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Document 62012CJ0061

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 20 mars 2014.
    Commission européenne contre République de Lituanie.
    Manquement d’État – Immatriculation des véhicules à moteur – Articles 34 TFUE et 36 TFUE – Directive 70/311/CEE – Directive 2007/46/CE – Conduite à droite dans un État membre – Obligation, en vue de l’immatriculation, de déplacer sur le côté gauche le dispositif de direction des véhicules particuliers situé sur le côté droit.
    Affaire C-61/12.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2014:172

    ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

    20 mars 2014 ( *1 )

    «Manquement d’État — Immatriculation des véhicules à moteur — Articles 34 TFUE et 36 TFUE — Directive 70/311/CEE — Directive 2007/46/CE — Conduite à droite dans un État membre — Obligation, en vue de l’immatriculation, de déplacer sur le côté gauche le dispositif de direction des véhicules particuliers situé sur le côté droit»

    Dans l’affaire C‑61/12,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 6 février 2012,

    Commission européenne, représentée par Mme A. Steiblytė ainsi que par MM. G. Wilms et G. Zavvos, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme R. Krasuckaitė, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    soutenue par:

    République d’Estonie, représentée par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,

    République de Lettonie, représentée par M. I. Kalniņš et Mme A. Nikolajeva, en qualité d’agents,

    République de Pologne, représentée par MM. B. Majczyna et M. Szpunar, en qualité d’agents,

    parties intervenantes,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur), A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda, juges,

    avocat général: M. N. Jääskinen,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 novembre 2013,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en interdisant l’immatriculation des voitures particulières dont le volant est monté du côté droit, et/ou en exigeant, pour immatriculer les voitures particulières, dont le dispositif de direction est situé du côté droit, neuves ou immatriculées précédemment dans un autre État membre, que le volant soit déplacé vers le côté gauche, la République de Lituanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 bis de la directive 70/311/CEE du Conseil, du 8 juin 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux dispositifs de direction des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO L 133, p. 10), de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive‑cadre) (JO L 263, p. 1), ainsi que de l’article 34 TFUE.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    2

    Les considérants 2, 3 et 14 de la directive 2007/46 énoncent:

    «(2)

    Pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur de la Communauté, il convient de remplacer les systèmes de réception des États membres par une procédure de réception communautaire reposant sur le principe de l’harmonisation totale.

    (3)

    Les exigences techniques applicables aux systèmes, aux composants, aux entités techniques et aux véhicules devraient être harmonisées et définies dans des actes réglementaires. Ceux-ci devraient avoir pour objectif principal de garantir un niveau élevé de sécurité routière, de protection de la santé et de l’environnement, de rendement énergétique et de protection contre une utilisation non autorisée.

    [...]

    (14)

    Le principal objectif de la législation concernant la réception des véhicules est de garantir que les nouveaux véhicules, composants et entités techniques mis sur le marché présentent un degré élevé de sécurité et de protection environnementale. Le montage de certaines pièces ou de certains équipements après la mise sur le marché ou la mise en service des véhicules ne devrait pas compromettre cet objectif. Par conséquent, des mesures appropriées devraient être prises pour s’assurer que les pièces ou équipements qui peuvent être montés sur des véhicules et qui sont susceptibles de compromettre, de manière significative, le fonctionnement des systèmes qui sont essentiels en termes de sécurité ou de protection environnementale font l’objet d’un contrôle préalable par les autorités compétentes en matière de réception avant d’être offerts à la vente. Ces mesures devraient consister en des dispositions techniques concernant les exigences que ces pièces ou équipements doivent respecter.»

    3

    L’article 1er de la directive 2007/46, intitulé «Objet», dispose:

    «La présente directive établit un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques à caractère général applicables à la réception de tous les véhicules neufs relevant de son champ d’application ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, en vue de faciliter leur immatriculation, leur vente et leur mise en service dans la Communauté.

    La présente directive établit également les dispositions applicables à la vente et à la mise en service des pièces et des équipements destinés à des véhicules réceptionnés conformément à la présente directive.

    Les exigences techniques spécifiques concernant la construction et le fonctionnement des véhicules sont fixées en application de la présente directive dans des actes réglementaires, dont la liste exhaustive figure à l’annexe IV.»

    4

    L’article 4 de cette directive, intitulé «Obligations des États membres», prévoit à son paragraphe 3:

    «Les États membres n’immatriculent ou n’autorisent la vente ou la mise en service que pour des véhicules, des composants et des entités techniques conformes aux exigences de la présente directive.

    Ils ne peuvent interdire, restreindre ou entraver l’immatriculation, la vente, la mise en service ou la circulation sur route de véhicules, de composants ou d’entités techniques, pour des motifs liés à des aspects de leur construction et de leur fonctionnement couverts par la présente directive, s’ils répondent aux exigences de celle‑ci.»

