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Document 62011TJ0566

Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 23 octobre 2013.
Viejo Valle, SA contre Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).
Dessin ou modèle communautaire - Procédure de nullité - Dessins ou modèles communautaires enregistrés représentant une tasse et une sous-tasse avec des stries et une assiette creuse avec des stries - Motif de nullité - Utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre - Article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) nº 6/2002.
Affaires T-566/11 et T-567/11.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2013:549

Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans les affaires T-566/11 et T-567/11,

Viejo Valle, SA, établie à L’Olleria (Espagne), représentée par M e  I. Temiño Ceniceros, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M me  V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie aux procédures devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Établissements Coquet, établis à Saint-Léonard-de-Noblat (France), représentés par M e  C. Bouchenard, avocat,

ayant pour objet des recours formés contre les décisions de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 29 juillet 2011 (affaires R 1054/2010-3 et R 1055/2010-3), relatives à des procédures de nullité entre les Établissements Coquet et Viejo Valle, SA,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 31 octobre 2011,

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal le 9 mars 2012,

vu les mémoires en réponse de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal le 16 février 2012,

vu la demande de jonction des affaires T-566/11 et T-567/11 présentée par la requérante,

vu les observations de l’OHMI et de l’intervenante sur la jonction des affaires T-566/11 et T-567/11,

vu la réattribution des affaires à la deuxième chambre et à un nouveau juge rapporteur,

vu les décisions du 26 février 2013 rejetant les demandes de suspension des procédures introduites par la requérante,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture des procédures écrites et ayant alors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Antécédents du litige

1. La requérante, Viejo Valle, SA, est titulaire des dessins ou modèles communautaires enregistrés sous les numéros 384912-0001 et 384912-0009, lesquels ont été déposés le 9 août 2005 à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et publiés au Bulletin des dessins et modèles communautaires le 18 octobre 2005 (ci-après les « dessins ou modèles contestés »).

2. Les dessins ou modèles contestés s’appliquent, selon les termes des demandes de dessin ou modèle, à des éléments de vaisselle et sont représentés comme suit :

– s’agissant du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 384912-0001 :

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– s’agissant du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 384912-0009 :

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3. Le 30 septembre 2008, l’intervenante, les Établissements Coquet, a présenté devant l’OHMI des demandes en nullité des dessins ou modèles contestés. Ces demandes en nullité étaient fondées sur l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) nº 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1)

4. À l’appui de ses demandes en nullité, l’intervenante a invoqué à l’encontre des dessins ou modèles contestés deux pièces de vaisselle, à savoir, respectivement, une tasse et sa sous-tasse (s’agissant du dessin ou modèle enregistré sous le numéro 384912-0001) et une assiette creuse (s’agissant du dessin ou modèle enregistré sous le numéro 384912-0009), appartenant à sa collection « Hémisphère », modèle « Satin », pour lesquelles l’intervenante revendiquait une protection au titre du droit d’auteur selon le droit français.

5. L’intervenante a joint à ses demandes en nullité les photographies suivantes :

– s’agissant de la demande en nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 384912-0001 :

>image>3

– s’agissant de la demande en nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 384912-0009 :

>image>4

6. Par décisions du 7 avril 2010, la division d’annulation a déclaré la nullité des dessins ou modèles contestés, sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 6/2002.

7. Le 10 juin 2010, la requérante a formé des recours auprès de l’OHMI contre les décisions de la division d’annulation.

8. Par deux décisions du 29 juillet 2011 (affaires R 1054/2010-3 et R 1055/2010-3) (ci-après les « décisions attaquées »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours de la requérante.

9. Premièrement, la chambre de recours a considéré que la position de la requérante, selon laquelle l’intervenante n’avait pas suffisamment identifié l’œuvre protégée et ne satisfaisait donc pas aux conditions de l’article 28, paragraphe 1), sous b), iii), du règlement (CE) nº 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement nº 6/2002 (JO L 341, p. 28), était manifestement non fondée.

10. Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que l’affirmation de la requérante selon laquelle l’intervenante n’avait pas produit les informations démontrant qu’elle était titulaire d’un droit d’auteur n’était pas fondée.

11. Troisièmement, la chambre de recours a examiné la position de la requérante selon laquelle les éléments de vaisselle invoqués par l’intervenante au soutien de ses demandes en nullité n’étaient pas protégeables par le droit d’auteur, mais étaient des créations industrielles ne pouvant être protégées que par la réglementation des dessins et modèles.

12. En premier lieu, la chambre de recours a relevé que les œuvres invoquées par l’intervenante n’étaient pas les éléments de vaisselle eux-mêmes (tasse et sa sous-tasse et assiette creuse), mais les stries décoratives présentes sur les parois de ces éléments. L’intervenante aurait toujours indiqué de manière claire qu’elle ne reprochait pas à la requérante l’utilisation des formes des éléments de vaisselle, mais l’utilisation de la décoration figurant sur ces éléments, laquelle décoration serait protégeable comme œuvre de l’esprit.

13. En second lieu, la chambre de recours a relevé que l’intervenante avait démontré que le caractère industriel d’une œuvre, invoqué par la requérante, ne constituait pas un motif de refus de protection au titre du droit d’auteur.

14. L’œuvre consisterait en la décoration des éléments de vaisselle, par l’application d’un motif de stries fines, parallèles et concentriques, de la même épaisseur et non discontinues, sur l’ensemble de la partie extérieure de la tasse et la quasi-totalité des faces internes de la sous-tasse et de l’assiette creuse, sauf le rond central. Cette décoration permettrait de distinguer ces pièces de vaisselle et leur conférerait un caractère suffisamment original pour justifier leur protection juridique selon le droit français.

15. La chambre de recours a relevé que la requérante n’avait pas explicité les motifs pour lesquels cette décoration ne pourrait pas relever du droit d’auteur. La requérante évoquerait une absence de caractère « artistique », mais cela ne constituerait pas un critère pertinent. Elle évoquerait l’absence d’originalité, mais sans rapporter de preuve à cet égard.

16. La chambre de recours a considéré que, en définitive, la finition superficielle des éléments de vaisselle invoquée par l’intervenante entrait dans la catégorie des créations de l’esprit capables de refléter la personnalité de leur auteur et qu’elle était, à ce titre, protégée par la législation française sur le droit d’auteur.

17. Quatrièmement, la chambre de recours a examiné les arguments de la requérante relatifs à l’utilisation, dans le cadre du système communautaire des dessins ou modèles, de l’œuvre protégée, arguments selon lesquels, d’une part, la comparaison des éléments de vaisselle en cause, dans leur ensemble, révélait de grandes différences entre eux et, d’autre part, il convenait également de tenir compte du degré de liberté du créateur.

18. La chambre de recours a relevé que ces arguments concernaient une autre cause de nullité, prévue à l’article 6 du règlement nº 6/2002, que celle invoquée. Pour examiner la cause de nullité invoquée en l’espèce, il ne serait pas nécessaire de comparer les éléments de vaisselle dans leur globalité, mais seulement de déterminer s’il y a utilisation d’une œuvre protégée par un droit d’auteur dans les dessins ou modèles contestés. Les différences de formes entre ces éléments de vaisselle seraient dénuées de pertinence. En revanche, ce qui serait pertinent, c’est que, dans les dessins ou modèles contestés, on remarquerait clairement, en premier lieu, la présence de l’œuvre protégée, à savoir le même modèle de stries, et, en second lieu, le fait que ces stries couvrent les mêmes parties des pièces de vaisselle. Ce serait précisément dans la somme de ces deux caractéristiques que se manifesterait le contenu créatif de l’œuvre antérieure qui aurait été reproduite – ou « utilisée » – sans autorisation, dans les dessins ou modèles contestés.

19. La chambre de recours a, en conséquence, rejeté les recours de la requérante.

Conclusions des parties

20. La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– déclarer recevables les annexes jointes aux requêtes ;

– annuler les décisions attaquées ;

– condamner l’OHMI aux dépens.

21. L’OHMI conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– déclarer irrecevables les annexes B 7 à B 14 jointes à la requête dans l’affaire T-566/11 et les annexes B 7 à B 15 jointes à la requête dans l’affaire T-567/11 ;

– rejeter les recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

22. L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– déclarer irrecevables les annexes B 7 à B 14 jointes à la requête dans l’affaire T-566/11 et les annexes B 7 à B 17 jointes à la requête dans l’affaire T-567/11 ;

– rejeter les recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

23. Au vu de la demande de jonction déposée par la requérante et des observations des autres parties, il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, en application de l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal. 

24. La requérante invoque divers moyens et arguments, qui peuvent être résumés comme suit.

25. Dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii) du règlement nº 2245/2002, la requérante fait valoir, en substance, que l’intervenante n’aurait pas présenté les informations requises concernant les œuvres protégées.

26. La requérante prolonge les développements de ce premier moyen par l’affirmation qu’il n’y aurait pas de droit d’auteur en raison d’une divulgation antérieure des œuvres et de leur absence d’originalité.

27. Dans le cadre du second moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 6/2002, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours aurait considéré à tort que les dessins ou modèles contestés comportaient une utilisation non autorisée des œuvres de l’intervenante.

28. Il convient, d’emblée, de se prononcer sur la recevabilité et, le cas échéant, la pertinence, de certaines pièces produites par la requérante en annexe à ses requêtes et à ses demandes de suspension.

