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Document 62012CC0003

Conclusions de l'avocat général Jääskinen présentées le 14 mars 2013.
Syndicat OP 84 contre Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Demande de décision préjudicielle: Conseil d'État - France.
Agriculture - Fonds européen d’orientation et de garantie agricole - Notion de ‘période de contrôle’ - Possibilité d’extension, par un État membre, de la période de contrôle en cas d’impossibilité matérielle de procéder au contrôle pendant le délai imparti - Reversement des aides perçues - Sanctions.
Affaire C-3/12.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:170

Conclusions de l'avocat général

Conclusions de l'avocat général

I – Introduction

1. La présente affaire porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 4, et 6 du règlement (CEE) nº 4045/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie», et abrogeant la directive 77/435/CEE (2) .

2. Ledit règlement a vocation à guider et à aider les États membres dans les missions leur incombant au titre de la maîtrise des opérations financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie» (ci-après le «FEOGA-Garantie»), à savoir vérifier la régularité de ces opérations, prévenir et poursuivre d’éventuelles irrégularités, ainsi que récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences. Les dispositions qu’il contient visent, principalement, tant à encadrer qu’à renforcer les contrôles qui doivent être effectués par les autorités nationales compétentes sur la base des documents commerciaux des entreprises ayant bénéficié de telles aides financières (3) .

3. En premier lieu, la demande de décision préjudicielle présentée par le Conseil d’État (France) invite la Cour, de façon inédite, à cerner les contours de la notion de «période de contrôle», au sens de l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 4045/89, période qui «se situe entre le 1 er  juillet [d’une année] et le 30 juin de l’année suivante», selon ladite disposition, durant laquelle les opérations de contrôle seraient censées se dérouler (4) .

4. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige relatif à un contrôle qui avait été engagé en mai 2000, pendant une première «période de contrôle», mais qui, à cause de l’opérateur contrôlé, n’a pu être effectué sur place que plusieurs mois après, à savoir en janvier 2001, donc pendant la «période de contrôle» suivante (5) .

5. À ce titre, la juridiction de renvoi souhaite que la Cour, d’une part, précise quels sont les actes ou diligences qui devraient nécessairement être accomplis durant la période de contrôle prévue par le règlement nº 4045/89 (6) et, d’autre part, indique si le comportement et/ou la négligence de l’opérateur contrôlé sont susceptibles d’avoir une influence en la matière.

6. En deuxième lieu, la Cour est interrogée sur l’incidence que peuvent avoir les agissements de l’opérateur contrôlé quant à l’issue du contrôle. Il s’agit là de déterminer si, lorsque la réalisation d’un contrôle a été rendue impossible du fait de l’intéressé, les autorités compétentes ont la possibilité d’ordonner la restitution d’aides qui apparaissent ainsi avoir été indûment perçues et, dans l’affirmative, si une telle exigence relève de la catégorie des sanctions visées à l’article 6, paragraphe 2, de ce même règlement.

7. De fait, les enjeux économiques inhérents à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes dans le domaine concerné sont d’une importance notable, comme le démontrent des données chiffrées qui sont contemporaines du litige au principal (7) .

II – Le cadre juridique

A – Le règlement nº 729/70

8. Le septième considérant du règlement (CEE) nº 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (8), indique que «des mesures doivent être prises pour prévenir et poursuivre toutes irrégularités et pour récupérer les sommes perdues à la suite de telles irrégularités ou de négligences; [et] qu’il y a lieu de déterminer la prise en charge des conséquences financières de telles irrégularités ou de négligences».

9. L’article 8, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

«Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:

– s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le [FEOGA],

– prévenir et poursuivre les irrégularités,

– récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l’état des procédures administratives et judiciaires.»

B – Le règlement nº 4045/89

10. Le premier considérant du règlement nº 4045/89 rappelle les trois types de missions confiées aux États membres aux termes de l’article 8 du règlement nº 729/70.

11. Le deuxième considérant mentionne que «le contrôle des documents commerciaux des entreprises bénéficiaires ou redevables peut constituer un moyen très efficace de contrôle des opérations faisant partie du système de financement du FEOGA[-Garantie]; que ce contrôle complète les autres contrôles effectués par les États membres; que, en outre, le présent règlement n’affecte pas les dispositions nationales en matière de contrôle qui sont plus étendues que celles prévues par le présent règlement».

12. L’article 1 er , paragraphe 1, du règlement nº 4045/89 indique que celui-ci «concerne le contrôle de la réalité et de la régularité des opérations faisant directement ou indirectement partie du système de financement par le FEOGA[-Garantie], sur la base des documents commerciaux des bénéficiaires ou redevables, ci-après dénommés ‘entreprises’».

13. L’article 1 er , paragraphe 2, tel que modifié (9), précise que, aux fins de ce règlement, il faut «entend[re] par ‘documents commerciaux’ l’ensemble des livres, registres, notes et pièces justificatives, la comptabilité, les dossiers de production et de qualité et la correspondance, relatifs à l’activité professionnelle de l’entreprise ainsi que les données commerciales, sous quelque forme que ce soit, y compris sous forme informatique, pour autant que ces documents ou données soient en relation directe ou indirecte avec les opérations visées au paragraphe 1».

14. L’article 2, paragraphes 1, 2 et 4, du règlement nº 4045/89 prévoit:

«1. Les États membres procèdent à des contrôles des documents commerciaux des entreprises en tenant compte du caractère des opérations à contrôler. Les États membres veillent à ce que le choix des entreprises à contrôler permette d’assurer au mieux l’efficacité des mesures de prévention et de détection des irrégularités dans le cadre du système de financement du FEOGA[-Garantie]. La sélection tient notamment compte de l’importance financière des entreprises dans ce domaine et d’autres facteurs de risque.

2. […]

Pour chaque période de contrôle, […] les États membres sélectionnent les entreprises à contrôler en fonction des résultats de l’analyse des risques appliquée au secteur des restitutions à l’exportation et à toutes les autres mesures auxquelles elle est applicable. Les États membres soumettent à la Commission leur proposition relative à l’utilisation de l’analyse des risques […] [(10) ].

[…]

4. La période de contrôle se situe entre le 1 er  juillet et le 30 juin de l’année suivante.

Le contrôle porte sur une période d’au moins douze mois s’achevant au cours de la période de contrôle précédente; il peut être étendu pour des périodes, à déterminer par l’État membre, précédant ou suivant la période de douze mois [(11) ].»

15. Il ressort de l’article 4 de ce règlement que «[l]es entreprises conservent les documents commerciaux visés à l’article 1 er paragraphe 2 et à l’article 3 pendant au moins trois années, à compter de la fin de l’année de leur établissement» et que «[l]es États membres peuvent prévoir une période plus longue pour la conservation de ces documents».

16. En vertu de l’article 6 dudit règlement:

«1. Les États membres s’assurent que les agents chargés des contrôles ont le droit de saisir ou de faire saisir les documents commerciaux. Ce droit s’exerce dans le respect des dispositions nationales en la matière et n’affecte pas l’application de règles relatives à la procédure pénale concernant la saisie de documents.

2. Les États membres prennent les mesures adéquates pour sanctionner les personnes physiques ou morales qui ne respectent pas les obligations prévues par le présent règlement.»

C – Le règlement nº 2988/95 

17. L’article 1 er , paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) nº 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (12), définit les irrégularités visées par celui-ci comme étant «toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci […] [notamment] par une dépense indue».

18. L’article 3 de ce règlement prévoit que le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation d’une telle irrégularité, étant toutefois précisé, d’une part, que les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans et, d’autre part, que les États membres conservent la possibilité d’appliquer un délai plus long.

19. Aux termes de l’article 4, qui figure dans le titre II du règlement nº 2988/95, intitulé «Mesures et sanctions administratives»:

«1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu:

– par l’obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus

[…]

2. L’application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l’avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d’intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire.

3. Les actes pour lesquels il est établi qu’ils ont pour but d’obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l’espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l’avantage, soit son retrait.

4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions.»

20. L’article 5, paragraphe 1, sous b), qui figure aussi dans ledit titre II, prévoit que les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives énumérées dans ce paragraphe, et notamment au «paiement d’un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d’intérêts; ce montant complémentaire, déterminé selon un pourcentage à fixer dans les réglementations spécifiques, ne peut dépasser le niveau strictement nécessaire pour lui donner un caractère dissuasif».

III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

21. Le Syndicat OP 84, qui est une organisation agricole regroupant 48 producteurs de fruits et légumes dont le siège est établi en France, a mis en œuvre un programme opérationnel couvrant la période allant du 1 er  juillet 1997 au 31 décembre 1998. À ce titre, il a reçu des aides s’inscrivant dans le cadre du système de financement du FEOGA-Garantie.

22. Par lettre du 30 mai 2000, le Syndicat OP 84 a été avisé par les autorités nationales compétentes de l’engagement d’un contrôle sur place en application des dispositions du règlement nº 4045/89. Toutefois, les opérations de contrôle n’ont pu se dérouler effectivement qu’à partir du 22 janvier 2001 et jusqu’au 24 janvier 2001. La juridiction de renvoi précise que la responsabilité de ce retard d’exécution incombait au syndicat contrôlé.

23. Ce contrôle a permis de constater que certaines actions pour lesquelles le Syndicat OP 84 prétendait avoir droit à l’aide communautaire n’y étaient pas éligibles en raison de leur caractère purement individuel, comme cela a été admis ultérieurement par ledit syndicat. En outre, il a été établi que les contributions financières des membres du Syndicat OP 84 au fonds opérationnel leur avaient été immédiatement reversées et que de telles modalités d’alimentation de ce fonds n’étaient pas conformes à l’article 15 du règlement (CE) nº 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (13) .

24. Sur cette base, l’Office national interprofessionnel des fruits et légumes et de l’horticulture (ONIFLHOR) (ci-après l’«ONIFLHOR») a, par lettre du 30 octobre 2001, demandé au Syndicat OP 84 de reverser l’intégralité des sommes perçues au titre des années 1997 et 1998. Il a ensuite émis, le 14 janvier 2003, un titre exécutoire correspondant aux sommes à recouvrer.

25. Par jugement du 7 novembre 2006, le tribunal administratif de Marseille a annulé le titre exécutoire émis à l’encontre du Syndicat OP 84.

26. Toutefois, par arrêt du 8 décembre 2008, la cour administrative d’appel de Marseille, d’une part, a annulé ce jugement et, d’autre part, a rejeté les demandes présentées en première instance par le Syndicat OP 84.

27. Au soutien du pourvoi en cassation qu’il a introduit devant le Conseil d’État, le Syndicat OP 84 a invoqué, notamment, que la cour administrative d’appel aurait commis une erreur de droit en jugeant que l’administration avait pu, sans méconnaître les dispositions de l’article 2 du règlement nº 4045/89, engager un contrôle au cours de la période de contrôle comprise entre le 1 er  juillet 1999 et le 30 juin 2000 et le poursuivre au cours de la période de contrôle comprise entre le 1 er  juillet 2000 et le 30 juin 2001, au motif que son comportement avait rendu impossible un contrôle effectif au cours de la première période.

28. Estimant que la réponse à ce moyen posait un problème d’interprétation de dispositions du règlement nº 4045/89 déterminant pour la solution du litige mais présentant une difficulté sérieuse, le Conseil d’État a décidé, par arrêt déposé le 2 janvier 2012, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La période de contrôle comprise entre le 1 er  juillet d’une année et le 30 juin de l’année suivante mentionnée par le paragraphe 4 de l’article 2 du règlement [nº 4045/89] doit-elle s’entendre comme celle au cours de laquelle l’administration chargée du contrôle doit informer l’organisation de producteurs du contrôle qui est envisagé, engager et achever toutes les opérations de contrôle sur place et sur pièces et communiquer les résultats du contrôle, ou comme celle au cours de laquelle certains seulement de ces actes de procédure doivent être effectués?

2) Dans l’hypothèse où le comportement ou les carences de l’organisation de producteurs rendent impossible la réalisation effective d’un contrôle engagé au cours d’une période de contrôle, l’administration peut-elle, en dépit de l’absence de dispositions expresses en ce sens dans le règlement précité, poursuivre ses opérations de contrôle au cours de la période de contrôle suivante sans entacher la procédure d’une irrégularité dont le contrôlé pourrait se prévaloir à l’encontre de la décision tirant les conséquences des résultats de ce contrôle?

3) En cas de réponse négative à la question précédente, l’administration peut-elle, lorsque le comportement ou les carences de l’organisation de producteurs rendent un contrôle effectif impossible, exiger le reversement des aides perçues? Une telle mesure constitue-t-elle l’une des sanctions qui peuvent être prévues en application des dispositions de l’article 6 du règlement?»

29. Des observations écrites ont été fournies à la Cour par l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) (ci-après «FranceAgriMer») (14), par les gouvernements français et polonais, ainsi que par la Commission. Il n’a pas été tenu d’audience.

IV – Analyse

A – Observations liminaires

30. Selon une jurisprudence constante de la Cour (15), désormais consacrée à l’article 4, paragraphe 2, sous d), TFUE, la politique agricole commune (PAC) constitue un domaine où la compétence est partagée entre l’Union européenne et les États membres (16) . À ce titre, les États membres ont conservé des pouvoirs résiduels qui leur permettent de compléter les mesures prises par le législateur de l’Union en la matière.