    5

    L’article 9 de la même directive, intitulé «Dispositions spécifiques relatives aux véhicules», dispose à son paragraphe 1, sous a):

    «Les États membres accordent une réception CE pour:

    a)

    un type de véhicule conforme aux informations contenues dans le dossier constructeur et qui satisfait aux exigences techniques spécifiées par les actes réglementaires applicables énumérés à l’annexe IV».

    6

    Cette annexe IV, partie I, de ladite directive contient la liste des directives, dites «directives particulières», établissant les exigences techniques spécifiquement applicables aux fins de la réception CE.

    7

    L’article 18 de la directive 2007/46, intitulé «Certificat de conformité», énonce à son paragraphe 1, premier alinéa:

    «Le constructeur délivre, en sa qualité de détenteur d’une réception CE par type d’un véhicule, un certificat de conformité pour accompagner chaque véhicule complet, incomplet ou complété qui est fabriqué conformément au type de véhicule réceptionné.»

    8

    L’article 26 de cette directive, intitulé «Immatriculation, vente et mise en service de véhicules», prévoit à son paragraphe 1, premier alinéa:

    «Sans préjudice des dispositions des articles 29 et 30, les États membres n’immatriculent des véhicules et n’en permettent la vente ou la mise en service que si ces véhicules sont accompagnés d’un certificat de conformité en cours de validité délivré conformément à l’article 18.»

    9

    L’annexe I de la même directive est intitulée «Liste exhaustive de renseignements aux fins de la réception CE par type de véhicules». Le point 1 de cette annexe, intitulé «Constitution générale du véhicule», prévoit:

    «[...]

    1.8.

    Côté de conduite: droite/gauche (1)

    1.8.1.

    Le véhicule est équipé pour la conduite à droite/à gauche (1)

    [...]»

    Aux termes des notes explicatives se rapportant à cette annexe I:

    «(1) Biffer les mentions inutiles (il peut arriver que rien ne doive être biffé, lorsqu’il y a plus d’une réponse possible).»

    10

    L’annexe III de ladite directive est intitulée «Fiche de renseignements aux fins de la réception CE par type de véhicules». Le point 1 de cette annexe, intitulé «Constitution générale du véhicule», dispose:

    «[...]

    1.8.

    Côté de conduite: droite/gauche (1)

    1.8.1.

    Le véhicule est équipé pour la conduite à droite/à gauche (1)

    [...]»

    Le texte des notes explicatives concernant le renvoi numéroté (1) du point 1 de cette annexe III est le même que celui des notes se rapportant au point 1 de l’annexe I, tel qu’il est énoncé au point 9 du présent arrêt.

    11

    L’annexe IX de la directive 2007/46, telle que remplacée par le règlement (CE) no 385/2009 de la Commission, du 7 mai 2009 (JO L 118, p. 13), en vue de son adaptation au progrès des connaissances scientifiques et techniques, est intitulée «Certificat de conformité CE». Le point 0 de cette annexe, intitulé «Objectifs», est ainsi libellé:

    «Le certificat de conformité constitue une déclaration délivrée par le constructeur du véhicule à l’acheteur en vue de garantir à celui-ci que le véhicule qu’il a acquis est conforme à la législation communautaire en vigueur au moment de sa production.

    Le certificat de conformité permet également aux autorités compétentes des États membres d’immatriculer des véhicules sans exiger du demandeur qu’il fournisse des documents techniques supplémentaires.

    [...]»

    12

    La page 1 de ce certificat contient la mention suivante:

    «Le soussigné [...] certifie par la présente que le véhicule:

    [...]

    est conforme à tous égards au type décrit dans la réception [...] et

    peut être immatriculé à titre permanent dans les États membres dans lesquels la conduite est à droite/à gauche [...]»

    13

    Les notes explicatives se rapportant à l’annexe IX de la directive 2007/46 prévoient sous b) et d):

    «b)

    indiquer si le véhicule est adapté à la circulation à droite ou à la circulation à gauche, ou aux deux.

    [...]

    d)

    Cette déclaration ne limite pas le droit des États membres d’exiger des adaptations techniques en vue de permettre l’immatriculation d’un véhicule dans un État membre autre que celui pour lequel il était prévu lorsque le sens de la circulation se fait du côté opposé.»

    14

    La directive 70/311 est l’une des directives particulières citées à l’annexe IV de la directive 2007/46. L’article 2 bis de la directive 70/311, ajouté à celle‑ci par l’acte relatif aux conditions d’adhésion aux Communautés européennes du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et aux adaptations des traités (JO 1972, L 73, p. 14), dispose:

    «Les États membres ne peuvent refuser ou interdire la vente, l’immatriculation, la mise en circulation ou l’usage des véhicules pour des motifs concernant leurs dispositifs de direction si ceux‑ci répondent aux prescriptions figurant à l’annexe.»

    15

    L’annexe I de cette directive est intitulée «Champ d’application, définitions, demande de réception CE, octroi de la réception CE, prescriptions relatives à la construction, prescriptions relatives aux essais, modifications du type et des réceptions, conformité de la production».