Sur la recevabilité et la pertinence de certaines pièces produites en annexes aux requêtes et aux demandes de suspension

29. La requérante a produit, pour la première fois devant le Tribunal, des documents tirés de sites Internet d’autres entreprises du secteur de la vaisselle, de musées ou de journaux (annexes B 7 à B 14 de la requête dans l’affaire T-566/11 ; annexes B 7 à B 17 de la requête dans l’affaire T-567/11), desquels il ressortirait, selon elle, que d’autres entreprises avant l’intervenante auraient recouru à une décoration d’articles de vaisselle par l’application de fines stries concentriques sur les surfaces extérieures de ces articles et que cette décoration ne serait nullement originale, mais serait une pratique ayant eu cours à toutes les époques.

30. La requérante en a déduit que l’intervenante n’aurait, en réalité, aucun droit d’auteur sur les œuvres invoquées au soutien de ses demandes en nullité.

31. Par ailleurs, dans ses demandes de suspension des 3 décembre 2012 et 8 janvier 2013, la requérante a produit deux jugements de juridictions françaises, de novembre et de décembre 2012. Dans ceux-ci, deux juridictions françaises, chacune saisie par l’intervenante d’une action en contrefaçon à l’encontre de tiers portant sur les mêmes œuvres que celles revendiquées par l’intervenante en l’espèce, ont considéré que l’intervenante ne jouissait pas d’un droit d’auteur sur ces œuvres.

32. La requérante en a déduit que le motif de nullité invoqué à son égard par l’intervenante devant l’OHMI disparaissait et qu’il conviendrait, dès que lesdits jugements nationaux auraient acquis un caractère définitif, de faire droit aux présents recours et d’annuler les décisions attaquées.

33. L’OHMI et l’intervenante contestent la recevabilité des pièces produites par la requérante devant le Tribunal et la position de la requérante.

34. S’agissant, d’abord, des pièces produites par la requérante en annexes B 7 à B 14 de la requête dans l’affaire T-566/11 et en annexes B 7 à B 17 de la requête dans l’affaire T-567/11, il convient de relever qu’elles constituent des éléments nouveaux, dont la chambre de recours ne disposait pas.

35. Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 61 du règlement nº 6/2002, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probatoire [arrêts du Tribunal du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T-9/07, Rec. p. II-981, point 24, et du 13 novembre 2012, Antrax It /OHMI – THC (Radiateurs de chauffage), T-83/11 et T-84/11, point 28 ; voir également, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T-165/06, Rec. p. II-1375, points 21 et 22, et la jurisprudence citée].

36. S’agissant, ensuite, des jugements de juridictions françaises produits en annexes aux demandes de suspension, il convient de relever qu’ils constituent, eux aussi, des pièces nouvelles dont l’OHMI ne disposait pas. La circonstance que ces jugements sont ultérieurs aux décisions attaquées ne change rien à cette constatation.

37. Cela étant, la possibilité de se référer pour la première fois devant le Tribunal à des jugements nationaux n’est pas exclue par la jurisprudence rappelée au point 35 ci-dessus, lorsqu’il ne s’agit pas de reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans un arrêt national précis, mais d’avoir violé une disposition du règlement nº 6/2002 et d’invoquer la jurisprudence nationale à l’appui de ce moyen [voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 12 mars 2008, Sebirán/OHMI – El Coto De Rioja (Coto D’Arcis), T-332/04, non publié au Recueil, point 56 ; du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sanchez et Ricote Saugar (BOOMERANG TV ), T-420/03, Rec. p. II-837, point 37, et du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge), T-270/06, Rec. p. II-3117, points 23 à 25].

38. Il résulte de ce qui précède que, si les jugements de juridictions françaises produits en annexes aux demandes de suspension sont clairement irrecevables s’agissant des éléments de fait qu’ils évoquent et dont la chambre de recours ne disposait pas, ils ne sont pas irrecevables s’il s’agit pour la requérante de reprocher à la chambre de recours d’avoir violé une disposition du droit de l’Union européenne.

39. En l’espèce, la requérante a produit ces jugements au soutien d’un unique argument, selon lequel « dans la mesure où un tribunal national a rejeté l’existence d’un quelconque droit de propriété intellectuelle sur les produits utilisés par [l’intervenante] comme bases de ses demandes en nullité, […] le motif de nullité doit tomber pleinement, […] car autrement, il y aurait un dommage irréversible pour la requérante qui perdrait son droit légitime d’exclusivité en raison d’un droit préalable inexistant ».

40. S’agissant de cet argument, il convient, toutefois, de relever que, comme le fait valoir en substance l’intervenante, lesdits jugements français valent seulement entre les parties aux procédures nationales et dans le cadre des litiges en contrefaçon les opposant. Ces jugements n’ont donc, alors même qu’ils deviendraient définitifs, aucune portée déclaratoire valable erga omnes quant à l’existence ou à l’inexistence d’un droit d’auteur de l’intervenante.

41. Ils ne sauraient donc, à la différence de décisions administratives définitives adoptées dans le cadre de systèmes de protection fondés sur le dépôt et l’enregistrement administratifs du droit de propriété intellectuelle, conduire le juge de l’Union à constater la perte d’objet du recours et à prononcer un non-lieu à statuer [voir, pour des cas de non-lieu à statuer consécutifs à une déchéance du droit de marque opposé prononcée par une décision définitive de l’office des marque compétent et valable erga omnes, les ordonnances du Tribunal du 26 juin 2008, Pfizer/OHMI – Isdin (FOTOPROTECTOR ISDIN), T-354/07 à T-356/07, non publiée au Recueil, et du 27 février 2012, MIP Metro/OHMI – Jacinto (My Little Bear), T-183/11].

42. Ainsi, le seul argument que tire la requérante de ces jugements, et, donc, le seul motif pour lequel elle les produit, à savoir le fait qu’ils supprimeraient automatiquement le fondement des demandes en nullité de l’intervenante, est erroné.

43. En l’absence d’un quelconque autre argument de la requérante tiré de ces jugements (voir, en ce sens, arrêt Coto D’Arcis, point 37 supra, point 57) et dès lors qu’il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à la requérante dans l’administration de son recours (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56/92, Rec. p. II-1267, point 23, et arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T-201/04, Rec. p. II-3601, points 94 et 97), lesdits jugements de juridictions françaises, déjà irrecevables pour les éléments de fait qu’ils comportent, ne sauraient, pour le reste, être pris en considération afin d’examiner la légalité des décisions attaquées et doivent donc, de ce fait, être considérés comme dénués de pertinence.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement nº 2245/2002, en ce que l’intervenante n’aurait pas présenté les informations requises concernant les œuvres protégées

44. La requérante fait valoir que l’intervenante n’a pas présenté les informations requises concernant les œuvres protégées. Notamment, l’intervenante n’aurait pas prouvé les dates de création des œuvres et n’aurait pas davantage indiqué quelle personne physique en serait l’auteur effectif.

45. Selon le droit français, le droit d’auteur naîtrait du seul fait de la création d’une œuvre et dès le moment de cette création. Il serait primordial de connaître la paternité de l’œuvre et la date de sa création, pour déterminer si elle est originale et si elle peut, de ce fait, être protégée ou si, au contraire, elle a déjà été créée auparavant par un autre auteur. De même, il aurait également fallu que soit produite la preuve de la transmission du droit d’auteur de la personne physique créatrice à l’intervenante.

46. L’OHMI et l’intervenante contestent la position de la requérante. L’intervenante aurait fourni les informations nécessaires et suffisantes.

47. Il ressort de la combinaison des dispositions de l’article 25, paragraphe 1, sous f), et paragraphe 3 du règlement nº 6/2002 et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement nº 2245/2002, premièrement, qu’un dessin ou modèle communautaire est déclaré nul s’il constitue une utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre, deuxièmement, que cette nullité ne peut être demandée que par le titulaire du droit d’auteur et, troisièmement, que cette demande doit comporter la représentation et des précisions sur l’œuvre protégée sur laquelle elle est fondée ainsi que des éléments démontrant que le demandeur en nullité est titulaire du droit d’auteur.

48. S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si les demandes en nullité introduites par l’intervenante devant l’OHMI comportaient la représentation et des précisions sur les œuvres protégées sur lesquelles elles étaient fondées, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’intervenante avait largement satisfait aux exigences requises à cet égard par l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement nº 2245/2002.

49. En effet, l’intervenante a précisément identifié, dans ses demandes en nullité du 30 septembre 2008, les œuvres invoquées au soutien desdites demandes, tant par les photographies de ces œuvres jointes auxdites demandes que par les descriptions textuelles fournies. Ces descriptions visaient, d’une part, une tasse de couleur blanche, finement striée à l’extérieur et lisse à l’intérieur, et sa sous tasse de couleur blanche, avec un large rebord strié, légèrement ascendant à son extrémité et une partie plate lisse de petites dimensions, d’autre part, une assiette creuse à bord très large, horizontal et finement strié, avec un renfoncement étroit au centre de l’assiette, uni et en forme de bol, ce creux formant également la base de l’assiette.

50. S’agissant, ensuite, de la critique de la requérante selon laquelle l’intervenante aurait dû fournir les dates de création des œuvres, l’identité de la personne physique créatrice et la preuve de la transmission de ses droits d’auteur à l’intervenante, il convient de la rejeter, pour les raisons su ivantes.

