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Document 62009CC0431

    Conclusions de l'avocat général Jääskinen présentées le 17 mars 2011.
    Airfield NV et Canal Digitaal BV contre Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (Sabam) (C-431/09) et Airfield NV contre Agicoa Belgium BVBA (C-432/09).
    Demandes de décision préjudicielle: Hof van beroep te Brussel - Belgique.
    Droit d’auteur - Radiodiffusion par satellite - Directive 93/83/CEE - Articles 1er, paragraphe 2, sous a), et 2 - Communication au public par satellite - Fournisseur de bouquet satellitaire - Unicité de la communication au public par satellite - Imputabilité de cette communication - Autorisation de titulaires de droits d’auteur pour cette communication.
    Affaires jointes C-431/09 et C-432/09.

    Recueil de jurisprudence 2011 I-09363

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:157

    CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. Niilo Jääskinen

    présentées le 17 mars 2011 (1)

    Affaires jointes C‑431/09 et C‑432/09

    Airfield NV,

    Canal Digitaal BV

    contre

    Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (Sabam)

    et

    Airfield NV

    contre

    Agicoa Belgium BVBA

    [demande de décision préjudicielle formée par le hof van beroep te Brussel (Belgique)]

    «Rapprochement des législations – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 93/83/CEE – Radiodiffusion par satellite – Droit exclusif de l’auteur d’autoriser la communication de ses œuvres – Acte de communication au public par satellite – Organisme de radiodiffusion – Fournisseur de bouquets de chaînes de télévision satellitaires»





    I –    Introduction

    1.        Dans les affaires jointes qui sont soumises à l’examen de la Cour, le hof van beroep te Brussel (Belgique) pose deux questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (2), et en particulier sur le sens à donner aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, sous a) et c), de ladite directive.

    2.        La juridiction de renvoi a, en effet, estimé que l’interprétation de la notion de «communication au public par satellite» telle que prévue par ladite directive était nécessaire à la solution des deux litiges, présentant un lien de connexité, qui sont pendants devant elle. Ces litiges opposent, d’une part, Airfield NV (ci-après «Airfield») et Canal Digitaal BV (ci-après «Canal Digitaal») à la Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs, ci-après la «Sabam») (affaire C‑431/09) et, d’autre part, Airfield seule à Agicoa Belgium BVBA (ci-après «Agicoa») (affaire C‑432/09).

    3.        Le différend porte sur le point de savoir si Airfield, qui est un fournisseur de télévision par satellite proposant au public de s’abonner pour recevoir un bouquet de chaînes télévisées (ci-après le «fournisseur de bouquets satellitaires»), doit obtenir une autorisation de la part des titulaires de droits d’auteur au titre de sa participation, avec l’aide de la société qui lui est apparentée, Canal Digitaal, à la diffusion simultanée et sans modification des programmes fournis par des organismes de radiodiffusion, alors que ces organismes ont eux-mêmes déjà reçu une autorisation émanant des titulaires des droits de propriété intellectuelle afférents à ces programmes. En d’autres termes, il y a lieu de déterminer si et dans quelle mesure un fournisseur de bouquets satellitaires agissant dans des circonstances telles que celles en cause au principal effectue un acte d’exploitation concernant des œuvres protégées par des droits d’auteur ou des droits voisins des droits d’auteur.

    4.        Derrière les détails techniques relativement complexes de l’affaire, se trouve en réalité une question juridique assez simple. Il s’agit pour l’essentiel de savoir quel traitement doit être réservé, selon la directive 93/83, à un opérateur indépendant vis-à-vis d’un organisme de radiodiffusion qui intervient, de façon plus ou moins importante, dans la chaîne de communication reliant dans les cas typiques ledit organisme à un public qui est le destinataire final de signaux porteurs de programmes diffusés par satellite.

    II – Le cadre juridique

    A –    Le droit de l’Union

    –        La directive 93/83

    5.        La directive 93/83 vise à combler une lacune laissée, dans le cadre juridique de la création d’un espace audiovisuel unique, par la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (3), qui a été adoptée sans contenir de dispositions relatives aux droits d’auteur (4).

    6.        Les quatorzième et quinzième considérants de la directive 93/83 énoncent:

    «(14) […] l’insécurité juridique relative aux droits à acquérir, qui entrave la retransmission transfrontièr[e] de programmes par satellite, sera écartée par la définition de la communication au public par satellite à l’échelle communautaire; […] cette définition doit préciser en même temps le lieu de l’acte de communication; […] elle est nécessaire pour éviter l’application cumulative de plusieurs législations nationales à un même acte de radiodiffusion; […] la communication au public par satellite a lieu uniquement lorsque et dans l’État membre où les signaux porteurs du programme sont introduits, sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion, dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre; […] des procédures techniques normales appliquées aux signaux porteurs de programmes ne peuvent être considérées comme des interruptions de la chaîne de transmission;

    (15)      […] l’acquisition contractuelle de droits exclusifs de radiodiffusion doit être conforme à la législation sur les droits d’auteur et les droits voisins en vigueur dans l’État membre où a lieu la communication au public par satellite».

    7.        L’article 1er, paragraphe 2, sous a) à c), de la directive 93/83, contenu dans le chapitre premier intitulé «Définitions», prévoit:

    «a)      Aux fins de la présente directive, on entend par ‘communication au public par satellite’ l’acte d’introduction, sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion, de signaux porteurs de programmes destinés à être captés par le public dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre.

    b)      La communication au public par satellite a lieu uniquement dans l’État membre dans lequel, sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion, les signaux porteurs de programmes sont introduits dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre.

    c)      Lorsque les signaux porteurs de programmes sont diffusés sous forme codée, il y a communication au public par satellite à condition que le dispositif de décodage de l’émission soit mis à la disposition du public par l’organisme de radiodiffusion ou avec son consentement.»

    8.        L’article 2 de la directive 93/83, relatif au droit de radiodiffusion par satellite, énonce:

    «Les États membres prévoient le droit exclusif de l’auteur d’autoriser la communication au public par satellite d’œuvres protégées par le droit d’auteur, sous réserve des dispositions du présent chapitre.»

    –        La directive 2001/29/CE

    9.        Le vingt-troisième considérant de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (5), prévoit que celle‑ci «doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte». (6)

    10.      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, «[l]es États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement».

    B –    Le droit national

    11.      L’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la loi belge du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins (7) (ci-après la «loi relative au droit d’auteur»), telle que modifiée, prévoit que «[l]’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique a seul le droit de la communiquer au public par un procédé quelconque (y compris par la mise à disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement) (8)».

    12.      Les articles 49 et 50 de cette loi, relatifs à «la communication au public par satellite», reprennent, en substance, le libellé des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, sous a) à c), de la directive 93/83, sans modification ultérieure.

    III – Le cadre factuel

    13.      Airfield, société belge opérant en Belgique sous la dénomination commerciale TV Vlaanderen, exerce l’activité de fournisseur de télévision et de radio numériques par satellite. Elle propose des bouquets de chaînes pouvant être écoutées et regardées conjointement par ses abonnés par satellite.

    14.      Le bouquet proposé au public par Airfield comprend deux types de chaînes de télévision. Les unes, gratuites et non encryptées, usuellement dites «free to air», peuvent être captées par toute personne disposant d’une antenne parabolique et d’un récepteur satellite, sans obligation d’abonnement. Les autres sont cryptées et ne peuvent être regardées qu’après décodage, ce qui nécessite de conclure un contrat d’abonnement avec Airfield, qui remet à ses clients une carte permettant le décodage, dénommée «smartcard».

    15.      Afin de fournir ses prestations, Airfield a recours aux services techniques de Canal Digitaal, société néerlandaise qui appartient au même groupe qu’Airfield et offre des services équivalents aux siens à destination des consommateurs résidant aux Pays-Bas.

    16.      Canal Digitaal a conclu une convention avec la société SES Astra, qui exploite le système de satellite Astra, aux termes de laquelle celle-ci loue à Canal Digitaal des capacités pour la télévision et la radio numériques sur ce satellite.

    17.      En outre, Canal Digitaal a conclu un contrat de services avec Airfield par lequel elle s’est engagée, à partir du 1er janvier 2006, à lui sous-louer des capacités louées sur le satellite Astra pour la diffusion de programmes télévisés et radiophoniques en Belgique et au Luxembourg. S’agissant de la diffusion des programmes télévisés, Canal Digitaal s’engage à fournir des services techniques et notamment la diffusion, le multiplexage (mélange), la compression, le cryptage et la transmission des données qui sont nécessaires afin qu’Airfield puisse diffuser des services de télévision digitale en Belgique et au Luxembourg.