31. La compétence des États membres reste donc importante, particulièrement en ce qui concerne le contrôle des moyens financiers qui sont octroyés par l’Union aux fins de mettre en œuvre la PAC. En effet, sachant que des contributions de montants élevés sont fournies à partir du budget de l’Union aux autorités nationales, qui les distribuent ensuite aux agriculteurs et aux autres opérateurs du secteur, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que ces sommes sont utilisées en adéquation avec les finalités définies par la réglementation de l’Union (17) . Ce contrôle est exercé en application des règles nationales, mais sous réserve du respect d’éventuelles dispositions du droit de l’Union en ce domaine. En d’autres termes, le droit national définit les modalités dudit contrôle, les pouvoirs des autorités compétentes et les sanctions applicables, sauf si le législateur de l’Union a adopté des dispositions spéciales à cet égard.

32. Afin de garantir la bonne exécution de la PAC, et surtout de lutter contre les fraudes pouvant survenir dans ce cadre, le législateur de l’Union a adopté des actes qui instaurent des mesures établissant des cadres uniformes de contrôle. Le règlement nº 4045/89, dans la lignée de la directive 77/435/CEE (18) qu’il a remplacée, a mis en place un système visant à assurer un contrôle régulier des documents commerciaux des entreprises bénéficiaires ou redevables qui ont une forte importance financière dans le cadre du FEOGA-Garantie ou qui présentent d’autres facteurs de risque (19) . À cette fin, ledit règlement définit les opérateurs à contrôler, les périodes de contrôle et les périodes contrôlées, ainsi que les modalités du contrôle. De surcroît, certaines obligations pesant sur les opérateurs sont prévues à titre minimal par le règlement nº 4045/89 (20) .

33. Nonobstant l’existence de ce système commun, les États membres restent libres d’appliquer des mesures de contrôle plus strictes, dans le respect des principes généraux du droit de l’Union. Le caractère minimal des dispositions du droit de l’Union en la matière est expressément affirmé par le deuxième considérant du règlement nº 4045/89 qui énonce, d’une part, que le mécanisme de contrôle instauré par celui-ci «complète les autres contrôles effectués par les États membres» (21) et, d’autre part, que ledit règlement «n’affecte pas les dispositions nationales en matière de contrôle qui sont plus étendues que celles prévues par [celui-ci]». Cette orientation, déjà présente dans le règlement nº 729/70 (22), a été confirmée dans le préambule du règlement nº 485/2008 (23), qui a remplacé le règlement nº 4045/89.

34. Je souligne que le règlement nº 4045/89 a pour vocation essentielle de définir les obligations des États membres envers l’Union, et non pas les droits que les entreprises bénéficiaires d’aides auraient vis-à-vis de ces États. Aussi, la problématique soulevée par les questions préjudicielles me paraît résulter d’une prémisse erronée, dans la mesure où elle est dérivée de la considération selon laquelle les dispositions visées auraient pour objectif de limiter, par rapport au droit national applicable, les pouvoirs des autorités compétentes à l’égard des entreprises qui sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle dans le cadre de ce règlement. Plus particulièrement, je considère qu’aucun effet consistant en une prescription ou une forclusion des pouvoirs de contrôle nationaux ne saurait être tiré des dispositions dudit règlement dont l’interprétation est demandée.

35. Comme cela est souligné par FranceAgriMer et le gouvernement français, la sécurité juridique des entreprises susceptibles de faire l’objet d’un contrôle est garantie par le délai de prescription des poursuites, qui est fixé a minima (24) à quatre ans par l’article 3 du règlement nº 2988/95 (25) . En revanche, je considère que les règles relatives à la durée de conservation des documents commerciaux, qui sont prévues à l’article 4 du règlement nº 4045/89, ne relèvent pas d’une telle approche protectrice, car l’objectif de ces règles est clairement de prévoir une obligation que le droit de l’Union fait peser sur les entreprises concernées, sous réserve d’exigences plus strictes existant en droit national à cet égard, et non pas de fixer une période au-delà de laquelle ladite obligation donnerait lieu à une prescription.

B – Sur les première et deuxième questions préjudicielles

36. Les problématiques soulevées dans les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi étant similaires, je considère qu’il est opportun d’y répondre de façon conjointe.

37. Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si la notion de «période de contrôle», telle que définie à l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 4045/89, doit être entendue comme celle durant laquelle devraient avoir lieu toutes les étapes du contrôle que constitueraient l’information donnée au bénéficiaire des aides du contrôle envisagé, l’engagement de celui-ci, l’achèvement de toutes les opérations à réaliser tant sur place que sur pièces, ainsi que la communication à l’intéressé des résultats du contrôle, ou bien celle durant laquelle il suffirait que seuls certains de ces actes de procédure soient accomplis. En d’autres termes, la Cour est invitée à déterminer quelles seraient les opérations qui devraient nécessairement être accomplies par les agents chargés du contrôle durant la période comprise entre le 1 er  juillet de l’année où le contrôle débute et le 30 juin de l’année suivant cette date.

38. Il est vrai que le libellé de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement nº 4045/89, aux termes duquel «[l]a période de contrôle se situe entre le 1 er  juillet [d’une année] et le 30 juin de l’année suivante», pourrait à première vue apparaître comme plaidant contre une conception extensive de la notion de période de contrôle, puisqu’il n’ouvre pas expressément la possibilité de réaliser des opérations de contrôle au-delà de la fin de cette période, contrairement à la possibilité d’élargir les périodes d’activité pouvant faire l’objet du contrôle qui est ouverte au second alinéa dudit paragraphe (26) .

39. Nonobstant, je suis d’avis, à l’instar de FranceAgriMer, des gouvernements français et polonais ainsi que de la Commission, que la disposition en question doit être interprétée non pas uniquement au vu de son texte, mais aussi en lien avec le système dans lequel elle s’inscrit et à la lumière des objectifs généraux de celui-ci.

40. S’agissant de ce dernier point, je rappelle que le règlement nº 4045/89 relève d’une série d’actes ayant vocation à assurer un contrôle des opérations liées aux dépenses du FEOGA-Garantie aux fins de protéger les intérêts financiers des Communautés (27) . Il ressort aussi clairement du préambule du règlement nº 4045/89 que celui-ci tend à renforcer l’efficacité des contrôles mis à la charge des États membres afin de prévenir et d’éliminer les irrégularités pouvant exister en ce domaine, finalité qu’il convient de privilégier autant que possible lorsqu’il est procédé à une interprétation dudit règlement.

41. En outre, j’observe que l’article 1 er du règlement nº 4045/89 prévoit à quelles obligations de contrôle les États membres sont tenus, tandis que les paragraphes 1 et 2 de son article 2 définissent l’étendue de ce contrôle, en précisant les facteurs de sélection des entreprises sur lesquels il doit porter (28) et en mentionnant l’interaction qui doit exister à cet égard entre les États membres et la Commission.

42. La formulation dudit article 2 révèle que son objectif est de déterminer la portée d’un système uniforme de contrôle fonctionnant sous la surveillance de la Commission, laquelle est informée chaque année des programmes nationaux de vérifications ainsi que de leurs résultats (29) . Conformément au deuxième considérant du règlement nº 4045/89, ledit système n’a pas pour but d’empêcher des États membres d’appliquer leur propres mesures, en allant plus loin que les dispositions de ce règlement, quant au choix des entreprises soumises à un contrôle ou quant à la définition des mesures de contrôle. Ainsi, ledit règlement ne crée pas un droit, dans le chef des entreprises, de n’être contrôlées que selon les modalités qu’il prévoit et pendant un délai prédéfini. En réalité, reconnaître un tel droit à une entreprise bénéficiaire d’une aide financière versée par l’Union serait incompatible avec l’article 325 TFUE relatif à la lutte contre la fraude.

43. Plus précisément, la finalité de la définition de la «période de contrôle» donnée par l’article 2 du règlement nº 4045/89 est, à mon avis, simplement de définir le laps de temps pendant lequel doit être contrôlé l’échantillon des entreprises remplissant les critères définis à ladite disposition. Cette définition ne vise pas à limiter la possibilité pour les autorités nationales d’exercer les compétences qu’elles tirent du droit national avant ou après ladite période. Il s’agit de fixer des échéances souhaitables afin d’assurer le bon déroulement des opérations de vérifications et en vue d’organiser un programme uniformisé d’opérations de contrôle.

44. L’interprétation de cette notion ne peut donc pas avoir d’impact dans le cadre des contentieux administratifs nationaux qui, comme dans le litige au principal, résultent d’un recours introduit par une entreprise à l’encontre d’une décision prise par une autorité nationale, puisque ce sont les États membres et non de telles personnes qui sont visés par ledit article. Il en irait toutefois différemment si le législateur national avait retranscrit des dispositions du règlement nº 4045/89 en droit interne à titre de cadre normatif procurant des droits subjectifs aux entreprises (30) .

45. Dans le même sens, la Commission indique que l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 4045/89 tend non pas à octroyer des prérogatives aux opérateurs, mais à concilier l’activité des États membres avec le rôle de supervision et de coordination que la Commission doit exercer dans le cadre dudit règlement (31) . Une analyse des travaux préparatoires (32) confirme qu’un rapport existe entre la formulation de la «période de contrôle» ainsi prévue et les moments auxquels la Commission doit intervenir pour s’assurer que les États membres ont respecté autant que possible le programme des contrôles envisagés, qu’ils doivent lui communiquer en amont de leurs opérations, et le rapport d’application annuel, qu’ils sont censés lui transmettre en aval. Le calendrier des échanges qui est fixé aux articles 9 et 10 du règlement nº 4045/89 (33) explique les dates retenues pour cette période dans ledit article 2, paragraphe 4, à savoir le 1 er  juillet d’une année et le 30 juin de l’année suivante.

46. Je me rallie à l’opinion de la Commission selon laquelle cette disposition cherche à garantir une périodicité et une systématicité des «campagnes» de contrôle qui doivent être effectuées par les États membres, et non à imposer une obligation d’obtenir des résultats avant la fin de la période de contrôle. Cependant, il va de soi que les États membres sont tenus de respecter le principe de coopération loyale qui est consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE. Celui-ci implique que les États membres agissent aussi efficacement que possible pour que les contrôles dont ils ont la charge en vertu du règlement nº 4045/89 puissent être exécutés conformément aux programmes établis à titre prévisionnel et dans les délais prévus. Il me semble qu’une situation dans laquelle aucun acte de contrôle n’aurait été mis en œuvre auprès de l’entreprise concernée durant la période de contrôle retenue pourrait constituer un manquement de l’État membre concerné au devoir de prendre toute mesure propre à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union.

47. S’il s’avère que, comme dans le litige au principal, les autorités nationales n’ont pas pu, en dépit de leur diligence, achever leurs vérifications en temps utile, à savoir le 30 juin 2000 en l’occurrence, étant rappelé que le contrôle avait été annoncé le 30 mai 2000, l’État membre peut, à mon avis, tout simplement reporter l’envoi des informations concernant le contrôle en cause, dans le cadre du rapport annuel prévu à l’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 4045/89, au 1 er  janvier de l’année qui suit celle prévue en principe, c’est-à-dire ici le 1 er  janvier 2002 au lieu du 1 er  janvier 2001 (34) .

48. Sur un plan purement pratique, FranceAgriMer et les gouvernements intervenants, notamment, ont bien mis en exergue la difficulté matérielle qu’il pourrait y avoir, pour les autorités nationales chargées du contrôle, à effectuer dans un délai qui serait strictement limité à une année l’ensemble des actes et diligences énumérés dans la première question préjudicielle, et ce à l’égard de l’ensemble des entreprises qui en seraient la cible pendant une période de contrôle donnée (35) .

49. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur le point de savoir si l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 4045/89 doit être interprété en ce sens que les autorités compétentes peuvent poursuivre les opérations de contrôle ayant été matériellement engagées au cours d’une période de contrôle pendant la période de contrôle suivante, sans pour autant que cela entache la procédure d’une irrégularité dont l’opérateur contrôlé pourrait se prévaloir à l’encontre de la décision tirant les conséquences des résultats de ce contrôle, et ce dans l’hypothèse particulière où ce sont le comportement ou les carences de cet opérateur qui ont rendu impossible la réalisation matérielle dudit contrôle au cours de la première période de contrôle.

50. Cette question se différencie de la précédente en ce que la juridiction de renvoi envisage plus précisément les cas où, comme dans le litige au principal, le contrôle n’a pas pu être pleinement réalisé avant l’expiration de la période de contrôle durant laquelle il a été engagé à cause des agissements du bénéficiaire des aides en faisant l’objet.

51. Dans des circonstances d’empêchement extérieur telles que celles en cause au principal, les opérations de contrôle doivent selon moi a fortiori pouvoir être réalisées même après le 30 juin de l’année suivant celle de leur commencement ou, en d’autres termes, pendant la période de contrôle suivante, étant rappelé que l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 4045/89 fixe non pas un délai à respecter impérativement, mais seulement un calendrier à suivre autant que possible par les États membres.

52. En effet, si une autre interprétation devait être retenue, le dispositif de contrôle prévu par le règlement nº 4045/89 perdrait de son efficacité, alors qu’il a pour objectif essentiel de permettre la récupération des sommes perdues à la suite d’une irrégularité ou d’une négligence, conformément au premier considérant dudit règlement.

53. J’ajoute que quelle que soit la position retenue par la Cour sur le point précédent, il ne saurait être admis que l’opérateur contrôlé soit susceptible d’échapper à d’éventuelles poursuites grâce à un simple refus de coopérer qui bloquerait les investigations des agents chargés du contrôle (36) . En effet, conformément à l’adage «nemo auditur propriam turpitudinem allegans» dont la Cour a déjà fait application (37), il est exclu qu’un opérateur puisse se prévaloir d’une prétendue irrégularité dans la procédure de contrôle, irrégularité au demeurant inexistante à mon sens, en invoquant le fait que certaines des opérations ont été effectuées après la fin de la période de contrôle initiale, alors que le report de l’exécution de celles-ci lui est justement imputable. Des carences ou des entraves à des fins dilatoires ne doivent, en aucun cas, être facilitées voire encouragées.

