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Document 62003CJ0109

Arrêt de la Cour (première chambre) du 25 novembre 2004.
KPN Telecom BV contre Onafhankelijke Post en Telecommunicatie Autoriteit (OPTA).
Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het bedrijfsleven - Pays-Bas.
Télécommunications - Directive 98/10/CE - Réseau ouvert à la téléphonie vocale - Fourniture d'informations relatives aux abonnés - Fixation des prix.
Affaire C-109/03.

Recueil de jurisprudence 2004 I-11273

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2004:749

Arrêt de la Cour

Affaire C-109/03


KPN Telecom BV
contre
Onafhankelijke Post en Telecommunicatie Autoriteit (OPTA)



(demande de décision préjudicielle, formée par le College van Beroep voor het bedrijfsleven)

«Télécommunications – Directive 98/10/CE – Réseau ouvert à la téléphonie vocale – Fourniture d'informations relatives aux abonnés – Fixation des prix»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 14 juillet 2004
    
Arrêt de la Cour (première chambre) du 25 novembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Rapprochement des législations – Secteur des télécommunications – Fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et établissement d'un service universel des télécommunications – Directive 98/10 – Services d'annuaires – Obligations du prestataire du service universel – Fourniture des informations pertinentes concernant les abonnés – Notion d'«informations pertinentes»

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/10, art. 6, § 3)

2.
Rapprochement des législations – Secteur des télécommunications – Fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et établissement d'un service universel des télécommunications – Directive 98/10 – Services d'annuaires – Obligations du prestataire du service universel – Fourniture des informations pertinentes concernant les abonnés – Facturation des coûts – Limites

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/10, art. 6, § 3)

1.
L’article 6, paragraphe 3, de la directive 98/10, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel, doit être interprété en ce sens que les termes «informations pertinentes» concernant les abonnés que doit fournir le prestataire du service universel visent uniquement les données relatives aux abonnés qui n’ont pas exprimé d’objection au fait d’être répertoriés dans une liste publiée et qui sont suffisantes pour permettre aux utilisateurs d’un annuaire d’identifier les abonnés qu’ils recherchent. Ces données comprennent, en principe, le nom et l’adresse, y compris le code postal, des abonnés ainsi que le ou les numéros de téléphone qui leur ont été attribués par l’organisme concerné. Toutefois, il est loisible aux États membres de prévoir que d’autres données seront mises à la disposition des utilisateurs dès lors que, au regard de conditions nationales spécifiques, elles semblent nécessaires à l’identification des abonnés.

(cf. point 36, disp. 1)

2.
L’obligation du prestataire du service universel de fournir à des tiers à des conditions équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires, les informations pertinentes relatives aux abonnés, prévue par l’article 6, paragraphe 3, de la directive 98/10 concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel, doit être interprétée en ce sens que lorsqu’il s’agit de données telles que le nom et l’adresse des personnes ainsi que le numéro de téléphone qui leur a été attribué, seuls les coûts relatifs à la mise à disposition effective des tiers de ces données peuvent être facturés par le prestataire du service universel. Par contre, lorsqu’il s’agit de données additionnelles qu’un tel prestataire n’est pas obligé de mettre à la disposition des tiers, ce dernier est en droit de facturer, hormis les coûts relatifs à cette mise à disposition, les coûts supplémentaires qu’il a dû lui-même supporter pour l’obtention de ces données, pour autant qu’un traitement non discriminatoire des tiers est assuré.

(cf. point 42, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
25 novembre 2004(1)


«Télécommunications – Directive 98/10/CE – Réseau ouvert à la téléphonie vocale – Fourniture d'informations relatives aux abonnés – Fixation des prix»

Dans l'affaire C-109/03,ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE,introduite par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas), par décision du 8 janvier 2003, parvenue à la Cour le 10 mars 2003, dans la procédure

KPN Telecom BV

Onafhankelijke Post en Telecommunicatie Autoriteit (OPTA),

contre

LA COUR (première chambre),,



composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, MM. A. Rosas, K. Lenaerts, S. von Bahr et K. Schiemann, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 19 mai 2004,considérant les observations présentées:

pour KPN Telecom BV, par Mes B. L. P. van Reeken et E. Pijnacker Hordijk, advocaten,

pour l'Onafhankelijke Post en Telecommunicatie Autoriteit (OPTA), par Me A. B. van Rijn et B. J. Drijber, advocaten,

pour Denda Multimedia BV, par Me T. F. W. Overdijk, advocaat,

pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d'agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. Shotter et W. Wils, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 14 juillet 2004,

rend le présent



Arrêt



1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel (JO L 101, p. 24, ci‑après la «directive»).