    18.      Pour offrir la télévision numérique par satellite à ses clients en Flandre (Belgique), Airfield a également conclu une série de contrats avec des organismes de radiodiffusion dont les chaînes sont incluses dans son bouquet satellitaire. Sur le plan technique, les modalités de la collaboration avec ces derniers diffèrent en fonction du mode de retransmission des chaînes de télévision concernées. La juridiction de renvoi distingue trois types d’acheminement des signaux porteurs de programmes via satellite jusqu’au consommateur en Belgique, à savoir deux modes indirects et un mode direct, étant précisé que dans tous les cas de figure, les programmes retransmis restent inchangés.

    –       Les deux modes de retransmission indirecte des chaînes de télévision incluses dans le bouquet satellitaire

    19.      Aux termes des deux décisions de renvoi, dans le premier cas de retransmission dite indirecte, désignée comme étant la «situation 1», des organismes de radiodiffusion belges envoient, par voie terrestre, des signaux non codés porteurs de leurs programmes vers les appareils que Canal Digitaal a installés en Belgique. Ensuite, Canal Digitaal comprime les signaux et les crypte pour les envoyer, au moyen d’une bande large, auprès de sa station située aux Pays‑Bas. Celle‑ci assure la liaison montante des signaux vers le satellite Astra, après les avoir soumis à un codage. La clé nécessaire au public pour visionner les programmes est incorporée dans une carte de décodage qui est mise à la disposition d’Airfield par Canal Digitaal, puis remise à tout client qui s’abonne auprès d’Airfield.

    20.      Le second type de retransmission indirecte, correspondant à la «situation 3» décrite par la juridiction de renvoi, consiste dans ce que des organismes de radiodiffusion transmettent à Canal Digitaal les signaux portant leurs programmes via un autre satellite, par exemple Eutelsat, et non par voie terrestre. Canal Digitaal reçoit ces signaux satellitaires, codés et inaccessibles au public, aux Pays-Bas ou au Luxembourg. Elle les décode si nécessaire, les recrypte et les envoie vers le satellite Astra. Les abonnés d’Airfield peuvent décoder ces signaux via une carte spéciale fournie par Canal Digitaal à Airfield.

    21.      Airfield a conclu des contrats de fourniture de télévision par satellite, dénommés «carriage agreements» (9), ou accords de portage, avec les organismes de radiodiffusion concernés par ces deux modes d’acheminement de leurs signaux.

    22.      Aux termes desdits contrats, Airfield loue auxdits organismes des capacités de transpondeur satellite en vue de la diffusion des programmes télévisés auprès des téléspectateurs en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Airfield garantit qu’elle a reçu l’autorisation de la société exploitant le satellite Astra pour sous-louer de telles capacités.

    23.      En outre, Airfield s’est engagée à réceptionner le signal des programmes télévisés de ces organismes auprès d’un site central de liaison montante, puis à comprimer ce signal, le multiplexer, le crypter et l’envoyer au satellite pour diffusion et réception.

    24.      Au titre de cette location et de cette prestation de services, les organismes de radiodiffusion paient une indemnité à Airfield. Pour leur part, ils lui accordent une autorisation afin que les abonnés du fournisseur de bouquets satellitaires puissent avoir une vision simultanée, en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg, de leurs programmes diffusés au moyen du satellite Astra.

    25.      En contrepartie des droits accordés par les organismes de radiodiffusion à Airfield et du pouvoir discrétionnaire d’Airfield de reprendre les programmes télévisés dans son offre de bouquets, cette dernière doit leur verser une rémunération au titre des programmes télévisés reçus par ses abonnés sur le territoire concerné.

    –       Le mode de retransmission directe des chaînes de télévision incluses dans le bouquet satellitaire

    26.      Dans ce cas, qui correspond à la «situation 2» exposée par la juridiction de renvoi, la retransmission est dite «directe» car elle s’effectue sans l’aide technique d’Airfield et de Canal Digitaal. En effet, les organismes de radiodiffusion cryptent eux‑mêmes, ou par le biais d’autres opérateurs qu’Airfield, les signaux portant leurs programmes dans le pays d’origine et les envoient directement vers le satellite Astra. Lesdits signaux sont ensuite renvoyés vers la terre. La contribution de Canal Digitaal se limite à la fourniture des clés de cryptage aux opérateurs, de façon à ce que les codes corrects soient appliqués pour permettre ultérieurement à chaque abonné d’Airfield de visionner les programmes au moyen de sa carte de décodage.

    27.      À l’égard de ce groupe d’organismes de radiodiffusion, Airfield a conclu une autre catégorie de contrats, dénommés «heads of agreement». Ils prévoient que lesdits organismes donnent à Airfield l’autorisation pour une réception et une vision simultanée par ses abonnés, en Belgique et au Luxembourg, de leurs programmes télévisés qui sont diffusés au moyen du satellite Astra.

    28.      En contrepartie des droits accordés par les organismes de radiodiffusion à Airfield et du pouvoir discrétionnaire d’Airfield de reprendre les programmes télévisés dans son offre de bouquets, cette dernière doit leur verser une rémunération pour les programmes télévisés reçus par ses abonnés sur le territoire concerné.

    IV – Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

    29.      La Sabam est une société coopérative belge qui, en tant que société de gestion, représente les auteurs en autorisant l’utilisation, par un tiers, de leurs œuvres protégées et en percevant une rémunération pour cette utilisation.

    30.      Agicoa (10) est une société collective de gestion belge qui représente les producteurs belges et internationaux d’œuvres audiovisuelles pour la gestion des droits d’auteur et des droits voisins sur des films et d’autres œuvres audiovisuelles, à l’exception des clips vidéo. Dans ce cadre, elle perçoit les rémunérations dues à ces producteurs.

    31.      La Sabam et Agicoa ont considéré qu’Airfield, en tant qu’entité indépendante des organismes de radiodiffusion, effectuait une rediffusion des programmes télévisés déjà transmis par ces organismes, au sens de la convention de Berne (11). Elles ont estimé que du fait de cette nouvelle communication au public, Airfield devait obtenir une autorisation supplémentaire par rapport à celle reçue par les organismes de radiodiffusion, aux fins d’utiliser les répertoires des auteurs dont la Sabam et Agicoa détiennent respectivement les droits.

    32.      En réponse, Airfield et Canal Digitaal ont soutenu qu’elles ne procédaient pas à une rediffusion mais qu’elles se bornaient à offrir au public des programmes télévisés par satellite pour le compte des organismes de radiodiffusion. Selon elles, il n’y aurait qu’une première et unique diffusion par satellite, assurée par les organismes de radiodiffusion eux-mêmes, pour laquelle ceux-ci feraient appel aux services d’Airfield et de Canal Digitaal sur un plan purement technique. Les défenderesses ont fait valoir que seuls les organismes de radiodiffusion effectueraient une opération pertinente pour la perception de droits d’auteur, telle que définie aux articles 49 et 50 de la loi relative au droit d’auteur ayant transposé la directive 93/83 dans le droit belge.

    33.      Aucun accord n’ayant pu être trouvé, la Sabam a assigné Airfield et Canal Digitaal (affaire C‑431/09), tandis qu’Agicoa a assigné Airfield (affaire C‑432/09), sur le fondement de la loi relative au droit d’auteur, devant le président du rechtbank van eerste aanleg te Brussel (tribunal de première instance de Bruxelles). Ce dernier a jugé qu’Airfield et Canal Digitaal avaient violé les droits d’auteur et les droits voisins, dont la Sabam et Agicoa assurent la gestion, en communiquant aux téléspectateurs qui s’abonnent aux programmes d’Airfield des œuvres protégées relevant du répertoire de chacune des demanderesses sans avoir obtenu l’autorisation préalable de celles-ci.

    34.      Airfield et Canal Digitaal ont saisi la juridiction de renvoi aux fins d’appel. Considérant qu’il n’était pas en mesure d’apporter une réponse claire aux questions d’interprétation et d’application du droit communautaire soulevées dans le cadre des deux litiges dont il a été saisi, le hof van beroep te Brussel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, qui sont libellées de façon identique dans les affaires C‑431/09 et C‑432/09:

    «1)      La directive 93/83 s’oppose-t-elle à ce que le fournisseur de télévision numérique par satellite soit tenu d’obtenir l’autorisation des titulaires de droits pour une opération par laquelle un organisme de radiodiffusion fournit ses signaux porteurs de programmes soit par voie terrestre soit au moyen d’un signal satellite codé à un fournisseur de télévision numérique par satellite indépendant dudit organisme de radiodiffusion qui fait coder ses signaux par une société qui lui est apparentée et en assure la liaison montante vers un satellite et qu’ensuite, avec l’autorisation de l’organisme de radiodiffusion, ces signaux sont renvoyés par liaison descendante comme éléments d’un bouquet de chaînes de télévision et donc de manière regroupée vers les abonnés du fournisseur de télévision par satellite qui peuvent regarder les programmes simultanément et sans altération au moyen d’une carte de décodage ou smartcard mise à disposition par le fournisseur de télévision par satellite?

