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Document 62003CJ0243

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 6 octobre 2005.
    Commission des Communautés européennes contre République française.
    TVA - Déduction de la taxe payée en amont - Biens d'équipement financés au moyen de subventions.
    Affaire C-243/03.

    Recueil de jurisprudence 2005 I-08411

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2005:589

    Affaire C-243/03

    Commission des Communautés européennes

    contre

    République française

    «TVA — Déduction de la taxe payée en amont — Biens d'équipement financés au moyen de subventions»

    Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 10 mars 2005 

    Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 6 octobre 2005 

    Sommaire de l'arrêt

    Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Limitations du droit à déduction — Législation nationale limitant la déductibilité de la taxe afférente à l'achat de biens d'équipement financés au moyen de subventions — Inadmissibilité

    (Directive du Conseil 77/388, art. 17 et 19)

    Manque aux obligations lui incombant en vertu du droit communautaire et, notamment, des articles 17 et 19 de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, un État membre qui instaure une règle particulière limitant la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat de biens d'équipement en raison du fait qu'ils ont été financés au moyen de subventions.

    (cf. point 37 et disp.)




    ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

    6 octobre 2005 (*)

    «TVA – Déduction de la taxe payée en amont – Biens d’équipement financés au moyen de subventions»

    Dans l’affaire C-243/03,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 6 juin 2003,

    Commission des Communautés européennes, représentée par M. E. Traversa, en qualité d’agent, assisté de Me N. Coutrelis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme C. Jurgensen-Mercier, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    soutenue par:

    Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,

    partie intervenante,

    LA COUR (troisième chambre),

    composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet, S. von Bahr (rapporteur), J. Malenovský et U. Lõhmus, juges,

    avocat général: M. M. Poiares Maduro,

    greffier: M. R. Grass,

    vu la procédure écrite,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2005,

    rend le présent

    Arrêt

    1       Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en instaurant une règle particulière limitant la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») afférente à l’achat de biens d’équipement en raison du fait qu’ils ont été financés au moyen de subventions, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire et, notamment, des articles 17 et 19 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci‑après la «sixième directive»).

     Le cadre juridique

     La réglementation communautaire

    2       L’article 2, deuxième alinéa, de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires (JO 1967, 71, p. 1301), telle que modifiée par la sixième directive (ci-après la «première directive»), dispose que, «[à] chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix».

    3       L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive dispose que la base d’imposition est constituée:

    «pour les livraisons de biens et les prestations de services […], par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

    4       L’article 17, paragraphe 2, sous a), de ladite directive, dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, de la même directive, prévoit que, «dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable [...] la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».

    5       Le paragraphe 5 du même article précise:

    «En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

    Ce prorata est déterminé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti conformément à l’article 19.

    […]»

    6       L’article 19, paragraphe 1, de la sixième directive, intitulé «Calcul du prorata de déduction», dispose:

    «Le prorata de déduction, prévu par l’article 17 paragraphe 5 premier alinéa, résulte d’une fraction comportant:

    –       au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l’article 17 paragraphes 2 et 3,

    –       au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction. Les États membres ont la faculté d’inclure également dans le dénominateur le montant des subventions autres que celles visées à l’article 11 sous A paragraphe 1 sous a).

    […]»

     La réglementation nationale

    7       L’article 271 du code général des impôts (ci-après le «CGI») dispose:

    «I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération.

    […]

    II. 1. Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est [notamment]:

    a) Celle qui figure sur les factures d’achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures;

    […]»

    8       L’article 212 de l’annexe II du CGI, tel qu’il résulte de l’article 2 du décret n° 94‑452, du 3 juin 1994 (JORF du 5 juin 1994, p. 8143), prévoit:

    «1.      Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités.

    Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible obtenu, après application, le cas échéant, des dispositions de l’article 207 bis, multiplié par le rapport existant entre:

    a)      au numérateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;

    b)      au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction, et de l’ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations.

    […]»

    9       L’instruction du 8 septembre 1994 du service de la législation fiscale (Bulletin officiel des impôts, numéro spécial 3 CA‑94, du 22 septembre 1994, ci-après l’«instruction du 8 septembre 1994») précise, dans son livre 2, relatif aux règles du droit à déduction:

    «150.          La notion de subvention d’équipement.