2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant KPN Telecom BV (ci-après «KPN») à l’Onafhankelijke Post en Telecommunicatie Autoriteit (autorité indépendante des postes et télécommunications, ci-après l’«OPTA») à propos de la mise à disposition, au profit d’entreprises privées, de certaines informations relatives aux abonnés de KPN, en vue de l’établissement d’annuaires téléphoniques par ces entreprises.


Le cadre juridique

3
L’article 1er, paragraphe 1, de la directive dispose:

«La présente directive a pour objet l’harmonisation des conditions assurant un accès ouvert et efficace aux réseaux téléphoniques publics fixes et aux services téléphoniques publics fixes, ainsi que l’harmonisation des conditions de leur utilisation dans un environnement de marchés ouverts et concurrentiels, conformément aux principes de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP).

Ses objectifs sont de garantir la mise à disposition, dans l’ensemble de la Communauté, de services téléphoniques publics fixes de bonne qualité et de définir l’ensemble des services auxquels tous les utilisateurs, y compris les consommateurs, devraient avoir accès dans le cadre du service universel, à un prix abordable, à la lumière de conditions spécifiques nationales.»

4
À son article 2, paragraphe 2, sous f), la directive définit la notion de «service universel» comme «un ensemble de services minimal défini d’une qualité donnée, qui est accessible à tous les utilisateurs indépendamment de leur localisation géographique et, à la lumière de conditions spécifiques nationales, à un prix abordable».

5
L’article 6 de la directive prévoit:

«1.     Les dispositions du présent article sont applicables sous réserve des exigences de la législation applicable en matière de protection des données à caractère personnel et de la vie privée, comme la directive 95/46/CE et la directive 97/66/CE.

2.       Les États membres veillent à ce que:

a)
les abonnés aient le droit de figurer dans les annuaires mis à la disposition du public, de vérifier et, si nécessaire, de corriger ou de demander la suppression des données les concernant;

b)
les annuaires regroupant l’ensemble des abonnés qui n’ont pas exprimé d’objection à être répertoriés, y compris les numéros de téléphones fixes, mobiles et personnels, soient mis à la disposition des utilisateurs sous une forme approuvée par l’autorité réglementaire nationale, qu’elle soit imprimée ou électronique ou les deux à la fois, et régulièrement mis à jour;

c)
au moins un service de renseignements téléphoniques couvrant l’ensemble des abonnés répertoriés soit accessible à tous les utilisateurs, y compris aux utilisateurs de postes téléphoniques payants publics.

3.       Afin de garantir la fourniture des services indiqués au paragraphe 2, points b) et c), les États membres veillent à ce que tous les organismes qui attribuent des numéros de téléphone aux abonnés répondent à toutes les demandes raisonnables relatives à la fourniture des informations pertinentes, sous une forme convenue et à des conditions qui soient équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires.

4.       Les États membres veillent à ce que les organismes fournissant les services indiqués au paragraphe 2, points b) et c), respectent le principe de non‑discrimination dans le traitement et la présentation des informations qui leur sont fournies.»

6
Aux Pays-Bas, les matières couvertes par la directive sont régies par la Wet op de telecommunicatievoorzieningen (loi sur les télécommunications) du 26 octobre 1988 (Staatsblad 1988, p. 520, ci‑après la «WTV»), ainsi que par le Besluit ONP huurlijnen en telefonie (décret relatif aux lignes louées et à la téléphonie ONP) du 10 novembre 1998 (Staatsblad 1998, p. 639, ci-après le «BOHT»), pris en exécution de cette loi, notamment ses articles 7.1 et 7.5.

7
L’article 43 du BOHT prévoit:

«Quiconque attribue un numéro […] met sur demande, sous une forme convenue et à des conditions équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires, ces numéros avec informations connexes à disposition aux fins de fournir des annuaires et d’assurer un service de renseignements téléphoniques […]»


Le litige au principal et les questions préjudicielles

8
KPN est le prestataire du service universel de téléphonie vocale aux Pays-Bas. Denda International vof, devenue Denda Multimedia BV (ci‑après «Denda»), établie aux Pays-Bas, et Topware CD‑Service AG (ci‑après «Topware»), établie en Allemagne, étaient, à l’époque des faits dont la juridiction de renvoi est saisie, des entreprises réalisant, notamment, des annuaires téléphoniques sur papier ainsi que des annuaires électroniques, produits dans un premier temps sur CD-ROM et destinés à être placés, par la suite, sur Internet.