    2)      La directive 93/83 s’oppose-t-elle à ce que le fournisseur de télévision numérique par satellite soit tenu d’obtenir l’autorisation des titulaires de droits pour une opération par laquelle un organisme de radiodiffusion fournit ses signaux porteurs de programmes conformément aux instructions d’un fournisseur de télévision numérique par satellite indépendant de l’organisme de radiodiffusion sur un satellite et qu’ensuite, avec l’autorisation de l’organisme de radiodiffusion, ces signaux sont renvoyés par liaison descendante comme éléments d’un bouquet de chaînes de télévision et donc de manière regroupée vers les abonnés du fournisseur de télévision par satellite qui peuvent regarder les programmes simultanément et sans altération au moyen d’une carte de décodage ou smartcard mise à disposition par le fournisseur de télévision par satellite?»

    35.      Par ordonnance du Président de la Cour du 6 janvier 2010, les affaires C‑431/09 et C‑432/09 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

    36.      Des observations écrites et orales, ainsi que des réponses écrites aux questions posées par la Cour en vue de clarifier le cadre factuel, ont été fournies par Airfield et Canal Digitaal de façon conjointe, la Sabam, ainsi qu’Agicoa. La Commission européenne a présenté des observations tant écrites qu’orales. Le gouvernement finlandais a uniquement déposé des observations écrites.

    V –    Analyse

    A –    Sur la recevabilité

    37.      À titre liminaire, Agicoa affirme que la directive 93/83 ne serait pas applicable au litige au principal et qu’en conséquence, les deux questions préjudicielles seraient irrecevables, l’interprétation sollicitée n’étant pas utile à la juridiction de renvoi pour lui permettre de statuer sur le différend qu’elle est appelée à trancher (12). Elle soutient qu’il conviendrait, au contraire, d’appliquer les dispositions de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, lues en combinaison avec celles de l’article 11 bis, paragraphe 1, sous ii), de la convention de Berne (13).

    38.      À l’appui de ses prétentions, elle fait valoir, tout d’abord, que le groupe de travail sur la radiodiffusion par satellite (14) a préconisé, lors de sa réunion du 6 mai 2003 (15), d’établir une distinction claire entre «l’opérateur de bouquet satellitaire [et] l’organisme de radiodiffusion dans la mesure où son activité est la constitution d’un bouquet de services à partir d’un État membre», comme ce serait le cas d’Airfield dans le cas d’espèce. Elle en déduit, sans autres explications, qu’il serait donc inopérant d’invoquer la notion de communication au public par satellite et que, partant, la Cour n’aurait pas à apporter une réponse aux questions qui lui ont été posées.

    39.      Agicoa allègue, par ailleurs, que le litige au principal la concernant échapperait au champ d’application matériel de la directive 93/83 car il ne serait pas question d’un satellite au sens de l’article 1er de celle-ci (16).

    40.      Enfin, elle estime que la directive 93/83 ne saurait s’appliquer du fait qu’il n’existerait pas, en l’espèce, le caractère transfrontalier prévu par la directive 93/83 ou, à tout le moins, que cet élément n’aurait jamais été précisé par Airfield.

    41.      S’agissant du premier moyen, selon lequel les questions posées seraient sans rapport avec l’objet de chacun des litiges au principal ou hypothétiques, je rappelle que dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel, la juridiction nationale est, au regard des particularités de l’affaire, la mieux placée pour apprécier tant la nécessité dudit renvoi pour être en mesure de rendre sa décision que la pertinence des questions qu’elle soumet à la Cour (17). Dès lors que celles-ci portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sachant que, selon une jurisprudence constante, les questions qui sont posées par le juge national bénéficient d’une présomption de pertinence (18).

    42.      En l’espèce, il ne saurait être soutenu, sans une démonstration permettant d’étayer cette thèse, qu’il n’est pas utile pour la solution des litiges au principal de répondre aux questions que la juridiction de renvoi a estimé à la fois nécessaire et juridiquement pertinent de formuler afin de déterminer comment mettre en œuvre le droit applicable en Belgique, et en particulier la loi relative au droit d’auteur, au regard des exigences de la directive 93/83, étant rappelé que celle-ci a été transposée dans ledit État membre par ladite loi, comme le souligne les deux décisions de renvoi.

    43.      Les deuxième et troisième arguments avancés par Agicoa ne sont pas davantage étayés. En ce qui concerne ce dernier, il résulte de la jurisprudence que la problématique tenant à une absence de caractère transfrontalier (19) relève non pas d’une exception d’irrecevabilité mais d’une question de fond (20). Au demeurant, il ne m’apparaît pas qu’en l’espèce, tous les éléments du litige au principal soient cantonnés à l’intérieur d’un État membre (21). La demande de décision préjudicielle ne peut donc pas davantage être déclarée irrecevable sur ce fondement.

    44.      Par ailleurs, lors de l’audience, le représentant de la Commission a dit regretter que le hof van beroep te Brussel n’ait pas été plus explicite concernant les faits ayant donné lieu aux deux litiges au principal. Il a exposé que ce n’était qu’à la lecture des commentaires des parties au principal que la Commission avait pris pleinement connaissance des circonstances de la cause et qu’elle souhaitait donc compléter ses observations écrites (22). Il est dès lors permis de se demander si chacune des demandes de décision préjudicielle a été formulée de façon suffisamment précise pour que la Cour puisse se prononcer.

    45.      Au vu des éléments initialement fournis à la Cour et au vu de ceux ensuite portés à sa connaissance dans le cadre de la procédure écrite et de la procédure orale, je suis d’avis que la juridiction de renvoi a défini le cadre factuel dans lequel s’insèrent les questions qu’elle a posées conformément aux exigences de la Cour (23). En effet, les données factuelles sont décrites par le hof van beroep te Brussel d’une façon certes quelque peu complexe mais ne comportant pas d’équivoque susceptible d’induire le lecteur en erreur. La difficulté évoquée par la Commission vient selon moi du présupposé qu’elle a retenu selon lequel les litiges en cause ne pouvaient porter que sur une seule forme d’activité.

    46.      En conséquence, je considère qu’il y a lieu d’apporter une réponse aux questions préjudicielles ci-dessus rappelées, et ce telles qu’elles sont posées à la Cour, donc au regard des dispositions de la directive 93/83.

    47.      Les propositions que je formulerai à cette fin, après quelques observations générales, suivront la distinction opérée par la juridiction de renvoi entre, d’une part, les modes de transmission selon lesquels les organismes de radiodiffusion retransmettent les signaux porteurs de leurs programmes de télévision vers le satellite avec le concours d’Airfield et de Canal Digital (première question préjudicielle) et, d’autre part, le mode selon lequel ils émettent leurs programmes sans l’aide de ce fournisseur de bouquets satellitaires et de la société qui y est apparentée (deuxième question préjudicielle), conformément aux circonstances ayant été décrites dans l’exposé des faits à l’origine des litiges au principal.

    B –    Observations liminaires

    48.      Comme la juridiction de renvoi le met en exergue pour motiver sa double demande de décision préjudicielle, en adoptant l’article 1er, paragraphe 2, sous a) à c), de la directive 93/83, le législateur a voulu définir la notion de «communication au public par satellite» prévue par cette directive, notion qui fait l’objet de la présente demande de décision préjudicielle, afin qu’une sécurité juridique soit instaurée au niveau communautaire.

    49.      En effet, il ressort du quatorzième considérant de la directive 93/83 que l’objectif dudit article est d’écarter l’insécurité juridique relative aux droits à acquérir, qui entrave la retransmission transfrontière de programmes par satellite (24). En outre, la définition de cette notion «à l’échelle communautaire» est apparue nécessaire pour éviter l’application cumulative de plusieurs législations nationales à un même acte de radiodiffusion, compte tenu du large impact territorial qu’une diffusion par satellite est susceptible d’avoir (25).

    50.      À cette fin, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/83 donne une définition très précise de la «communication au public par satellite» au sens de cette directive, qui indique également le lieu de l’acte de communication en retenant comme point unique de rattachement le pays d’origine de la diffusion, et ce sans renvoyer au droit des États membres. Cette notion autonome, c’est-à-dire propre au droit de l’Union, doit donc faire l’objet d’une interprétation uniforme. Il est de jurisprudence constante (26) qu’une telle notion doit être interprétée non seulement au vu de tous les termes employés dans la disposition concernée, mais aussi conformément à ses objectifs (27), ci-dessus rappelés, et à la lumière du contexte de celle-ci, tenant notamment à l’existence en la matière de conventions internationales et d’actes connexes du droit de l’Union tels que la directive 2001/29 (28).