51. L’article 25, paragraphe 3, du règlement nº 6/2002 et l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement nº 2245/2002 requièrent que le demandeur en nullité d’un dessin ou modèle communautaire sur le fondement d’un droit d’auteur protégé selon la législation d’un État membre soit titulaire de ce droit d’auteur et qu’il fournisse à l’OHMI des éléments démontrant ce fait.

52. La question de savoir si le demandeur en nullité est titulaire du droit d’auteur, au sens de cette disposition, ainsi que la question de la démonstration de ce droit auprès de l’OHMI, ne sauraient faire abstraction du droit de l’État membre, en l’espèce le droit français, invoqué au soutien de la demande en nullité. En effet, le droit de l’État membre applicable intervient notamment, dans ce cadre, pour définir les modalités d’acquisition et de preuve du droit d’auteur sur l’œuvre invoquée au soutien de la demande de nullité [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 18 janvier 2012, Tilda Riceland Private/OHMI – Siam Grains (BASmALI), T-304/09, point 22].

53. Or, il ressort du dossier que le titulaire d’un droit d’auteur en droit français est, sauf preuve contraire, celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée.

54. En effet, et comme le relèvent l’OHMI et l’intervenante, si le droit français dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » [article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle français (ci-après le « CPI »)] et que « l’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur » (article L. 111-2 du CPI), il énonce également que « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » (article L. 113-1 du CPI) et que « l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée[, c]ette personne [étant] investie des droits de l’auteur » (article L. 113-5 du CPI).

55. L’intervenante précise que, selon la jurisprudence française, en l’absence de revendication de la personne physique qui en est l’auteur, les droits d’auteur sur une œuvre sont attribués à la personne morale qui l’exploite commercialement sous son nom.

56. S’il est donc vrai que la chambre de recours a indiqué à tort, dans les décisions attaquées, que le droit d’auteur naissait avec la création « et/ou la divulgation » de l’œuvre, puisqu’il ressort des dispositions du CPI que ce droit naît de la seule création, cette circonstance est sans incidence. En l’espèce, la seule question pertinente est celle de l’identification du titulaire du droit d’auteur, lequel est, en l’absence de revendication de la personne physique ayant créé l’œuvre, la personne physique ou morale sous le nom de laquelle cette œuvre est divulguée.

57. C’est donc en vain que la requérante reproche à l’OHMI de ne pas avoir exigé des informations sur la création des œuvres telles que la date de création et l’identité du créateur, et sur la transmission des droits d’auteur à l’intervenante et qu’elle reproche à la chambre de recours de n’avoir pas fait droit à son recours en l’absence de tels éléments.

58. Il convient d’ajouter, incidemment, que la requérante ne conteste au demeurant pas que la date de divulgation par l’intervenante des œuvres invoquées au soutien des demandes en nullité peut être déterminée à partir des documents produits par cette partie devant l’OHMI.

59. Il convient donc de rejeter le présent moyen en ce qu’il est fondé sur une prétendue insuffisance des informations fournies par l’intervenante devant l’OHMI concernant les œuvres protégées et, notamment, sur l’absence de preuve des dates de création des œuvres, de l’identité de la personne physique créatrice et de la transmission de ses droits par cette personne à l’intervenante.

60. Quant aux allégations, avancées dans le prolongement de ce premier moyen, selon lesquelles l’intervenante n’aurait aucun droit d’auteur, puisque le recours à une décoration des articles de vaisselle par l’application de fines stries concentriques sur leurs surfaces extérieures aurait été pratiqué par d’autres entreprises du secteur avant l’intervenante, et selon lesquelles cette décoration ne serait nullement originale, mais serait une pratique ayant eu cours à toutes les époques, il convient de relever que ces allégations sont, sinon nouvelles, du moins entièrement fondées sur des éléments de preuve produits au stade du recours devant le Tribunal et donc déjà rejetés comme irrecevables.

61. Ainsi, devant l’OHMI, la requérante n’a pas allégué que d’autres entreprises de vaisselle que l’intervenante avaient divulgué avant cette dernière les œuvres invoquées au soutien des demandes en nullité. La requérante convient d’ailleurs elle-même, dans ses requêtes, que c’est seulement devant le Tribunal qu’elle s’est prévalue d’éléments à cet égard.

62. Quant à l’absence d’originalité de la décoration striée d’une pièce de vaisselle, la requérante ne conteste nullement l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, si cette absence d’originalité a été alléguée au stade de la procédure devant la division d’annulation, aucune preuve au soutien de cette allégation n’a alors été produite.

63. Or, il ressort de la jurisprudence que, eu égard aux termes de l’article 61 du règlement nº 6/2002, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens introduits devant lui ou de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’examen de ces nouveaux moyens et l’admission de ces preuves seraient contraires à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours (voir, par analogie, arrêt ELIO FIORUCCI, point 35 supra, points 21 et 22, et la jurisprudence citée).

64. Il découle des considérations des points 60 à 63 ci-dessus que les prétentions de la requérante, relatives à une divulgation antérieure de l’œuvre par d’autres entreprises de vaisselle, ainsi qu’à une absence d’originalité de la décoration au motif qu’elle aurait été pratiquée à toutes les époques, doivent être rejetées, sinon comme irrecevables en tant que moyens nouveaux, du moins comme non fondées, car reposant intégralement sur des éléments de preuve irrecevables.

65. Le présent moyen et les allégations opérées dans son prolongement doivent donc être rejetés.

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 6/2002, au motif que la chambre de recours aurait considéré à tort que les dessins ou modèles contestés comportaient une utilisation non autorisée de l’œuvre de l’intervenante

66. La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que l’œuvre invoquée par l’intervenante n’était pas la tasse, la sous-tasse et l’assiette creuse, mais les stries décoratives présentes sur les parois de ces pièces de vaisselle. La requérante soutient que d’autres caractéristiques que ces stries concentriques auraient dû être prises en considération pour apprécier la question de la présence de l’œuvre de l’intervenante dans les dessins ou modèles contestés de la requérante et, donc, de l’atteinte au droit d’auteur revendiqué par l’intervenante.

67. Une évaluation des divers éléments des pièces de vaisselle de la requérante et de l’intervenante permettrait de détecter de nombreuses différences, lesquelles conféreraient des caractéristiques distinctes à ces pièces de vaisselle, de nature à produire une impression d’ensemble complètement différente. Ces différences ne permettraient pas d’affirmer que l’œuvre protégée a été utilisée dans les dessins ou modèles contestés.

68. En effet, il ressortirait clairement des vues produites que les tasses et leurs sous-tasses et les assiettes creuses des parties n’auraient aucun élément commun en dehors de leurs stries.

69. La tasse de l’intervenante présenterait des formes arrondies, avec une anse particulière, qui ne ressembleraient en rien aux formes coniques de la tasse de la requérante. La sous-tasse de la requérante aurait un contour lisse central relativement plus grand que la sous-tasse de l’intervenante et un bord plus plat, puisque seul le bord extérieur serait incliné. Vu de l’extérieur, le creux de l’assiette creuse de la requérante serait totalement lisse à l’exception d’une incision à quelques millimètres de la base. Il serait plus arrondi que celui de l’assiette creuse de l’intervenante et dépourvu de rebords ou d’échelons. Les bords des assiettes présenteraient des différences quant à leur inclinaison et à leur ouverture, celle de la requérante étant plus arrondie que celle, d’inclinaison plus rectiligne, de l’intervenante. De plus, les stries seraient plus épaisses et marquées dans les dessins ou modèles contestés.

70. Compte tenu du fait que la liberté du créateur serait limitée dans le domaine des articles de vaisselle, il serait impossible que les dessins ou modèles contestés soient considérés comme comportant une utilisation des œuvres revendiquées par l’intervenante.

71. La requérante ajoute que, quand bien même il serait considéré que l’œuvre dont l’intervenante revendique la protection est constituée des stries décoratives présentes sur les parois de ses pièces de vaisselle, il faudrait tout de même se demander quelle est la partie originale de l’œuvre en question.

72. L’OHMI et l’intervenante contestent la position de la requérante.

73. Il convient de rappeler que la cause de nullité invoquée en l’espèce par l’intervenante n’est pas fondée sur le défaut de caractère individuel des dessins ou modèles contestés au sens de l’article 6 du règlement nº 6/2002, mais sur une utilisation non autorisée, dans ces dessins ou modèles, d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre.

74. Il s’ensuit que la seule question qui se posait à l’OHMI était celle de savoir si l’intervenante était titulaire d’un droit d’auteur selon le droit français et si ce droit d’auteur faisait l’objet d’une utilisation non autorisée dans les dessins ou modèles contestés.

75. Il a déjà été constaté aux points 48 à 59 ci-dessus que l’intervenante avait respecté les exigences de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement nº 2245/2002, relatives à la fourniture, dans la demande en nullité, de la représentation et des précisions sur l’œuvre protégée par le droit d’auteur sur lequel était fondée la demande.

76. Quant aux prétentions selon lesquelles l’intervenante n’aurait eu aucun droit d’auteur puisque la décoration des articles de vaisselle par l’application de fines stries concentriques sur leurs surfaces extérieures aurait été pratiquée par d’autres entreprises du secteur avant l’intervenante, et selon lesquelles cette décoration ne serait nullement originale, mais serait une pratique ayant eu cours à toutes les époques, il a déjà été constaté aux points 60 à 64 ci-dessus que ces prétentions sont, sinon irrecevables parce que nouvelles, du moins non fondées car reposant intégralement sur des éléments de preuve irrecevables.