54. Par conséquent, je considère que l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 4045/89 doit être interprété en ce sens que la notion de «période de contrôle» qu’il contient ne doit pas être entendue comme celle au cours de laquelle toutes les opérations de contrôle devraient être effectuées. Les opérations ayant débuté pendant une période de contrôle, telle que définie par cette disposition, peuvent donc se poursuivre au cours de la période de contrôle suivante si, malgré leur diligence, les autorités compétentes n’ont pas été en mesure de les achever en temps utile. En tout état de cause, même si l’approche que je propose ici n’était pas retenue par la Cour, il ne saurait être admis que le bénéficiaire des aides faisant l’objet du contrôle puisse se plaindre d’une prétendue irrégularité de procédure dans l’hypothèse où c’est en raison de ses propres agissements ou carences qu’il a été impossible de procéder pleinement auxdites opérations pendant la première de ces périodes.

C – Sur la troisième question préjudicielle

55. La juridiction de renvoi demande à la Cour de se prononcer sur sa troisième question seulement si une réponse négative devait être apportée à sa deuxième question, à savoir au cas où il ne serait pas possible pour les autorités chargées du contrôle de poursuivre leurs opérations au cours de la période de contrôle suivante lorsqu’il a été impossible d’y procéder de façon effective en raison du comportement ou de la carence du bénéficiaire des aides.

56. En substance, elle souhaite déterminer si, dans un tel cas de figure, ces autorités peuvent exiger de l’opérateur contrôlé, qui s’avère ainsi défaillant, qu’il restitue les aides dont il a bénéficié. En outre, elle s’interroge sur le point de savoir si une telle mesure constitue une sanction au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 4045/89.

57. Compte tenu de la réponse affirmative qu’il conviendrait selon moi de donner à la deuxième question posée par la juridiction de renvoi, je suis d’avis, à l’instar de FranceAgriMer et du gouvernement français, qu’il n’y a pas lieu de répondre à cette double interrogation, en ce qu’elle est inopérante en ce cas.

58. Néanmoins, afin de couvrir l’hypothèse où la Cour répondrait par la négative à la précédente question préjudicielle, j’entends formuler les observations suivantes à titre subsidiaire.

59. S’agissant du premier volet de la troisième question préjudicielle, je considère que les autorités compétentes doivent pouvoir exiger le reversement des aides perçues lorsque, comme cela a été le cas dans le litige au principal, un contrôle effectif a été rendu impossible par les agissements du bénéficiaire de ces aides, peu importe que ceux-ci consistent en des actions, fraudes ou manœuvres dilatoires, ou même en des abstentions, carences ou négligences (38) .

60. Ainsi que l’a relevé le gouvernement français, la Cour a déjà jugé, dans le contexte de l’interprétation d’autres actes de droit communautaire relatifs à l’agriculture, que lorsqu’il ne peut pas être procédé à un contrôle effectif, il y a lieu de considérer que ce contrôle ne peut pas être effectué du fait du demandeur et la demande d’aide doit dès lors être rejetée, sauf cas de force majeure (39) .

61. Je partage le point de vue de FranceAgriMer et du gouvernement français selon lequel il incombe aux bénéficiaires d’aides allouées au titre du FEOGA-Garantie de fournir aux autorités chargées de les contrôler tous les éléments utiles aux fins d’établir tant le bien-fondé de l’octroi de ces aides que la régularité des opérations financées par ce biais (40) . À défaut de telles justifications, que ce soit par omission des bénéficiaires ou a fortiori avec intention de leur part (41), lesdites autorités peuvent légitimement en déduire que les aides en cause ont été indûment perçues et donc ordonner leur restitution.

62. Je précise que, conformément aux principes généraux du droit, la récupération devrait pouvoir intervenir même si l’opérateur contrôlé n’a pas agi de mauvaise foi, les aides étant réputées indues dès lors que l’intéressé n’est pas en mesure de démontrer que les conditions requises pour les obtenir étaient réunies dans son chef.

63. Cette solution est commandée par l’impératif de favoriser le bon fonctionnement et l’efficacité des mesures de contrôle prévues par le règlement nº 4045/89, et ce dans le but de préserver la viabilité même du système afférent aux opérations financées par le FEOGA-Garantie.

64. S’agissant du deuxième volet de la troisième question préjudicielle, il m’apparaît que la restitution des aides perçues qui intervient dans un tel contexte ne relève pas des dispositions de l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 4045/89, aux termes duquel les États membres prennent les mesures adéquates pour sanctionner les personnes physiques ou morales qui ne respectent pas les obligations prévues par ledit règlement.

65. En ce sens, le gouvernement polonais souligne, à juste titre, que le droit de l’Union opère une distinction entre les mesures consistant à devoir rembourser un avantage indûment obtenu et les sanctions susceptibles d’être infligées consécutivement à des irrégularités survenues de façon volontaire ou du fait d’un défaut de vigilance.

66. En particulier, le règlement nº 2988/95, qui s’inscrit dans le même registre normatif que le règlement nº 4045/89 et pose des principes généraux dont il convient de tenir compte ici (42), établit clairement, dans son titre II, une différence entre les «mesures» et les «sanctions administratives» qui peuvent être consécutives à une atteinte portée aux intérêts financiers des Communautés. Selon l’article 4, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, toute «irrégularité» (43) entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu, notamment moyennant l’obligation de rembourser les montants indûment perçus, éventuellement augmentés des intérêts prévus. Le paragraphe 4 de cet article indique expressément que «les mesures prévues par [cet] article ne sont pas considérées comme des sanctions». En revanche, l’article 5 du règlement nº 2988/95 énumère les «sanctions administratives» auxquelles peuvent conduire des irrégularités intentionnelles ou causées par négligence, telles que le paiement d’une amende administrative, ou le paiement d’un montant complémentaire à fixer au prorata des sommes indûment perçues, augmentées, le cas échéant, d’intérêts (44) .

67. Comme le mettent en exergue FranceAgriMer ainsi que les gouvernements français et polonais, il ressort également d’une jurisprudence constante de la Cour que ne constitue pas une sanction l’obligation de restituer les avantages indûment tirés de la réglementation communautaire. Une telle obligation est simplement la conséquence nécessaire du constat, fait par les autorités compétentes, que les conditions requises pour obtenir l’avantage offert par le droit de l’Union apparaissent ne pas avoir été remplies en réalité (45) .

68. Cette approche doit être aussi retenue en ce qui concerne la différenciation à faire entre, d’une part, l’obligation de reverser des aides perçues sans fondement et, d’autre part, les sanctions prévues à l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 4045/89. L’irrégularité, même simplement apparente, de l’opération qui a été financée grâce à des aides ainsi perçues confère à celles-ci un caractère indu, ce qui justifie qu’elles soient restituées par le bénéficiaire contrôlé, sans pour autant que cette réparation revête les attributs d’une sanction administrative d’ordre pécuniaire. Je précise que cela vaut même si l’ordre de restitution est donné à titre de conséquence tirée du seul fait que l’intéressé n’a pas communiqué les pièces qui avaient été requises par les autorités compétentes aux fins de pouvoir vérifier que les conditions de l’octroi de l’aide en cause étaient réunies.

69. La régularisation imposée dans un tel contexte a, selon moi, pour finalité principale de remédier au préjudice financier subi par le FEOGA-Garantie et donc par le budget général de l’Union (46), mais aussi de rétablir une juste concurrence entre l’opérateur ayant obtenu un avantage de façon irrégulière et les opérateurs n’en ayant quant à eux pas indûment tiré profit (47) . Dans cette perspective, il incombe aux autorités nationales compétentes, agissant pour le compte de l’Union, de procéder à la récupération de soutiens financiers communautaires ayant été octroyés dans des conditions considérées comme irrégulières, sans même qu’elles aient de pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’exiger ou non cette restitution (48) .

70. L’interdiction de l’enrichissement sans cause, dont la Cour a itérativement fait usage dans sa jurisprudence (49) et qu’elle a consacrée comme principe général du droit de l’Union (50), milite également en ce sens. Il est indéniable qu’une personne qui a bénéficié d’un avantage financier sans justifier d’un fondement juridique à cet égard doit impérativement restituer les sommes perçues, jusqu’à concurrence de la perte subie, en l’occurrence, par l’Union (51) .

71. Afin d’être exhaustif, je précise qu’une sanction, au sens de l’article 6 du règlement nº 4045/89, pourrait intervenir en sus d’une telle exigence de régularisation (52) . Cependant, conformément aux principes généraux du droit de l’Union que sont la légalité et la proportionnalité des pénalités (53), une telle sanction ne pourrait être infligée à l’opérateur contrôlé que sous réserve que des dispositions spécifiques aient été prises à cette fin en droit de l’Union ou en droit national (54) et que la sanction retenue soit en adéquation avec le manquement à des obligations résultant du règlement nº 4045/89.

72. Au contraire, l’obligation de rembourser une aide ayant été perçue dans des conditions irrégulières doit être conçue comme étant le résultat direct et immédiat du caractère indu de celle-ci, dont le constat constitue un fondement juridique suffisant en soi.

73. Je considère donc que, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il serait répondu par la négative à la deuxième question, il conviendrait de répondre à la troisième question, d’une part, que lorsque le comportement ou les carences de l’opérateur contrôlé ont rendu impossible un contrôle effectif, les autorités nationales compétentes peuvent exiger la restitution des aides perçues, dès lors que dans un tel contexte ces autorités n’ont pas été en mesure de vérifier que les conditions requises pour l’octroi de ces aides étaient réunies, et, d’autre part, que cette demande de restitution ne constitue pas une sanction au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 4045/89.

V – Conclusion

74. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par le Conseil d’État:

L’article 2, paragraphe 4, du règlement (CEE) nº 4045/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie», et abrogeant la directive 77/435/CEE, ne saurait être interprété en ce sens que toutes les opérations de contrôle devraient être effectuées durant la «période de contrôle», définie par cette disposition comme «se situ[ant] entre le 1 er  juillet d’une année et le 30 juin de l’année suivante», mais doit être interprété en ce sens que des opérations engagées pendant une période de contrôle peuvent se poursuivre au cours de la période suivante. En tout état de cause, l’opérateur contrôlé ne saurait se prévaloir d’une quelconque irrégularité de procédure à l’encontre de la décision tirant les conséquences du contrôle ainsi mené, lorsque ce sont ses propres agissements ou carences qui ont rendu impossible la réalisation de ce contrôle au cours de la première desdites périodes.

Il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question préjudicielle.

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où une réponse négative serait apportée à la question précédente, il conviendrait de répondre à la troisième question que lorsque les autorités compétentes n’ont pas été en mesure d’opérer un contrôle effectif en raison du comportement ou de la carence du bénéficiaire d’aides versées dans le cadre des opérations financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie», lesdites autorités peuvent exiger la restitution de ces aides dont il n’a pas pu être établi qu’elles étaient dues, sans qu’une telle mesure puisse être qualifiée de sanction au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 4045/89.

(1) .

(2)  – JO L 388, p. 18. Ce règlement, modifié à plusieurs reprises, a été codifié et abrogé le 22 juin 2008 par le règlement (CE) nº 485/2008 du Conseil, du 26 mai 2008, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen agricole de garantie (JO L 143, p. 1, spécialement considérant 1 et annexe I).

(3)  – Voir, notamment, premier, troisième et cinquième considérants du règlement nº 4045/89.

(4)  – Cette problématique est distincte, bien que voisine, de celle faisant l’objet des affaires jointes Viniflhor (C-671/11 à C-676/11), pendantes devant la Cour, dans lesquelles la même juridiction de renvoi souhaite que la Cour lui indique de quelle façon un État membre peut mettre en œuvre la faculté, ouverte par l’article 2, paragraphe 4, du règlement nº 4045/89, d’étendre la période contrôlée – c’est-à-dire celle sur laquelle portera le contrôle – «pour des périodes […] précédant ou suivant la période de douze mois» que cet État définit, cette question étant posée compte tenu notamment de la notion de «période de contrôle» qui est visée dans la présente affaire.

(5)  – La première période s’étendant en l’occurrence du 1 er  juillet 1999 au 30 juin 2000, celle qui lui succède allant du 1 er  juillet 2000 au 30 juin 2001.

(6)  – Il ressort des questions préjudicielles que la juridiction a quo se demande plus précisément si, durant cette période, les autorités compétentes seraient tenues d’avoir à la fois avisé l’opérateur concerné du contrôle envisagé, engagé le contrôle, effectué toutes les opérations nécessaires sur place, exploité les pièces justificatives obtenues et communiqué les résultats de leur contrôle.

(7)  – Dans son rapport annuel sur la protection des intérêts financiers des Communautés et la lutte contre la fraude [COM (2001) 255 final, p. 8 et 88], la Commission européenne a relevé qu’en 2000, les fraudes et irrégularités constatées par les États membres au titre des dépenses du FEOGA-Garantie se sont élevées à 474,5 millions d’euros, soit 1,17 % du budget FEOGA.

(8)  – JO L 94, p. 13.

(9)  – Disposition dans sa rédaction telle qu’issue du règlement (CE) nº 3094/94 du Conseil, du 12 décembre 1994, modifiant le règlement nº 4045/89 (JO L 328, p. 1).

(10)  – Idem. Selon le deuxième considérant du règlement nº 3094/94, «il conv[enait] de modifier les modalités de sélection des entreprises à contrôler, prévues à l’article 2 [du règlement nº 4045/89], afin [notamment] d’offrir aux États membres une plus grande souplesse dans la sélection des entreprises».