    51.      Dans le cadre de la présente affaire, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si, dans les hypothèses de diffusions de programmes télévisés telles que définies par les deux questions préjudicielles, qui impliquent d’une façon plus ou moins importante un fournisseur de bouquets satellitaires, il faut considérer qu’il existe:

    –        une communication au public par satellite unique et imputable seulement à l’organisme de radiodiffusion, qui serait donc le seul à devoir obtenir les droits d’auteur afférents aux programmes ainsi diffusés,

    –        ou, au contraire, deux communications au public par satellite distinctes, une première allant de l’organisme de radiodiffusion vers le public de l’émission primaire, et une seconde allant du fournisseur de bouquets satellitaires vers le public constitué par ses abonnés (29), ce qui impliquerait que les droits d’auteur soient respectés pour chacune de ces opérations.

    52.      D’emblée, je souligne qu’un risque de malentendus liés à la notion de diffusion simultanée doit être écarté. Par opposition à une diffusion différée, une telle retransmission, aussi qualifiée de «rediffusion directe» comme la Sabam l’a précisé au cours de l’audience, est effectuée parallèlement, donc dans le même temps, et avec le même contenu que la diffusion initiale des programmes, dite «émission primaire» aux termes de la directive 89/552 (30), laquelle a des liens étroits avec la directive 93/83. Malgré leur caractère simultané, et non successif, ces deux diffusions doivent être distinguées s’agissant des droits d’auteur auxquels elles peuvent donner lieu (31).

    53.      Lors de l’audience, la Commission a dit avoir envisagé dans ses observations écrites le cas d’une éventuelle diffusion primaire des programmes effectuée directement par Airfield, dont l’activité, alimentée par de simples producteurs de matériel diffusable, serait alors assimilable à celle d’un organisme de radiodiffusion, et qui devrait sans nul doute obtenir une autorisation des auteurs pour effectuer une communication au public par satellite en ce cas. Néanmoins, vu le libellé des questions préjudicielles soumises à la Cour, il m’apparaît que l’hypothèse retenue par la juridiction de renvoi est tout autre, à savoir qu’elle est exclusivement celle d’une retransmission directe par Airfield qui double celle faite à l’origine et en parallèle par un organisme de radiodiffusion. En effet, ces deux questions précisent que le visionnage des programmes par les abonnés d’Airfield s’effectue «simultanément et sans altération», ce qui sous-entend que ceux-ci sont accessibles en même temps que les programmes, accessibles via un système de diffusion autre que celui d’Airfield, qui sont émis par l’organisme de radiodiffusion qui «fournit» ce dernier.

    54.      Dans le cadre des litiges au principal, il est constant que l’organisme de radiodiffusion et le fournisseur de bouquets satellitaires sont des opérateurs distincts sur les plans structurel et économique, mais qu’en est-il sur le plan juridique, c’est-à-dire quant à l’exploitation des œuvres protégées par des droits d’auteur? L’enjeu de la réponse à donner est important car dans le premier cas ci-dessus, les auteurs, grâce à leur droit d’autoriser ou de prohiber l’exploitation, percevront une seule rémunération versée par les organismes de radiodiffusion, tandis que dans le second, ils bénéficieront en outre d’une rémunération versée par le fournisseur de bouquets satellitaires.

    55.      J’observe que le gouvernement finlandais estime que les dispositions de la directive 93/83 ne permettent pas de répondre aux questions posées dans les deux décisions de renvoi préjudiciel et qu’il convient de se référer aux législations des États membres, conformément à l’arrêt Egeda (32), pour déterminer quelle entité effectue une «communication au public par satellite» et doit donc obtenir l’autorisation des auteurs de programmes télévisés. Je ne partage pas ce point de vue car il ressort des travaux préparatoires que l’article 1er de la directive 93/83 avait pour objet de dire à la fois quel acte de diffusion de programmes constitue une communication au public par satellite et qui est responsable d’un tel acte, ce qui entraîne pour cette personne la nécessité d’obtenir les droits d’exploitation (33).

    C –    Sur l’autorisation à obtenir dans le cadre d’une retransmission indirecte des chaînes de télévision incluses dans le bouquet satellitaire

    56.      Par sa première question préjudicielle, le hof van beroep te Brussel demande en substance si la directive 93/83 s’oppose à ce qu’un fournisseur de bouquets satellitaires soit tenu d’obtenir une autorisation des titulaires des droits relatifs à la communication d’œuvres protégées dans le cadre d’une retransmission indirecte de chaînes de télévision par un organisme de radiodiffusion, dans des circonstances telles que celles des litiges au principal.

    57.      Le caractère indirect des opérations concernées (34) tient au fait que l’organisme de radiodiffusion fournit les signaux portant ses programmes, soit par voie terrestre, soit par voie satellitaire avec un cryptage, non pas seul mais par l’intermédiaire d’Airfield, dont la juridiction de renvoi précise qu’elle est indépendante dudit organisme. Concrètement, ce fournisseur de télévision par satellite fait coder les signaux par une société qui lui est apparentée, à savoir Canal Digitaal, et il en assure la liaison montante vers le satellite Astra.

    58.      Pour répondre aux questions posées, il convient de rappeler que l’article 2 de la directive 93/83 énonce que l’auteur d’une œuvre protégée par les droits dont il est titulaire détient le pouvoir exclusif d’autoriser la communication au public par satellite de ladite œuvre. Les dispositions pertinentes, en l’espèce, de la directive 93/83 sont celles de l’article 1er, paragraphe 2, sous a) et c), qui définit la notion de «communication au public par satellite» au sens de celle-ci.

    59.      Le libellé de ces dispositions révèle que plusieurs critères doivent être pris en considération pour que l’opération en cause puisse être qualifiée de «communication au public par satellite» entraînant la nécessité d’une autorisation de la part du titulaire des droits afférents à l’œuvre diffusée.

    60.      Les parties au principal s’accordent sur la série d’éléments que la Cour devrait examiner, mais elles sont divisées s’agissant de la réponse à apporter aux questions préjudicielles. D’une part, Airfield et Canal Digitaal estiment que la directive 93/83 s’oppose à ce qu’il soit fait obligation au fournisseur de bouquets satellitaires d’obtenir une autorisation spécifique de la part des auteurs de programmes, au motif que l’intervention de celui-ci constituerait de simples services techniques. D’autre part, Agicoa et la Sabam soutiennent le contraire, en faisant valoir qu’une «communication au public par satellite» est effectuée non seulement par les organismes de radiodiffusion, mais aussi par ledit fournisseur de bouquets satellitaires.

    61.      D’emblée, j’observe que la notion de «signaux porteurs de programmes» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/83 ne pose pas de problème. Il n’existe en effet aucun doute sur le fait que les signaux concernés par les litiges au principal peuvent être qualifiés comme tels.

    62.      Agicoa et la Sabam arguent que lesdits signaux seraient destinés au fournisseur de bouquets satellitaires, et non au public en tant que tel, tandis que selon Airfield et Canal Digitaal, ce ne serait pas ledit fournisseur qui émettrait à destination du public, en particulier dans la phase de liaison montante.

    63.      Il ressort de la jurisprudence que la notion de «public» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/83 renvoie au grand public, par opposition aux professionnels (35). Il faut donc exclure de la qualification de «communication au public par satellite» la partie des actes de retransmission qui correspond à la captation des signaux par un professionnel tel qu’Airfield. L’hypothèse visée par la juridiction de renvoi est celle de l’opération qui débute par la fourniture des signaux porteurs de ses programmes par un organisme de radiodiffusion et qui aboutit à ce que les abonnés du fournisseur de télévision par satellite puissent au final regarder les programmes concernés dans leur intégralité, sans différé ni dénaturation. Selon moi, seul ledit public, ne serait‑il que potentiel (36), est pertinent au regard de la question préjudicielle.

    64.      En l’espèce, le public touché par l’activité d’Airfield est celui constitué par les personnes ayant souscrit un abonnement auprès de celle-ci. L’organisme de radiodiffusion peut parfaitement avoir ciblé un public différent de ce dernier, étant précisé qu’aucun des organismes dont les programmes sont repris dans les bouquets d’Airfield ne réserve exclusivement la distribution de ses signaux à celle-ci. Or, cette approche tenant à l’existence d’un «public nouveau» a été retenue par la Cour dans l’arrêt SGAE, précité, concernant la notion de «communication au public par satellite» telle que prévue par l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 (37), qui tend à remplacer l’article 2 de la directive 93/83 pour l’essentiel (38). En l’occurrence, il est permis de considérer qu’il faut dissocier la communication au public initialement faite par l’organisme de radiodiffusion, qui peut être captée à titre gratuit par toute personne disposant d’un moyen d’accès approprié, et celle effectuée par le fournisseur de bouquets satellitaires, qui n’est accessible que pour les abonnés auxquels une carte de décodage a été remise. Leurs publics étant différents, les intérêts économiques de ces deux opérateurs, qui sont indépendants selon les termes des deux décisions de renvoi, sont aussi distincts (39).