77. Quant à l’argument, développé dans le présent moyen, selon lequel la chambre de recours n’aurait pas dû se limiter à la décoration des articles de vaisselle, mais aurait dû prendre en considération leurs formes, il convient de le rejeter, pour les raisons suivantes.

78. Il est vrai que l’œuvre dont l’intervenante s’est prévalue devant l’OHMI pour demander la nullité des dessins ou modèles contestés ne se limitait pas à la seule décoration de ses pièces de vaisselle, mais s’étendait à d’autres aspects desdites pièces, notamment à leurs formes. Toutefois, la décoration était, en tant que telle, clairement revendiquée par l’intervenante, devant l’OHMI, comme la traduction matérielle d’un effort créatif protégé au titre du droit d’auteur. L’intervenante a ainsi fait valoir que l’originalité de la vaisselle de sa collection « Hémisphère » résidait tout particulièrement dans ses stries superficielles et leur alternance avec des parties lisses, cette finition étant, selon elle, empreinte d’originalité et reflétant la créativité de l’auteur.

79. Or, ainsi que cela ressort de la jurisprudence française produite au dossier et citée par la chambre de recours, en droit français, une pièce de vaisselle peut, tant par sa forme que par sa décoration, constituer une œuvre protégée par un droit d’auteur, dès lors que l’un ou l’autre de ces aspects est le résultat d’une activité créative et qu’il présente un caractère d’originalité attestant de la personnalité de l’auteur.

80. Dès lors, rien n’interdisait en principe à la chambre de recours de retenir, comme œuvre dont l’utilisation non autorisée était en cause, la décoration des pièces de vaisselle de l’intervenante. Ce faisant, la chambre de recours restreignait, certes, son appréciation à un aspect des pièces de vaisselle des parties. Mais, des deux parties au litige, seule l’intervenante aurait pu, éventuellement, avoir à se plaindre, ce qu’elle n’a pas fait, de cette approche de la chambre de recours, qui laissait non traitées certaines de ses revendications au titre du droit d’auteur.

81. Il résulte des considérations qui précèdent que la limitation de l’analyse de la chambre de recours à la décoration des pièces de vaisselle de l’intervenante n’est pas de nature, en l’espèce, à entacher d’illégalité les décisions attaquées.

82. Il s’ensuit que tous les arguments par lesquels la requérante souligne les différences de formes des dessins ou modèles contestés et des pièces de vaisselle de l’intervenante sont dépourvus de pertinence.

83. La seule considération pertinente pour l’appréciation de la légalité des décisions attaquées est celle de savoir si, comme la chambre de recours l’a conclu, premièrement, la décoration striée des pièces de vaisselle de l’intervenante constituait une œuvre de l’esprit et, deuxièmement, cette œuvre était reproduite sur les dessins ou modèles contestés, emportant ainsi une utilisation non autorisée du droit d’auteur de l’intervenante.

84. Sur le premier aspect, la chambre de recours a procédé aux appréciations suivantes.

85. Elle a considéré que l’œuvre consistait en la décoration des pièces de vaisselle, par l’application d’un motif de stries fines, parallèles et concentriques, de la même épaisseur et non discontinues, sur l’ensemble de la partie extérieure de la tasse et la quasi-totalité des faces internes de la sous-tasse et de l’assiette creuse, sauf le rond central.

86. De l’avis de la chambre de recours, cette décoration particulière des pièces de vaisselle permettait de distinguer celles-ci et leur conférait un caractère suffisamment original, de sorte que cela justifiait leur protection juridique selon le droit français. Par conséquent, la présence des stries fines en question entrait dans les critères établis par le droit français.

87. La chambre de recours a relevé qu’à aucun moment la requérante n’avait exprimé devant elle, de manière explicite, les motifs pour lesquels la décoration des éléments de vaisselle de l’intervenante ne justifierait pas la protection du droit d’auteur. La chambre de recours a indiqué que l’absence de caractère artistique, invoqué par la requérante, n’était pas un critère pertinent. Elle a relevé que la requérante avait mentionné également l’absence d’originalité d’une pièce de vaisselle couverte de stries, mais sans apporter aucun élément de preuve à l’appui de cet argument, et que la requérante avait contesté de nouveau, mais à tort, que l’œuvre de l’intervenante méritait une protection en vertu du droit français, au motif que la vaisselle serait un produit industriel.

88. La chambre de recours a considéré que, en définitive, la finition superficielle des éléments de vaisselle invoquée par l’intervenante, telle qu’elle apparaissait, entrait, « malgré (ou en raison de) sa simplicité de forme », dans la catégorie des créations de l’esprit capables de refléter la personnalité de leur auteur et qu’elle était, à ce titre, protégée par la législation française sur le droit d’auteur.

89. Force est de constater que la requérante ne parvient pas à remettre en cause ces appréciations.

90. En effet, la requérante ne conteste pas, devant le Tribunal, les affirmations, au demeurant correctes, de la chambre de recours sur l’absence de pertinence d’une appréciation artistique de l’œuvre et sur l’applicabilité du droit d’auteur aux produits industriels. Quant à la prétendue absence d’originalité, il a déjà été constaté que l’ensemble des preuves produites par la requérante devant le Tribunal sur ce point sont irrecevables.

91. Par conséquent, il convient de conclure que la requérante n’établit pas que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que la décoration des pièces de vaisselle de l’intervenante constituait une œuvre protégée au titre du droit d’auteur.

92. Sur le deuxième aspect, relatif à l’utilisation de l’œuvre de l’intervenante dans les dessins ou modèles contestés, la chambre de recours a procédé aux énonciations suivantes.

93. La chambre de recours a constaté, en premier lieu, la présence dans les dessins ou modèles contestés de l’œuvre protégée, en l’espèce le même dessin de stries, et, en second lieu, le fait que ces stries couvraient exactement les mêmes parties des pièces de vaisselle. La chambre de recours a relevé que c’était précisément dans la somme de ces deux caractéristiques que se manifestait le contenu créatif de l’œuvre antérieure, « qui a été reproduit – ou ‘utilisé’ – sans autorisation », dans les dessins ou modèles contestés.

94. La requérante, après avoir admis que les pièces de vaisselle en cause avaient comme élément commun leurs stries, s’est limitée, devant le Tribunal, à faire valoir que les stries étaient « plus épaisses et marquées » dans les dessins ou modèles contestés. La requérante a fait, dans ce contexte, référence aux conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic (C-281/10 P, Rec. p. I-10153) et à une prétendue limitation du degré de liberté du créateur.

95. Ces arguments de la requérante ne suffisent toutefois pas à démontrer une erreur de la chambre de recours.

96. En premier lieu, il convient de relever que c’est à tort que la requérante invoque les conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 94 supra, et une prétendue limitation du degré de liberté du créateur.

97. En effet, le motif de nullité invoqué en l’espèce est celui tiré de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 6/2002 et non, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 94 supra, celui tiré de l’article 25, paragraphe 1, sous d), du même règlement.

98. L’issue du présent litige ne doit donc nullement se déterminer sur la base d’une comparaison globale entre deux dessins ou modèles dans laquelle une limitation du degré de liberté du créateur résultant de contraintes techniques ou légales, au demeurant non établies en l’espèce, peut rendre l’utilisateur averti plus attentif aux détails et faciliter la reconnaissance d’un caractère individuel du dessin ou modèle contesté (voir, à cet égard, arrêt Radiateurs de chauffage, point 35 supra, points 43 à 45, et la jurisprudence citée).

99. L’issue du présent litige dépend uniquement du point de savoir si le dessin ou modèle contesté comporte une « utilisation non autorisée » de l’œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur de l’État membre concerné.

100. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que, pour apprécier la cause de nullité, il n’y avait pas lieu de comparer les modèles en conflit dans leur ensemble, mais uniquement de déterminer si l’œuvre protégée par le droit d’auteur était utilisée dans les modèles postérieurs, c’est-à-dire de déterminer si la présence de cette œuvre pouvait être constatée dans ces modèles, avec pour conséquence que, dans ce contexte, les différences invoquées par la requérante, comme la forme de la tasse ou le dessin de son anse ou la forme du bol de l’assiette creuse, étaient dépourvues de pertinence.

101. En second lieu, et comme l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours, il est indéniable que la décoration des dessins ou modèles contestés présente une grande ressemblance avec celle des pièces de vaisselle de l’intervenante, tant en ce qui concerne l’identité des surfaces couvertes que le caractère concentrique, la régularité et la finesse des stries. La plus grande épaisseur et le caractère plus marqué des stries, revendiqués par la requérante, ne suffisent pas à supprimer cette ressemblance.

102. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’établit pas, devant le Tribunal, que la chambre de recours a commis une erreur en considérant, sur la base des éléments dont elle disposait, que la décoration des pièces de vaisselle invoquée par l’intervenante au soutien de ses demandes en nullité était protégée par la législation française sur le droit d’auteur et que cette décoration faisait l’objet d’une utilisation non autorisée dans les dessins ou modèles contestés.

103. Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

104. La requérante ayant succombé en tous ses moyens, il convient de rejeter les présents recours.

Sur les dépens

105. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

106. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces parties.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) Les affaires T-566/11 et T-567/11 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2) Les recours sont rejetés.

3) Viejo Valle, SA supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et des Établissements Coquet.

