Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62013CJ0343

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 5 mars 2015.
Modelo Continente Hipermercados SA contre Autoridade para as Condições de Trabalho - Centro Local do Lis (ACT).
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal do Trabalho de Leiria.
Renvoi préjudiciel – Régime des fusions des sociétés anonymes – Directive 78/855/CEE – Fusion par absorption – Article 19 – Effets – Transmission universelle de l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante – Infraction commise par la société absorbée avant la fusion – Constat de l’infraction par décision administrative après cette fusion – Droit national – Transfert de la responsabilité contraventionnelle de la société absorbée – Admissibilité.
Affaire C-343/13.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:146

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

5 mars 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Régime des fusions des sociétés anonymes — Directive 78/855/CEE — Fusion par absorption — Article 19 — Effets — Transmission universelle de l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante — Infraction commise par la société absorbée avant la fusion — Constat de l’infraction par décision administrative après cette fusion — Droit national — Transfert de la responsabilité contraventionnelle de la société absorbée — Admissibilité»

Dans l’affaire C‑343/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal do Trabalho de Leiria (Portugal), par décision du 14 mars 2013, parvenue à la Cour le 24 juin 2013, dans la procédure

Modelo Continente Hipermercados SA

contre

Autoridade para as Condições de Trabalho – Centro Local do Lis (ACT),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda (rapporteur), A. Rosas, E. Juhász et D. Šváby, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 septembre 2014,

considérant les observations présentées:

pour Modelo Continente Hipermercados SA, par Me D. Abrunhosa e Sousa, advogado,

pour le gouvernement portugais, par Mme M. Perestrelo de Oliveira, puis par M. L. Inez Fernandes et Mme F. Figueiroa Quelhas, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme D. Kuon, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agent,

pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. P. Guerra e Andrade et H. Støvlbæk, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, de la troisième directive 78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes (JO L 295, p. 36), telle que modifiée par la directive 2009/109/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO L 259, p. 14, ci-après la «directive 78/855»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Modelo Continente Hipermercados SA (ci-après «MCH») à l’Autoridade para as Condições de Trabalho – Centro Local do Lis (ACT) (autorité de surveillance des conditions de travail – Centre local de Lis), au sujet de la décision de cette dernière de condamner MCH pour des infractions au droit du travail portugais commises par Good and Cheap – Comércio Retalhista SA (ci-après «Good and Cheap») avant l’absorption de celle-ci par MCH.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les troisième et sixième considérants de la directive 78/855 énonçaient:

«[...] la protection des intérêts des associés et des tiers commande de coordonner les législations des États membres concernant les fusions de sociétés anonymes et [...] il convient d’introduire dans le droit de tous les États membres l’institution de la fusion;

[...]

[...] les créanciers, obligataires ou non, et les porteurs d’autres titres des sociétés qui fusionnent doivent être protégés afin que la réalisation de la fusion ne leur porte pas préjudice».

4

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive:

«Au sens de la présente directive, est considérée comme fusion par absorption l’opération par laquelle une ou plusieurs sociétés transfèrent à une autre, par suite d’une dissolution sans liquidation, l’ensemble de leur patrimoine activement et passivement moyennant l’attribution aux actionnaires de la ou des sociétés absorbées d’actions de la société absorbante et, éventuellement, d’une soulte en espèces ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale des actions attribuées ou, à défaut de valeur nominale, de leur pair comptable.»

5

L’article 13, paragraphes 1 et 2, de ladite directive était rédigé dans les termes suivants:

«1.   Les législations des États membres doivent prévoir un système de protection adéquat des intérêts des créanciers des sociétés qui fusionnent pour les créances nées antérieurement à la publication du projet de fusion et non encore échues au moment de cette publication.

2.   À cet effet, les législations des États membres prévoient, au moins, que ces créanciers ont le droit d’obtenir des garanties adéquates lorsque la situation financière des sociétés qui fusionnent rend cette protection nécessaire et que ces créanciers ne disposent pas déjà de telles garanties.

Les États membres fixent les conditions de la protection prévue au paragraphe 1 et au premier alinéa du présent paragraphe. En tout état de cause, les États membres veillent à ce que les créanciers puissent saisir l’autorité administrative ou judiciaire compétente pour obtenir des garanties adéquates, dès lors qu’ils peuvent démontrer, de manière crédible, que la fusion constitue un risque pour l’exercice de leurs droits et que la société ne leur a pas fourni de garanties adéquates.»