    65.      Lors de l’audience, Airfield a admis qu’une autorisation spéciale des auteurs, et partant une autre rémunération à leur profit, serait nécessaire dans l’hypothèse, non vérifiée en l’espèce, où la retransmission qu’elle effectue serait décalée dans le temps par rapport à celle effectuée par les organismes de radiodiffusion. Néanmoins, à l’instar de la Sabam et de la Commission, j’estime que peu importe que la diffusion par le fournisseur de bouquets satellitaires soit différée ou, comme dans les litiges au principal, simultanée. Le critère essentiel, pour qu’il y ait des actes d’exploitation séparés, est qu’Airfield a agi en ayant une cible particulière, à savoir le public spécifiquement visé au moyen du groupage des programmes, opération qui offre une valeur économique ajoutée au fournisseur de bouquets satellitaires.

    66.      Airfield définit son propre public en formant les bouquets de chaînes télévisées qui sont, par définition, un autre produit audiovisuel que les chaînes individuelles les composant. Comme la Commission l’a indiqué à l’audience, il pourrait s’agir soit d’une émission primaire par Airfield, soit d’une rediffusion, mais dans les deux cas, le fournisseur de bouquets satellitaires doit avoir sa propre autorisation émanant des titulaires de droits d’auteur. La seule exception admissible selon moi serait celle tenant au cas où, aux termes d’un accord contractuel conclu avec les auteurs et conforme à la législation nationale (40), l’organisme de radiodiffusion aurait pu céder son autorisation au fournisseur de bouquets satellitaires qui effectue une retransmission simultanée. Or, cette possibilité semble exclue en l’espèce au vu des indications données à l’audience par la Sabam, qui a précisé que les contrats généraux d’autorisation et de rémunération qu’elle a conclus avec les organismes de radiodiffusion concernés exigeaient que ceux‑ci assurent eux‑mêmes la diffusion des œuvres protégées et excluaient expressément la possibilité pour ces derniers de recourir à un tiers pour distribuer ou rediffuser les programmes faisant l’objet de l’autorisation leur ayant été accordée par les titulaires des droits d’auteur.

    67.      Après avoir souligné que la directive 93/83 ne définit pas clairement la notion d’«acte d’introduction, sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion» au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de ladite directive, Airfield et Canal Digitaal considèrent qu’elles interviennent en qualité de simples sous‑traitants, ne faisant qu’apporter une aide technique aux organismes de radiodiffusion, puisqu’elles-mêmes ne décideraient ni du contenu des programmes émis, ni du moment de leur diffusion (41).

    68.      Lors de l’audience, la Commission a estimé que le fournisseur de bouquets satellitaires agissait néanmoins comme un organisme de radiodiffusion en ce qu’il donne à tout le moins des instructions et opère un groupage des chaînes de télévision. Agicoa et la Sabam réfutent aussi l’analyse d’Airfield et de Canal Digitaal, au motif que ces dernières jouent un rôle de «facilitateurs» à l’égard des organismes de radiodiffusion avec lesquels des contrats ont été conclus.

    69.      J’observe qu’en l’espèce, aux termes de sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi tient pour acquis que «[l’]organisme de radiodiffusion fournit ses signaux porteurs de programmes […] à un fournisseur de télévision numérique par satellite». Il en résulte que c’est bien ledit organisme qui apparaît être à l’origine du processus de communication. Il reste à savoir si c’est lui, et non Airfield, qui accomplit «l’acte d’introduction» pertinent d’une communication au public par satellite, au sens de la directive 93/83, ou s’il se limite, en tant que simple producteur de matériel diffusable, à fournir le contenu audiovisuel dont la diffusion par satellite est juridiquement et techniquement exécutée sous le contrôle d’Airfield et de Canal Digitaal.

    70.      La réponse se trouve selon moi dans les contrats de portage qu’Airfield conclut avec les organismes de radiodiffusion. Il ressort en effet du paragraphe 7.2 du contrat type de «carriage agreement» qui est versé au dossier qu’Airfield a le pouvoir discrétionnaire de sélectionner les programmes télévisés qu’elle entend inclure dans son offre sur tout un territoire ou une partie de celui-ci, cet avantage étant obtenu en contrepartie d’une rémunération. C’est donc ce fournisseur de bouquets satellitaires qui définit le contenu de ce qui est envoyé dans la liaison montante. Par conséquent, en tant que responsable de la communication au public, il doit obtenir une autorisation des titulaires de droits.

    71.      Je rappelle que l’effet utile de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 93/83 est de définir l’acte d’exploitation pertinent du point de vue des droits d’auteur, dans le contexte de la radiodiffusion par satellite. La solution adoptée par le législateur communautaire n’a de sens que si la communication au public par satellite est comprise comme une chaîne causale unique et fermée qui consiste en un acte d’introduction des signaux, suivi d’une liaison montante vers le satellite puis d’une liaison descendante, le tout sous la responsabilité et le contrôle de l’organisme de radiodiffusion ayant effectué l’émission primaire.

    72.      La Commission a souligné dans ses observations écrites, que compte tenu de l’objectif de sécurité juridique visé par la directive 93/83, il convient de ne pas faire dépendre l’applicabilité de ses dispositions des aléas techniques liés au satellite. Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il faut que le système de diffusion soit fermé, en ce sens que le public ne doit pas avoir accès aux signaux porteurs de programmes tant qu’ils se situent dans la chaîne de communication (42). Je considère que tel est bien le cas en l’espèce, aucune interception n’étant possible par un tiers puisque le signal transmis est codé.

    73.      Airfield et Canal Digitaal soutiennent que dès lors que leurs interventions se limitent à des «procédures techniques normales», elles ne peuvent pas être considérées comme susceptibles d’engendrer une interruption du signal (43), conformément aux dispositions du quatorzième considérant de la directive 93/83 (44). À l’audience, les intéressées ont argué que la composition de bouquets satellitaires ne cause pas d’interruption car les programmes sont retransmis tels qu’elles les reçoivent de l’organisme de radiodiffusion, sans modification de leur contenu ni même de l’horaire de leur diffusion, et que les opérations techniques qu’elles effectuent ne constituent donc pas des actes ouvrant droit à la perception de droits d’auteur.

    74.      Vu le libellé de la question préjudicielle et les éléments figurant au dossier, je partage l’analyse contraire d’Agicoa et de la Sabam selon laquelle lesdites interventions (45) nécessitent une adaptation technique des signaux émis par les organismes de radiodiffusion et, partant, conduisent à une interruption de la chaîne de communication. Il est important de relever qu’Airfield, avec l’aide technique de Canal Digitaal, modifie la nature des signaux émis par les organismes de radiodiffusion et utilise sa propre fréquence pour diffuser les programmes télévisés, ce qui permet de considérer que ce fournisseur de bouquets satellitaires agit de façon autonome par rapport auxdits organismes. Je considère que ces actes vont au‑delà de «procédures techniques normales» (46), qu’il y a là une interruption de la chaîne de communication qui a été initialement ouverte par les organismes de radiodiffusion et qu’une nouvelle chaîne est alors créée et définie par Airfield. Cette opération lui permet d’orienter la retransmission par satellite des programmes concernés vers un public différent de celui de l’organisme de radiodiffusion ayant effectué l’émission primaire, même si la diffusion de ces programmes est simultanée et leur contenu intégralement identique.

    75.      À la lecture des deux décisions de renvoi, il apparaît que la juridiction nationale part de l’hypothèse que les signaux porteurs de programmes sont diffusés sous forme codée et réceptionnés en cet état par les abonnés du fournisseur de bouquets satellitaires, qui leur remet une carte de décodage pour leur permettre de décrypter ces signaux. Le cas de figure appréhendé relève donc bien des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de la directive 93/83.

    76.      Airfield indique que les organismes de radiodiffusion ont donné leur accord pour qu’elle vende de telles cartes à ses clients. Selon Agicoa et la Sabam, la preuve de ce supposé consentement n’aurait toutefois pas été rapportée par les intéressés. Il appartiendra à la juridiction nationale d’apprécier si des éléments de preuve suffisants sont rapportés.

    77.      S’exprimant au sujet de ce dernier critère lors de l’audience, Airfield a fait valoir que les organismes de radiodiffusion demandent son aide technique pour crypter les programmes précisément afin qu’ils puissent être réceptionnés seulement sur le territoire choisi, à savoir la Flandre belge, et non être accessibles à tout public (47). Cela démontre bien, selon moi, que l’intervention du fournisseur de bouquets satellitaires a un impact important sur l’orientation de la «communication au public par satellite» au sens de la directive 93/83. Selon moi, l’autorisation donnée par les titulaires de droits à un organisme pour l’acte d’exploitation qui consiste en la diffusion d’émissions primaires par satellite ne peut être présumée couvrir la retransmission des mêmes programmes par un opérateur indépendant à destination de ses clients qui constituent un public différent.