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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 octobre 2013 ( *1 )

«Dessin ou modèle communautaire — Procédure de nullité — Dessins ou modèles communautaires enregistrés représentant une tasse et une sous-tasse avec des stries et une assiette creuse avec des stries — Motif de nullité — Utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre — Article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) no 6/2002»

Dans les affaires T‑566/11 et T‑567/11,

Viejo Valle, SA, établie à L’Olleria (Espagne), représentée par Me I. Temiño Ceniceros, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie aux procédures devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Établissements Coquet, établis à Saint-Léonard-de-Noblat (France), représentés par Me C. Bouchenard, avocat,

ayant pour objet des recours formés contre les décisions de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 29 juillet 2011 (affaires R 1054/2010-3 et R 1055/2010-3), relatives à des procédures de nullité entre les Établissements Coquet et Viejo Valle, SA,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 31 octobre 2011,

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal le 9 mars 2012,

vu les mémoires en réponse de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal le 16 février 2012,

vu la demande de jonction des affaires T‑566/11 et T‑567/11 présentée par la requérante,

vu les observations de l’OHMI et de l’intervenante sur la jonction des affaires T‑566/11 et T‑567/11,

vu la réattribution des affaires à la deuxième chambre et à un nouveau juge rapporteur,

vu les décisions du 26 février 2013 rejetant les demandes de suspension des procédures introduites par la requérante,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture des procédures écrites et ayant alors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

La requérante, Viejo Valle, SA, est titulaire des dessins ou modèles communautaires enregistrés sous les numéros 384912-0001 et 384912-0009, lesquels ont été déposés le 9 août 2005 à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et publiés au Bulletin des dessins et modèles communautaires le 18 octobre 2005 (ci-après les «dessins ou modèles contestés»).

2

Les dessins ou modèles contestés s’appliquent, selon les termes des demandes de dessin ou modèle, à des éléments de vaisselle et sont représentés comme suit :

s’agissant du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 384912-0001 :

Image

s’agissant du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 384912-0009 :

Image

3

Le 30 septembre 2008, l’intervenante, les Établissements Coquet, a présenté devant l’OHMI des demandes en nullité des dessins ou modèles contestés. Ces demandes en nullité étaient fondées sur l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1)

4

À l’appui de ses demandes en nullité, l’intervenante a invoqué à l’encontre des dessins ou modèles contestés deux pièces de vaisselle, à savoir, respectivement, une tasse et sa sous-tasse (s’agissant du dessin ou modèle enregistré sous le numéro 384912-0001) et une assiette creuse (s’agissant du dessin ou modèle enregistré sous le numéro 384912-0009), appartenant à sa collection «Hémisphère», modèle «Satin», pour lesquelles l’intervenante revendiquait une protection au titre du droit d’auteur selon le droit français.

5

L’intervenante a joint à ses demandes en nullité les photographies suivantes :

s’agissant de la demande en nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 384912-0001 :

Image

s’agissant de la demande en nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 384912-0009 :

Image

6

Par décisions du 7 avril 2010, la division d’annulation a déclaré la nullité des dessins ou modèles contestés, sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002.

7

Le 10 juin 2010, la requérante a formé des recours auprès de l’OHMI contre les décisions de la division d’annulation.

8

Par deux décisions du 29 juillet 2011 (affaires R 1054/2010-3 et R 1055/2010-3) (ci-après les «décisions attaquées»), la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours de la requérante.

9

Premièrement, la chambre de recours a considéré que la position de la requérante, selon laquelle l’intervenante n’avait pas suffisamment identifié l’œuvre protégée et ne satisfaisait donc pas aux conditions de l’article 28, paragraphe 1), sous b), iii), du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO L 341, p. 28), était manifestement non fondée.

10

Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que l’affirmation de la requérante selon laquelle l’intervenante n’avait pas produit les informations démontrant qu’elle était titulaire d’un droit d’auteur n’était pas fondée.

11

Troisièmement, la chambre de recours a examiné la position de la requérante selon laquelle les éléments de vaisselle invoqués par l’intervenante au soutien de ses demandes en nullité n’étaient pas protégeables par le droit d’auteur, mais étaient des créations industrielles ne pouvant être protégées que par la réglementation des dessins et modèles.

12

En premier lieu, la chambre de recours a relevé que les œuvres invoquées par l’intervenante n’étaient pas les éléments de vaisselle eux-mêmes (tasse et sa sous-tasse et assiette creuse), mais les stries décoratives présentes sur les parois de ces éléments. L’intervenante aurait toujours indiqué de manière claire qu’elle ne reprochait pas à la requérante l’utilisation des formes des éléments de vaisselle, mais l’utilisation de la décoration figurant sur ces éléments, laquelle décoration serait protégeable comme œuvre de l’esprit.

13

En second lieu, la chambre de recours a relevé que l’intervenante avait démontré que le caractère industriel d’une œuvre, invoqué par la requérante, ne constituait pas un motif de refus de protection au titre du droit d’auteur.

14

L’œuvre consisterait en la décoration des éléments de vaisselle, par l’application d’un motif de stries fines, parallèles et concentriques, de la même épaisseur et non discontinues, sur l’ensemble de la partie extérieure de la tasse et la quasi-totalité des faces internes de la sous-tasse et de l’assiette creuse, sauf le rond central. Cette décoration permettrait de distinguer ces pièces de vaisselle et leur conférerait un caractère suffisamment original pour justifier leur protection juridique selon le droit français.

15

La chambre de recours a relevé que la requérante n’avait pas explicité les motifs pour lesquels cette décoration ne pourrait pas relever du droit d’auteur. La requérante évoquerait une absence de caractère «artistique», mais cela ne constituerait pas un critère pertinent. Elle évoquerait l’absence d’originalité, mais sans rapporter de preuve à cet égard.

16

La chambre de recours a considéré que, en définitive, la finition superficielle des éléments de vaisselle invoquée par l’intervenante entrait dans la catégorie des créations de l’esprit capables de refléter la personnalité de leur auteur et qu’elle était, à ce titre, protégée par la législation française sur le droit d’auteur.

17

Quatrièmement, la chambre de recours a examiné les arguments de la requérante relatifs à l’utilisation, dans le cadre du système communautaire des dessins ou modèles, de l’œuvre protégée, arguments selon lesquels, d’une part, la comparaison des éléments de vaisselle en cause, dans leur ensemble, révélait de grandes différences entre eux et, d’autre part, il convenait également de tenir compte du degré de liberté du créateur.

18

La chambre de recours a relevé que ces arguments concernaient une autre cause de nullité, prévue à l’article 6 du règlement no 6/2002, que celle invoquée. Pour examiner la cause de nullité invoquée en l’espèce, il ne serait pas nécessaire de comparer les éléments de vaisselle dans leur globalité, mais seulement de déterminer s’il y a utilisation d’une œuvre protégée par un droit d’auteur dans les dessins ou modèles contestés. Les différences de formes entre ces éléments de vaisselle seraient dénuées de pertinence. En revanche, ce qui serait pertinent, c’est que, dans les dessins ou modèles contestés, on remarquerait clairement, en premier lieu, la présence de l’œuvre protégée, à savoir le même modèle de stries, et, en second lieu, le fait que ces stries couvrent les mêmes parties des pièces de vaisselle. Ce serait précisément dans la somme de ces deux caractéristiques que se manifesterait le contenu créatif de l’œuvre antérieure qui aurait été reproduite – ou «utilisée» – sans autorisation, dans les dessins ou modèles contestés.

19

La chambre de recours a, en conséquence, rejeté les recours de la requérante.

Conclusions des parties

20

La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer recevables les annexes jointes aux requêtes ;

annuler les décisions attaquées ;

condamner l’OHMI aux dépens.

21

L’OHMI conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer irrecevables les annexes B 7 à B 14 jointes à la requête dans l’affaire T‑566/11 et les annexes B 7 à B 15 jointes à la requête dans l’affaire T‑567/11 ;

rejeter les recours ;

condamner la requérante aux dépens.

22

L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer irrecevables les annexes B 7 à B 14 jointes à la requête dans l’affaire T‑566/11 et les annexes B 7 à B 17 jointes à la requête dans l’affaire T‑567/11 ;

rejeter les recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

23

Au vu de la demande de jonction déposée par la requérante et des observations des autres parties, il y a lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, en application de l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

24

La requérante invoque divers moyens et arguments, qui peuvent être résumés comme suit.

25

Dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii) du règlement no 2245/2002, la requérante fait valoir, en substance, que l’intervenante n’aurait pas présenté les informations requises concernant les œuvres protégées.

26

La requérante prolonge les développements de ce premier moyen par l’affirmation qu’il n’y aurait pas de droit d’auteur en raison d’une divulgation antérieure des œuvres et de leur absence d’originalité.

27

Dans le cadre du second moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours aurait considéré à tort que les dessins ou modèles contestés comportaient une utilisation non autorisée des œuvres de l’intervenante.

28

Il convient, d’emblée, de se prononcer sur la recevabilité et, le cas échéant, la pertinence, de certaines pièces produites par la requérante en annexe à ses requêtes et à ses demandes de suspension.

Sur la recevabilité et la pertinence de certaines pièces produites en annexes aux requêtes et aux demandes de suspension

29

La requérante a produit, pour la première fois devant le Tribunal, des documents tirés de sites Internet d’autres entreprises du secteur de la vaisselle, de musées ou de journaux (annexes B 7 à B 14 de la requête dans l’affaire T‑566/11 ; annexes B 7 à B 17 de la requête dans l’affaire T‑567/11), desquels il ressortirait, selon elle, que d’autres entreprises avant l’intervenante auraient recouru à une décoration d’articles de vaisselle par l’application de fines stries concentriques sur les surfaces extérieures de ces articles et que cette décoration ne serait nullement originale, mais serait une pratique ayant eu cours à toutes les époques.