9
Il ressort de l’ordonnance de renvoi que Denda et Topware ont demandé à PTT Telecom BV, qui était le prédécesseur de KPN jusqu’en 1998, de leur communiquer des données relatives à ses abonnés du service de téléphonie vocale, aux fins d’établir leurs propres annuaires. En dehors des strictes données de base comme le nom, l’adresse, le domicile et le numéro de téléphone ainsi que, éventuellement, le code postal de l’abonné et l’indication du fait que le numéro était uniquement utilisé comme numéro de téléfax, ces deux entreprises étaient intéressées, en particulier, par la communication de données supplémentaires, contenues dans les pages blanches de l’annuaire imprimé par le prédécesseur de KPN, à l’exception des annonces publicitaires. Il s’agissait, par exemple, de l’indication supplémentaire d’une profession, d’un autre nom, d’une mention dans une autre commune ou de numéros additionnels des téléphones mobiles des abonnés.

10
Le prédécesseur de KPN a refusé de fournir ces informations supplémentaires à Denda et à Topware. De même, il a refusé de leur communiquer les données de base à un prix inférieur à 0,85 NLG par donnée, lequel était, selon ces entreprises, largement exagéré. Lesdites entreprises ont donc saisi l’OPTA d’une réclamation en vue de faire constater que le prédécesseur de KPN avait commis une violation des dispositions de la WTV et du BOHT.

11
Par décision du 29 septembre 1999, l’OPTA a décidé, d’une part, que KPN n’était pas obligée de communiquer à Denda et à Topware les données supplémentaires que celles-ci souhaitaient obtenir et, d’autre part, que le prix demandé par KPN pour la livraison des données de base devait être inférieur à 0,005 NLG par donnée.

12
KPN ainsi que Denda et Topware ont introduit des réclamations contre cette décision de l’OPTA. Par deux décisions du 4 décembre 2000, cette dernière a corrigé sa position initiale et a considéré que KPN devait également fournir les données supplémentaires relatives à un ou plusieurs numéros de téléphones mobiles, à la profession de l’abonné et aux mentions éventuelles de celui-ci dans d’autres communes.

13
KPN et Denda ont formé à leur tour un recours contre ces décisions devant l’Arrondissementsrechtbank te Rotterdam (Pays-Bas), mais ces recours ont été rejetés comme non fondés. Le College van Beroep voor het bedrijfsleven, saisi en appel, éprouve des doutes quant à l’interprétation des dispositions en cause de la WTV et du BOHT à la lumière de la directive.

14
Considérant que l’interprétation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive est nécessaire à la solution du litige dont il est saisi, le College van Beroep voor het bedrijfsleven a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)
Les mots ‘informations pertinentes’ à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 98/10/CE […] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement les numéros de téléphone attribués par les organismes concernés, avec le nom, l’adresse, le domicile et le code postal de la personne à laquelle le numéro est attribué, ainsi que l’indication éventuelle du fait que le numéro est (exclusivement) utilisé comme numéro de téléfax, ou visent-ils également d’autres données dont lesdits organismes disposent, telles que l’indication supplémentaire d’une profession, d’un autre nom, d’une autre commune ou de numéros de téléphones mobiles?

2)
L’expression ‘répondent à toutes les demandes raisonnables [...] à des conditions qui soient équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires’, visée dans la disposition mentionnée dans la première question, doit‑elle être interprétée en ce sens que:

a)
des numéros avec nom, adresse, domicile et code postal de la personne à laquelle le numéro est attribué doivent être mis à disposition moyennant uniquement la rétribution des coûts marginaux, découlant de la mise à disposition effective, et

b)
des données autres que celles visées sous a) doivent être mises à disposition moyennant une rétribution destinée à couvrir les frais dont le fournisseur de ces données démontre qu’il les a exposés pour obtenir ou fournir ces données?»


Sur la première question

15
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance quelles sont les données qui sont visées par les termes «informations pertinentes» figurant à l’article 6, paragraphe 3, de la directive.

16
À titre liminaire, il convient de constater que l’article 6, paragraphe 3, de la directive ne donne aucune définition de la notion d’«informations pertinentes» relatives aux abonnés que les organismes attribuant des numéros de téléphone sont censés fournir à des tiers. Il y a donc lieu d’interpréter cette notion au regard du contexte dans lequel elle s’insère et de la finalité de la directive.