    16

    Le point 1.3 de cette annexe est ainsi rédigé:

    «Au sens de la présente directive, on entend:

    [...]

    par équipement de direction, l’ensemble de l’équipement qui doit déterminer la direction de marche du véhicule.

    L’équipement de direction comprend:

    la commande de direction,

    la timonerie de direction,

    les roues directrices,

    l’alimentation en énergie, le cas échéant».

    17

    Le point 4.1.1 de ladite annexe prévoit:

    «L’équipement de direction doit permettre une conduite facile et sûre du véhicule jusqu’à sa vitesse maximale par construction [...]»

    18

    L’appendice 1 de l’annexe I de la directive 70/311 est intitulé «Fiche de renseignements [...] conforme à l’annexe I de la directive 70/156/CEE du Conseil relative à la réception CE par type d’un véhicule en ce qui concerne son dispositif de direction [...]». Le point 1 de cet appendice, intitulé «Constitution générale du véhicule» est ainsi rédigé:

    «[...]

    1.8.

    Côté de conduite: à gauche/à droite [...]

    [...]»

    Le droit lituanien

    19

    La loi sur la sécurité routière (Žin, 2000, no 92‑2883), dont une nouvelle version est entrée en vigueur à compter du 1er juillet 2008, établit le cadre législatif de la sécurité routière en Lituanie.

    20

    L’article 25, paragraphe 4, de cette loi dispose:

    «Il est interdit de faire circuler sur la voie publique des véhicules motorisés destinés à circuler du côté gauche de la chaussée et/ou dont le volant est situé du côté droit, sauf s’ils ont été immatriculés en République de Lituanie avant le 1er mai 1993 ou s’ils sont destinés, de par leur conception et leur équipement, à des fonctions particulières. Cette interdiction ne s’applique pas temporairement (jusqu’à 90 jours par an) aux étrangers arrivés en République de Lituanie dans un véhicule immatriculé à l’étranger et qui ne disposent pas d’un permis de séjourner provisoirement ou définitivement en République de Lituanie, ainsi qu’aux citoyens lituaniens dont le domicile permanent est situé à l’étranger, ainsi qu’aux véhicules appartenant à la catégorie des véhicules historiques conformément à la législation.»

    21

    Aux termes de l’article 27, paragraphes 1 et 2, de la même loi:

    «1.   Sont autorisés à circuler sur la voie publique en Lituanie les véhicules motorisés et leurs remorques dûment immatriculés. L’obligation d’immatriculer en République de Lituanie les véhicules motorisés ne s’applique pas temporairement (jusqu’à 90 jours par an) aux étrangers arrivés en République de Lituanie dans un véhicule immatriculé à l’étranger et qui ne disposent pas d’un permis de séjourner provisoirement ou définitivement en République de Lituanie ou qui disposent d’un titre de séjour UE, ainsi qu’aux citoyens lituaniens qui résident en permanence à l’étranger.

    2.   [...] les véhicules motorisés conçus pour rouler du côté gauche de la chaussée et/ou disposant d’un volant à droite, à l’exception des véhicules historiques et des véhicules destinés à des fonctions particulières, ne sont pas immatriculés en République de Lituanie.»

    22

    L’arrêté no 2B‑290 du directeur de l’Inspection nationale des transports routiers auprès du ministère des Communications du 29 juillet 2008 prévoit à son chapitre IV concernant les conditions d’installation générale du système de direction:

    «Le système de direction d’un véhicule ne peut pas être installé du côté droit de l’habitacle/la cabine, sauf pour les [véhicules] automobiles qui ont été immatriculés en Lituanie avant le 1er mai 1993, ou pour les véhicules faisant l’objet d’un régime d’immatriculation spécifique.»

    23

    L’arrêté no 2B‑515 du directeur de l’Inspection nationale des transports routiers auprès du ministère des Communications, du 23 décembre 2008, relatif à la production et à la transformation des véhicules motorisés et des remorques et à la réception des exigences et processus applicables à la réparation et à l’examen technique des véhicules motorisés et des remorques interdits de circulation sur la voie publique, établit, à son point 28, des exigences relatives au déplacement du volant du côté droit vers le côté gauche en ces termes:

    «Le déplacement du dispositif de direction des véhicules du côté droit vers le côté gauche est autorisé dans les cas suivants:

    la transformation du véhicule est effectuée dans un atelier agréé par le constructeur;

    [...]»

    24

    Il ressort de cette réglementation que, aux fins de l’immatriculation d’un véhicule en Lituanie, le système de direction doit être placé sur le côté gauche du véhicule ou être déplacé vers ce côté s’il était auparavant placé sur le côté droit.