30

La requérante en a déduit que l’intervenante n’aurait, en réalité, aucun droit d’auteur sur les œuvres invoquées au soutien de ses demandes en nullité.

31

Par ailleurs, dans ses demandes de suspension des 3 décembre 2012 et 8 janvier 2013, la requérante a produit deux jugements de juridictions françaises, de novembre et de décembre 2012. Dans ceux-ci, deux juridictions françaises, chacune saisie par l’intervenante d’une action en contrefaçon à l’encontre de tiers portant sur les mêmes œuvres que celles revendiquées par l’intervenante en l’espèce, ont considéré que l’intervenante ne jouissait pas d’un droit d’auteur sur ces œuvres.

32

La requérante en a déduit que le motif de nullité invoqué à son égard par l’intervenante devant l’OHMI disparaissait et qu’il conviendrait, dès que lesdits jugements nationaux auraient acquis un caractère définitif, de faire droit aux présents recours et d’annuler les décisions attaquées.

33

L’OHMI et l’intervenante contestent la recevabilité des pièces produites par la requérante devant le Tribunal et la position de la requérante.

34

S’agissant, d’abord, des pièces produites par la requérante en annexes B 7 à B 14 de la requête dans l’affaire T‑566/11 et en annexes B 7 à B 17 de la requête dans l’affaire T‑567/11, il convient de relever qu’elles constituent des éléments nouveaux, dont la chambre de recours ne disposait pas.

35

Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 61 du règlement no 6/2002, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probatoire [arrêts du Tribunal du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T-9/07, Rec. p. II-981, point 24, et du 13 novembre 2012, Antrax It /OHMI – THC (Radiateurs de chauffage), T‑83/11 et T‑84/11, point 28 ; voir également, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T-165/06, Rec. p. II-1375, points 21 et 22, et la jurisprudence citée].

36

S’agissant, ensuite, des jugements de juridictions françaises produits en annexes aux demandes de suspension, il convient de relever qu’ils constituent, eux aussi, des pièces nouvelles dont l’OHMI ne disposait pas. La circonstance que ces jugements sont ultérieurs aux décisions attaquées ne change rien à cette constatation.

37

Cela étant, la possibilité de se référer pour la première fois devant le Tribunal à des jugements nationaux n’est pas exclue par la jurisprudence rappelée au point 35 ci-dessus, lorsqu’il ne s’agit pas de reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans un arrêt national précis, mais d’avoir violé une disposition du règlement no 6/2002 et d’invoquer la jurisprudence nationale à l’appui de ce moyen [voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 12 mars 2008, Sebirán/OHMI – El Coto De Rioja (Coto D’Arcis), T‑332/04, non publié au Recueil, point 56 ; du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sanchez et Ricote Saugar (BOOMERANG TV), T-420/03, Rec. p. II-837, point 37, et du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge), T-270/06, Rec. p. II-3117, points 23 à 25].

38

Il résulte de ce qui précède que, si les jugements de juridictions françaises produits en annexes aux demandes de suspension sont clairement irrecevables s’agissant des éléments de fait qu’ils évoquent et dont la chambre de recours ne disposait pas, ils ne sont pas irrecevables s’il s’agit pour la requérante de reprocher à la chambre de recours d’avoir violé une disposition du droit de l’Union européenne.

39

En l’espèce, la requérante a produit ces jugements au soutien d’un unique argument, selon lequel «dans la mesure où un tribunal national a rejeté l’existence d’un quelconque droit de propriété intellectuelle sur les produits utilisés par [l’intervenante] comme bases de ses demandes en nullité, […] le motif de nullité doit tomber pleinement, […] car autrement, il y aurait un dommage irréversible pour la requérante qui perdrait son droit légitime d’exclusivité en raison d’un droit préalable inexistant».

40

S’agissant de cet argument, il convient, toutefois, de relever que, comme le fait valoir en substance l’intervenante, lesdits jugements français valent seulement entre les parties aux procédures nationales et dans le cadre des litiges en contrefaçon les opposant. Ces jugements n’ont donc, alors même qu’ils deviendraient définitifs, aucune portée déclaratoire valable erga omnes quant à l’existence ou à l’inexistence d’un droit d’auteur de l’intervenante.

41

Ils ne sauraient donc, à la différence de décisions administratives définitives adoptées dans le cadre de systèmes de protection fondés sur le dépôt et l’enregistrement administratifs du droit de propriété intellectuelle, conduire le juge de l’Union à constater la perte d’objet du recours et à prononcer un non-lieu à statuer [voir, pour des cas de non-lieu à statuer consécutifs à une déchéance du droit de marque opposé prononcée par une décision définitive de l’office des marque compétent et valable erga omnes, les ordonnances du Tribunal du 26 juin 2008, Pfizer/OHMI – Isdin (FOTOPROTECTOR ISDIN), T‑354/07 à T‑356/07, non publiée au Recueil, et du 27 février 2012, MIP Metro/OHMI – Jacinto (My Little Bear), T‑183/11].

42

Ainsi, le seul argument que tire la requérante de ces jugements, et, donc, le seul motif pour lequel elle les produit, à savoir le fait qu’ils supprimeraient automatiquement le fondement des demandes en nullité de l’intervenante, est erroné.

43

En l’absence d’un quelconque autre argument de la requérante tiré de ces jugements (voir, en ce sens, arrêt Coto D’Arcis, point 37 supra, point 57) et dès lors qu’il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à la requérante dans l’administration de son recours (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56/92, Rec. p. II-1267, point 23, et arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T-201/04, Rec. p. II-3601, points 94 et 97), lesdits jugements de juridictions françaises, déjà irrecevables pour les éléments de fait qu’ils comportent, ne sauraient, pour le reste, être pris en considération afin d’examiner la légalité des décisions attaquées et doivent donc, de ce fait, être considérés comme dénués de pertinence.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement no 2245/2002, en ce que l’intervenante n’aurait pas présenté les informations requises concernant les œuvres protégées

44

La requérante fait valoir que l’intervenante n’a pas présenté les informations requises concernant les œuvres protégées. Notamment, l’intervenante n’aurait pas prouvé les dates de création des œuvres et n’aurait pas davantage indiqué quelle personne physique en serait l’auteur effectif.

45

Selon le droit français, le droit d’auteur naîtrait du seul fait de la création d’une œuvre et dès le moment de cette création. Il serait primordial de connaître la paternité de l’œuvre et la date de sa création, pour déterminer si elle est originale et si elle peut, de ce fait, être protégée ou si, au contraire, elle a déjà été créée auparavant par un autre auteur. De même, il aurait également fallu que soit produite la preuve de la transmission du droit d’auteur de la personne physique créatrice à l’intervenante.

46

L’OHMI et l’intervenante contestent la position de la requérante. L’intervenante aurait fourni les informations nécessaires et suffisantes.

47

Il ressort de la combinaison des dispositions de l’article 25, paragraphe 1, sous f), et paragraphe 3 du règlement no 6/2002 et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement no 2245/2002, premièrement, qu’un dessin ou modèle communautaire est déclaré nul s’il constitue une utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre, deuxièmement, que cette nullité ne peut être demandée que par le titulaire du droit d’auteur et, troisièmement, que cette demande doit comporter la représentation et des précisions sur l’œuvre protégée sur laquelle elle est fondée ainsi que des éléments démontrant que le demandeur en nullité est titulaire du droit d’auteur.

48

S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si les demandes en nullité introduites par l’intervenante devant l’OHMI comportaient la représentation et des précisions sur les œuvres protégées sur lesquelles elles étaient fondées, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’intervenante avait largement satisfait aux exigences requises à cet égard par l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement no 2245/2002.

49

En effet, l’intervenante a précisément identifié, dans ses demandes en nullité du 30 septembre 2008, les œuvres invoquées au soutien desdites demandes, tant par les photographies de ces œuvres jointes auxdites demandes que par les descriptions textuelles fournies. Ces descriptions visaient, d’une part, une tasse de couleur blanche, finement striée à l’extérieur et lisse à l’intérieur, et sa sous tasse de couleur blanche, avec un large rebord strié, légèrement ascendant à son extrémité et une partie plate lisse de petites dimensions, d’autre part, une assiette creuse à bord très large, horizontal et finement strié, avec un renfoncement étroit au centre de l’assiette, uni et en forme de bol, ce creux formant également la base de l’assiette.

50

S’agissant, ensuite, de la critique de la requérante selon laquelle l’intervenante aurait dû fournir les dates de création des œuvres, l’identité de la personne physique créatrice et la preuve de la transmission de ses droits d’auteur à l’intervenante, il convient de la rejeter, pour les raisons suivantes.

51

L’article 25, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 et l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement no 2245/2002 requièrent que le demandeur en nullité d’un dessin ou modèle communautaire sur le fondement d’un droit d’auteur protégé selon la législation d’un État membre soit titulaire de ce droit d’auteur et qu’il fournisse à l’OHMI des éléments démontrant ce fait.

