournis par la même entreprise ou par des entreprises liées et qu’ils ne partageraient pas les mêmes canaux de distribution.

48

La requérante soutient, en substance, qu’il existe une similitude entre les services d’un promoteur immobilier visés par la marque demandée et les services financiers visés par les marques antérieures de la requérante.

49

En effet, selon elle, les services d’un promoteur immobilier visés par la marque demandée incluent une activité de commercialisation qui présente un chevauchement avec des services financiers, tels que ceux visés par les marques antérieures de la requérante. Cela ressortirait de la pratique des promoteurs immobiliers, dont l’activité impliquerait la recherche de financements et qui procureraient fréquemment à leurs clients des conseils relatifs au financement de projets immobiliers.

50

En toute hypothèse, les services visés par les marques en conflit présenteraient à tout le moins un lien étroit de complémentarité, comme le démontreraient tant la circonstance que des entreprises de services financiers exercent, elles-mêmes ou par l’intermédiaire de filiales, des activités de médiation immobilière que le libellé même de la note explicative afférente à la classe 36.

51

Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir l’OHMI, les services d’un promoteur immobilier tels que ceux visés par la marque demandée ne seraient pas limités au seul domaine des «installations de production et de distribution d’énergie électrique et thermique à partir de sources d’énergie renouvelables». La requérante ajoute que, en tout état de cause, une telle limitation n’aurait pas de conséquence sur l’existence d’une similitude entre les services désignés par la marque demandée et ceux visés par la marque antérieure AGRICAPITAL dans la mesure où lesdits services permettraient, de la même façon, de fournir des biens immobiliers sur lesquels des installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables peuvent être construites et exploitées.

52

L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

53

À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que la chambre de recours de l’OHMI l’a correctement indiqué, les services d’un promoteur immobilier englobent des activités multiples allant de la rénovation de bâtiments existants à l’achat de terrains nus et à la vente de terrains ou parcelles aménagés à des tiers.

54

Cette activité implique, ainsi que le fait valoir la requérante, la recherche de financements par le promoteur immobilier en vue de l’acquisition de bâtiments ou de terrains. Toutefois, la recherche de ces financements ne saurait être considérée comme un service financier directement fourni par le promoteur immobilier à ses clients, équivalent à une activité de courtage. En effet, la recherche de financements par le promoteur immobilier vise seulement à permettre à ce dernier de supporter, dans un premier temps, le coût de l’achat des bâtiments à rénover ou des terrains à aménager, avant qu’il puisse, dans un second temps, répercuter ce coût auprès des clients auxquels il vendra le bien immobilier réalisé dans le cadre d’un programme de construction ou de rénovation.

55

Si, comme l’affirme la requérante, il est courant que des promoteurs immobiliers proposent à leurs clients des conseils quant au financement de leur achat dans le cadre de la commercialisation de programmes immobiliers, de tels conseils ne sauraient pas davantage être analysés comme des conseils financiers, tels que ceux visés par les marques antérieures de la requérante. De tels conseils sont en effet assimilables à ceux que tout vendeur d’un bien d’une certaine valeur, tel que, par exemple, un bateau, un fonds de commerce ou une œuvre d’art, peut prodiguer à ses clients quant à l’intérêt financier qu’ils peuvent avoir à acquérir le bien en question. Le vendeur qui prodigue de tels conseils n’offre pas pour autant un service financier.

56

Au demeurant, force est de constater que les éléments de preuve présentés par la requérante dans le cadre de la procédure administrative à l’appui de l’affirmation consistent en des copies de pages Internet d’une société d’investissement spécialisée dans l’immobilier, d’un courtier en crédit immobilier et d’une société de crédit immobilier, sans aucun lien avec les services d’un promoteur immobilier (annexe A4 de la requête).

57

Il convient également de rejeter la thèse de la requérante relative à l’existence d’un lien de complémentarité étroit entre les services visés par les marques en conflit.

58

À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs puissent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [voir arrêt du 9 avril 2014, Comsa/OHMI – COMSA (COMSA), T‑144/12, EU:T:2014:197, point 44 et jurisprudence citée].

59

Cela implique que les services complémentaires soient susceptibles d’être utilisés ensemble, ce qui présuppose qu’ils soient adressés au même public [voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2012, Hand Held Products/OHMI – Orange Brand Services (DOLPHIN), T‑361/11, EU:T:2012:377, point 48 et jurisprudence citée].

60

En l’espèce, les services de promoteur immobilier, visés par la marque demandée, et les services financiers, visés par les marques antérieures de la requérante, s’adressent au consommateur moyen sur le territoire de l’Union et sont susceptibles d’être utilisés ensemble par ce consommateur.

61

En outre, il ne fait pas de doute que, eu égard à l’importance des sommes généralement impliquées par les opérations immobilières, les services financiers sont importants pour le consommateur moyen dans la perspective de l’utilisation des services d’un promoteur immobilier. Toutefois, il convient d’observer que, dans une économie de marché, une grande partie des activités présentent des besoins de financement ou d’investissement, de sorte que les services financiers peuvent, par nature, être associés à la plupart de ces activités et non pas seulement aux activités de promoteur immobilier (voir, en ce sens, arrêt METRO, point 38 supra, EU:T:2013:375, points 47 à 49).

62

Dès lors, il y a lieu de considérer que le lien entre les services de promoteur immobilier et les services financiers n’est pas, en lui-même, suffisamment étroit pour amener le public pertinent, à savoir, en l’espèce, un consommateur moyen, pouvant faire preuve d’un niveau d’attention particulièrement élevé, à penser que la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (voir, en ce sens, arrêt METRO, point 38 supra, EU:T:2013:375, point 50).