6

L’article 19, paragraphe 1, de cette même directive disposait:

«La fusion entraîne ipso jure et simultanément les effets suivants:

a)

la transmission universelle, tant entre la société absorbée et la société absorbante qu’à l’égard des tiers, de l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante;

b)

les actionnaires de la société absorbée deviennent actionnaires de la société absorbante;

c)

la société absorbée cesse d’exister.»

7

La directive 78/855 a été abrogée, à compter du 1er juillet 2011, par la directive 2011/35/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant les fusions des sociétés anonymes (JO L 110, p. 1). Ainsi qu’il ressort de son considérant 1, cette dernière directive vise, dans un souci de clarté et de rationalité, à codifier la directive 78/855 qui avait été modifiée à plusieurs reprises et de façon substantielle. L’article 19, paragraphe 1, de la directive 2011/35 reprend l’article 19, paragraphe 1, de la directive 78/855 dans des termes identiques.

Le droit portugais

8

L’article 112 du code des sociétés commerciales (Código das Sociedades Comerciais, ci-après le «CSC») prévoit:

«L’inscription de la fusion au registre du commerce:

a)

entraîne la dissolution des sociétés absorbées ou, en cas de constitution d’une nouvelle société, de toutes les sociétés fusionnées, leurs droits et obligations étant transmis à la société absorbante ou à la nouvelle société;

b)

les associés des sociétés dissoutes deviennent associés de la société absorbante ou de la nouvelle société.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Le 15 février 2011, l’ACT a procédé à une inspection du registre des heures de travail effectuées par les travailleurs de Good and Cheap pour les mois de décembre 2010 et de janvier 2011. Elle a constaté des infractions aux dispositions du droit du travail portugais en ce qui concerne tant le nombre d’heures consécutives effectuées par certains employés que le nombre d’heures de repos entre les périodes de travail dans certains cas.

10

Il ressort du dossier soumis à la Cour que, le 22 février 2011, MCH et Good and Cheap ont enregistré au service compétent du registre du commerce un projet de fusion, lequel a été publié sur le site Internet des publications du ministère de la Justice.

11

Le 7 mars 2011, l’ACT a dressé deux procès-verbaux contre Good and Cheap au sujet desdites infractions. Elle n’a toutefois procédé à la notification de ceux-ci que le 4 avril 2011.

12

Le 31 mars 2011, la fusion par absorption du patrimoine de Good and Cheap dans MCH a été enregistrée, ce qui a entraîné la dissolution de la première société en raison de l’absorption de celle-ci par la seconde.

13

Par décision du 24 septembre 2012, l’ACT a confirmé les procès-verbaux susmentionnés et a infligé à MCH des amendes pour chacune des infractions contraventionnelles en cause.

14

Dans son recours contre cette décision devant le Tribunal do Trabalho de Leiria, MCH a soulevé la question de la compatibilité de l’article 112 du CSC, tel qu’interprété par l’ACT, avec l’article 19 de la directive 2011/35. À cet égard, ladite juridiction se demande si, lors d’une fusion par absorption, la transmission universelle de l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante, telle que prévue au paragraphe 1, sous a), de ce dernier article, peut inclure le transfert, à la société absorbante, de la responsabilité du paiement des amendes infligées pour des infractions de nature contraventionnelle commises par la société absorbée avant cette fusion.

15

C’est dans ces conditions que le Tribunal do Trabalho de Leiria a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

À la lumière du droit [de l’Union], en particulier [de l’article 19, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/35], la fusion de sociétés implique-t-elle un régime de transmission de la responsabilité contraventionnelle à la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant l’enregistrement de la fusion?

2)

Une sanction de nature contraventionnelle peut-elle être considérée, aux fins de l’application de la directive 2011/35, comme une créance d’un tiers (en l’occurrence l’État, pour infraction à des normes de la législation du travail), la créance invoquée (l’amende infligée pour sanctionner une contravention) détenue par l’État étant transférée à la société absorbante?

3)

La thèse selon laquelle l’article 112 du CSC n’implique l’extinction ni de la procédure relative à une contravention commise avant la fusion ni de l’amende infligée ou à infliger n’est-elle pas contraire à la directive 2011/35, qui définit les effets de la fusion de sociétés, en donnant de cette disposition une interprétation extensive contraire aux principes du droit [de l’Union], en particulier à l’article 19 de [cette] directive?