17
Ainsi, tels qu’ils résultent de l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, de la directive, les objectifs de celle-ci visent à garantir la mise à disposition, dans l’ensemble de la Communauté, de services téléphoniques publics fixes de bonne qualité et à définir l’ensemble des services auxquels tous les utilisateurs, y compris les consommateurs, doivent avoir accès dans le cadre du service universel, à un prix abordable et, ainsi qu’il résulte de l’intitulé de la directive, «dans un environnement concurrentiel».

18
La directive vise donc à assurer un équilibre entre les intérêts spécifiques du prestataire du service universel et ceux des entreprises relevant du secteur concurrentiel, ainsi que ceux des utilisateurs, y compris les consommateurs.

19
En ce qui concerne tout d’abord le service universel, il importe de rappeler que celui-ci est défini à l’article 2, paragraphe 2, sous f), de la directive comme un ensemble de services minimal défini d’une qualité donnée, qui est accessible à tous les utilisateurs indépendamment de leur localisation géographique et, à la lumière de conditions spécifiques nationales, à un prix abordable.

20
Ainsi que la Commission le fait valoir à bon droit, il ressort des termes «[a]fin de garantir la fourniture des services indiqués au paragraphe 2, points b) et c)», figurant au début de l’article 6, paragraphe 3, de la directive, que l’obligation des États membres de veiller à ce que les organismes qui attribuent des numéros de téléphone aux abonnés répondent à toutes les demandes raisonnables relatives à la fourniture des informations pertinentes s’insère dans le cadre de la fourniture du service universel.

21
Il y a donc lieu d’examiner quelles sont les données nécessaires pour garantir la fourniture d’un tel service.

22
À cet égard, l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la directive mentionne uniquement que doivent être regroupés dans les annuaires, afin d’être mis à la disposition des utilisateurs, l’ensemble des abonnés qui n’ont pas exprimé d’objection à être répertoriés, y compris les numéros de téléphones fixes, mobiles et personnels. Il en résulte, ainsi que KPN l’a souligné à juste titre, que des données autres que celles mentionnées dans cette disposition ne sont pas nécessaires pour l’établissement d’un annuaire téléphonique dans le cadre du service universel.

23
Il se pose toutefois la question de savoir si une telle limitation des données dans le cadre de la fourniture d’informations aux concurrents du prestataire du service universel répond aux exigences de la libéralisation du marché des télécommunications dans laquelle s’insère la directive. L’OPTA et Denda mettent fortement en doute une telle possibilité et font valoir que seule une interprétation large de la notion des données à fournir serait de nature à assurer un niveau concurrentiel équitable.

24
Selon KPN, la directive ne vise cependant pas à faire profiter les tiers des efforts réalisés par le prestataire du service universel, tels que la collecte coûteuse des données additionnelles, de tels efforts ne faisant pas partie de ses obligations relatives à la prestation de ce service au sens strict. Toute autre interprétation de la directive conduirait à fausser le jeu de la concurrence entre entreprises fournissant des annuaires, étant donné que l’une d’entre elles serait obligée d’aider ses concurrents sans que ces derniers soient soumis à une obligation de réciprocité.

25
À cet égard, il est constant que la directive évoque à maints endroits sa finalité qui est de favoriser l’ouverture d’un marché concurrentiel dans le domaine des télécommunications. En ce qui concerne plus particulièrement les annuaires, le septième considérant de la directive indique que «la fourniture de services d’annuaires est une activité ouverte à la concurrence». En outre, l’article 6, paragraphe 3, de la directive, en tant qu’il prévoit la mise à disposition de certaines informations relatives aux abonnés à des entreprises concurrentes, corrobore cette finalité.

26
En effet, dans l’État membre concerné, l’existence d’entreprises élaborant des annuaires autres que le prestataire du service universel, telles que Denda et Topware, démontre qu’un marché concurrentiel des annuaires s’est effectivement développé.

27
Cependant, il n’est pas exclu que le refus de livrer les données en cause dans le litige au principal soit de nature à influencer les conditions dans lesquelles un tel marché concurrentiel d’entreprises offrant des annuaires peut se développer. Quant à ces conditions, l’article 6, paragraphe 3, de la directive prévoit qu’elles doivent être «équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires». Dès lors, si le prestataire du service universel respecte les exigences prévues par cette disposition, il n’est pas tenu de livrer en outre toutes les données additionnelles que ses concurrents souhaitent obtenir.