63

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les services d’un promoteur immobilier seraient fournis au travers des mêmes canaux de distribution que les services financiers visés par les marques antérieures. Force est en effet de constater que les services fournis par un promoteur immobilier ne sont pas, en principe, fournis dans les mêmes locaux que les services financiers. En outre, il convient de relever que les documents produits par la requérante dans le cadre de la procédure administrative au soutien de cette thèse ne concernent pas l’activité de promoteur immobilier (annexe A5 de la requête).

64

Cette conclusion ne saurait davantage être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le lien étroit de complémentarité entre les services d’un entrepreneur dans le secteur immobilier et les services financiers ressortirait de la note explicative afférente à la classe 36. En effet, la simple lecture de la note explicative afférente à la classe 36 permet de constater que, si les services de «crédit-bail immobilier» et les «services d’administrateurs d’immeubles, c’est-à-dire les services de location, d’estimation de biens immobiliers ou de bailleurs de fonds», font effectivement partie de la classe 36, ils constituent des sous-rubriques distinctes de celle des «services en rapport avec les affaires financières ou monétaires», qui comprend, notamment, les «services de tous les instituts bancaires ou institutions en rapport avec eux», les «services d’instituts de crédit autres que les banques» et les «services des courtiers en valeurs et en biens», de sorte que la note explicative afférente à la classe 36 n’est pas de nature à établir un lien étroit entre les services financiers visés par les marques antérieures et les services de promoteur immobilier visés par la marque demandée.

65

Au demeurant, il convient de rappeler que, aux termes du paragraphe 4 de la règle 2 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), «[l]a classification des produits et des services est effectuée à des fins exclusivement administratives» et, par conséquent, «[d]es produits et des services ne peuvent […] être considérés comme semblables au motif qu’ils figurent dans la même classe de la classification de Nice, et ne peuvent être considérés comme étant différents au motif qu’ils figurent dans des classes différentes de cette classification».

66

Il s’ensuit que la chambre de recours de l’OHMI n’a pas commis d’erreur en considérant que les services de promoteur immobilier visés par la marque demandée étaient, par leur nature, différents des services financiers visés par les marques antérieures de la requérante.

67

Eu égard à ce constat, il n’y a pas lieu d’examiner le grief de la requérante tiré d’une limitation erronée de la destination des services visés par la marque demandée.

– Sur l’absence de similitude entre les services de «développement de concepts d’utilisation» et les «services financiers»

68

La requérante fait valoir que les services de «développement de concepts d’utilisation» sont aussi proches des «services financiers» que le sont les «services d’un promoteur immobilier», dans la mesure où, selon elle, la mise en valeur et la gestion des biens immobiliers sont les deux faces d’une même activité, qui nécessitent, l’une comme l’autre, des conseils financiers et des solutions de financement. Elle se borne donc à renvoyer aux arguments qu’elle a exposés concernant la similitude entre les services d’un promoteur immobilier et les «services financiers».

69

Or, ces derniers arguments ayant déjà été rejetés aux points 45 à 67 ci-dessus, le Tribunal ne peut que constater, en l’absence d’arguments spécifiques relatifs aux services de «développement de concepts d’utilisation», que la requérante reste en défaut de démontrer que la chambre de recours de l’OHMI aurait commis une erreur en concluant à l’absence de similitude entre ces services et les «services financiers» visés par les marques antérieures de la requérante.

70

Compte tenu des considérations qui précèdent, force est de constater que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours de l’OHMI a considéré que les services visés par les marques antérieures de la requérante n’étaient pas semblables aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque AGRI.CAPITAL était demandé.

Sur le caractère distinctif des marques antérieures de la requérante et la similitude des signes en conflit

71

Dans la décision attaquée, la chambre de recours de l’OHMI a conclu que l’un des critères pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, à savoir la similitude entre les services, faisait défaut et que, par conséquent, il ne pouvait pas y avoir de risque de confusion, et ce sans examiner le caractère distinctif des marques antérieures ni la similitude entre les signes en conflit.

72

La requérante fait valoir que toute différence entre les services visés par la marque demandée et les marques antérieures peut être compensée, dans le cadre d’une appréciation globale, par le degré de similitude visuelle très élevé et l’identité phonétique entre ces marques, de sorte que, contrairement à ce que la chambre de recours de l’OHMI a considéré, il existerait un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

73

L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

74

À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 24 ci-dessus, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée doit être appréciée au regard de circonstances cumulatives, à savoir la similitude ou l’identité des marques en conflit, d’une part, et la similitude ou l’identité des produits ou des services respectivement couverts par lesdites marques, d’autre part.

75

Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, l’absence de similitude entre les services visés par ses marques antérieures et ceux pour lesquels l’enregistrement de la marque AGRI.CAPITAL est demandé, constatée au point 70 ci-dessus, ne saurait être compensée, aux fins de l’appréciation du risque de confusion, par la similitude, fût-elle d’un degré élevé, entre les marques en conflit (voir, en ce sens, ordonnance du 9 mars 2007, Alecansan/OHMI, C‑196/06 P, EU:C:2007:159, points 24 à 26).

76

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours de l’OHMI a conclu que, compte tenu de l’absence de similitude entre les services désignés par les marques en conflit, l’un des critères pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 faisait défaut et que, en conséquence, il ne pouvait pas y avoir de risque de confusion entre lesdites marques.

77

Il s’ensuit que le moyen unique de la requérante est non fondé et que, partant, le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

78

Conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, elle supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’OHMI et ceux exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

AgriCapital Corp. est condamnée aux dépens.

 

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juin 2015.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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