(11)  – Idem.

(12)  – JO L 312, p. 1.

(13)  – JO L 297, p. 1.

(14)  – FranceAgriMer est l’établissement qui est venu aux droits de l’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture (VINIFLHOR), venant lui-même aux droits de l’ONIFLHOR.

(15)  – Voir, notamment, arrêts cités dans la note en bas de page 11 de mes conclusions du 6 février 2013 dans l’affaire Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou (C-373/11), pendante devant la Cour.

(16)  – Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, TFUE, «[l]orsque les traités attribuent à l’Union une compétence partagée avec les États membres dans un domaine déterminé, l’Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ce domaine».

(17)  – De même, le huitième considérant du règlement nº 729/70 indiquait que les vérifications faites par des agents de la Commission devaient intervenir seulement «en complément des contrôles que les États membres effectuent de leur propre initiative et qui demeurent essentiels».

(18)  – Directive du Conseil du 27 juin 1977 relative aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie» (JO L 172, p. 17). Le troisième considérant du règlement nº 4045/89 indique que celui-ci tend à encourager les États membres à renforcer les contrôles de documents commerciaux qu’ils effectuaient jusqu’alors dans le cadre de ladite directive.

(19)  – Voir sixième considérant et article 2, paragraphe 1, du règlement nº 4045/89.

(20)  – Ainsi, l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement autorise les États membres à formuler davantage d’exigences en la matière.

(21)  – L’article 2, paragraphe 5, du règlement nº 4045/89 précise que «[l]es contrôles effectués en application [de ce] règlement ne préjugent pas des contrôles effectués conformément à l’article 6 du règlement (CEE) nº 283/72 [du Conseil, du 7 février 1972, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine (JO L 36 p. 1)], ni de ceux effectués conformément à l’article 9 du règlement [nº 729/70]».

(22)  – L’article 9, paragraphe 2, du règlement nº 729/70 énonçait que les contrôles prévus par celui-ci devaient intervenir «[s]ans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales».

(23)  – Le considérant 3 reproduit en substance le libellé du deuxième considérant du règlement nº 4045/89, avec toutefois une adaptation terminologique, le FEOGA-Garantie ayant été remplacé par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) à compter du 1 er  janvier 2007.

(24)  – Voir arrêt du 24 juin 2004, Handlbauer (C-278/02, Rec. p. I-6171, point 40), s’agissant de la fonction d’assurer la sécurité juridique remplie par cette règle de prescription et toutes autres de même type, et arrêt du 22 décembre 2010, Corman (C-131/10, Rec. p. I-14199, point 54), s’agissant du caractère minimal de la prescription fixée par ladite disposition.

(25)  – Selon cet article, ladite durée est d’au moins trois années, mais les États membres peuvent prévoir une période plus longue.

(26)  – Ce second alinéa, tel qu’il résulte du règlement nº 3094/94, définit ainsi les périodes d’activité d’un opérateur qui peuvent faire l’objet du contrôle: «[l]e contrôle porte sur une période d’au moins douze mois s’achevant au cours de la période de contrôle précédente; il peut être étendu pour des périodes, à déterminer par l’État membre, précédant ou suivant la période de douze mois». Il s’agit là d’un autre type de période, qui est qualifiée de «période contrôlée» par la même juridiction de renvoi dans les affaires pendantes Viniflhor, précitées.

(27)  – En particulier, ce règlement doit être mis en perspective avec le règlement nº 2988/95, lequel, comme la Cour l’a rappelé au point 33 de son arrêt du 5 juin 2012, Bonda (C-489/10), «fixe un cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques communautaires» et indique quelles sont les suites à donner aux «irrégularités», telles que définies par l’article 1 er , paragraphe 2, de ce dernier règlement.

(28)  – À cet égard, je souligne que ledit règlement n’impose pas que toutes les entreprises visées soi ent contrôlées pendant la «période de contrôle» mentionnée à son article 2, paragraphe 4. Il fixe seulement les critères quantitatifs et qualitatifs qui encadrent l’obligation de contrôle pesant sur chaque État membre.

(29)  – Une obligation d’information similaire résultait de l’article 8, paragraphe 1, second alinéa, du règlement nº 729/70.

(30)  – Tel est le cas, par exemple, dans les articles R. 622-49 et R. 622-50 du Code rural français.

(31)  – Voir dixième considérant dudit règlement.

(32)  – Dans la proposition initiale [COM(89) 290 final], l’article 2, paragraphe 4, était rédigé comme dans la version finale du règlement nº 4045/89, mais, dans la proposition modifiée [COM(89) 623 final], il était énoncé que «[l]a période de contrôle se situe entre le 1 er  juillet et le 30 juin de l’année suivante. Un État membre peut commencer à effectuer des contrôles avant le 1 er  juillet dès que la Commission a communiqué son accord au programme prévisionnel visé à l’article 10 du présent règlement» (souligné par mes soins).

(33)  – L’article 10, paragraphes 1 à 3, prévoit que, chaque année, avant le 15 avril, les États membres établissent le programme prévisionnel des contrôles qu’ils vont effectuer au cours de la période de contrôle suivante et le communiquent à la Commission, qui doit l’examiner dans un délai de six semaines au maximum. L’article 9, paragraphe 1, dispose que « [a]vant le 1 er  janvier suivant la période de contrôle, les États membres communiquent à la Commission un rapport détaillé sur l’application du présent règlement» (souligné par mes soins).

(34)  – La Commission relève à juste titre que l’annexe II, point 4, sous g), du règlement (CE) nº 1863/90 de la Commission, du 29 juin 1990, portant modalités d’application du règlement nº 4045/89 (JO L 170, p. 23), tel que modifié par le règlement (CE) nº 2992/95 de la Commission, du 19 décembre 1995 (JO L 312, p. 11), envisage explicitement la possibilité de finaliser des contrôles ayant eu lieu lors d’une période précédant celle couverte par un rapport annuel adressé par un État membre, puisque cette disposition se réfère aux «résultats des contrôles, effectués au titre de la période de contrôle précédant celle couverte par le présent rapport, dont les résultats n’étaient pas disponibles lors de la communication du rapport correspondant à cette période».

(35)  – Comme le met en exergue le gouvernement polonais, les circonstances propres à un contrôle peuvent nécessiter que les opérations engagées au cours d’une période de contrôle initiale se poursuivent au-delà du terme de celle-ci, notamment en cas de constatation d’irrégularités qui requerraient davantage d’investigations ou en cas d’attente des résultats de contrôles croisés qui seraient réalisés à une échelle nationale voire transfrontière.

(36)  – Dans le litige au principal, il apparaît, selon les indications données par FranceAgriMer, que le Syndicat OP 84 a retardé les opérations de contrôle sur place en demandant à plusieurs reprises le report des rendez-vous fixés et en ne fournissant pas les pièces requises par lesdits agents.

(37)  – Ainsi, l’avocat général Reischl avait souligné, aux p. 3185 et 3186 de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 décembre 1981, de Hoe/Commission (151/80, Rec. p. 3161), qu’un candidat «ne saurait en aucun cas obtenir ultérieurement l’annulation de la procédure de nomination à laquelle il a participé en invoquant des irrégularités imputables à son propre comportement» (voir, également, points 18 et 19 dudit arrêt). Au point 13 de l’arrêt du 9 février 1984, Kohler/Cour des comptes (316/82 et 40/83, Rec. p. 641), la Cour a aussi relevé que le fait d’«accepter l’argumentation de la Cour des comptes reviendrait à lui permettre de se prévaloir d’une violation, qu’elle a elle-même commise».

(38)  – À cet égard, je rappelle que le premier considérant du règlement nº 4045/89, qui reprend les dispositions du septième considérant et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 729/70, prévoit que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour récupérer les sommes perdues à la suite non seulement «d’irrégularités» mais aussi «de négligences».

(39)  – Arrêt du 13 décembre 2001, Nilsson (C-131/00, Rec. p. I-10165, point 32). En l’occurrence, le contrôle avait été impossible à cause de l’absence totale de tenue du registre des animaux par un exploitant.

(40)  – Voir, en ce sens, septième considérant de la décision de renvoi.

(41)  – Je précise qu’il ressort des huitième et neuvième considérants de la décision de renvoi que, dans le litige au principal, l’ordre de restitution des aides perçues a été basé non seulement sur l’obstruction faite par le Syndicat OP 84, qui n’a pas fourni les pièces justificatives demandées par les autorités de contrôle, mais aussi, par ailleurs, sur un défaut d’éligibilité à ces aides et sur une irrégularité relevée dans l’alimentation du fonds opérationnel concerné.

(42)  – L’arrêt du 21 juillet 2011, Beneo-Orafti (C-150/10, Rec. p. I-6843, point 69 et jurisprudence citée) rappelle que, «dans le domaine des contrôles et des sanctions des irrégularités commises en droit de l’Union, le législateur de l’Union a, en adoptant le règlement nº 2988/95, posé une série de principes généraux et exigé que, en règle générale, l’ensemble des règlements sectoriels respectent ces principes».

(43)  – La définition de cette notion donnée à l’article 1 er , paragraphe 2, du règlement nº 2988/95 a été précisée par l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1848/2006 de la Commission, du 14 décembre 2006, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune, ainsi qu e l’organisation d’un système d’information dans ce domaine, et abrogeant le règlement (CEE) nº 595/91 du Conseil (JO L 355, p. 56).

(44)  – L’article 5, paragraphe 1, sous b), dudit règlement précise que ce montant réglé, à titre de sanction, en sus de la restitution des sommes indûment perçues, d’une part, doit être déterminé selon un pourcentage à fixer dans des réglementations spécifiques et, d’autre part, ne peut dépasser le niveau strictement nécessaire pour lui donner un caractère dissuasif.

(45)  – Voir, notamment, point 269 de l’arrêt du 8 mai 2003, Espagne/Commission (C-349/97, Rec. p. I-3851), suivant lequel «les corrections appliquées en l’espèce ne sauraient être regardées comme des sanctions, mais elles constituent la conséquence nécessaire de l’illégalité des versements effectués par le Royaume d’Espagne», ainsi que point 28 de l’arrêt du 4 juin 2009, Pometon (C-158/08, Rec. p. I-4695), suivant lequel «l’obligation de restituer un avantage indûment perçu au moyen d’une pratique irrégulière […] ne constitue pas une sanction, mais est la simple conséquence de la constatation que les conditions requises pour l’obtention de l’avantage résultant de la réglementation communautaire ont été artificiellement créées, rendant indu l’avantage perçu et justifiant, dès lors, l’obligation de le restituer». Voir, également, arrêt Beneo-Orafti, précité (point 70).

(46)  – Conformément aux dispositions de l’article 1 er du règlement nº 2988/95.

(47)  – Voir, par analogie, l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 8 juin 1995, Siemens/Commission (T-459/93, Rec. p. II-1675), qui indique, à ses points 96 et 97, que le remboursement d’une aide d’État illégale tend à rétablir la situation antérieure au versement de celle-ci, ce qui suppose l’élimination de tous les avantages financiers en résultant, dès lors qu’ils créent une distorsion de concurrence.

(48)  – Voir, en ce sens, point 30 de l’arrêt du 6 mai 1982, BayWa e.a. (146/81, 192/81 et 193/81, Rec. p. 1503), aux termes duquel «[u]ne interprétation contraire [de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 729/70] aurait pour effet de compromettre l’égalité de traitement entre les opérateurs économiques des différents États membres et l’application du droit communautaire qui, dans la mesure du possible, doit demeurer uniforme dans toute la Communauté».

(49)  – Voir, notamment, arrêts du 4 avril 1960, Mannesmann e.a./Haute Autorité (4/59 à 13/59, Rec. p. 241), ainsi que du 11 juillet 1968, Danvin/Commission (26/67, Rec. p. 463, spécialement p. 474).

(50)  – Dans l’arrêt du 10 juillet 1990, Grèce/Commission (C-259/87, Rec. p. I-2845), la Cour a jugé, s’agissant de montants versés au FEOGA, qu’un enrichissement sans cause, dans le chef de la Communauté, serait contraire aux principes généraux du droit communautaire.

(51)  – Voir, par analogie, au sujet d’une personne ayant subi une perte améliorant le patrimoine d’une autre personne sans qu’il y ait un quelconque fondement juridique à cet enrichissement, arrêts du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission (C-47/07 P, Rec. p. I-9761, point 44), et du 21 janvier 2010, van Dijk (C-470/08, Rec. p. I-603, point 41).

(52)  – Voir, également, point 29 de l’arrêt Pometon, précité, aux termes duquel, «[d]e même, l’importateur qui s’est irrégulièrement placé sous le régime du perfectionnement actif et en a bénéficié en créant artificiellement les conditions requises pour son application est tenu d’acquitter les droits afférents aux produits concernés, sans préjudice, le cas échéant, des sanctions administratives, civiles ou pénales prévues par la législation nationale » (souligné par mes soins).

(53)  – Cette double exigence est rappelée à l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 2988/95, dont la teneur est susmentionnée.

(54)  – S’agissant des sanctions administratives prévues par le règlement nº 2988/95, voir arrêt du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a. (C-367/09, Rec. p. I-10761, point 43), ainsi que points 35 et suiv. des conclusions de l’avocat général Kokott dans cette affaire .