4)

Cette thèse ne constitue-t-elle pas une violation du principe selon lequel il ne peut y avoir de contravention sans responsabilité objective (atténuée) ou responsabilité pour faute de la société absorbante?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

16

Dans leurs observations écrites, les gouvernements allemand et autrichien émettent des doutes en ce qui concerne la recevabilité de certaines questions posées par la juridiction de renvoi. Le gouvernement allemand considère que les troisième et quatrième questions portent sur l’interprétation du droit national. Le gouvernement autrichien soutient, quant à lui, que la deuxième question porte sur une situation dans laquelle, contrairement aux faits du litige au principal, l’amende a déjà été infligée avant la fusion et qu’elle revêt, par conséquent, un caractère hypothétique. En outre, la question de la responsabilité pénale évoquée dans la quatrième question ne serait pas réglée par la directive 2011/35 et ne présenterait donc pas de lien avec le droit de l’Union exigé par l’article 51 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

17

À cet égard, il convient de constater d’abord que, s’il ressort effectivement de l’exposé des faits au principal présenté par la juridiction de renvoi que les amendes ont été infligées par une décision adoptée après l’absorption de Good and Cheap par MCH, il ne découle pour autant pas du libellé de la deuxième question que celle-ci ne vise pas un tel cas de figure. Partant, il ne saurait être considéré que cette question revêt un caractère hypothétique.

18

Ensuite, par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche manifestement une interprétation non pas du droit national, mais de la directive 2011/35, en particulier de l’article 19 de celle-ci, aux fins de déterminer si l’interprétation de l’article 112 du CSC adoptée, notamment, par l’ACT, est contraire au droit de l’Union.

19

Enfin, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 34 de ses conclusions, la quatrième question apparaît porter sur l’interprétation de principes de droit portugais et est dépourvue de toute référence au droit de l’Union. Or, il convient de rappeler que la procédure établie à l’article 267 TFUE est fondée, selon une jurisprudence constante, sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, cette dernière étant uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité des actes de l’Union visés à cet article. Dans ce cadre, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier l’interprétation des dispositions du droit national ou de juger si l’interprétation que la juridiction nationale en donne est correcte (voir arrêt Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, point 28 et jurisprudence citée).

20

Il en résulte que, à l’exception de la quatrième question, les questions posées par la juridiction de renvoi sont recevables.

Sur le fond

21

À titre liminaire, il importe de relever que la directive 2011/35, dont l’interprétation fait l’objet des trois premières questions, n’était pas encore en vigueur à la date des faits au principal. Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner les questions posées uniquement au regard des dispositions de la directive 78/855.

22

Dès lors, il y a lieu de considérer que, par ses trois premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 19, paragraphe 1, de la directive 78/855 doit être interprété en ce sens qu’une «fusion par absorption», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, entraîne la transmission, à la société absorbante, de l’obligation de payer une amende infligée par décision définitive après cette fusion pour des infractions au droit du travail commises par la société absorbée avant ladite fusion.

23

Conformément à l’article 19, paragraphe 1, sous a), de la directive 78/855, une fusion par absorption entraîne ipso jure la transmission universelle de l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante.

24

Afin de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi, il convient, dès lors, d’examiner si la responsabilité contraventionnelle d’une société, consistant plus particulièrement en l’obligation de payer une amende fixée après la fusion par absorption de cette société pour des infractions commises avant ladite fusion, doit être considérée comme faisant partie du patrimoine passif de cette même société, au sens de ladite disposition.

25

Il est constant, parmi les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne qui se sont prononcés sur ce sujet, qu’une amende fixée par décision définitive avant la fusion de deux sociétés, mais non encore soldée fait partie du patrimoine passif de la société absorbée, dans la mesure où le montant d’une telle amende doit être considéré comme constituant une dette de cette société en faveur de l’État membre concerné. En revanche, s’agissant de la situation au principal, à savoir une situation où une amende n’a été fixée qu’après la fusion des sociétés en cause au principal, seuls les gouvernements portugais et hongrois ainsi que la Commission européenne sont d’avis que l’obligation de payer une telle amende relève du patrimoine passif de la société absorbée, alors que MCH et le gouvernement allemand soutiennent la thèse contraire.

26

À cet égard, il y a lieu de relever que la notion de «patrimoine actif et passif», telle qu’elle figure, notamment, à l’article 19, paragraphe 1, sous a), de la directive 78/855, n’est pas définie par celle-ci. En outre, cette disposition ne contient aucun renvoi au droit des États membres en ce qui concerne une telle définition.

27

Or, selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêts Fish Legal et Shirley, C‑279/12, EU:C:2013:853, point 42, ainsi que Deckmyn et Vrijheidsfonds, C‑201/13, EU:C:2014:2132, point 14).