    La procédure précontentieuse

    25

    Au cours des dernières années, la Commission a reçu de nombreuses plaintes émanant de personnes qui avaient acheté au Royaume-Uni ou en Irlande des véhicules particuliers destinés à rouler sur le côté gauche de la chaussée et qui ne pouvaient les faire immatriculer en Lituanie qu’à la condition de déplacer le volant vers le côté gauche. Considérant que cette condition était contraire aux articles 4, paragraphe 3, de la directive 2007/46 et 2 bis de la directive 70/311, la Commission a adressé à la République de Lituanie, le 3 novembre 2009, une lettre de mise en demeure. Selon la Commission, il ressort de ces dispositions que les États membres sont tenus d’immatriculer un véhicule neuf conforme aux exigences techniques prévues par ces directives, concernant, notamment, son dispositif de direction.

    26

    Par lettre du 5 janvier 2010, les autorités lituaniennes ont répondu à cette lettre de mise en demeure en faisant valoir que la condition imposée par la réglementation lituanienne constituait le seul moyen apte et proportionné afin d’assurer la sécurité routière ainsi que de protéger la vie et la santé des usagers de la route. Il s’agirait donc de raisons impérieuses d’intérêt général justifiant l’entrave éventuelle à la libre circulation des marchandises. En outre, les directives 2007/46 et 70/311 n’obligeraient pas les États membres à immatriculer les véhicules particuliers neufs dont le dispositif de direction est conforme aux exigences de ces directives sans prendre en considération le côté des véhicules où ce dispositif est installé.

    27

    Le 25 novembre 2010, la Commission a transmis aux autorités lituaniennes un avis motivé dans lequel elle indiquait qu’elles ne justifiaient pas suffisamment les entraves à l’immatriculation des véhicules particuliers équipés d’un système de direction à droite. La Commission a réitéré son argumentation suivant laquelle, si un véhicule particulier est conforme aux exigences techniques desdites directives, dont les dispositions s’appliquent indépendamment du côté de la chaussée sur lequel s’effectue le trafic, le côté du véhicule sur lequel est installé son dispositif de direction ne peut justifier le refus d’immatriculation de ce véhicule.

    28

    Les autorités lituaniennes ont répondu à l’avis motivé le 19 janvier 2011 en faisant valoir que la réglementation nationale en cause était fondée sur des considérations de sécurité routière et ne présentait pas de rapport avec les exigences techniques prévues par les directives 2007/46 et 70/311. Cette réglementation se situerait ainsi en dehors du cadre de ces directives et devrait être appréciée uniquement au regard des articles 34 TFUE et 36 TFUE. Or, cette réglementation n’enfreindrait pas les règles de la libre circulation des marchandises dans la mesure où l’importation, l’exportation, la vente et le transit de véhicules particuliers équipés d’un système de direction à droite seraient autorisés sur le territoire lituanien.

    29

    En tout état de cause, la mesure en cause serait apte à atteindre l’objectif d’amélioration de la sécurité routière, compte tenu de l’état du réseau routier lituanien, du nombre d’accidents mortels survenus ainsi que du nombre et de l’âge des véhicules circulant sur ce réseau routier. Cette mesure serait aussi proportionnée étant donné que serait autorisé l’usage de véhicules équipés d’un système de direction à droite immatriculés avant 1993, de véhicules présents temporairement sur le territoire lituanien, de véhicules historiques et de véhicules conçus pour une utilisation particulière.

    30

    Après avoir examiné cette argumentation, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

    31

    Par ordonnance du président de la Cour du 20 juin 2012, la République d’Estonie, la République de Lettonie et la République de Pologne ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la République de Lituanie.

    Sur le recours

    32

    À titre liminaire, il convient de relever que la Commission opère, dans sa requête, une distinction entre les voitures particulières neuves, au sujet desquelles la mesure nationale en cause devrait être appréciée au regard des directives 2007/46 et 70/311, et les voitures précédemment immatriculées dans un autre État membre, au sujet desquelles l’appréciation devrait être effectuée sur la base de l’article 34 TFUE. La Cour suivra, dans son examen, cette distinction.

    Sur l’application des directives 2007/46 et 70/311 aux voitures particulières neuves

    Argumentation des parties

    33

    La Commission soutient, en substance, que les directives 70/311 et 2007/46, ainsi que les directives particulières visées à l’annexe IV de cette dernière directive, réglementent de manière exhaustive les exigences techniques auxquelles doivent répondre les véhicules particuliers neufs et ne laissent aucune marge d’appréciation aux États membres dans ce domaine. Le dispositif de direction d’un véhicule serait couvert par ces exigences techniques, de sorte que l’obligation, prévue par une réglementation nationale, de modifier l’emplacement de ce dispositif constituerait une exigence de nature technique que les États membres ne sont pas autorisés à imposer. La Commission ajoute que les exigences techniques prescrites par ces directives visent à garantir un niveau élevé de la sécurité routière.