    Il s’agit de subventions non imposables qui sont, au moment de leur versement, allouées pour le financement d’un bien d’investissement déterminé.

    […]

    151.      Les règles applicables aux subventions d’équipement.

    La taxe afférente aux investissements financés par la subvention peut être en effet déduite dans les conditions habituelles lorsque le redevable intègre dans le prix de ses opérations les dotations aux amortissements des biens financés en totalité ou partiellement par cette subvention.

    S’il s’avère que la condition de répercussion des amortissements de ces biens dans les prix n’est pas respectée, la TVA afférente à ces mêmes biens ne pourrait pas être déduite pour la quote-part du montant financée par la subvention d’équipement.

    Exemple:

    Un bien d’investissement dont le prix d’achat est de 1 186 000 F (TTC), TVA 186 000 F, est financé pour partie (20 %) par une subvention d’équipement d’un montant de 237 200 F.

    Le redevable n’a pas répercuté dans le prix de ces opérations taxables la part de l’amortissement du bien qui correspond à la partie financée par la subvention d’équipement. En conséquence, la taxe grevant le bien (186 000 F) ne pourra être déduite qu’à hauteur de: 186 000 F x 80 % = 148 800 F.

    Le redevable applique, le cas échéant et dans les conditions habituelles le pourcentage de déduction de l’entreprise à la taxe ainsi calculée.»

     La procédure précontentieuse

    10     À la suite d’une plainte, la Commission a, le 23 avril 2001, adressé au gouvernement français une lettre de mise en demeure dans laquelle elle a reproché à la République française d’enfreindre les articles 17, paragraphes 2 et 5, et 19 de la sixième directive, d’une part, en appliquant un prorata de déduction de la TVA à tous les assujettis, y compris ceux qui n’effectuent que des opérations taxées, ouvrant droit à déduction (ci‑après les «assujettis totaux»), et, d’autre part, en limitant, par le régime des subventions d’équipement, le droit à déduction dans des conditions non prévues par cette directive.

    11     N’ayant reçu aucune réponse à cette mise en demeure dans le délai imparti, la Commission a émis, le 20 décembre 2001, un avis motivé invitant ledit État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

    12     Par lettre du 7 janvier 2002, le gouvernement français a notamment précisé, en réponse à la lettre de mise en demeure de la Commission, que le prorata de déduction s’appliquait uniquement aux assujettis effectuant à la fois des opérations taxées et des opérations exonérées de la TVA (ci‑après les «assujettis mixtes») et non pas aux assujettis totaux.

    13     Le 26 juin 2002, la Commission a émis un avis motivé complémentaire, dans lequel elle a abandonné le premier grief, tiré de l’application d’un prorata de déduction aux assujettis totaux, tout en réitérant le second, tiré de la limitation du droit à déduction de la TVA grevant les biens financés par des subventions.

    14     N’étant pas satisfaite de la réponse apportée par le gouvernement français à cet avis motivé complémentaire, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

     Sur le recours

     Argumentation des parties

    15     La Commission reproche au gouvernement français d’avoir introduit, aux points 150 et 151 de l’instruction du 8 septembre 1994, une limitation du droit à déduction de la TVA non prévue par la sixième directive, qui ne saurait non plus être justifiée sur le fondement de l’article 2 de la première directive.

    16     À cet égard, la Commission relève que, en ce qui concerne les assujettis mixtes, en vertu de la sixième directive, la déduction de la TVA est limitée à hauteur des opérations ouvrant droit à déduction, soit en appliquant un prorata global à l’entreprise comme indiqué à l’article 19, paragraphe 1, de cette directive, soit le cas échéant, si l’État membre le souhaite, notamment pour éviter des abus, selon l’une des méthodes indiquées à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de ladite directive (prorata distincts pour diverses branches d’activité de l’entreprise ou affectation directe d’un bien à une activité précise). Lorsqu’un État membre applique un prorata de déduction, aucune disposition de la sixième directive ne permettrait, préalablement à cette application, de diminuer l’assiette de la TVA à laquelle s’applique ce prorata en se fondant sur l’origine des fonds utilisés pour acquérir un bien ou sur le mode de calcul du prix des opérations taxées effectuées par l’assujetti concerné.