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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 14 mars 2013 ( 1 )

Affaire C‑3/12

Syndicat OP 84

contre

Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture (VINIFLHOR),

venant lui-même aux droits de l’Office national interprofessionnel des fruits et légumes et de l’horticulture (ONIFLHOR)

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

«Agriculture — Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section ‘garantie’ — Règlement no 4045/89/CEE — Notion de ‘période de contrôle’ au sens de l’article 2, paragraphe 4 — Actes devant être effectués ‘entre le 1er juillet et le 30 juin de l’année suivante’ par les agents chargés du contrôle — Possibilité de poursuivre les opérations de contrôle au cours de la période de contrôle suivante en cas d’impossibilité matérielle d’y procéder du fait du comportement du bénéficiaire des aides — Restitution des aides perçues sans justification fournie a posteriori — Notion de ‘sanction’ au sens de l’article 6, paragraphe 2»

I – Introduction

1.

La présente affaire porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 4, et 6 du règlement (CEE) no 4045/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie», et abrogeant la directive 77/435/CEE ( 2 ).

2.

Ledit règlement a vocation à guider et à aider les États membres dans les missions leur incombant au titre de la maîtrise des opérations financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie» (ci-après le «FEOGA-Garantie»), à savoir vérifier la régularité de ces opérations, prévenir et poursuivre d’éventuelles irrégularités, ainsi que récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences. Les dispositions qu’il contient visent, principalement, tant à encadrer qu’à renforcer les contrôles qui doivent être effectués par les autorités nationales compétentes sur la base des documents commerciaux des entreprises ayant bénéficié de telles aides financières ( 3 ).

3.

En premier lieu, la demande de décision préjudicielle présentée par le Conseil d’État (France) invite la Cour, de façon inédite, à cerner les contours de la notion de «période de contrôle», au sens de l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 4045/89, période qui «se situe entre le 1er juillet [d’une année] et le 30 juin de l’année suivante», selon ladite disposition, durant laquelle les opérations de contrôle seraient censées se dérouler ( 4 ).

4.

Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige relatif à un contrôle qui avait été engagé en mai 2000, pendant une première «période de contrôle», mais qui, à cause de l’opérateur contrôlé, n’a pu être effectué sur place que plusieurs mois après, à savoir en janvier 2001, donc pendant la «période de contrôle» suivante ( 5 ).

5.

À ce titre, la juridiction de renvoi souhaite que la Cour, d’une part, précise quels sont les actes ou diligences qui devraient nécessairement être accomplis durant la période de contrôle prévue par le règlement no 4045/89 ( 6 ) et, d’autre part, indique si le comportement et/ou la négligence de l’opérateur contrôlé sont susceptibles d’avoir une influence en la matière.

6.

En deuxième lieu, la Cour est interrogée sur l’incidence que peuvent avoir les agissements de l’opérateur contrôlé quant à l’issue du contrôle. Il s’agit là de déterminer si, lorsque la réalisation d’un contrôle a été rendue impossible du fait de l’intéressé, les autorités compétentes ont la possibilité d’ordonner la restitution d’aides qui apparaissent ainsi avoir été indûment perçues et, dans l’affirmative, si une telle exigence relève de la catégorie des sanctions visées à l’article 6, paragraphe 2, de ce même règlement.

7.

De fait, les enjeux économiques inhérents à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes dans le domaine concerné sont d’une importance notable, comme le démontrent des données chiffrées qui sont contemporaines du litige au principal ( 7 ).

II – Le cadre juridique

A – Le règlement no 729/70

8.

Le septième considérant du règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune ( 8 ), indique que «des mesures doivent être prises pour prévenir et poursuivre toutes irrégularités et pour récupérer les sommes perdues à la suite de telles irrégularités ou de négligences; [et] qu’il y a lieu de déterminer la prise en charge des conséquences financières de telles irrégularités ou de négligences».

9.

L’article 8, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

«Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:

s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le [FEOGA],

prévenir et poursuivre les irrégularités,

récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l’état des procédures administratives et judiciaires.»

B – Le règlement no 4045/89

10.

Le premier considérant du règlement no 4045/89 rappelle les trois types de missions confiées aux États membres aux termes de l’article 8 du règlement no 729/70.

11.

Le deuxième considérant mentionne que «le contrôle des documents commerciaux des entreprises bénéficiaires ou redevables peut constituer un moyen très efficace de contrôle des opérations faisant partie du système de financement du FEOGA[-Garantie]; que ce contrôle complète les autres contrôles effectués par les États membres; que, en outre, le présent règlement n’affecte pas les dispositions nationales en matière de contrôle qui sont plus étendues que celles prévues par le présent règlement».

12.

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 4045/89 indique que celui-ci «concerne le contrôle de la réalité et de la régularité des opérations faisant directement ou indirectement partie du système de financement par le FEOGA[-Garantie], sur la base des documents commerciaux des bénéficiaires ou redevables, ci-après dénommés ‘entreprises’».

13.

L’article 1er, paragraphe 2, tel que modifié ( 9 ), précise que, aux fins de ce règlement, il faut «entend[re] par ‘documents commerciaux’ l’ensemble des livres, registres, notes et pièces justificatives, la comptabilité, les dossiers de production et de qualité et la correspondance, relatifs à l’activité professionnelle de l’entreprise ainsi que les données commerciales, sous quelque forme que ce soit, y compris sous forme informatique, pour autant que ces documents ou données soient en relation directe ou indirecte avec les opérations visées au paragraphe 1».

14.

L’article 2, paragraphes 1, 2 et 4, du règlement no 4045/89 prévoit:

«1.   Les États membres procèdent à des contrôles des documents commerciaux des entreprises en tenant compte du caractère des opérations à contrôler. Les États membres veillent à ce que le choix des entreprises à contrôler permette d’assurer au mieux l’efficacité des mesures de prévention et de détection des irrégularités dans le cadre du système de financement du FEOGA[-Garantie]. La sélection tient notamment compte de l’importance financière des entreprises dans ce domaine et d’autres facteurs de risque.

2.   […]

Pour chaque période de contrôle, […] les États membres sélectionnent les entreprises à contrôler en fonction des résultats de l’analyse des risques appliquée au secteur des restitutions à l’exportation et à toutes les autres mesures auxquelles elle est applicable. Les États membres soumettent à la Commission leur proposition relative à l’utilisation de l’analyse des risques […] [ ( 10 )].

[…]

4.   La période de contrôle se situe entre le 1er juillet et le 30 juin de l’année suivante.

Le contrôle porte sur une période d’au moins douze mois s’achevant au cours de la période de contrôle précédente; il peut être étendu pour des périodes, à déterminer par l’État membre, précédant ou suivant la période de douze mois [ ( 11 )].»

15.

Il ressort de l’article 4 de ce règlement que «[l]es entreprises conservent les documents commerciaux visés à l’article 1er paragraphe 2 et à l’article 3 pendant au moins trois années, à compter de la fin de l’année de leur établissement» et que «[l]es États membres peuvent prévoir une période plus longue pour la conservation de ces documents».

16.

En vertu de l’article 6 dudit règlement:

«1.   Les États membres s’assurent que les agents chargés des contrôles ont le droit de saisir ou de faire saisir les documents commerciaux. Ce droit s’exerce dans le respect des dispositions nationales en la matière et n’affecte pas l’application de règles relatives à la procédure pénale concernant la saisie de documents.

2.   Les États membres prennent les mesures adéquates pour sanctionner les personnes physiques ou morales qui ne respectent pas les obligations prévues par le présent règlement.»

C – Le règlement no 2988/95

17.

L’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ( 12 ), définit les irrégularités visées par celui-ci comme étant «toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci […] [notamment] par une dépense indue».

18.

L’article 3 de ce règlement prévoit que le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation d’une telle irrégularité, étant toutefois précisé, d’une part, que les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans et, d’autre part, que les États membres conservent la possibilité d’appliquer un délai plus long.

19.

Aux termes de l’article 4, qui figure dans le titre II du règlement no 2988/95, intitulé «Mesures et sanctions administratives»:

«1.   Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu:

par l’obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus

[…]

2.   L’application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l’avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d’intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire.

3.   Les actes pour lesquels il est établi qu’ils ont pour but d’obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l’espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l’avantage, soit son retrait.

4.   Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions.»

20.

L’article 5, paragraphe 1, sous b), qui figure aussi dans ledit titre II, prévoit que les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire aux sanctions administratives énumérées dans ce paragraphe, et notamment au «paiement d’un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, augmentées, le cas échéant, d’intérêts; ce montant complémentaire, déterminé selon un pourcentage à fixer dans les réglementations spécifiques, ne peut dépasser le niveau strictement nécessaire pour lui donner un caractère dissuasif».

III – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

21.

Le Syndicat OP 84, qui est une organisation agricole regroupant 48 producteurs de fruits et légumes dont le siège est établi en France, a mis en œuvre un programme opérationnel couvrant la période allant du 1er juillet 1997 au 31 décembre 1998. À ce titre, il a reçu des aides s’inscrivant dans le cadre du système de financement du FEOGA-Garantie.

22.

Par lettre du 30 mai 2000, le Syndicat OP 84 a été avisé par les autorités nationales compétentes de l’engagement d’un contrôle sur place en application des dispositions du règlement no 4045/89. Toutefois, les opérations de contrôle n’ont pu se dérouler effectivement qu’à partir du 22 janvier 2001 et jusqu’au 24 janvier 2001. La juridiction de renvoi précise que la responsabilité de ce retard d’exécution incombait au syndicat contrôlé.

23.

Ce contrôle a permis de constater que certaines actions pour lesquelles le Syndicat OP 84 prétendait avoir droit à l’aide communautaire n’y étaient pas éligibles en raison de leur caractère purement individuel, comme cela a été admis ultérieurement par ledit syndicat. En outre, il a été établi que les contributions financières des membres du Syndicat OP 84 au fonds opérationnel leur avaient été immédiatement reversées et que de telles modalités d’alimentation de ce fonds n’étaient pas conformes à l’article 15 du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes ( 13 ).

24.

Sur cette base, l’Office national interprofessionnel des fruits et légumes et de l’horticulture (ONIFLHOR) (ci-après l’«ONIFLHOR») a, par lettre du 30 octobre 2001, demandé au Syndicat OP 84 de reverser l’intégralité des sommes perçues au titre des années 1997 et 1998. Il a ensuite émis, le 14 janvier 2003, un titre exécutoire correspondant aux sommes à recouvrer.

25.

Par jugement du 7 novembre 2006, le tribunal administratif de Marseille a annulé le titre exécutoire émis à l’encontre du Syndicat OP 84.

26.

Toutefois, par arrêt du 8 décembre 2008, la cour administrative d’appel de Marseille, d’une part, a annulé ce jugement et, d’autre part, a rejeté les demandes présentées en première instance par le Syndicat OP 84.

27.

Au soutien du pourvoi en cassation qu’il a introduit devant le Conseil d’État, le Syndicat OP 84 a invoqué, notamment, que la cour administrative d’appel aurait commis une erreur de droit en jugeant que l’administration avait pu, sans méconnaître les dispositions de l’article 2 du règlement no 4045/89, engager un contrôle au cours de la période de contrôle comprise entre le 1er juillet 1999 et le 30 juin 2000 et le poursuivre au cours de la période de contrôle comprise entre le 1er juillet 2000 et le 30 juin 2001, au motif que son comportement avait rendu impossible un contrôle effectif au cours de la première période.

28.

Estimant que la réponse à ce moyen posait un problème d’interprétation de dispositions du règlement no 4045/89 déterminant pour la solution du litige mais présentant une difficulté sérieuse, le Conseil d’État a décidé, par arrêt déposé le 2 janvier 2012, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

La période de contrôle comprise entre le 1er juillet d’une année et le 30 juin de l’année suivante mentionnée par le paragraphe 4 de l’article 2 du règlement [no 4045/89] doit-elle s’entendre comme celle au cours de laquelle l’administration chargée du contrôle doit informer l’organisation de producteurs du contrôle qui est envisagé, engager et achever toutes les opérations de contrôle sur place et sur pièces et communiquer les résultats du contrôle, ou comme celle au cours de laquelle certains seulement de ces actes de procédure doivent être effectués?

2)

Dans l’hypothèse où le comportement ou les carences de l’organisation de producteurs rendent impossible la réalisation effective d’un contrôle engagé au cours d’une période de contrôle, l’administration peut-elle, en dépit de l’absence de dispositions expresses en ce sens dans le règlement précité, poursuivre ses opérations de contrôle au cours de la période de contrôle suivante sans entacher la procédure d’une irrégularité dont le contrôlé pourrait se prévaloir à l’encontre de la décision tirant les conséquences des résultats de ce contrôle?

3)

En cas de réponse négative à la question précédente, l’administration peut-elle, lorsque le comportement ou les carences de l’organisation de producteurs rendent un contrôle effectif impossible, exiger le reversement des aides perçues? Une telle mesure constitue-t-elle l’une des sanctions qui peuvent être prévues en application des dispositions de l’article 6 du règlement?»

29.

Des observations écrites ont été fournies à la Cour par l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) (ci-après «FranceAgriMer») ( 14 ), par les gouvernements français et polonais, ainsi que par la Commission. Il n’a pas été tenu d’audience.

IV – Analyse

A – Observations liminaires

30.

Selon une jurisprudence constante de la Cour ( 15 ), désormais consacrée à l’article 4, paragraphe 2, sous d), TFUE, la politique agricole commune (PAC) constitue un domaine où la compétence est partagée entre l’Union européenne et les États membres ( 16 ). À ce titre, les États membres ont conservé des pouvoirs résiduels qui leur permettent de compléter les mesures prises par le législateur de l’Union en la matière.

31.