    34

    Selon la Commission, il ressort du libellé des articles 2 bis de la directive 70/311 et 4, paragraphe 3, de la directive 2007/46 que le côté où se trouve le poste de conduite d’un véhicule ne constitue pas une prescription technique, au sens des directives relatives à la réception des véhicules neufs, liée à l’adaptation du véhicule à la conduite à gauche ou à droite. La référence faite, dans plusieurs dispositions des directives 2007/46 et 70/311, au «côté de conduite [...] à droite/à gauche» signifierait seulement que la construction du véhicule, concernant son dispositif de direction, satisfait aux prescriptions techniques, prévues dans ces directives, relatives au côté de conduite et n’indiquerait pas que, pour la conduite à droite, le dispositif de direction doive se trouver à gauche.

    35

    Le gouvernement lituanien, soutenu par les gouvernements estonien, letton et polonais, fait valoir que l’interdiction d’immatriculer les véhicules équipés d’un dispositif de direction à droite n’est pas liée à des considérations tenant au fonctionnement ou à la conformité du dispositif de direction de ces véhicules avec les exigences techniques des directives 2007/46 et 70/311, mais à la possibilité du conducteur de conduire de manière sûre de tels véhicules sur des routes où la circulation s’effectue à droite. Ces directives prévoiraient uniquement des prescriptions en matière de fabrication, de montage et de réception des véhicules et n’aborderaient pas l’emplacement du volant, car cela ne serait pas lié à une exigence technique portant sur le véhicule, mais serait lié à la sécurité routière, qui relève, en grande partie, de la compétence des États membres.

    36

    Les prescriptions techniques auraient également un objectif de sécurité routière, mais ne seraient pas les seules mesures permettant d’assurer cette sécurité. Par conséquent, la mesure nationale en cause ne relèverait pas du champ d’application de ces directives et devrait être appréciée sous l’angle des articles 34 TFUE et 36 TFUE, qu’il s’agisse de véhicules neufs ou d’occasion. Or, si cette mesure constituait une limitation au principe de libre circulation des marchandises, elle serait, toutefois, justifiée par des exigences impératives d’intérêt général tenant à la sécurité routière.

    37

    Selon le gouvernement lituanien, les points 1.8 et 1.8.1 des annexes I et III de la directive 2007/46, ainsi que l’appendice 1, point 1.8, de l’annexe I de la directive 70/311 établissent une distinction entre les véhicules selon qu’ils sont destinés à la conduite à droite ou à gauche. Aucune des dispositions de ces directives ne permettrait d’affirmer qu’un État membre serait obligé de procéder à l’immatriculation d’un véhicule sans pouvoir tenir compte du côté de conduite adopté dans cet État. En outre, les notes explicatives, sous d), de l’annexe IX de la directive 2007/46 permettraient à un État membre, dans lequel la conduite à droite est obligatoire, d’imposer le déplacement du volant vers le côté gauche avant l’immatriculation du véhicule.

    Appréciation de la Cour

    38

    Il ressort de la juxtaposition de ces arguments que le point central de divergence entre les parties est celui de savoir si l’emplacement du poste de conduite d’un véhicule est compris dans le cadre harmonisé établi par les directives 2007/46 et 70/311, ou s’il ne relève pas de cette harmonisation, de sorte qu’il est loisible aux États membres, en vue de l’immatriculation d’un véhicule neuf sur leur territoire, d’imposer, pour des raisons de sécurité, le déplacement du poste de conduite de ce véhicule vers le côté opposé au sens de la circulation.

    39

    À cet égard, il convient de relever que la directive 2007/46, dite «directive‑cadre», a établi, ainsi qu’il ressort de son article 1er, lu en combinaison avec ses considérants 2, 3 et 14, une procédure uniforme de réception des véhicules neufs, fondée sur le principe de l’harmonisation totale en ce qui concerne leurs caractéristiques techniques, les exigences techniques spécifiques concernant la construction et le fonctionnement des véhicules étant fixées par les directives particulières figurant à l’annexe IV de cette directive.

    40

    Il ressort des dispositions susvisées que ce cadre harmonisé a pour objectif l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, tout en visant à garantir un niveau élevé de sécurité routière assuré par l’harmonisation totale des exigences techniques concernant, notamment, la construction des véhicules.

    41

    Ainsi, l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2007/46 dispose que les États membres ne peuvent entraver d’une manière quelconque, entre autres, l’immatriculation des véhicules pour des motifs liés, notamment, à des aspects de leur construction couverts par cette directive s’ils répondent aux exigences de celle-ci.

    42

    Le dispositif de direction et, corrélativement, l’emplacement du poste de conduite qui fait partie de ce dispositif constituent des éléments fondamentaux de l’architecture de construction d’un véhicule.

    43

    Si les directives 2007/46 et 70/311 ne déterminent pas l’emplacement du poste de conduite d’un véhicule, en disposant, par exemple, qu’il doit être toujours situé du côté opposé au sens de la circulation, il n’en ressort pas pour autant que cet élément ne relève pas de leur champ d’application. Il convient de considérer que le législateur de l’Union a accordé à cet égard une liberté aux constructeurs de véhicules automobiles que les réglementations nationales ne sauraient supprimer ou entraver.