    78.      Au vu de l’ensemble de ces éléments, je considère qu’il convient de répondre par la négative à la première question préjudicielle, à savoir de dire pour droit que la directive 93/83 doit être interprétée en ce sens qu’il n’est pas incompatible avec le droit de l’Union que le droit d’un État membre exige d’un fournisseur de bouquets satellitaires qu’il obtienne une autorisation particulière pour utiliser les signaux porteurs de programmes qui sont protégés par des droits d’auteur, lorsque ces signaux sont retransmis d’une façon indirecte par un organisme de radiodiffusion, ce qui implique une participation renforcée dudit fournisseur, dans des circonstances telles que celles des litiges au principal.

    D –    Sur l’autorisation à obtenir dans le cadre d’une retransmission directe des chaînes de télévision incluses dans le bouquet satellitaire

    79.      Par sa deuxième question préjudicielle, le hof van beroep te Brussel demande en substance si la directive 93/83 s’oppose à ce qu’un fournisseur de bouquets satellitaires soit tenu d’obtenir une autorisation des titulaires des droits relatifs à la communication d’œuvres protégées dans le cadre d’une retransmission directe de chaînes de télévision par un organisme de radiodiffusion dans les circonstances de l’espèce.

    80.      Les éléments qui différencient cette question préjudicielle de la première tiennent non pas aux règles du droit de l’Union dont l’interprétation est demandée, puisqu’il s’agit toujours des dispositions pertinentes de ladite directive, mais aux données factuelles des litiges au principal qui font l’objet de la demande de décision préjudicielle. En effet, dans le cas de figure qu’elle évoque au titre de la «situation 2», la juridiction de renvoi fait état d’une autre répartition des rôles selon laquelle l’organisme de radiodiffusion est plus actif dans la diffusion des chaînes de télévision proposées par le fournisseur de bouquets satellitaires, plus exactement au cours de l’étape initiale de ce processus que constitue la liaison montante (48).

    81.      Dans cette hypothèse, la retransmission peut être qualifiée de «directe» car l’organisme de radiodiffusion assure lui-même, ou avec l’aide de tiers, le cryptage des signaux portant ses programmes et l’envoi de ceux-ci vers le satellite, sans qu’Airfield et Canal Digitaal n’interviennent. Le fournisseur de bouquets satellitaires et l’entreprise qui y est apparentée se contentent de donner audit organisme des «instructions», suivant la terminologie employée dans la deuxième question préjudicielle.

    82.      Les conditions d’application des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, sous a) et c), de la directive 93/83 qui ont été analysées s’agissant de la première question préjudicielle sont également opérantes à cet égard. Si les considérations générales qui ont été précédemment développées au sujet desdites conditions restent ici valables, celles-ci doivent, en revanche, faire l’objet d’un examen concret qui soit propre à cette situation eu égard aux différences relevées par rapport aux autres situations exposées par la juridiction de renvoi.

    83.      Les parties au principal adoptent les mêmes positions antagonistes que dans le cadre de la réponse à la première question préjudicielle. Compte tenu du fait que l’implication du fournisseur de bouquets satellitaires dans l’opération concernée est par hypothèse plus limitée en l’occurrence que dans le cas envisagé par la précédente question, s’il s’avérait qu’une réponse affirmative était donnée à celle-ci, il me semble que la Cour devrait a fortiori considérer qu’il ne saurait être exigé dudit fournisseur qu’il obtienne une autorisation au titre d’une retransmission assurée d’une façon plus active par l’organisme de radiodiffusion. Dès à présent, je précise que je propose à la Cour de donner une interprétation des dispositions pertinentes de la directive 93/83 qui conduise à une réponse inverse dans les deux cas de figure.

    84.      À l’instar de ce qui a été relevé concernant la première question, il est permis de considérer que les signaux porteurs des programmes télévisés que l’organisme de radiodiffusion émet, cette fois de façon directe, dans la phase de la liaison montante ne sont pas destinés en tant que tels à être captés par le public, alors qu’ils le sont dans la phase de la liaison descendante. Néanmoins, ces signaux touchent, à l’issue de la chaîne de communication, qui doit être vue dans son ensemble, le public spécifique, et donc nouveau sur un plan économique, que les clients d’Airfield constituent.

    85.      D’après moi, le fournisseur de bouquets satellitaires intervient ici encore dès le premier stade de la diffusion, bien que de façon plus sommaire que dans les hypothèses visées par la première question préjudicielle. En effet, selon les deux décisions de renvoi, il donne ses «instructions» aux organismes de radiodiffusion concernés afin que ceux-ci utilisent, lors des opérations de cryptage qu’ils prennent eux-mêmes en charge, les mêmes codes que les siens pour permettre ensuite aux clients d’Airfield de décoder les signaux, au moyen de la carte qu’elle leur a fournie, et de regarder les programmes desdits organismes.

    86.      Dans le présent cas de figure, il est incontestable que les signaux porteurs de programmes sont introduits dans la chaîne de communication sous le contrôle et la responsabilité de l’organisme de radiodiffusion puisque, et il s’agit là de la différence la plus notable avec la situation visée précédemment, ledit organisme envoie ces signaux vers le satellite par ses propres moyens. Cet acte apparaît donc imputable à l’organisme de radiodiffusion et non au fournisseur, étant rappelé que la juridiction de renvoi précise qu’ils sont des entités indépendantes l’une de l’autre.

    87.      Cependant, les organismes de radiodiffusion perdent le contrôle des opérations du fait de l’intervention d’Airfield. Concrètement, cette dernière leur apporte plus qu’un simple soutien technique, puisqu’elle définit, d’une part, les clés d’encryptage et, d’autre part, la composition des bouquets de programmes, dans les conditions contraignantes prévues par les «heads of agreement» qu’elle conclut avec chacun des organismes de radiodiffusion ayant opté pour une retransmission dite directe. En particulier, le paragraphe 3.1 desdits contrats dispose qu’Airfield a le pouvoir discrétionnaire d’inclure ou non les programmes télévisés dans son offre, avec versement d’une rémunération pour l’avantage ainsi consenti. Il m’apparaît que, dans ces conditions, les organismes concernés n’ont pas le contrôle total, et donc pas la responsabilité entière, des opérations afférentes à la liaison montante, mais que, à tout le moins, ils partagent ces attributs avec le fournisseur de bouquets satellitaires, voire que ce dernier les détient seul.

    88.      Selon Airfield, son intervention limitée dans la chaîne de communication serait une procédure technique normale et ne constituerait pas une cause d’interruption de celle-ci. Toutefois, à mon avis, les «instructions» qu’elle donne ne sont pas négligeables puisqu’elles sont fréquentes (49) et, surtout, car ce sont elles qui, d’une part, garantissent que le public visé par ledit fournisseur, c’est-à-dire les personnes ayant souscrit un abonnement auprès de lui, puisse bien recevoir les programmes diffusés et les décrypter (50) et, d’autre part, permettent que ces programmes soient groupés en des bouquets composés conformément à la sélection opérée par le fournisseur.

    89.      Or, l’autorisation de communication au public qui a été donnée à l’organisme de radiodiffusion par l’auteur d’un programme télévisé ne vaut pas forcément consentement pour que celui-ci se retrouve associé, par la voie du groupage choisi par Airfield, avec d’autres programmes dont la nature ou l’objet pourrait paraître peu compatible avec le public que l’auteur de ladite œuvre protégée entendait, quant à lui, cibler (51). Le fait que le fournisseur de bouquets satellitaires ait également à obtenir une autorisation de l’auteur permettrait à celui-ci de préserver tant ses intérêts financiers que ses droits moraux sur le programme diffusé de façon groupée.

    90.      Le dispositif de décodage qui est nécessaire pour visionner les émissions concernées est remis par le fournisseur de bouquets satellitaires à ses abonnés mais, semble-t-il, avec l’accord de l’organisme de radiodiffusion. Ce fait étant contesté, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier si la preuve en est rapportée.

    91.      Ce dernier élément ne remet pas en cause mon analyse selon laquelle le fournisseur de bouquets satellitaires effectue en réalité un acte d’exploitation des œuvres protégées par des droits d’auteur, ainsi que des droits voisins des droits d’auteur, qui est distinct de celui de l’organisme de radiodiffusion et qui constitue une «communication au public par satellite» au sens de la directive 93/83 (52).

    92.      Je considère donc qu’il convient d’apporter une réponse négative à la deuxième question préjudicielle, de la même façon qu’à la première question préjudicielle, bien que les signaux porteurs de programmes soient, en ce cas, retransmis de façon directe par l’organisme de radiodiffusion, donc avec une intervention plus modérée du fournisseur de bouquets satellitaires, dans les circonstances de l’espèce.