    17     Quant aux assujettis totaux, aucune disposition de la sixième directive ne permettrait de soumettre la déduction de la TVA afférente aux biens d’équipement à une limitation liée à l’origine des fonds ayant permis d’acquérir ces biens ou aux modalités de calcul du prix des opérations effectuées.

    18     S’agissant de subventions perçues par un assujetti, hormis à ses articles 11, A, paragraphe l, sous a), et 19, la sixième directive ne prévoirait aucunement la prise en compte de subventions dans la liquidation de la TVA due par les assujettis. Or il serait de jurisprudence constante que les limitations du droit à déduction ne sont admises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive (voir arrêts du 21 septembre 1988, Commission/France, 50/87, Rec. p. 4797, points 16 et 17, et du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C‑62/93, Rec. p. I‑1883).

    19     Quant à l’article 2, deuxième alinéa, de la première directive, la Commission fait valoir que cette disposition n’a pas d’autre contenu que l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive.

    20     Le gouvernement français considère que les dispositions relatives aux subventions d’équipement, et notamment la condition liée à l’amortissement du bien, ne constituent que la mise en œuvre des conditions générales du droit à déduction posées à l’article 2, deuxième alinéa, de la première directive et aménagées par les dispositions de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive.

    21     Il découlerait, en effet, des dispositions combinées de ces deux articles que le droit à déduction s’exerce lorsqu’un bien est utilisé pour la réalisation des activités ouvrant droit à déduction et lorsque le prix des opérations effectuées en aval soumises à la TVA intègre le coût de ce bien, qu’il soit financé par une subvention d’équipement ou par toute autre ressource de l’assujetti.

    22     En effet, selon le gouvernement français, il ressort de la jurisprudence de la Cour que seul le montant de la TVA ayant grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix d’une opération taxée peut être déduit et que, pour ouvrir droit à déduction, les dépenses exposées par un assujetti doivent présenter un lien direct et immédiat avec une opération soumise à la TVA ou une opération similaire (voir, notamment, arrêts du 5 mai 1982, Schul, 15/81, Rec. p. 1409, point 10, et du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C‑16/00, Rec. p. I‑6663, points 31 à 33).

    23     Le gouvernement français précise également que l’utilisation de la faculté offerte par l’article 19, paragraphe 1, de la sixième directive d’inscrire les subventions d’équipement au dénominateur du prorata de déduction conduirait à restreindre l’exercice du droit à déduction pour l’ensemble des dépenses supportées par l’assujetti, alors que, nécessairement, l’attribution de ces subventions présente un caractère ponctuel.

    24     En outre, l’utilisation de ladite faculté, qui ne concernerait que les assujettis mixtes, pourrait ainsi générer d’importantes distorsions de concurrence entre ceux-ci et les assujettis totaux.

    25     Le gouvernement français ajoute que la condition tenant à la répercussion du coût des dépenses supportées par l’assujetti dans le prix des opérations soumises à la TVA permet d’éviter à des bénéficiaires de subventions non imposables de détourner abusivement à leur profit le mécanisme de déduction de cette taxe. À cet égard, ledit gouvernement relève notamment que ce mécanisme peut, en tant qu’il concerne des biens d’investissement financés par des subventions d’équipement, être appliqué de telle sorte que la TVA déductible en amont soit supérieure à la TVA collectée en aval.

    26     Le gouvernement espagnol fait valoir que la limitation directe du droit à déduction de la TVA supportée pour l’acquisition de biens d’investissement financés par des subventions constitue une application concrète des principes qui sous-tendent l’inclusion, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, de la sixième directive, dans le dénominateur du prorata de déduction des subventions qui ne font pas partie de la base d’imposition conformément à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de ladite directive. Ladite limitation serait donc compatible avec le droit communautaire et serait justifiée par les règles de la sixième directive.

    27     Ce gouvernement soutient également que les États membres peuvent appliquer l’article 19 de la sixième directive indépendamment de l’article 17, paragraphe 5, de celle-ci et que, partant, ils peuvent appliquer cette disposition non seulement aux assujettis mixtes, mais à tous les assujettis.