La compétence des États membres reste donc importante, particulièrement en ce qui concerne le contrôle des moyens financiers qui sont octroyés par l’Union aux fins de mettre en œuvre la PAC. En effet, sachant que des contributions de montants élevés sont fournies à partir du budget de l’Union aux autorités nationales, qui les distribuent ensuite aux agriculteurs et aux autres opérateurs du secteur, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que ces sommes sont utilisées en adéquation avec les finalités définies par la réglementation de l’Union ( 17 ). Ce contrôle est exercé en application des règles nationales, mais sous réserve du respect d’éventuelles dispositions du droit de l’Union en ce domaine. En d’autres termes, le droit national définit les modalités dudit contrôle, les pouvoirs des autorités compétentes et les sanctions applicables, sauf si le législateur de l’Union a adopté des dispositions spéciales à cet égard.

32.

Afin de garantir la bonne exécution de la PAC, et surtout de lutter contre les fraudes pouvant survenir dans ce cadre, le législateur de l’Union a adopté des actes qui instaurent des mesures établissant des cadres uniformes de contrôle. Le règlement no 4045/89, dans la lignée de la directive 77/435/CEE ( 18 ) qu’il a remplacée, a mis en place un système visant à assurer un contrôle régulier des documents commerciaux des entreprises bénéficiaires ou redevables qui ont une forte importance financière dans le cadre du FEOGA-Garantie ou qui présentent d’autres facteurs de risque ( 19 ). À cette fin, ledit règlement définit les opérateurs à contrôler, les périodes de contrôle et les périodes contrôlées, ainsi que les modalités du contrôle. De surcroît, certaines obligations pesant sur les opérateurs sont prévues à titre minimal par le règlement no 4045/89 ( 20 ).

33.

Nonobstant l’existence de ce système commun, les États membres restent libres d’appliquer des mesures de contrôle plus strictes, dans le respect des principes généraux du droit de l’Union. Le caractère minimal des dispositions du droit de l’Union en la matière est expressément affirmé par le deuxième considérant du règlement no 4045/89 qui énonce, d’une part, que le mécanisme de contrôle instauré par celui-ci «complète les autres contrôles effectués par les États membres» ( 21 ) et, d’autre part, que ledit règlement «n’affecte pas les dispositions nationales en matière de contrôle qui sont plus étendues que celles prévues par [celui-ci]». Cette orientation, déjà présente dans le règlement no 729/70 ( 22 ), a été confirmée dans le préambule du règlement no 485/2008 ( 23 ), qui a remplacé le règlement no 4045/89.

34.

Je souligne que le règlement no 4045/89 a pour vocation essentielle de définir les obligations des États membres envers l’Union, et non pas les droits que les entreprises bénéficiaires d’aides auraient vis-à-vis de ces États. Aussi, la problématique soulevée par les questions préjudicielles me paraît résulter d’une prémisse erronée, dans la mesure où elle est dérivée de la considération selon laquelle les dispositions visées auraient pour objectif de limiter, par rapport au droit national applicable, les pouvoirs des autorités compétentes à l’égard des entreprises qui sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle dans le cadre de ce règlement. Plus particulièrement, je considère qu’aucun effet consistant en une prescription ou une forclusion des pouvoirs de contrôle nationaux ne saurait être tiré des dispositions dudit règlement dont l’interprétation est demandée.

35.

Comme cela est souligné par FranceAgriMer et le gouvernement français, la sécurité juridique des entreprises susceptibles de faire l’objet d’un contrôle est garantie par le délai de prescription des poursuites, qui est fixé a minima ( 24 ) à quatre ans par l’article 3 du règlement no 2988/95 ( 25 ). En revanche, je considère que les règles relatives à la durée de conservation des documents commerciaux, qui sont prévues à l’article 4 du règlement no 4045/89, ne relèvent pas d’une telle approche protectrice, car l’objectif de ces règles est clairement de prévoir une obligation que le droit de l’Union fait peser sur les entreprises concernées, sous réserve d’exigences plus strictes existant en droit national à cet égard, et non pas de fixer une période au-delà de laquelle ladite obligation donnerait lieu à une prescription.

B – Sur les première et deuxième questions préjudicielles

36.

Les problématiques soulevées dans les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi étant similaires, je considère qu’il est opportun d’y répondre de façon conjointe.

37.

Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si la notion de «période de contrôle», telle que définie à l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 4045/89, doit être entendue comme celle durant laquelle devraient avoir lieu toutes les étapes du contrôle que constitueraient l’information donnée au bénéficiaire des aides du contrôle envisagé, l’engagement de celui-ci, l’achèvement de toutes les opérations à réaliser tant sur place que sur pièces, ainsi que la communication à l’intéressé des résultats du contrôle, ou bien celle durant laquelle il suffirait que seuls certains de ces actes de procédure soient accomplis. En d’autres termes, la Cour est invitée à déterminer quelles seraient les opérations qui devraient nécessairement être accomplies par les agents chargés du contrôle durant la période comprise entre le 1er juillet de l’année où le contrôle débute et le 30 juin de l’année suivant cette date.

38.

Il est vrai que le libellé de l’article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement no 4045/89, aux termes duquel «[l]a période de contrôle se situe entre le 1er juillet [d’une année] et le 30 juin de l’année suivante», pourrait à première vue apparaître comme plaidant contre une conception extensive de la notion de période de contrôle, puisqu’il n’ouvre pas expressément la possibilité de réaliser des opérations de contrôle au-delà de la fin de cette période, contrairement à la possibilité d’élargir les périodes d’activité pouvant faire l’objet du contrôle qui est ouverte au second alinéa dudit paragraphe ( 26 ).

39.

Nonobstant, je suis d’avis, à l’instar de FranceAgriMer, des gouvernements français et polonais ainsi que de la Commission, que la disposition en question doit être interprétée non pas uniquement au vu de son texte, mais aussi en lien avec le système dans lequel elle s’inscrit et à la lumière des objectifs généraux de celui-ci.

40.

S’agissant de ce dernier point, je rappelle que le règlement no 4045/89 relève d’une série d’actes ayant vocation à assurer un contrôle des opérations liées aux dépenses du FEOGA-Garantie aux fins de protéger les intérêts financiers des Communautés ( 27 ). Il ressort aussi clairement du préambule du règlement no 4045/89 que celui-ci tend à renforcer l’efficacité des contrôles mis à la charge des États membres afin de prévenir et d’éliminer les irrégularités pouvant exister en ce domaine, finalité qu’il convient de privilégier autant que possible lorsqu’il est procédé à une interprétation dudit règlement.

41.

En outre, j’observe que l’article 1er du règlement no 4045/89 prévoit à quelles obligations de contrôle les États membres sont tenus, tandis que les paragraphes 1 et 2 de son article 2 définissent l’étendue de ce contrôle, en précisant les facteurs de sélection des entreprises sur lesquels il doit porter ( 28 ) et en mentionnant l’interaction qui doit exister à cet égard entre les États membres et la Commission.

42.

La formulation dudit article 2 révèle que son objectif est de déterminer la portée d’un système uniforme de contrôle fonctionnant sous la surveillance de la Commission, laquelle est informée chaque année des programmes nationaux de vérifications ainsi que de leurs résultats ( 29 ). Conformément au deuxième considérant du règlement no 4045/89, ledit système n’a pas pour but d’empêcher des États membres d’appliquer leur propres mesures, en allant plus loin que les dispositions de ce règlement, quant au choix des entreprises soumises à un contrôle ou quant à la définition des mesures de contrôle. Ainsi, ledit règlement ne crée pas un droit, dans le chef des entreprises, de n’être contrôlées que selon les modalités qu’il prévoit et pendant un délai prédéfini. En réalité, reconnaître un tel droit à une entreprise bénéficiaire d’une aide financière versée par l’Union serait incompatible avec l’article 325 TFUE relatif à la lutte contre la fraude.

43.

Plus précisément, la finalité de la définition de la «période de contrôle» donnée par l’article 2 du règlement no 4045/89 est, à mon avis, simplement de définir le laps de temps pendant lequel doit être contrôlé l’échantillon des entreprises remplissant les critères définis à ladite disposition. Cette définition ne vise pas à limiter la possibilité pour les autorités nationales d’exercer les compétences qu’elles tirent du droit national avant ou après ladite période. Il s’agit de fixer des échéances souhaitables afin d’assurer le bon déroulement des opérations de vérifications et en vue d’organiser un programme uniformisé d’opérations de contrôle.

44.

L’interprétation de cette notion ne peut donc pas avoir d’impact dans le cadre des contentieux administratifs nationaux qui, comme dans le litige au principal, résultent d’un recours introduit par une entreprise à l’encontre d’une décision prise par une autorité nationale, puisque ce sont les États membres et non de telles personnes qui sont visés par ledit article. Il en irait toutefois différemment si le législateur national avait retranscrit des dispositions du règlement no 4045/89 en droit interne à titre de cadre normatif procurant des droits subjectifs aux entreprises ( 30 ).

45.

Dans le même sens, la Commission indique que l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 4045/89 tend non pas à octroyer des prérogatives aux opérateurs, mais à concilier l’activité des États membres avec le rôle de supervision et de coordination que la Commission doit exercer dans le cadre dudit règlement ( 31 ). Une analyse des travaux préparatoires ( 32 ) confirme qu’un rapport existe entre la formulation de la «période de contrôle» ainsi prévue et les moments auxquels la Commission doit intervenir pour s’assurer que les États membres ont respecté autant que possible le programme des contrôles envisagés, qu’ils doivent lui communiquer en amont de leurs opérations, et le rapport d’application annuel, qu’ils sont censés lui transmettre en aval. Le calendrier des échanges qui est fixé aux articles 9 et 10 du règlement no 4045/89 ( 33 ) explique les dates retenues pour cette période dans ledit article 2, paragraphe 4, à savoir le 1er juillet d’une année et le 30 juin de l’année suivante.

46.

Je me rallie à l’opinion de la Commission selon laquelle cette disposition cherche à garantir une périodicité et une systématicité des «campagnes» de contrôle qui doivent être effectuées par les États membres, et non à imposer une obligation d’obtenir des résultats avant la fin de la période de contrôle. Cependant, il va de soi que les États membres sont tenus de respecter le principe de coopération loyale qui est consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE. Celui-ci implique que les États membres agissent aussi efficacement que possible pour que les contrôles dont ils ont la charge en vertu du règlement no 4045/89 puissent être exécutés conformément aux programmes établis à titre prévisionnel et dans les délais prévus. Il me semble qu’une situation dans laquelle aucun acte de contrôle n’aurait été mis en œuvre auprès de l’entreprise concernée durant la période de contrôle retenue pourrait constituer un manquement de l’État membre concerné au devoir de prendre toute mesure propre à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union.

47.

S’il s’avère que, comme dans le litige au principal, les autorités nationales n’ont pas pu, en dépit de leur diligence, achever leurs vérifications en temps utile, à savoir le 30 juin 2000 en l’occurrence, étant rappelé que le contrôle avait été annoncé le 30 mai 2000, l’État membre peut, à mon avis, tout simplement reporter l’envoi des informations concernant le contrôle en cause, dans le cadre du rapport annuel prévu à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 4045/89, au 1er janvier de l’année qui suit celle prévue en principe, c’est-à-dire ici le 1er janvier 2002 au lieu du 1er janvier 2001 ( 34 ).

48.

Sur un plan purement pratique, FranceAgriMer et les gouvernements intervenants, notamment, ont bien mis en exergue la difficulté matérielle qu’il pourrait y avoir, pour les autorités nationales chargées du contrôle, à effectuer dans un délai qui serait strictement limité à une année l’ensemble des actes et diligences énumérés dans la première question préjudicielle, et ce à l’égard de l’ensemble des entreprises qui en seraient la cible pendant une période de contrôle donnée ( 35 ).

49.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur le point de savoir si l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 4045/89 doit être interprété en ce sens que les autorités compétentes peuvent poursuivre les opérations de contrôle ayant été matériellement engagées au cours d’une période de contrôle pendant la période de contrôle suivante, sans pour autant que cela entache la procédure d’une irrégularité dont l’opérateur contrôlé pourrait se prévaloir à l’encontre de la décision tirant les conséquences des résultats de ce contrôle, et ce dans l’hypothèse particulière où ce sont le comportement ou les carences de cet opérateur qui ont rendu impossible la réalisation matérielle dudit contrôle au cours de la première période de contrôle.

50.

Cette question se différencie de la précédente en ce que la juridiction de renvoi envisage plus précisément les cas où, comme dans le litige au principal, le contrôle n’a pas pu être pleinement réalisé avant l’expiration de la période de contrôle durant laquelle il a été engagé à cause des agissements du bénéficiaire des aides en faisant l’objet.

51.

Dans des circonstances d’empêchement extérieur telles que celles en cause au principal, les opérations de contrôle doivent selon moi a fortiori pouvoir être réalisées même après le 30 juin de l’année suivant celle de leur commencement ou, en d’autres termes, pendant la période de contrôle suivante, étant rappelé que l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 4045/89 fixe non pas un délai à respecter impérativement, mais seulement un calendrier à suivre autant que possible par les États membres.

52.

En effet, si une autre interprétation devait être retenue, le dispositif de contrôle prévu par le règlement no 4045/89 perdrait de son efficacité, alors qu’il a pour objectif essentiel de permettre la récupération des sommes perdues à la suite d’une irrégularité ou d’une négligence, conformément au premier considérant dudit règlement.

53.