28
Il en résulte que le refus de mettre à disposition des tiers des données autres que celles énumérées à l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la directive est compatible avec la libéralisation du marché des télécommunications, laquelle constitue l’un des objectifs visés par la directive.

29
Enfin, en ce qui concerne les intérêts spécifiques des utilisateurs, y compris les consommateurs, ce sont avant tout ces personnes qui sont censées, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, de la directive, bénéficier des conditions concurrentielles du marché en cause. En effet, le septième considérant de la directive énonce que les utilisateurs et les consommateurs «souhaitent disposer d’annuaires et de services de renseignements téléphoniques généraux contenant tous les abonnés répertoriés ainsi que leurs numéros respectifs (notamment les numéros de téléphones fixes, mobiles et personnels)», ces termes étant repris à l’article 6, paragraphe 2, sous b), de ladite directive.

30
Or, à un tel besoin d’information des utilisateurs correspond aussi le droit, tel qu’il résulte de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la directive, non seulement de figurer dans un annuaire, mais également de demander la suppression totale ou partielle de certaines données y figurant. De même, ainsi que la Commission l’a souligné à bon droit, l’article 6, paragraphe 1, de la directive renvoie expressément à certaines dispositions communautaires visant la protection des données à caractère personnel et de la vie privée.

31
Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a jugé, certes dans un autre contexte, mais qui se rapporte néanmoins à l’application de l’article 6, paragraphe 2, de la directive, il découle de cette disposition un principe selon lequel chaque opérateur gère la liste de ses propres abonnés ne souhaitant pas figurer sur la liste universelle et ne communique pas le nom de ces abonnés à l’éditeur de l’annuaire téléphonique (arrêt du 6 décembre 2001, Commission/France, C‑146/00, Rec. p. I-9767, point 68).

32
Il est donc constant que la protection des données à caractère personnel et de la vie privée est un facteur primordial à prendre en considération lorsqu’il s’agit de déterminer quelles sont les données qu’un opérateur est obligé de mettre à la disposition d’un tiers concurrent. En effet, une approche large, qui exigerait la mise à disposition indistincte de toutes les données dont un opérateur dispose, à l’exception toutefois de celles concernant des abonnés qui ne souhaitent en aucune manière figurer sur une liste publiée, n’est pas conciliable avec la protection tant de ces données que de la vie privée des personnes concernées.

33
Par conséquent, la prise en compte des intérêts spécifiques des utilisateurs des services en cause, y compris les consommateurs, ne milite pas non plus en faveur d’une interprétation large de la notion d’«informations pertinentes».

34
Il résulte de toutes ces considérations relatives aux différents intérêts en présence que les termes «informations pertinentes» figurant à l’article 6, paragraphe 3, de la directive doivent recevoir une interprétation stricte. Les organismes qui attribuent des numéros de téléphone doivent ainsi transmettre aux tiers uniquement les données relatives aux abonnés qui n’ont pas exprimé d’objection au fait d’être répertoriés dans une liste publiée et qui sont suffisantes pour permettre aux utilisateurs d’un annuaire d’identifier les abonnés qu’ils recherchent. Ces données comprennent, en principe, le nom et l’adresse, y compris le code postal, des abonnés ainsi que le ou les numéros de téléphone qui leur ont été attribués par l’organisme concerné.

35
Cela étant, comme la Commission le fait valoir et ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 28 de ses conclusions, il est possible que des différences existent au niveau national dans la demande des utilisateurs des services de téléphonie vocale. Dans la mesure où, en ayant recours aux termes «informations pertinentes», la directive ne tend pas à harmoniser de manière complète tous les critères qui peuvent sembler nécessaires pour identifier les abonnés, les États membres restent compétents pour déterminer si, dans un contexte national spécifique, certaines données supplémentaires doivent être mises à la disposition des tiers.

36
Il convient donc de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 3, de la directive doit être interprété en ce sens que les termes «informations pertinentes» visent uniquement les données relatives aux abonnés qui n’ont pas exprimé d’objection au fait d’être répertoriés dans une liste publiée et qui sont suffisantes pour permettre aux utilisateurs d’un annuaire d’identifier les abonnés qu’ils recherchent. Ces données comprennent, en principe, le nom et l’adresse, y compris le code postal, des abonnés ainsi que le ou les numéros de téléphone qui leur ont été attribués par l’organisme concerné. Toutefois, il est loisible aux États membres de prévoir que d’autres données seront mises à la disposition des utilisateurs dès lors que, au regard de conditions nationales spécifiques, elles semblent nécessaires à l’identification des abonnés.