    VI – Conclusion

    93.      Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux deux questions préjudicielles posées par le hof van beroep te Brussel:

    «La directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, ne s’oppose pas à ce qu’un fournisseur de bouquets de chaînes de télévision satellitaires soit tenu d’obtenir l’autorisation des titulaires de droits d’auteur, ou de droits voisins du droit d’auteur, pour des opérations dans lesquelles un organisme de radiodiffusion lui fournit les signaux porteurs de ses programmes dans des circonstances telles que celles en cause au principal.»


    1 –       Langue originale: le français.


    2 – JO L 248, p. 15.


    3 – JO L 298, p. 23. Cette directive a fait l’objet de révisions en 1997 (JO L 202 p. 60) et en 2007 (JO L 332, p. 27).


    4 – Voir quatrième, cinquième et douzième considérants de la directive 93/83.


    5 – JO L 167, p. 10.


    6 – Dans l’arrêt du 7 décembre 2006, SGAE (C‑306/05, Rec. p. I‑11519, point 30), la Cour a relevé que, alors que la directive 93/83 ne prévoit qu’une harmonisation minimale de certains aspects de la protection des droits d’auteur et des droits voisins en cas de communication au public par satellite ou de retransmission par câble d’émissions provenant d’autres États membres, la directive 2001/29 s’applique à toutes les communications au public des œuvres protégées.


    7 – Moniteur belge du 27 juillet 1994, p. 19297. Ladite loi est entrée en vigueur le 1er août 1994.


    8 – L’élément cité entre parenthèses a été ajouté par la loi du 22 mai 2005, qui transpose en droit belge la directive 2001/29.


    9 – La juridiction de renvoi indique que seule une version anglaise desdits contrats lui a été remise.


    10 – Plus précisément, Agicoa Belgium, requérante au principal, exerce son activité en exécution de mandats de gestion qui lui ont été confiés tant par l’association de gestion internationale collective des œuvres audiovisuelles (AGICOA), association de droit suisse, que par la beheers-en belangenvennootschap voor audiovisuele producenten (BAVP), société coopérative à responsabilité limitée de droit belge.


    11 – Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (acte de Paris du 24 juillet 1971), telle que modifiée le 28 septembre 1979 (ci-après la «convention de Berne»).


    12 – À cet égard, Agicoa renvoie aux arrêts du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C‑390/99, Rec. p. I‑607, point 19), et du 5 février 2004, Schneider (C‑380/01, Rec. p. I‑1389, point 22), qui énoncent, conformément à une jurisprudence constante, que «le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées».


    13 – «Les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser: […] ii) toute communication publique, soit par fil, soit sans fil, de l’œuvre radiodiffusée, lorsque cette communication est faite par un autre organisme que celui d’origine».


    14 – Le compte-rendu de la première réunion que ledit groupe de travail a tenue, le 28 novembre 2002, rappelle que «[l]a consultation des opérateurs économiques concernés […] avait été annoncée dans le rapport sur l’application de la [directive 93/83]». Ce compte-rendu est accessible sur le site Internet de la Commission: http://ec.europa.eu/internal_market/copyright/docs/satellite-cable/working-group-satellite_fr.pdf.


    15 – Compte-rendu de la deuxième réunion accessible sur le site Internet de la Commission: http://ec.europa.eu/internal_market/copyright/docs/satellite-cable/working-group-satellite-05-03_fr.pdf.


    16 – Notion que ledit article définit comme «tout satellite opérant sur des bandes de fréquence qui sont, selon la législation sur les communications, réservées à la radiodiffusion de signaux pour réception par le public ou à la communication individuelle non publique». À ce sujet, voir points 33 et suivants des conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lagardère Active Broadcast (C‑192/04, Rec. p. I‑7199).


    17 – Voir arrêt du 21 octobre 2010, Padawan (C‑467/08, non encore publié au Recueil, points 21 et suiv. ainsi que jurisprudence citée), et points 48 et suiv. des conclusions de l’avocat général Trstenjak dans ladite affaire.


    18 – Présomption récemment rappelée par la Cour dans l’arrêt du 12 octobre 2010, Rosenbladt (C‑45/09, non encore publié au Recueil, point 33).


    19 – Je précise que c’est cette problématique que le groupe de travail sur la radiodiffusion par satellite a évoquée lors de sa deuxième réunion, tenue en 2003. En effet, l’extrait susmentionné, cité par Agicoa se poursuit ainsi: «[à] cet égard, les services de la Commission ont rappelé que seules les activités ayant une dimension transfrontalière pouvaient être prises en compte dans le cadre de la [directive 93/83] et que l’activité de retransmission de chaînes nationales par un opérateur de bouquet satellitaire pour la réception du public au sein de frontières nationales ne pouvait tomber dans le champ d’application de ladite [d]irective fondée sur les articles 43 et 49 du traité CE portant sur la liberté d’établissement et la libre prestation de services».


    20 – Arrêt du 13 janvier 2000, TK-Heimdienst (C‑254/98, Rec. p. I‑151, points 14 et 15).


    21 – En effet, selon les deux décisions de renvoi, le fournisseur de bouquets satellitaires est une société belge, qui collabore avec une société néerlandaise, les signaux porteurs de programmes sont reçus tant aux Pays-Bas qu’au Luxembourg, et les programmes diffusés par voie satellitaire sont originaires de plusieurs États membres de l’Union européenne et peuvent être regardés par des publics établis sur des territoires différents, en particulier en Belgique et au Luxembourg.


    22 – La Commission a indiqué que, ayant des doutes sur le point de savoir si les diffusions opérées par Airfield étaient des émissions primaires, comme elle l’avait estimé dans ses écritures, ou, au contraire, des retransmissions, elle entendait ne pas modifier sa position initiale pour le cas où la juridiction de renvoi estimerait qu’il s’agit en l’espèce d’émissions primaires, mais ajouter des éléments pour répondre aussi concernant l’autre hypothèse.


    23 – À savoir, selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt du 6 mars 2007, Placanica e.a., C‑338/04, C‑359/04 et C‑360/04, Rec. p. I‑1891, point 34 et jurisprudence citée), de telle sorte que non seulement la Cour se trouve en mesure de donner des réponses utiles pour trancher les litiges au principal, mais également que les gouvernements des États membres, ainsi que les autres parties intéressées, ont eu la possibilité de présenter des observations, conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice.


    24 – Ledit objectif est aussi annoncé au cinquième considérant de la directive 93/83.


    25 – Voir proposition de la Commission à l’origine de la directive 93/83 [COM(91) 276 final, p. 33 et suiv.], rapport de la Commission sur l’application de cette directive [COM(2002) 430 final, spéc. p. 6 à 8], ainsi que arrêts du 3 février 2000, Egeda (C‑293/98, Rec. p. I‑629, points 15, 20 et 21), et du 14 juillet 2005, Lagardère Active Broadcast, précité (point 42).


    26 – Voir la jurisprudence citée dans l’arrêt Padawan, précité (points 31 et suiv.) et les conclusions de l’avocat général Trstenjak dans ladite affaire (points 61 et suiv.), dont les considérations me paraissent transposables en l’espèce.


    27 – Voir, entre autres, arrêt Lagardère Active Broadcast, précité (points 26 et suiv.).


    28 – Voir, notamment, convention de Berne et traité sur le droit d’auteur adopté à Genève, le 20 décembre 1996, par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (ci-après le «traité de l’OMPI sur le droit d’auteur»). Sur les liens existant entre la notion de «communication au public» contenue dans ces textes et la même notion au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, voir points 35 et suiv. des conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire SGAE (précitées), ainsi que points 127 et suiv. des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire, encore pendante, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08).


    29 – Je relève que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/83, relatif à l’«acquisition de droits de radiodiffusion», dispose qu’«un État membre peut prévoir qu’un contrat collectif conclu entre une société de gestion collective et un organisme de radiodiffusion pour une catégorie donnée d’œuvres peut être étendu à des titulaires de droits de la même catégorie qui ne sont pas représentés par la société de gestion collective, à la condition […] que la communication au public par satellite ait lieu en même temps qu’une diffusion par voie terrestre par le même diffuseur […]». Dans ce cadre, l’organisme de radiodiffusion ne bénéficiera du système évoqué que s’il y a eu une émission primaire en parallèle à la communication au public par satellite.


    30 – L’article 1er, sous a), de la directive 89/552, dans sa version applicable au moment de l’adoption de la directive 93/83, énonçait que, «[a]ux fins de la présente directive, on entend par […] ‘radiodiffusion télévisuelle’ l’émission primaire, avec ou sans fil, terrestre ou par satellite, codée ou non, de programmes télévisés destinés au public. Est visée la communication de programmes entre entreprises en vue d’une rediffusion à l’intention du public. […]». En revanche, il m’apparaît que la directive 93/83 ne s’applique pas qu’aux émissions primaires par satellite, étant rappelé qu’elle régit également la retransmission par câble.