52

La question de savoir si le demandeur en nullité est titulaire du droit d’auteur, au sens de cette disposition, ainsi que la question de la démonstration de ce droit auprès de l’OHMI, ne sauraient faire abstraction du droit de l’État membre, en l’espèce le droit français, invoqué au soutien de la demande en nullité. En effet, le droit de l’État membre applicable intervient notamment, dans ce cadre, pour définir les modalités d’acquisition et de preuve du droit d’auteur sur l’œuvre invoquée au soutien de la demande de nullité [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 18 janvier 2012, Tilda Riceland Private/OHMI – Siam Grains (BASmALI), T‑304/09, point 22].

53

Or, il ressort du dossier que le titulaire d’un droit d’auteur en droit français est, sauf preuve contraire, celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée.

54

En effet, et comme le relèvent l’OHMI et l’intervenante, si le droit français dispose que «l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous» [article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle français (ci-après le «CPI»)] et que «l’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur» (article L. 111-2 du CPI), il énonce également que «la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée» (article L. 113-1 du CPI) et que «l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée[, c]ette personne [étant] investie des droits de l’auteur» (article L. 113-5 du CPI).

55

L’intervenante précise que, selon la jurisprudence française, en l’absence de revendication de la personne physique qui en est l’auteur, les droits d’auteur sur une œuvre sont attribués à la personne morale qui l’exploite commercialement sous son nom.

56

S’il est donc vrai que la chambre de recours a indiqué à tort, dans les décisions attaquées, que le droit d’auteur naissait avec la création «et/ou la divulgation» de l’œuvre, puisqu’il ressort des dispositions du CPI que ce droit naît de la seule création, cette circonstance est sans incidence. En l’espèce, la seule question pertinente est celle de l’identification du titulaire du droit d’auteur, lequel est, en l’absence de revendication de la personne physique ayant créé l’œuvre, la personne physique ou morale sous le nom de laquelle cette œuvre est divulguée.

57

C’est donc en vain que la requérante reproche à l’OHMI de ne pas avoir exigé des informations sur la création des œuvres telles que la date de création et l’identité du créateur, et sur la transmission des droits d’auteur à l’intervenante et qu’elle reproche à la chambre de recours de n’avoir pas fait droit à son recours en l’absence de tels éléments.

58

Il convient d’ajouter, incidemment, que la requérante ne conteste au demeurant pas que la date de divulgation par l’intervenante des œuvres invoquées au soutien des demandes en nullité peut être déterminée à partir des documents produits par cette partie devant l’OHMI.

59

Il convient donc de rejeter le présent moyen en ce qu’il est fondé sur une prétendue insuffisance des informations fournies par l’intervenante devant l’OHMI concernant les œuvres protégées et, notamment, sur l’absence de preuve des dates de création des œuvres, de l’identité de la personne physique créatrice et de la transmission de ses droits par cette personne à l’intervenante.

60

Quant aux allégations, avancées dans le prolongement de ce premier moyen, selon lesquelles l’intervenante n’aurait aucun droit d’auteur, puisque le recours à une décoration des articles de vaisselle par l’application de fines stries concentriques sur leurs surfaces extérieures aurait été pratiqué par d’autres entreprises du secteur avant l’intervenante, et selon lesquelles cette décoration ne serait nullement originale, mais serait une pratique ayant eu cours à toutes les époques, il convient de relever que ces allégations sont, sinon nouvelles, du moins entièrement fondées sur des éléments de preuve produits au stade du recours devant le Tribunal et donc déjà rejetés comme irrecevables.

61

Ainsi, devant l’OHMI, la requérante n’a pas allégué que d’autres entreprises de vaisselle que l’intervenante avaient divulgué avant cette dernière les œuvres invoquées au soutien des demandes en nullité. La requérante convient d’ailleurs elle-même, dans ses requêtes, que c’est seulement devant le Tribunal qu’elle s’est prévalue d’éléments à cet égard.

62

Quant à l’absence d’originalité de la décoration striée d’une pièce de vaisselle, la requérante ne conteste nullement l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, si cette absence d’originalité a été alléguée au stade de la procédure devant la division d’annulation, aucune preuve au soutien de cette allégation n’a alors été produite.

63

Or, il ressort de la jurisprudence que, eu égard aux termes de l’article 61 du règlement no 6/2002, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens introduits devant lui ou de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’examen de ces nouveaux moyens et l’admission de ces preuves seraient contraires à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours (voir, par analogie, arrêt ELIO FIORUCCI, point 35 supra, points 21 et 22, et la jurisprudence citée).

64

Il découle des considérations des points 60 à 63 ci-dessus que les prétentions de la requérante, relatives à une divulgation antérieure de l’œuvre par d’autres entreprises de vaisselle, ainsi qu’à une absence d’originalité de la décoration au motif qu’elle aurait été pratiquée à toutes les époques, doivent être rejetées, sinon comme irrecevables en tant que moyens nouveaux, du moins comme non fondées, car reposant intégralement sur des éléments de preuve irrecevables.

65

Le présent moyen et les allégations opérées dans son prolongement doivent donc être rejetés.

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, au motif que la chambre de recours aurait considéré à tort que les dessins ou modèles contestés comportaient une utilisation non autorisée de l’œuvre de l’intervenante

66

La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que l’œuvre invoquée par l’intervenante n’était pas la tasse, la sous-tasse et l’assiette creuse, mais les stries décoratives présentes sur les parois de ces pièces de vaisselle. La requérante soutient que d’autres caractéristiques que ces stries concentriques auraient dû être prises en considération pour apprécier la question de la présence de l’œuvre de l’intervenante dans les dessins ou modèles contestés de la requérante et, donc, de l’atteinte au droit d’auteur revendiqué par l’intervenante.

67

Une évaluation des divers éléments des pièces de vaisselle de la requérante et de l’intervenante permettrait de détecter de nombreuses différences, lesquelles conféreraient des caractéristiques distinctes à ces pièces de vaisselle, de nature à produire une impression d’ensemble complètement différente. Ces différences ne permettraient pas d’affirmer que l’œuvre protégée a été utilisée dans les dessins ou modèles contestés.

68

En effet, il ressortirait clairement des vues produites que les tasses et leurs sous-tasses et les assiettes creuses des parties n’auraient aucun élément commun en dehors de leurs stries.

69

La tasse de l’intervenante présenterait des formes arrondies, avec une anse particulière, qui ne ressembleraient en rien aux formes coniques de la tasse de la requérante. La sous-tasse de la requérante aurait un contour lisse central relativement plus grand que la sous-tasse de l’intervenante et un bord plus plat, puisque seul le bord extérieur serait incliné. Vu de l’extérieur, le creux de l’assiette creuse de la requérante serait totalement lisse à l’exception d’une incision à quelques millimètres de la base. Il serait plus arrondi que celui de l’assiette creuse de l’intervenante et dépourvu de rebords ou d’échelons. Les bords des assiettes présenteraient des différences quant à leur inclinaison et à leur ouverture, celle de la requérante étant plus arrondie que celle, d’inclinaison plus rectiligne, de l’intervenante. De plus, les stries seraient plus épaisses et marquées dans les dessins ou modèles contestés.

70

Compte tenu du fait que la liberté du créateur serait limitée dans le domaine des articles de vaisselle, il serait impossible que les dessins ou modèles contestés soient considérés comme comportant une utilisation des œuvres revendiquées par l’intervenante.

71

La requérante ajoute que, quand bien même il serait considéré que l’œuvre dont l’intervenante revendique la protection est constituée des stries décoratives présentes sur les parois de ses pièces de vaisselle, il faudrait tout de même se demander quelle est la partie originale de l’œuvre en question.

72

L’OHMI et l’intervenante contestent la position de la requérante.

73

Il convient de rappeler que la cause de nullité invoquée en l’espèce par l’intervenante n’est pas fondée sur le défaut de caractère individuel des dessins ou modèles contestés au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002, mais sur une utilisation non autorisée, dans ces dessins ou modèles, d’une œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur d’un État membre.

74

Il s’ensuit que la seule question qui se posait à l’OHMI était celle de savoir si l’intervenante était titulaire d’un droit d’auteur selon le droit français et si ce droit d’auteur faisait l’objet d’une utilisation non autorisée dans les dessins ou modèles contestés.

75

Il a déjà été constaté aux points 48 à 59 ci-dessus que l’intervenante avait respecté les exigences de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement no 2245/2002, relatives à la fourniture, dans la demande en nullité, de la représentation et des précisions sur l’œuvre protégée par le droit d’auteur sur lequel était fondée la demande.

76

Quant aux prétentions selon lesquelles l’intervenante n’aurait eu aucun droit d’auteur puisque la décoration des articles de vaisselle par l’application de fines stries concentriques sur leurs surfaces extérieures aurait été pratiquée par d’autres entreprises du secteur avant l’intervenante, et selon lesquelles cette décoration ne serait nullement originale, mais serait une pratique ayant eu cours à toutes les époques, il a déjà été constaté aux points 60 à 64 ci-dessus que ces prétentions sont, sinon irrecevables parce que nouvelles, du moins non fondées car reposant intégralement sur des éléments de preuve irrecevables.

77

Quant à l’argument, développé dans le présent moyen, selon lequel la chambre de recours n’aurait pas dû se limiter à la décoration des articles de vaisselle, mais aurait dû prendre en considération leurs formes, il convient de le rejeter, pour les raisons suivantes.