    44

    Les dispositifs de direction des véhicules font spécifiquement l’objet de la directive 70/311, dont l’article 2 bis impose aux États membres de ne pas interdire, notamment, l’immatriculation des véhicules «pour des motifs concernant leurs dispositifs de direction» si ces derniers répondent aux prescriptions de cette directive.

    45

    L’interdiction de refus d’immatriculation contenue audit article 2 bis est catégorique et générale et la formulation «pour des motifs concernant leurs dispositifs de direction» est clair quant à son contenu, les termes «dispositifs de direction» couvrant également le poste de conduite, à savoir l’emplacement du volant des véhicules, partie intégrante du dispositif de direction.

    46

    Or, l’article 2 bis a été ajouté à la directive 70/311 par l’acte relatif aux conditions d’adhésion, notamment, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord aux Communautés européennes, seuls États membres, à ce moment‑là, dans lesquels la circulation routière s’effectuait sur le côté gauche de la chaussée, sans que le catalogue des prescriptions figurant à l’annexe I de cette directive ait été complété.

    47

    Dans ce contexte, il ne saurait raisonnablement être considéré que le législateur de l’Union n’était pas conscient du fait que l’adhésion d’États membres sur le territoire desquels le sens de la circulation automobile était à gauche, et dont l’un d’entre eux était producteur de véhicules automobiles ayant en principe leur poste de conduite à droite, était susceptible, dans un régime de marché intérieur impliquant un droit de libre circulation, d’influencer les habitudes de conduite, voire de comporter un certain risque lié à la circulation routière. Au contraire, il convient de conclure que le législateur a tenu compte de ce risque éventuel et a opté pour l’adoption de l’article 2 bis de la directive 70/311.

    48

    Il ressort de ces considérations que la référence faite, dans certaines dispositions des directives 2007/46 et 70/311, au «côté de conduite [...] à droite/à gauche», lequel doit être indiqué sur la fiche de renseignements aux fins de la réception d’un véhicule, ainsi que l’indication, qui doit être faite sur le certificat de conformité, selon laquelle le véhicule est «adapté» à la circulation à droite ou à gauche, ne peuvent viser des éléments fondamentaux de la construction du véhicule, tels que l’emplacement du volant, mais uniquement d’autres éléments, tels que les dispositifs d’éclairage et d’essuie-glace ou les systèmes de vision indirecte des véhicules.

    49

    La même conclusion est valable en ce qui concerne les notes explicatives, sous d), se rapportant à l’annexe IX de la directive 2007/46, selon lesquelles, lorsque le choix de l’acheteur porte sur un tel véhicule, la déclaration du constructeur dans le certificat de conformité ne limite pas le droit des États membres d’exiger des «adaptations techniques» en vue de son immatriculation.

    50

    En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 48 de ses conclusions, les adaptations pouvant être exigées ne sauraient porter sur le déplacement du poste de conduite, ce qui constituerait une intervention substantielle sur l’architecture de construction du véhicule, contraire à la lettre et à l’objectif de la directive 70/311, mais seulement sur des interventions d’une moindre envergure, comme celles visées au point 48 du présent arrêt.

    51

    Par ailleurs, l’argument selon lequel seuls les motifs liés aux exigences de nature technique et non pas ceux visant à assurer la sécurité routière relèveraient de l’interdiction du refus d’immatriculation contenue à l’article 2 bis de la directive 70/311 ne saurait être accepté. D’une part, comme le relève à juste titre la Commission, les prescriptions techniques définies par les directives relatives à la réception de véhicules neufs visent à garantir un niveau élevé de sécurité routière, de sorte qu’il ne serait pas possible de limiter la portée de l’interdiction visée à l’article 2 bis de la directive 70/311 aux motifs autres que ceux liés à la sécurité routière. D’autre part, l’interprétation préconisée par les gouvernements lituanien et polonais priverait l’article 2 bis de son effet utile, car celle‑ci permettrait de faire obstacle à l’immatriculation de véhicules neufs satisfaisant aux exigences techniques pour des raisons liées à la sécurité routière, laquelle est justement assurée par ces exigences techniques.

    52

    Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’emplacement du poste de conduite, partie intégrante du dispositif de direction d’un véhicule, relève de l’harmonisation établie par les directives 2007/46 et 70/311, de sorte que les États membres ne peuvent exiger, pour des raisons de sécurité, en vue de l’immatriculation d’un véhicule neuf sur leur territoire, le déplacement du poste de conduite de ce véhicule vers le côté opposé au sens de la circulation.