    31 – À rapprocher de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/83, concernant la diffusion par câble, qui énonce que «[a]ux fins de la présente directive, on entend par ‘retransmission par câble’ la retransmission simultanée, inchangée et intégrale par câble ou par un système de diffusion par ondes ultracourtes pour la réception par le public d’une transmission initiale à partir d’un autre État membre, sans fil ou avec fil, notamment par satellite, d’émissions de télévision ou de radio destinées à être captées par le public».


    32 – Précité (points 25 et suiv.). Voir aussi, à cet égard, arrêt SGAE, précité (point 30).


    33 – Voir proposition initiale de directive [COM(91) 276 final, p. 33, point 3] et proposition modifiée de directive [COM(92) 526 final, spéc. p. 7].


    34 – À savoir les «situations 1 et 3» qui sont exposées par la juridiction de renvoi, par opposition à la «situation 2», dont la teneur a été rappelée précédemment, dans le cadre factuel.


    35 – Sur la notion de «public» au sens de la directive 93/83, voir arrêt Lagardère Active Broadcast, précité (points 31 et suiv.), qui cite l’arrêt du 2 juin 2005, Mediakabel (C‑89/04, Rec. p. I‑4891, point 30), portant sur l’interprétation de cette notion au sens de la directive 89/552. La Cour s’est référée à ces deux arrêts pour interpréter la même notion, au sens de la directive 2001/29, dans l’arrêt SGAE, précité (points 37 et suiv.).


    36 – Il est indifférent que les programmes diffusés soient effectivement visionnés ou non, de même qu’en ce qui concerne un livre, seule la mise de l’œuvre à la disposition du public compte pour justifier la perception de droits d’auteur en cas de vente.


    37 – Dans l’arrêt SGAE, précité (points 40 et suiv.), la Cour, s’appuyant sur les dispositions de la convention de Berne, relève que «la transmission [d’œuvres communiquées au moyen d’appareils de télévision installés dans des chambres d’hôtel] se fait à un public distinct du public visé par l’acte de communication originaire de l’œuvre, c’est-à-dire à un public nouveau». Dès lors que la captation des émissions concernée se fait à l’intention d’un auditoire plus vaste, par un acte indépendant par lequel l’œuvre émise est communiquée à un nouveau public, cette réception publique donne prise au droit exclusif de l’auteur de l’autoriser. Voir aussi ordonnance du 18 mars 2010, Organismos Sillogikis Diacheirisis Dimiourgon Theatrikon kai Optikoakoustikon Ergon (C-136/09, non encore publiée au Recueil, points 38 et suiv.), ainsi que conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Football Association Premier League e.a., précitées (points 118 et suiv.).


    38 – Voir, en ce sens, Hugenholtz, B., «Nouvelle lecture de la Directive Satellite‑Câble: passé, présent, avenir», Convergence, droit d’auteur et télévision transfrontière, IRIS Plus 2009‑8, Observatoire européen de l’audiovisuel, Strasbourg, p. 10, qui indique que l’article 3 de la directive 2001/29 prévoit un droit de communication au public libellé d’une façon si générale qu’il englobe vraisemblablement les actes de radiodiffusion par satellite. J’observe aussi que le vingt-troisième considérant de ladite directive énonce que ce droit doit s’entendre au sens large et couvre toute transmission ou retransmission à un public non présent au lieu d’origine de la communication, notamment la radiodiffusion.


    39 – Sur la prise en considération des actes autonomes d’exploitation accomplis par un opérateur et de l’avantage économique qu’il en retire, voir points 56, 57 et 64 des conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SGAE, précité, qui se réfère à la position prise à cet égard par l’avocat général La Pergola dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Egeda, précité, Le caractère lucratif de la communication a été retenu par la Cour dans l’arrêt SGAE, précité (point 44)..


    40 – Voir quinzième considérant de la directive 93/83.


    41 – Les critères tenant à une décision univoque quant au contenu et quant à la diffusion sont effectivement importants au vu des travaux préparatoires de la directive 93/83 [voir COM(91) 276 final, p. 33 et suiv., ainsi que COM(92) 526 final, p. 7].


    42 – Au point 39 de l’arrêt Lagardère Active Broadcast, précité, il est dit que «[la] directive [93/83] vise un système de communication fermé, dont le satellite constitue l’élément central, essentiel et irremplaçable, en sorte que, en cas de dysfonctionnement de celui-ci, la transmission de signaux est techniquement impossible et que, dès lors, le public ne reçoit aucune émission». En l’espèce, il n’est pas contesté que le satellite représente l’élément clé du système concerné.


    43 – Une rupture de la chaîne de communication, après le passage des signaux par le satellite, a été relevée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lagardère Active Broadcast, précité (voir points 48 et suiv. des conclusions de l’avocat général Tizzano dans ladite affaire). La rupture pourrait aussi résulter de l’introduction de publicités différentes par rapport à celles contenues dans les programmes initiaux.


    44 – La proposition modifiée ayant conduit à l’adoption de la directive 93/83 [COM(92) 526 final, p. 7] précise qu’il n’y a pas interruption tant que la procédure technique utilisée est normale et aussi longtemps que la communication reste sous le contrôle de l’organisme de radiodiffusion. Sur le caractère continu de la chaîne, voir aussi la proposition de directive initiale [COM(91) 276 final, point 4].


    45 – À savoir, notamment, des opérations de compression, de multiplexage, de cryptage et de sélection des signaux destinés à composer les bouquets diffusés par Airfield, ce qui dépasse un simple «moyen technique pour garantir ou améliorer la réception de l’émission d’origine» et constitue une «intervention technique […] permettant au client de capter le signal […] et d’accéder ainsi à l’œuvre protégée», comme la Cour a pu le relever dans l’arrêt SGAE, précité (point 42) et dans l’ordonnance Organismos Sillogikis Diacheirisis Dimiourgon Theatrikon kai Optikoakoustikon Ergon, précitée (points 40 et suiv.).


    46 – Notion à rapprocher, par analogie, de la déclaration commune concernant l’article 8 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur qui prévoit qu’«[i]l est entendu que la simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas une communication au public au sens du présent traité ou de la convention de Berne».


    47 – Dans son rapport relatif à l’application de la directive 93/83 établi en 2002 [COM(2002) 430 final, point 3.1.1], la Commission a relevé que l’utilisation de l’encodage, associée à une mise à disposition limitée des dispositifs de décodage requis, conduit à attribuer des exclusivités territoriales et, partant, à fragmenter le marché intérieur, contrairement aux objectifs visés par la directive.


    48 – J’observe que les deux questions préjudicielles sont, en revanche, formulées de façon en tous points identique en ce qui concerne les données relatives à la liaison descendante.


    49 – À l’audience, le représentant d’Airfield a précisé que les codes sont changés tous les mois, ce qui signifie que l’opérateur donne donc régulièrement de nouvelles directives aux organismes de radiodiffusion quant à la méthode de cryptage qu’ils doivent utiliser.


    50 – Agicoa a fait observer, à juste titre, qu’Airfield, qui a seul la maîtrise des signaux, pourrait décider d’interrompre leur transmission à un de ses clients, sans aucune intervention des organismes de radiodiffusion, au cas où l’intéressé ne paierait pas son abonnement.


    51 – De même, un auteur littéraire pourrait s’opposer à ce que son livre soit vendu dans un lot indivisible, formant un nouveau produit, qui comporterait des ouvrages risquant de véhiculer une mauvaise image selon lui.


    52 – En ce sens, j’observe que lors de la réunion de travail tenue en 2003 par le groupe de travail sur la radiodiffusion par satellite, se prononçant à l’égard de chaînes étrangères gratuites non encryptées diffusées par satellite à partir d’un autre État membre mais dont la réception est possible dans tous les États membres, la majorité des participants avait estimé qu’un arrangement contractuel entre un fournisseur de bouquets satellitaires et un radiodiffuseur afin qu’une telle chaîne fasse partie intégrante du bouquet (aux fins d’une meilleure visibilité dans le bouquet à travers la place sur le guide électronique des programmes) était un accord équivalant à une autorisation donnée par le radiodiffuseur, ce qui impliquait une rémunération des titulaires de droits (compte-rendu accessible sur le site Internet de la Commission susmentionné). À mon avis, si un accord du même type porte sur une diffusion transfrontière de chaînes payantes, le fournisseur de bouquets satellitaires, qui retire un avantage financier encore plus certain de l’opération, devrait a fortiori s’acquitter d’obligations en matière de droits d’auteur et de droits voisins des droits d’auteur.

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