     Appréciation de la Cour

    28     Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit à déduction prévu aux articles 17 et suivants de la sixième directive fait partie intégrante du mécanisme de TVA et ne peut en principe être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont. Toute limitation du droit à déduction de la TVA a une incidence sur le niveau de la charge fiscale et doit s’appliquer de manière similaire dans tous les États membres. En conséquence, des dérogations ne sont permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive (voir, notamment, arrêts Commission/France, précité, points 15 à 17; BP Soupergaz, précité, point 18, et du 8 janvier 2002, Metropol et Stadler, C‑409/99, Rec. p. I‑81, point 42).

    29     À cet égard, l’article 17, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible et le paragraphe 2 de cet article autorise l’assujetti, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, à déduire de la TVA dont il est redevable la taxe due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti.

    30     S’agissant des assujettis mixtes, il résulte de l’article 17, paragraphe 5, premier et deuxième alinéas, de la sixième directive que le droit à déduction est calculé selon un prorata déterminé conformément à l’article 19 de cette même directive. Ledit article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, autorise néanmoins les États membres à prévoir l’une des autres méthodes de détermination du droit à déduction énumérées à cet alinéa, à savoir, notamment, l’établissement d’un prorata distinct pour chaque secteur d’activité ou la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services à une activité précise.

    31     L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit que les subventions directement liées au prix d’un bien ou d’un service sont taxables au même titre que celui‑ci. S’agissant des subventions autres que celles directement liées au prix, y compris celles en cause en l’espèce, l’article 19, paragraphe 1, de cette même directive prévoit que les États membres ont la faculté de les inclure dans le dénominateur du calcul du prorata applicable lorsqu’un assujetti effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations exonérées.

    32     Ainsi que la Commission l’a rappelé à juste titre, hormis ces deux dispositions, la sixième directive ne prévoit aucunement la prise en compte des subventions dans le calcul de la TVA.

    33     Or, il convient de constater que les dispositions nationales en cause soumettent le droit à déduction de la TVA lorsque l’acquisition du bien concerné est financée par une subvention, à la condition que les amortissements de ce bien soient répercutés dans le prix des opérations effectuées par l’assujetti, condition qui n’est pas prévue par la sixième directive et qui constitue, par conséquent, une limitation du droit à déduction non permise par celle-ci.

    34     À cet égard, d’une part, il y a lieu d’écarter l’argumentation du gouvernement français tirée de l’article 2, deuxième alinéa, de la première directive. En effet, cette dernière disposition, qui se borne à énoncer le principe du droit à déduction, dont le régime fait l’objet des dispositions que lui consacre la sixième directive, ne saurait servir de fondement à une limitation du droit à déduction non prévue par lesdites dispositions (voir arrêt Commission/France, précité, point 23).

    35     D’autre part, il y a lieu de préciser que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 23 de ses conclusions, les États membres sont tenus d’appliquer la sixième directive même s’ils la considèrent comme perfectible. En effet, il ressort de l’arrêt du 8 novembre 2001, Commission/Pays-Bas, C‑338/98, Rec. p. I‑8265, points 55 et 56, que, même si l’interprétation proposée par certains États membres permettait de mieux respecter certaines finalités poursuivies par la sixième directive, telles que la neutralité de la taxe, les États membres ne peuvent s’écarter des dispositions expressément prévues par celle‑ci.

    36     En ce qui concerne les arguments du Royaume d’Espagne, tirés de l’article 19 de la sixième directive, il convient de constater, d’une part, que cette disposition est uniquement applicable aux assujettis mixtes et, d’autre part, qu’elle ne s’applique qu’aux situations qu’elle prévoit (voir arrêt de ce jour, Commission/Espagne, C‑204/03, non encore publié au Recueil, points 24 et 25).

    37     Il y a dès lors lieu de constater que, en instaurant une règle particulière limitant la déductibilité de la TVA afférente à l’achat de biens d’équipement en raison du fait qu’ils ont été financés au moyen de subventions, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire et, notamment, des articles 17 et 19 de la sixième directive.

     Sur les dépens

    38     Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. En application du paragraphe 4, premier alinéa, du même article, le Royaume d’Espagne, qui est intervenu au présent litige, supporte ses propres dépens.

    Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

    1)      En instaurant une règle particulière limitant la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l’achat de biens d’équipement en raison du fait qu’ils ont été financés au moyen de subventions, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire et, notamment, des articles 17 et 19 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995.

    2)      La République française est condamnée aux dépens.

    3)      Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: le français.

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