    Sur l’application de l’article 34 TFUE aux voitures particulières précédemment immatriculées dans un autre État membre

    Argumentation des parties

    53

    La Commission relève que l’immatriculation de véhicules précédemment immatriculés dans un autre État membre n’est pas couverte par le droit dérivé de l’Union, mais par les règles du droit primaire en matière de libre circulation des marchandises. Elle considère que la réglementation nationale litigieuse, quoique indistinctement applicable à tous les véhicules, constitue une mesure d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation car elle a pour objet ou pour effet un traitement moins favorable des marchandises provenant d’autres États membres.

    54

    La Commission soutient que la réglementation en cause n’est pas apte à atteindre l’objectif de sécurité routière poursuivi, compte tenu des autres facteurs pertinents qui influencent cette sécurité. Selon la Commission, le niveau de sécurité routière ne dépend pas du côté du véhicule où est placé son dispositif de direction, mais est lié au comportement et à l’expérience des conducteurs ainsi qu’à l’état des routes et des véhicules. En tout état de cause, la mesure en cause serait disproportionnée, car d’autres mesures, moins restrictives, telles que le montage de rétroviseurs extérieurs supplémentaires et l’adaptation des dispositifs d’éclairage et d’essuie-glace, seraient susceptibles de servir l’objectif poursuivi.

    55

    Le gouvernement lituanien estime que la réglementation litigieuse est justifiée du point de vue de la sécurité routière, considérée par la jurisprudence de la Cour comme étant une exigence impérative d’intérêt général aux fins de la protection de la vie et de la santé des usagers de la route.

    56

    De l’avis du gouvernement lituanien, la réglementation en cause est, sous cet angle, apte à atteindre l’objectif poursuivi compte tenu du fait que, lorsque le sens de la circulation est à droite, le conducteur d’un véhicule équipé d’un volant à droite dispose d’un champ de vision considérablement réduit par rapport au conducteur dont le véhicule est équipé d’un volant à gauche, ce que la Commission ne conteste pas. Cela constituerait un danger pour la sécurité routière, dont le niveau de protection relèverait de l’appréciation des États membres. La mesure en cause serait en outre proportionnée. En effet, les mesures alternatives proposées par la Commission soit seraient complètement disproportionnées, voire dangereuses, soit n’assureraient pas le même niveau de protection.

    Appréciation de la Cour

    57

    À la lumière de la jurisprudence constante de la Cour, la réglementation litigieuse constitue une mesure d’effet équivalant à des restrictions quantitatives à l’importation, interdite par l’article 34 TFUE, dans la mesure où elle a pour effet d’entraver l’accès au marché lituanien des véhicules équipés d’un poste de conduite à droite, qui sont légalement produits et immatriculés dans des États membres autres que la République de Lituanie (voir, concernant les origines de cette jurisprudence, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5; du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon», 120/78, Rec. p. 649, point 14, ainsi que, plus récemment, du 10 février 2009, Commission/Italie, C-110/05, Rec. p. I-519, point 58).

    58

    Conformément à la même jurisprudence, une telle réglementation peut être justifiée par des exigences impératives, à condition qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle n’aille pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour que cet objectif soit atteint (arrêt Commission/Italie, précité, point 59 et jurisprudence citée).

    59

    Le gouvernement lituanien invoque, en tant que justification de la réglementation en cause, la nécessité d’assurer la sécurité routière, dont il est constant qu’elle constitue, selon la jurisprudence, une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une entrave à la libre circulation des marchandises (arrêt Commission/Italie, précité, point 60 et jurisprudence citée).

    60

    Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence également constante, en l’absence d’une harmonisation complète au niveau de l’Union européenne, comme c’est le cas concernant l’immatriculation dans un État membre de véhicules déjà immatriculés dans un autre État membre, il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la sécurité routière sur leur territoire, tout en tenant compte des exigences de la libre circulation des marchandises à l’intérieur de l’Union. À cet égard, il incombe aux autorités nationales compétentes de démontrer que leur réglementation est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour que cet objectif soit atteint (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, précité, points 61 et 62 ainsi que jurisprudence citée).

    61

    En ce qui concerne, en premier lieu, le caractère approprié de la réglementation en cause, le gouvernement lituanien fait valoir que la position du volant d’un véhicule du même côté que le sens de la circulation réduit la visibilité du conducteur, rend les dépassements et les manœuvres considérablement plus difficiles, notamment sur les routes à chaussée unique et à double sens de circulation, comme celles qui composent la majeure partie du réseau routier lituanien, et augmente, ainsi, le risque d’accidents.

    62

    À cet égard, il convient de relever qu’une réglementation nationale, qui interdit l’immatriculation, sur le territoire d’un État membre, d’un véhicule dont le dispositif de direction est situé du même côté que le sens de la circulation, est susceptible de réduire le nombre de tels véhicules circulant dans cet État membre et, par conséquent, le risque lié à cette circulation. Quant à un tel risque, il correspond aux enseignements de l’expérience commune selon laquelle l’emplacement du volant est en rapport direct avec le champ de vision du conducteur et est, en outre, confirmée par la pratique constante des constructeurs et des concessionnaires de véhicules automobiles consistant à offrir, en principe, à la vente, dans chaque pays, des véhicules dont le volant est situé du côté opposé au sens de la circulation.