J’ajoute que quelle que soit la position retenue par la Cour sur le point précédent, il ne saurait être admis que l’opérateur contrôlé soit susceptible d’échapper à d’éventuelles poursuites grâce à un simple refus de coopérer qui bloquerait les investigations des agents chargés du contrôle ( 36 ). En effet, conformément à l’adage «nemo auditur propriam turpitudinem allegans» dont la Cour a déjà fait application ( 37 ), il est exclu qu’un opérateur puisse se prévaloir d’une prétendue irrégularité dans la procédure de contrôle, irrégularité au demeurant inexistante à mon sens, en invoquant le fait que certaines des opérations ont été effectuées après la fin de la période de contrôle initiale, alors que le report de l’exécution de celles-ci lui est justement imputable. Des carences ou des entraves à des fins dilatoires ne doivent, en aucun cas, être facilitées voire encouragées.

54.

Par conséquent, je considère que l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 4045/89 doit être interprété en ce sens que la notion de «période de contrôle» qu’il contient ne doit pas être entendue comme celle au cours de laquelle toutes les opérations de contrôle devraient être effectuées. Les opérations ayant débuté pendant une période de contrôle, telle que définie par cette disposition, peuvent donc se poursuivre au cours de la période de contrôle suivante si, malgré leur diligence, les autorités compétentes n’ont pas été en mesure de les achever en temps utile. En tout état de cause, même si l’approche que je propose ici n’était pas retenue par la Cour, il ne saurait être admis que le bénéficiaire des aides faisant l’objet du contrôle puisse se plaindre d’une prétendue irrégularité de procédure dans l’hypothèse où c’est en raison de ses propres agissements ou carences qu’il a été impossible de procéder pleinement auxdites opérations pendant la première de ces périodes.

C – Sur la troisième question préjudicielle

55.

La juridiction de renvoi demande à la Cour de se prononcer sur sa troisième question seulement si une réponse négative devait être apportée à sa deuxième question, à savoir au cas où il ne serait pas possible pour les autorités chargées du contrôle de poursuivre leurs opérations au cours de la période de contrôle suivante lorsqu’il a été impossible d’y procéder de façon effective en raison du comportement ou de la carence du bénéficiaire des aides.

56.

En substance, elle souhaite déterminer si, dans un tel cas de figure, ces autorités peuvent exiger de l’opérateur contrôlé, qui s’avère ainsi défaillant, qu’il restitue les aides dont il a bénéficié. En outre, elle s’interroge sur le point de savoir si une telle mesure constitue une sanction au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 4045/89.

57.

Compte tenu de la réponse affirmative qu’il conviendrait selon moi de donner à la deuxième question posée par la juridiction de renvoi, je suis d’avis, à l’instar de FranceAgriMer et du gouvernement français, qu’il n’y a pas lieu de répondre à cette double interrogation, en ce qu’elle est inopérante en ce cas.

58.

Néanmoins, afin de couvrir l’hypothèse où la Cour répondrait par la négative à la précédente question préjudicielle, j’entends formuler les observations suivantes à titre subsidiaire.

59.

S’agissant du premier volet de la troisième question préjudicielle, je considère que les autorités compétentes doivent pouvoir exiger le reversement des aides perçues lorsque, comme cela a été le cas dans le litige au principal, un contrôle effectif a été rendu impossible par les agissements du bénéficiaire de ces aides, peu importe que ceux-ci consistent en des actions, fraudes ou manœuvres dilatoires, ou même en des abstentions, carences ou négligences ( 38 ).

60.

Ainsi que l’a relevé le gouvernement français, la Cour a déjà jugé, dans le contexte de l’interprétation d’autres actes de droit communautaire relatifs à l’agriculture, que lorsqu’il ne peut pas être procédé à un contrôle effectif, il y a lieu de considérer que ce contrôle ne peut pas être effectué du fait du demandeur et la demande d’aide doit dès lors être rejetée, sauf cas de force majeure ( 39 ).

61.

Je partage le point de vue de FranceAgriMer et du gouvernement français selon lequel il incombe aux bénéficiaires d’aides allouées au titre du FEOGA-Garantie de fournir aux autorités chargées de les contrôler tous les éléments utiles aux fins d’établir tant le bien-fondé de l’octroi de ces aides que la régularité des opérations financées par ce biais ( 40 ). À défaut de telles justifications, que ce soit par omission des bénéficiaires ou a fortiori avec intention de leur part ( 41 ), lesdites autorités peuvent légitimement en déduire que les aides en cause ont été indûment perçues et donc ordonner leur restitution.

62.

Je précise que, conformément aux principes généraux du droit, la récupération devrait pouvoir intervenir même si l’opérateur contrôlé n’a pas agi de mauvaise foi, les aides étant réputées indues dès lors que l’intéressé n’est pas en mesure de démontrer que les conditions requises pour les obtenir étaient réunies dans son chef.

63.

Cette solution est commandée par l’impératif de favoriser le bon fonctionnement et l’efficacité des mesures de contrôle prévues par le règlement no 4045/89, et ce dans le but de préserver la viabilité même du système afférent aux opérations financées par le FEOGA-Garantie.

64.

S’agissant du deuxième volet de la troisième question préjudicielle, il m’apparaît que la restitution des aides perçues qui intervient dans un tel contexte ne relève pas des dispositions de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 4045/89, aux termes duquel les États membres prennent les mesures adéquates pour sanctionner les personnes physiques ou morales qui ne respectent pas les obligations prévues par ledit règlement.

65.

En ce sens, le gouvernement polonais souligne, à juste titre, que le droit de l’Union opère une distinction entre les mesures consistant à devoir rembourser un avantage indûment obtenu et les sanctions susceptibles d’être infligées consécutivement à des irrégularités survenues de façon volontaire ou du fait d’un défaut de vigilance.

66.

En particulier, le règlement no 2988/95, qui s’inscrit dans le même registre normatif que le règlement no 4045/89 et pose des principes généraux dont il convient de tenir compte ici ( 42 ), établit clairement, dans son titre II, une différence entre les «mesures» et les «sanctions administratives» qui peuvent être consécutives à une atteinte portée aux intérêts financiers des Communautés. Selon l’article 4, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, toute «irrégularité» ( 43 ) entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu, notamment moyennant l’obligation de rembourser les montants indûment perçus, éventuellement augmentés des intérêts prévus. Le paragraphe 4 de cet article indique expressément que «les mesures prévues par [cet] article ne sont pas considérées comme des sanctions». En revanche, l’article 5 du règlement no 2988/95 énumère les «sanctions administratives» auxquelles peuvent conduire des irrégularités intentionnelles ou causées par négligence, telles que le paiement d’une amende administrative, ou le paiement d’un montant complémentaire à fixer au prorata des sommes indûment perçues, augmentées, le cas échéant, d’intérêts ( 44 ).

67.

Comme le mettent en exergue FranceAgriMer ainsi que les gouvernements français et polonais, il ressort également d’une jurisprudence constante de la Cour que ne constitue pas une sanction l’obligation de restituer les avantages indûment tirés de la réglementation communautaire. Une telle obligation est simplement la conséquence nécessaire du constat, fait par les autorités compétentes, que les conditions requises pour obtenir l’avantage offert par le droit de l’Union apparaissent ne pas avoir été remplies en réalité ( 45 ).

68.

Cette approche doit être aussi retenue en ce qui concerne la différenciation à faire entre, d’une part, l’obligation de reverser des aides perçues sans fondement et, d’autre part, les sanctions prévues à l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 4045/89. L’irrégularité, même simplement apparente, de l’opération qui a été financée grâce à des aides ainsi perçues confère à celles-ci un caractère indu, ce qui justifie qu’elles soient restituées par le bénéficiaire contrôlé, sans pour autant que cette réparation revête les attributs d’une sanction administrative d’ordre pécuniaire. Je précise que cela vaut même si l’ordre de restitution est donné à titre de conséquence tirée du seul fait que l’intéressé n’a pas communiqué les pièces qui avaient été requises par les autorités compétentes aux fins de pouvoir vérifier que les conditions de l’octroi de l’aide en cause étaient réunies.

69.

La régularisation imposée dans un tel contexte a, selon moi, pour finalité principale de remédier au préjudice financier subi par le FEOGA-Garantie et donc par le budget général de l’Union ( 46 ), mais aussi de rétablir une juste concurrence entre l’opérateur ayant obtenu un avantage de façon irrégulière et les opérateurs n’en ayant quant à eux pas indûment tiré profit ( 47 ). Dans cette perspective, il incombe aux autorités nationales compétentes, agissant pour le compte de l’Union, de procéder à la récupération de soutiens financiers communautaires ayant été octroyés dans des conditions considérées comme irrégulières, sans même qu’elles aient de pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’exiger ou non cette restitution ( 48 ).

70.

L’interdiction de l’enrichissement sans cause, dont la Cour a itérativement fait usage dans sa jurisprudence ( 49 ) et qu’elle a consacrée comme principe général du droit de l’Union ( 50 ), milite également en ce sens. Il est indéniable qu’une personne qui a bénéficié d’un avantage financier sans justifier d’un fondement juridique à cet égard doit impérativement restituer les sommes perçues, jusqu’à concurrence de la perte subie, en l’occurrence, par l’Union ( 51 ).

71.

Afin d’être exhaustif, je précise qu’une sanction, au sens de l’article 6 du règlement no 4045/89, pourrait intervenir en sus d’une telle exigence de régularisation ( 52 ). Cependant, conformément aux principes généraux du droit de l’Union que sont la légalité et la proportionnalité des pénalités ( 53 ), une telle sanction ne pourrait être infligée à l’opérateur contrôlé que sous réserve que des dispositions spécifiques aient été prises à cette fin en droit de l’Union ou en droit national ( 54 ) et que la sanction retenue soit en adéquation avec le manquement à des obligations résultant du règlement no 4045/89.

72.

Au contraire, l’obligation de rembourser une aide ayant été perçue dans des conditions irrégulières doit être conçue comme étant le résultat direct et immédiat du caractère indu de celle-ci, dont le constat constitue un fondement juridique suffisant en soi.

73.

Je considère donc que, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il serait répondu par la négative à la deuxième question, il conviendrait de répondre à la troisième question, d’une part, que lorsque le comportement ou les carences de l’opérateur contrôlé ont rendu impossible un contrôle effectif, les autorités nationales compétentes peuvent exiger la restitution des aides perçues, dès lors que dans un tel contexte ces autorités n’ont pas été en mesure de vérifier que les conditions requises pour l’octroi de ces aides étaient réunies, et, d’autre part, que cette demande de restitution ne constitue pas une sanction au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 4045/89.

V – Conclusion

74.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par le Conseil d’État:

L’article 2, paragraphe 4, du règlement (CEE) no 4045/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie», et abrogeant la directive 77/435/CEE, ne saurait être interprété en ce sens que toutes les opérations de contrôle devraient être effectuées durant la «période de contrôle», définie par cette disposition comme «se situ[ant] entre le 1er juillet d’une année et le 30 juin de l’année suivante», mais doit être interprété en ce sens que des opérations engagées pendant une période de contrôle peuvent se poursuivre au cours de la période suivante. En tout état de cause, l’opérateur contrôlé ne saurait se prévaloir d’une quelconque irrégularité de procédure à l’encontre de la décision tirant les conséquences du contrôle ainsi mené, lorsque ce sont ses propres agissements ou carences qui ont rendu impossible la réalisation de ce contrôle au cours de la première desdites périodes.

Il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question préjudicielle.

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où une réponse négative serait apportée à la question précédente, il conviendrait de répondre à la troisième question que lorsque les autorités compétentes n’ont pas été en mesure d’opérer un contrôle effectif en raison du comportement ou de la carence du bénéficiaire d’aides versées dans le cadre des opérations financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie», lesdites autorités peuvent exiger la restitution de ces aides dont il n’a pas pu être établi qu’elles étaient dues, sans qu’une telle mesure puisse être qualifiée de sanction au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 4045/89.


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) JO L 388, p. 18. Ce règlement, modifié à plusieurs reprises, a été codifié et abrogé le 22 juin 2008 par le règlement (CE) no 485/2008 du Conseil, du 26 mai 2008, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen agricole de garantie (JO L 143, p. 1, spécialement considérant 1 et annexe I).

( 3 ) Voir, notamment, premier, troisième et cinquième considérants du règlement no 4045/89.

( 4 ) Cette problématique est distincte, bien que voisine, de celle faisant l’objet des affaires jointes Viniflhor (C‑671/11 à C‑676/11), pendantes devant la Cour, dans lesquelles la même juridiction de renvoi souhaite que la Cour lui indique de quelle façon un État membre peut mettre en œuvre la faculté, ouverte par l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 4045/89, d’étendre la période contrôlée – c’est-à-dire celle sur laquelle portera le contrôle – «pour des périodes […] précédant ou suivant la période de douze mois» que cet État définit, cette question étant posée compte tenu notamment de la notion de «période de contrôle» qui est visée dans la présente affaire.

( 5 ) La première période s’étendant en l’occurrence du 1er juillet 1999 au 30 juin 2000, celle qui lui succède allant du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001.

( 6 ) Il ressort des questions préjudicielles que la juridiction a quo se demande plus précisément si, durant cette période, les autorités compétentes seraient tenues d’avoir à la fois avisé l’opérateur concerné du contrôle envisagé, engagé le contrôle, effectué toutes les opérations nécessaires sur place, exploité les pièces justificatives obtenues et communiqué les résultats de leur contrôle.

( 7 ) Dans son rapport annuel sur la protection des intérêts financiers des Communautés et la lutte contre la fraude [COM (2001) 255 final, p. 8 et 88], la Commission européenne a relevé qu’en 2000, les fraudes et irrégularités constatées par les États membres au titre des dépenses du FEOGA-Garantie se sont élevées à 474,5 millions d’euros, soit 1,17 % du budget FEOGA.

( 8 ) JO L 94, p. 13.