28

En ce qui concerne le contexte dans lequel la notion de «patrimoine passif» s’inscrit, l’article 19, paragraphe 1, de la directive 78/855 dispose qu’une fusion par absorption entraîne ipso jure et, partant, de façon automatique non seulement la transmission universelle de l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante, mais aussi, en vertu de cette disposition, sous c), la cessation de l’existence de la société absorbée. Il s’ensuit que, sans la transmission à la société absorbante de la responsabilité contraventionnelle, en tant qu’élément du patrimoine passif de la société absorbée, cette responsabilité serait éteinte.

29

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 61 de ses conclusions, une telle extinction serait en contradiction avec la nature même d’une fusion par absorption, telle que définie à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 78/855, dans la mesure où, aux termes de cette disposition, une telle fusion consiste en un transfert de l’ensemble du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante par suite d’une dissolution sans liquidation.

30

L’interprétation de la notion de patrimoine passif qui précède est confirmée par l’examen de la finalité de la directive 78/855. À cet égard, il ressort du troisième considérant de celle-ci que la coordination des législations des États membres, en ce qui concerne les fusions de sociétés anonymes par l’introduction, dans le droit de ces derniers, de l’institution de la fusion, a notamment pour objectif la protection des intérêts des associés et des tiers lors d’une fusion par absorption.

31

Or, la notion de tiers est plus large que celle, employée au sixième considérant de ladite directive, de «créanciers, obligatoires ou non, et les porteurs d’autres titres des sociétés qui fusionnent», ces créanciers et ces porteurs d’autres titres faisant l’objet de certaines mesures de protection spécifiques prévues, notamment, aux articles 13 à 15 de la directive 78/855.

32

Il convient donc de considérer que figurent parmi les tiers, dont cette directive vise la protection des intérêts, les entités qui, à la date de la fusion, ne sont pas encore à qualifier de créanciers ou de porteurs d’autres titres, mais qui peuvent être ainsi qualifiées après cette fusion en raison de situations nées avant celle-ci, telles que la commission d’infractions au droit du travail qui ne sont constatées par voie de décision qu’après ladite fusion. En l’absence de transmission, à la société absorbante, de la responsabilité contraventionnelle de la société absorbée consistant à payer une amende pour de telles infractions, l’intérêt de l’État membre dont les autorités compétentes auraient infligé cette amende ne serait pas protégé.

33

Dans ce contexte, il convient d’observer, comme l’ont soulevé les gouvernements portugais et hongrois ainsi que la Commission, que, si la transmission d’une telle responsabilité était exclue, une fusion constituerait un moyen pour une société d’échapper aux conséquences des infractions qu’elle aurait commises, au détriment de l’État membre concerné ou d’autres intéressés éventuels.

34

Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de MCH selon lequel la transmission de la responsabilité contraventionnelle d’une société absorbée moyennant une fusion serait contraire aux intérêts des créanciers et des actionnaires de la société absorbante, dans la mesure où ces derniers ne seraient pas à même d’évaluer les conséquences économiques et patrimoniales de cette fusion. En effet, d’une part, lesdits créanciers doivent, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 78/855, avoir le droit d’obtenir des garanties adéquates lorsque la situation financière des sociétés qui fusionnent rend cette protection nécessaire, le cas échéant en saisissant l’autorité administrative ou judiciaire compétente pour obtenir de telles garanties. D’autre part, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 61 de ses conclusions, les actionnaires de la société absorbante peuvent être protégés, notamment, par l’insertion d’une clause de déclarations et de garanties dans l’accord de fusion. En outre, rien n’empêche la société absorbante de faire effectuer avant la fusion un audit détaillé de la situation économique et juridique de la société à absorber pour obtenir, en plus des documents et des informations disponibles en vertu des dispositions législatives, une vue plus complète des obligations de cette société.

35

Il y a donc lieu de répondre aux première à troisième questions posées que l’article 19, paragraphe 1, de la directive 78/855 doit être interprété en ce sens qu’une «fusion par absorption», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, entraîne la transmission, à la société absorbante, de l’obligation de payer une amende infligée par décision définitive après cette fusion pour des infractions au droit du travail commises par la société absorbée avant ladite fusion.

Sur les dépens

36

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

L’article 19, paragraphe 1, de la troisième directive 78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes, telle que modifiée par la directive 2009/109/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, doit être interprété en ce sens qu’une «fusion par absorption», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, entraîne la transmission, à la société absorbante, de l’obligation de payer une amende infligée par décision définitive après cette fusion pour des infractions au droit du travail commises par la société absorbée avant ladite fusion.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le portugais.

Top