    63

    En ce qui concerne, en second lieu, la question de savoir si la réglementation en cause ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi, le gouvernement lituanien soutient qu’aucune autre mesure et aucun autre moyen technique de substitution n’assure le même niveau de protection que la mesure en cause au regard des risques de circulation que comporte l’emplacement du volant à droite.

    64

    À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que le risque que comporte la circulation sur le territoire lituanien de véhicules dont le volant est situé à droite est le même que ces véhicules soient neufs ou précédemment immatriculés dans un autre État membre. Or, en ce qui concerne les véhicules neufs, il a été considéré, au point 47 du présent arrêt, que le législateur a tenu compte de ce risque potentiel lors de l’adoption de l’article 2 bis de la directive 70/311.

    65

    Il y a lieu de faire observer, ensuite, que la réglementation litigieuse prévoit des exceptions en ce qui concerne l’usage de véhicules équipés d’un volant à droite par des personnes qui résident dans d’autres États membres, par exemple des touristes, et qui se rendent en Lituanie pour une période limitée, ainsi que de véhicules immatriculés dans cet État membre avant 1993, ce qui indique que cette réglementation tolère le risque provenant d’une telle circulation. Or, le risque encouru en matière de sécurité routière est, dans ces cas, le même, d’autant plus que le flux de ces visiteurs sur le territoire lituanien est continu et que ce risque ne saurait être considéré comme étant moins élevé au motif que les visiteurs qui se rendent en Lituanie pour une période limitée avec un tel véhicule adopteraient une conduite plus prudente que ceux dont le véhicule est immatriculé dans cet État membre. De même, la vétusté des véhicules immatriculés avant 1993 ne contribue pas non plus à la réduction de ce risque.

    66

    Par ailleurs, selon les informations dont dispose la Cour, les réglementations de 22 États membres, à savoir de la grande majorité des États membres, soit permettent explicitement l’immatriculation de véhicules dont le poste de conduite est situé du même côté que le sens de la circulation, soit la tolèrent, même si, dans certains de ces États membres, l’état du réseau routier est comparable à celui de la République de Lituanie (voir, par analogie, arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France, C-333/08, Rec. p. I-757, point 105).

    67

    De plus, il convient de constater que les données statistiques dont a fait état le gouvernement lituanien concernant le nombre d’accidents mortels survenus sur le réseau routier lituanien n’établissent pas à suffisance le rapport entre ce nombre d’accidents et l’implication de véhicules dont le poste de conduite était situé à droite. En outre, le fait que la République de Lituanie présente la particularité de recenser un nombre très élevé de véhicules immatriculés par millier d’habitants et la circonstance qu’elle possède un des parcs automobiles les plus vieux de l’Union ne constituent pas des facteurs pertinents.

    68

    Il importe de souligner, enfin, qu’il existe des moyens et des mesures moins attentatoires à la liberté de circulation des marchandises que la mesure en cause et, en même temps, aptes à réduire considérablement le risque que peut comporter la circulation de véhicules dont le volant est situé du même côté que le sens de la circulation. Il importe de souligner particulièrement que les États membres disposent à cet égard d’une marge d’appréciation en vue d’imposer des mesures, y compris celles proposées par la Commission, qui seraient aptes, selon l’état de la technique, à assurer une visibilité suffisante, tant à l’arrière qu’à l’avant, au conducteur du véhicule dont le volant est situé du même côté que le sens de la circulation.

    69

    Dès lors, contrairement à la situation qui a donné lieu à l’arrêt Commission/Italie, précité, il n’apparaît pas, à la lumière des considérations qui précèdent, que la mesure en cause puisse être considérée comme nécessaire afin d’atteindre l’objectif poursuivi. Eu égard à ces considérations, la mesure en cause n’est pas compatible avec le principe de proportionnalité.

    70

    Par conséquent, il y a lieu de constater le manquement de la République de Lituanie conformément aux termes de la requête de la Commission.

    Sur les dépens

    71

    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Lituanie et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, selon lequel les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, il convient de décider que la République d’Estonie, la République de Lettonie et la République de Pologne supporteront leurs propres dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

     

    1)

    En interdisant l’immatriculation des voitures particulières dont le volant est monté du côté droit, et/ou en exigeant, pour immatriculer les voitures particulières, dont le dispositif de direction est situé du côté droit, neuves ou immatriculées précédemment dans un autre État membre, que le volant soit déplacé vers le côté gauche, la République de Lituanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 bis de la directive 70/311/CEE du Conseil, du 8 juin 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux dispositifs de direction des véhicules à moteur et de leurs remorques, de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre), ainsi que de l’article 34 TFUE.

     

    2)

    La République de Lituanie est condamnée aux dépens.

     

    3)

    La République d’Estonie, la République de Lettonie et la République de Pologne supportent leurs propres dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le lituanien.

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