( 9 ) Disposition dans sa rédaction telle qu’issue du règlement (CE) no 3094/94 du Conseil, du 12 décembre 1994, modifiant le règlement no 4045/89 (JO L 328, p. 1).

( 10 ) Idem. Selon le deuxième considérant du règlement no 3094/94, «il conv[enait] de modifier les modalités de sélection des entreprises à contrôler, prévues à l’article 2 [du règlement no 4045/89], afin [notamment] d’offrir aux États membres une plus grande souplesse dans la sélection des entreprises».

( 11 ) Idem.

( 12 ) JO L 312, p. 1.

( 13 ) JO L 297, p. 1.

( 14 ) FranceAgriMer est l’établissement qui est venu aux droits de l’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture (VINIFLHOR), venant lui-même aux droits de l’ONIFLHOR.

( 15 ) Voir, notamment, arrêts cités dans la note en bas de page 11 de mes conclusions du 6 février 2013 dans l’affaire Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou (C‑373/11), pendante devant la Cour.

( 16 ) Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, TFUE, «[l]orsque les traités attribuent à l’Union une compétence partagée avec les États membres dans un domaine déterminé, l’Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ce domaine».

( 17 ) De même, le huitième considérant du règlement no 729/70 indiquait que les vérifications faites par des agents de la Commission devaient intervenir seulement «en complément des contrôles que les États membres effectuent de leur propre initiative et qui demeurent essentiels».

( 18 ) Directive du Conseil du 27 juin 1977 relative aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section «garantie» (JO L 172, p. 17). Le troisième considérant du règlement no 4045/89 indique que celui-ci tend à encourager les États membres à renforcer les contrôles de documents commerciaux qu’ils effectuaient jusqu’alors dans le cadre de ladite directive.

( 19 ) Voir sixième considérant et article 2, paragraphe 1, du règlement no 4045/89.

( 20 ) Ainsi, l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement autorise les États membres à formuler davantage d’exigences en la matière.

( 21 ) L’article 2, paragraphe 5, du règlement no 4045/89 précise que «[l]es contrôles effectués en application [de ce] règlement ne préjugent pas des contrôles effectués conformément à l’article 6 du règlement (CEE) no 283/72 [du Conseil, du 7 février 1972, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine (JO L 36 p. 1)], ni de ceux effectués conformément à l’article 9 du règlement [no 729/70]».

( 22 ) L’article 9, paragraphe 2, du règlement no 729/70 énonçait que les contrôles prévus par celui-ci devaient intervenir «[s]ans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales».

( 23 ) Le considérant 3 reproduit en substance le libellé du deuxième considérant du règlement no 4045/89, avec toutefois une adaptation terminologique, le FEOGA-Garantie ayant été remplacé par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) à compter du 1er janvier 2007.

( 24 ) Voir arrêt du 24 juin 2004, Handlbauer (C-278/02, Rec. p. I-6171, point 40), s’agissant de la fonction d’assurer la sécurité juridique remplie par cette règle de prescription et toutes autres de même type, et arrêt du 22 décembre 2010, Corman (C-131/10, Rec. p. I-14199, point 54), s’agissant du caractère minimal de la prescription fixée par ladite disposition.

( 25 ) Selon cet article, ladite durée est d’au moins trois années, mais les États membres peuvent prévoir une période plus longue.

( 26 ) Ce second alinéa, tel qu’il résulte du règlement no 3094/94, définit ainsi les périodes d’activité d’un opérateur qui peuvent faire l’objet du contrôle: «[l]e contrôle porte sur une période d’au moins douze mois s’achevant au cours de la période de contrôle précédente; il peut être étendu pour des périodes, à déterminer par l’État membre, précédant ou suivant la période de douze mois». Il s’agit là d’un autre type de période, qui est qualifiée de «période contrôlée» par la même juridiction de renvoi dans les affaires pendantes Viniflhor, précitées.

( 27 ) En particulier, ce règlement doit être mis en perspective avec le règlement no 2988/95, lequel, comme la Cour l’a rappelé au point 33 de son arrêt du 5 juin 2012, Bonda (C‑489/10), «fixe un cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques communautaires» et indique quelles sont les suites à donner aux «irrégularités», telles que définies par l’article 1er, paragraphe 2, de ce dernier règlement.

( 28 ) À cet égard, je souligne que ledit règlement n’impose pas que toutes les entreprises visées soient contrôlées pendant la «période de contrôle» mentionnée à son article 2, paragraphe 4. Il fixe seulement les critères quantitatifs et qualitatifs qui encadrent l’obligation de contrôle pesant sur chaque État membre.

( 29 ) Une obligation d’information similaire résultait de l’article 8, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 729/70.

( 30 ) Tel est le cas, par exemple, dans les articles R. 622-49 et R. 622-50 du Code rural français.

( 31 ) Voir dixième considérant dudit règlement.

( 32 ) Dans la proposition initiale [COM(89) 290 final], l’article 2, paragraphe 4, était rédigé comme dans la version finale du règlement no 4045/89, mais, dans la proposition modifiée [COM(89) 623 final], il était énoncé que «[l]a période de contrôle se situe entre le 1er juillet et le 30 juin de l’année suivante. Un État membre peut commencer à effectuer des contrôles avant le 1er juillet dès que la Commission a communiqué son accord au programme prévisionnel visé à l’article 10 du présent règlement» (souligné par mes soins).

( 33 ) L’article 10, paragraphes 1 à 3, prévoit que, chaque année, avant le 15 avril, les États membres établissent le programme prévisionnel des contrôles qu’ils vont effectuer au cours de la période de contrôle suivante et le communiquent à la Commission, qui doit l’examiner dans un délai de six semaines au maximum. L’article 9, paragraphe 1, dispose que «[a]vant le 1er janvier suivant la période de contrôle, les États membres communiquent à la Commission un rapport détaillé sur l’application du présent règlement» (souligné par mes soins).

( 34 ) La Commission relève à juste titre que l’annexe II, point 4, sous g), du règlement (CE) no 1863/90 de la Commission, du 29 juin 1990, portant modalités d’application du règlement no 4045/89 (JO L 170, p. 23), tel que modifié par le règlement (CE) no 2992/95 de la Commission, du 19 décembre 1995 (JO L 312, p. 11), envisage explicitement la possibilité de finaliser des contrôles ayant eu lieu lors d’une période précédant celle couverte par un rapport annuel adressé par un État membre, puisque cette disposition se réfère aux «résultats des contrôles, effectués au titre de la période de contrôle précédant celle couverte par le présent rapport, dont les résultats n’étaient pas disponibles lors de la communication du rapport correspondant à cette période».

( 35 ) Comme le met en exergue le gouvernement polonais, les circonstances propres à un contrôle peuvent nécessiter que les opérations engagées au cours d’une période de contrôle initiale se poursuivent au-delà du terme de celle-ci, notamment en cas de constatation d’irrégularités qui requerraient davantage d’investigations ou en cas d’attente des résultats de contrôles croisés qui seraient réalisés à une échelle nationale voire transfrontière.

( 36 ) Dans le litige au principal, il apparaît, selon les indications données par FranceAgriMer, que le Syndicat OP 84 a retardé les opérations de contrôle sur place en demandant à plusieurs reprises le report des rendez-vous fixés et en ne fournissant pas les pièces requises par lesdits agents.

( 37 ) Ainsi, l’avocat général Reischl avait souligné, aux p. 3185 et 3186 de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 décembre 1981, de Hoe/Commission (151/80, Rec. p. 3161), qu’un candidat «ne saurait en aucun cas obtenir ultérieurement l’annulation de la procédure de nomination à laquelle il a participé en invoquant des irrégularités imputables à son propre comportement» (voir, également, points 18 et 19 dudit arrêt). Au point 13 de l’arrêt du 9 février 1984, Kohler/Cour des comptes (316/82 et 40/83, Rec. p. 641), la Cour a aussi relevé que le fait d’«accepter l’argumentation de la Cour des comptes reviendrait à lui permettre de se prévaloir d’une violation, qu’elle a elle-même commise».

( 38 ) À cet égard, je rappelle que le premier considérant du règlement no 4045/89, qui reprend les dispositions du septième considérant et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 729/70, prévoit que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour récupérer les sommes perdues à la suite non seulement «d’irrégularités» mais aussi «de négligences».

( 39 ) Arrêt du 13 décembre 2001, Nilsson (C-131/00, Rec. p. I-10165, point 32). En l’occurrence, le contrôle avait été impossible à cause de l’absence totale de tenue du registre des animaux par un exploitant.

( 40 ) Voir, en ce sens, septième considérant de la décision de renvoi.

( 41 ) Je précise qu’il ressort des huitième et neuvième considérants de la décision de renvoi que, dans le litige au principal, l’ordre de restitution des aides perçues a été basé non seulement sur l’obstruction faite par le Syndicat OP 84, qui n’a pas fourni les pièces justificatives demandées par les autorités de contrôle, mais aussi, par ailleurs, sur un défaut d’éligibilité à ces aides et sur une irrégularité relevée dans l’alimentation du fonds opérationnel concerné.

( 42 ) L’arrêt du 21 juillet 2011, Beneo-Orafti (C-150/10, Rec. p. I-6843, point 69 et jurisprudence citée) rappelle que, «dans le domaine des contrôles et des sanctions des irrégularités commises en droit de l’Union, le législateur de l’Union a, en adoptant le règlement no 2988/95, posé une série de principes généraux et exigé que, en règle générale, l’ensemble des règlements sectoriels respectent ces principes».

( 43 ) La définition de cette notion donnée à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 2988/95 a été précisée par l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1848/2006 de la Commission, du 14 décembre 2006, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune, ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine, et abrogeant le règlement (CEE) no 595/91 du Conseil (JO L 355, p. 56).

( 44 ) L’article 5, paragraphe 1, sous b), dudit règlement précise que ce montant réglé, à titre de sanction, en sus de la restitution des sommes indûment perçues, d’une part, doit être déterminé selon un pourcentage à fixer dans des réglementations spécifiques et, d’autre part, ne peut dépasser le niveau strictement nécessaire pour lui donner un caractère dissuasif.

( 45 ) Voir, notamment, point 269 de l’arrêt du 8 mai 2003, Espagne/Commission (C-349/97, Rec. p. I-3851), suivant lequel «les corrections appliquées en l’espèce ne sauraient être regardées comme des sanctions, mais elles constituent la conséquence nécessaire de l’illégalité des versements effectués par le Royaume d’Espagne», ainsi que point 28 de l’arrêt du 4 juin 2009, Pometon (C-158/08, Rec. p. I-4695), suivant lequel «l’obligation de restituer un avantage indûment perçu au moyen d’une pratique irrégulière […] ne constitue pas une sanction, mais est la simple conséquence de la constatation que les conditions requises pour l’obtention de l’avantage résultant de la réglementation communautaire ont été artificiellement créées, rendant indu l’avantage perçu et justifiant, dès lors, l’obligation de le restituer». Voir, également, arrêt Beneo-Orafti, précité (point 70).

( 46 ) Conformément aux dispositions de l’article 1er du règlement no 2988/95.

( 47 ) Voir, par analogie, l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 8 juin 1995, Siemens/Commission (T-459/93, Rec. p. II-1675), qui indique, à ses points 96 et 97, que le remboursement d’une aide d’État illégale tend à rétablir la situation antérieure au versement de celle-ci, ce qui suppose l’élimination de tous les avantages financiers en résultant, dès lors qu’ils créent une distorsion de concurrence.

( 48 ) Voir, en ce sens, point 30 de l’arrêt du 6 mai 1982, BayWa e.a. (146/81, 192/81 et 193/81, Rec. p. 1503), aux termes duquel «[u]ne interprétation contraire [de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 729/70] aurait pour effet de compromettre l’égalité de traitement entre les opérateurs économiques des différents États membres et l’application du droit communautaire qui, dans la mesure du possible, doit demeurer uniforme dans toute la Communauté».

( 49 ) Voir, notamment, arrêts du 4 avril 1960, Mannesmann e.a./Haute Autorité (4/59 à 13/59, Rec. p. 241), ainsi que du 11 juillet 1968, Danvin/Commission (26/67, Rec. p. 463, spécialement p. 474).

( 50 ) Dans l’arrêt du 10 juillet 1990, Grèce/Commission (C-259/87, Rec. p. I-2845), la Cour a jugé, s’agissant de montants versés au FEOGA, qu’un enrichissement sans cause, dans le chef de la Communauté, serait contraire aux principes généraux du droit communautaire.

( 51 ) Voir, par analogie, au sujet d’une personne ayant subi une perte améliorant le patrimoine d’une autre personne sans qu’il y ait un quelconque fondement juridique à cet enrichissement, arrêts du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission (C-47/07 P, Rec. p. I-9761, point 44), et du 21 janvier 2010, van Dijk (C-470/08, Rec. p. I-603, point 41).

( 52 ) Voir, également, point 29 de l’arrêt Pometon, précité, aux termes duquel, «[d]e même, l’importateur qui s’est irrégulièrement placé sous le régime du perfectionnement actif et en a bénéficié en créant artificiellement les conditions requises pour son application est tenu d’acquitter les droits afférents aux produits concernés, sans préjudice, le cas échéant, des sanctions administratives, civiles ou pénales prévues par la législation nationale» (souligné par mes soins).

( 53 ) Cette double exigence est rappelée à l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2988/95, dont la teneur est susmentionnée.

( 54 ) S’agissant des sanctions administratives prévues par le règlement no 2988/95, voir arrêt du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a. (C-367/09, Rec. p. I-10761, point 43), ainsi que points 35 et suiv. des conclusions de l’avocat général Kokott dans cette affaire .

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