Sur la seconde question

37
Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance quels sont les coûts afférents aux tâches de collecte, de mise à jour et de fourniture des informations pertinentes relatives aux abonnés qui peuvent être incorporés dans le prix de la mise à disposition des données dans le cadre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive.

38
À cet égard, il suffit de constater, ainsi que l’OPTA et Denda le font valoir à juste titre, que l’obtention des données de base relatives aux abonnés, à savoir les nom, adresse et numéro de téléphone de ces derniers, est indissolublement liée au service de téléphonie et n’exige aucun effort particulier de la part du prestataire du service universel.

39
En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 49 de ses conclusions, les coûts afférents à l’obtention ou à l’attribution de ces données, à la différence des coûts exposés pour la mise à disposition des tiers de celles-ci, doivent en tout état de cause être supportés par le prestataire d’un service de téléphonie vocal et sont déjà inclus dans les coûts et les revenus d’un tel service. Dans ces conditions, le fait de transférer les coûts relatifs à l’obtention ou à l’attribution des données aux personnes demandant l’accès à celles-ci aboutirait à une surcompensation non justifiée des coûts en question.

40
Il en résulte que, lors de la mise à disposition de ces données à des entreprises concurrentielles sur le marché de fourniture d’annuaires, seuls les coûts supplémentaires liés à cette mise à disposition peuvent être facturés par le prestataire du service universel, à l’exclusion des coûts relatifs à l’obtention de ces données.

41
La solution serait cependant différente dès lors que seraient en cause des données supplémentaires pour l’obtention desquelles le prestataire du service universel a lui-même dû supporter des coûts additionnels. Dans une telle occurrence, si ce dernier décide de mettre de telles données à la disposition de tiers, sans y être obligé par la directive, aucune disposition de celle-ci ne s’oppose alors à ce que de tels coûts supplémentaires soient facturés aux tiers, pour autant qu’un traitement non discriminatoire desdits tiers est assuré.

42
Il convient donc de répondre à la seconde question que l’article 6, paragraphe 3, de la directive, en ce qu’il prévoit que les informations pertinentes sont fournies à des tiers à des conditions équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires, doit être interprété en ce sens que:

s’agissant de données telles que le nom et l’adresse des personnes ainsi que le numéro de téléphone qui leur a été attribué, seuls les coûts relatifs à la mise à disposition effective des tiers de ces données peuvent être facturés par le prestataire du service universel;

s’agissant de données additionnelles qu’un tel prestataire n’est pas obligé de mettre à la disposition des tiers, ce dernier est en droit de facturer, hormis les coûts relatifs à cette mise à disposition, les coûts supplémentaires qu’il a dû lui-même supporter pour l’obtention de ces données, pour autant qu’un traitement non discriminatoire des tiers est assuré.


Sur les dépens

43
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)
L’article 6, paragraphe 3, de la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel, doit être interprété en ce sens que les termes «informations pertinentes» visent uniquement les données relatives aux abonnés qui n’ont pas exprimé d’objection au fait d’être répertoriés dans une liste publiée et qui sont suffisantes pour permettre aux utilisateurs d’un annuaire d’identifier les abonnés qu’ils recherchent. Ces données comprennent, en principe, le nom et l’adresse, y compris le code postal, des abonnés ainsi que le ou les numéros de téléphone qui leur ont été attribués par l’organisme concerné. Toutefois, il est loisible aux États membres de prévoir que d’autres données seront mises à la disposition des utilisateurs dès lors que, au regard de conditions nationales spécifiques, elles semblent nécessaires à l’identification des abonnés.

2)
L’article 6, paragraphe 3, de la directive 98/10, en ce qu’il prévoit que les informations pertinentes sont fournies à des tiers à des conditions équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires, doit être interprété en ce sens que:

s’agissant de données telles que le nom et l’adresse des personnes ainsi que le numéro de téléphone qui leur a été attribué, seuls les coûts relatifs à la mise à disposition effective des tiers de ces données peuvent être facturés par le prestataire du service universel;

s’agissant de données additionnelles qu’un tel prestataire n’est pas obligé de mettre à la disposition des tiers, ce dernier est en droit de facturer, hormis les coûts relatifs à cette mise à disposition, les coûts supplémentaires qu’il a dû lui-même supporter pour l’obtention de ces données, pour autant qu’un traitement non discriminatoire des tiers est assuré.

Signatures.


1
Langue de procédure: le néerlandais.

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