78

Il est vrai que l’œuvre dont l’intervenante s’est prévalue devant l’OHMI pour demander la nullité des dessins ou modèles contestés ne se limitait pas à la seule décoration de ses pièces de vaisselle, mais s’étendait à d’autres aspects desdites pièces, notamment à leurs formes. Toutefois, la décoration était, en tant que telle, clairement revendiquée par l’intervenante, devant l’OHMI, comme la traduction matérielle d’un effort créatif protégé au titre du droit d’auteur. L’intervenante a ainsi fait valoir que l’originalité de la vaisselle de sa collection «Hémisphère» résidait tout particulièrement dans ses stries superficielles et leur alternance avec des parties lisses, cette finition étant, selon elle, empreinte d’originalité et reflétant la créativité de l’auteur.

79

Or, ainsi que cela ressort de la jurisprudence française produite au dossier et citée par la chambre de recours, en droit français, une pièce de vaisselle peut, tant par sa forme que par sa décoration, constituer une œuvre protégée par un droit d’auteur, dès lors que l’un ou l’autre de ces aspects est le résultat d’une activité créative et qu’il présente un caractère d’originalité attestant de la personnalité de l’auteur.

80

Dès lors, rien n’interdisait en principe à la chambre de recours de retenir, comme œuvre dont l’utilisation non autorisée était en cause, la décoration des pièces de vaisselle de l’intervenante. Ce faisant, la chambre de recours restreignait, certes, son appréciation à un aspect des pièces de vaisselle des parties. Mais, des deux parties au litige, seule l’intervenante aurait pu, éventuellement, avoir à se plaindre, ce qu’elle n’a pas fait, de cette approche de la chambre de recours, qui laissait non traitées certaines de ses revendications au titre du droit d’auteur.

81

Il résulte des considérations qui précèdent que la limitation de l’analyse de la chambre de recours à la décoration des pièces de vaisselle de l’intervenante n’est pas de nature, en l’espèce, à entacher d’illégalité les décisions attaquées.

82

Il s’ensuit que tous les arguments par lesquels la requérante souligne les différences de formes des dessins ou modèles contestés et des pièces de vaisselle de l’intervenante sont dépourvus de pertinence.

83

La seule considération pertinente pour l’appréciation de la légalité des décisions attaquées est celle de savoir si, comme la chambre de recours l’a conclu, premièrement, la décoration striée des pièces de vaisselle de l’intervenante constituait une œuvre de l’esprit et, deuxièmement, cette œuvre était reproduite sur les dessins ou modèles contestés, emportant ainsi une utilisation non autorisée du droit d’auteur de l’intervenante.

84

Sur le premier aspect, la chambre de recours a procédé aux appréciations suivantes.

85

Elle a considéré que l’œuvre consistait en la décoration des pièces de vaisselle, par l’application d’un motif de stries fines, parallèles et concentriques, de la même épaisseur et non discontinues, sur l’ensemble de la partie extérieure de la tasse et la quasi-totalité des faces internes de la sous-tasse et de l’assiette creuse, sauf le rond central.

86

De l’avis de la chambre de recours, cette décoration particulière des pièces de vaisselle permettait de distinguer celles-ci et leur conférait un caractère suffisamment original, de sorte que cela justifiait leur protection juridique selon le droit français. Par conséquent, la présence des stries fines en question entrait dans les critères établis par le droit français.

87

La chambre de recours a relevé qu’à aucun moment la requérante n’avait exprimé devant elle, de manière explicite, les motifs pour lesquels la décoration des éléments de vaisselle de l’intervenante ne justifierait pas la protection du droit d’auteur. La chambre de recours a indiqué que l’absence de caractère artistique, invoqué par la requérante, n’était pas un critère pertinent. Elle a relevé que la requérante avait mentionné également l’absence d’originalité d’une pièce de vaisselle couverte de stries, mais sans apporter aucun élément de preuve à l’appui de cet argument, et que la requérante avait contesté de nouveau, mais à tort, que l’œuvre de l’intervenante méritait une protection en vertu du droit français, au motif que la vaisselle serait un produit industriel.

88

La chambre de recours a considéré que, en définitive, la finition superficielle des éléments de vaisselle invoquée par l’intervenante, telle qu’elle apparaissait, entrait, «malgré (ou en raison de) sa simplicité de forme», dans la catégorie des créations de l’esprit capables de refléter la personnalité de leur auteur et qu’elle était, à ce titre, protégée par la législation française sur le droit d’auteur.

89

Force est de constater que la requérante ne parvient pas à remettre en cause ces appréciations.

90

En effet, la requérante ne conteste pas, devant le Tribunal, les affirmations, au demeurant correctes, de la chambre de recours sur l’absence de pertinence d’une appréciation artistique de l’œuvre et sur l’applicabilité du droit d’auteur aux produits industriels. Quant à la prétendue absence d’originalité, il a déjà été constaté que l’ensemble des preuves produites par la requérante devant le Tribunal sur ce point sont irrecevables.

91

Par conséquent, il convient de conclure que la requérante n’établit pas que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que la décoration des pièces de vaisselle de l’intervenante constituait une œuvre protégée au titre du droit d’auteur.

92

Sur le deuxième aspect, relatif à l’utilisation de l’œuvre de l’intervenante dans les dessins ou modèles contestés, la chambre de recours a procédé aux énonciations suivantes.

93

La chambre de recours a constaté, en premier lieu, la présence dans les dessins ou modèles contestés de l’œuvre protégée, en l’espèce le même dessin de stries, et, en second lieu, le fait que ces stries couvraient exactement les mêmes parties des pièces de vaisselle. La chambre de recours a relevé que c’était précisément dans la somme de ces deux caractéristiques que se manifestait le contenu créatif de l’œuvre antérieure, «qui a été reproduit – ou ‘utilisé’ – sans autorisation», dans les dessins ou modèles contestés.

94

La requérante, après avoir admis que les pièces de vaisselle en cause avaient comme élément commun leurs stries, s’est limitée, devant le Tribunal, à faire valoir que les stries étaient «plus épaisses et marquées» dans les dessins ou modèles contestés. La requérante a fait, dans ce contexte, référence aux conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic (C-281/10 P, Rec. p. I-10153) et à une prétendue limitation du degré de liberté du créateur.

95

Ces arguments de la requérante ne suffisent toutefois pas à démontrer une erreur de la chambre de recours.

96

En premier lieu, il convient de relever que c’est à tort que la requérante invoque les conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 94 supra, et une prétendue limitation du degré de liberté du créateur.

97

En effet, le motif de nullité invoqué en l’espèce est celui tiré de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002 et non, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 94 supra, celui tiré de l’article 25, paragraphe 1, sous d), du même règlement.

98

L’issue du présent litige ne doit donc nullement se déterminer sur la base d’une comparaison globale entre deux dessins ou modèles dans laquelle une limitation du degré de liberté du créateur résultant de contraintes techniques ou légales, au demeurant non établies en l’espèce, peut rendre l’utilisateur averti plus attentif aux détails et faciliter la reconnaissance d’un caractère individuel du dessin ou modèle contesté (voir, à cet égard, arrêt Radiateurs de chauffage, point 35 supra, points 43 à 45, et la jurisprudence citée).

99

L’issue du présent litige dépend uniquement du point de savoir si le dessin ou modèle contesté comporte une «utilisation non autorisée» de l’œuvre protégée par la législation sur le droit d’auteur de l’État membre concerné.

100

C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que, pour apprécier la cause de nullité, il n’y avait pas lieu de comparer les modèles en conflit dans leur ensemble, mais uniquement de déterminer si l’œuvre protégée par le droit d’auteur était utilisée dans les modèles postérieurs, c’est-à-dire de déterminer si la présence de cette œuvre pouvait être constatée dans ces modèles, avec pour conséquence que, dans ce contexte, les différences invoquées par la requérante, comme la forme de la tasse ou le dessin de son anse ou la forme du bol de l’assiette creuse, étaient dépourvues de pertinence.

101

En second lieu, et comme l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours, il est indéniable que la décoration des dessins ou modèles contestés présente une grande ressemblance avec celle des pièces de vaisselle de l’intervenante, tant en ce qui concerne l’identité des surfaces couvertes que le caractère concentrique, la régularité et la finesse des stries. La plus grande épaisseur et le caractère plus marqué des stries, revendiqués par la requérante, ne suffisent pas à supprimer cette ressemblance.

102

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’établit pas, devant le Tribunal, que la chambre de recours a commis une erreur en considérant, sur la base des éléments dont elle disposait, que la décoration des pièces de vaisselle invoquée par l’intervenante au soutien de ses demandes en nullité était protégée par la législation française sur le droit d’auteur et que cette décoration faisait l’objet d’une utilisation non autorisée dans les dessins ou modèles contestés.

103

Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté.

104

La requérante ayant succombé en tous ses moyens, il convient de rejeter les présents recours.

Sur les dépens

105

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

106

La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ces parties.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Les affaires T‑566/11 et T‑567/11 sont jointes aux fins de l’arrêt.

 

2)

Les recours sont rejetés.

 

3)

Viejo Valle, SA supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et des Établissements Coquet.

 

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2013.

Signatures

Table des matières

 

Antécédents du litige

 

Conclusions des parties

 

En droit

 

Sur la recevabilité et la pertinence de certaines pièces produites en annexes aux requêtes et aux demandes de suspension

 

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 28, paragraphe 1, sous b), iii), du règlement no 2245/2002, en ce que l’intervenante n’aurait pas présenté les informations requises concernant les œuvres protégées

 

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, au motif que la chambre de recours aurait considéré à tort que les dessins ou modèles contestés comportaient une utilisation non autorisée de l’œuvre de l’intervenante

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.

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