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Document 61996CC0399
Opinion of Mr Advocate General Cosmas delivered on 7 May 1998. # Europièces SA v Wilfried Sanders and Automotive Industries Holding Company SA. # Reference for a preliminary ruling: Cour du travail de Bruxelles - Belgium. # Social policy - Harmonisation of laws - Transfers of undertakings - Safeguarding of workers' rights - Directive 77/187/EEC - Scope - Transfer of an undertaking in voluntary liquidation. # Case C-399/96.
Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 7 mai 1998.
Europièces SA contre Wilfried Sanders et Automotive Industries Holding Company SA.
Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Bruxelles - Belgique.
Politique sociale - Rapprochement des législations - Transferts d'entreprises - Maintien des droits des travailleurs - Directive 77/187/CEE - Champ d'application - Transfert d'une entreprise en liquidation volontaire.
Affaire C-399/96.
Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 7 mai 1998.
Europièces SA contre Wilfried Sanders et Automotive Industries Holding Company SA.
Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Bruxelles - Belgique.
Politique sociale - Rapprochement des législations - Transferts d'entreprises - Maintien des droits des travailleurs - Directive 77/187/CEE - Champ d'application - Transfert d'une entreprise en liquidation volontaire.
Affaire C-399/96.
Recueil de jurisprudence 1998 I-06965
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1998:207
Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 7 mai 1998. - Europièces SA contre Wilfried Sanders et Automotive Industries Holding Company SA. - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Bruxelles - Belgique. - Politique sociale - Rapprochement des législations - Transferts d'entreprises - Maintien des droits des travailleurs - Directive 77/187/CEE - Champ d'application - Transfert d'une entreprise en liquidation volontaire. - Affaire C-399/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-06965
I - Introduction
1 Dans la présente affaire, la Cour est invitée à se prononcer sur une question posée à titre préjudiciel par la cour du travail de Bruxelles et relative à la détermination du champ d'application de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (1) (ci-après la «directive»). La juridiction de renvoi demande si cette directive vise le cas du transfert d'une société en liquidation volontaire à une autre société.
II - Les faits
2 Le premier des intimés dans la procédure au principal, M. Wilfried Sanders (ci-après «Sanders»), avait travaillé pour la société appelante (ci-après «Europièces») comme représentant de commerce à Erpent, en Belgique, pour le secteur des provinces de Namur, de Luxembourg et du Hainaut. En juillet 1993, Europièces a été mise en liquidation volontaire. Le 27 juillet 1993, le liquidateur a licencié Sanders avec un préavis de 22 mois. Le 13 août 1993, il lui a fait savoir, d'une part, qu'Europièces avait cédé à la deuxième partie intimée dans la procédure au principal, à savoir Automotive Industries Holding Company SA (ci-après «Automotive»), une partie du stock et du matériel et, d'autre part, qu'Automotive n'avait pas repris toutes les activités de la société Europièces. Il lui a encore fait savoir que, à dater du 24 août 1993, il devait exercer ses activités pour le compte de la liquidation à Bruxelles, sous les instructions directes du représentant de la liquidation. Selon le liquidateur, le changement des conditions de travail était justifié par le fait que les activités d'Europièces ne se poursuivaient que pour les besoins de la liquidation, qui imposait le transfert du travailleur à Bruxelles. Dans la lettre précitée, il indiquait encore qu'Automotive avait proposé à certains membres du personnel, dont Sanders, le maintien de leur contrat d'emploi, ce que Sanders a refusé. L'échange de lettres qui a suivi entre Sanders et le liquidateur quant au lieu d'exercice et la nature des activités de Sanders n'a pas eu de résultat et Sanders a ensuite constaté, par lettre du 16 octobre 1993, la rupture unilatérale de son contrat de représentant de commerce ou, à tout le moins, la résolution de ce contrat, et cela en raison du comportement du liquidateur.
3 Par jugement du 5 septembre 1995, le tribunal du travail de Bruxelles, saisi par Sanders, a jugé, entre autres, que la partie d'établissement de la société Europièces à Erpent, où Sanders avait exercé ses activités de représentant de commerce, semblait avoir été transférée à Automotive, avec maintien de son unité, dans la mesure où Automotive avait continué d'exercer des activités similaires dans cette localité; il a ensuite invité le demandeur à faire valoir ses arguments sur le point de savoir si la directive 77/187 doit trouver application dans le cas d'espèce.
4 Le 16 novembre 1995, Europièces a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi. La cour du travail de Bruxelles a confirmé la constatation du juge de première instance concernant l'existence du transfert de l'unité économique d'Erpent et de la partie correspondante de l'entreprise Europièces à la société Automotive, mais elle s'est interrogée sur l'application de la directive en cas de liquidation volontaire.
III - La question préjudicielle
5 Eu égard à ce qui précède, la juridiction nationale a posé à la Cour la question préjudicielle suivante:
«La directive 77/187 s'applique-t-elle à l'hypothèse où une société en liquidation transfère tout ou partie de ses actifs à une autre société qui ensuite notifie des ordres au travailleur et dont la société en liquidation dit qu'ils doivent être exécutés?»
IV - Le cadre législatif
6 En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive,
«La présente directive est applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre chef d'entreprise, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion.»
L'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive dispose que:
«Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert au sens de l'article 1er paragraphe 1 sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.»
En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la directive,
«Le transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d'organisation impliquant des changements sur le plan de l'emploi.»
V - En ce qui concerne la recevabilité du renvoi préjudiciel
7 Le gouvernement du Royaume-Uni soutient que la demande de la juridiction de renvoi doit être rejetée comme irrecevable au motif que les éléments de fait et de droit, nécessaires pour l'appréciation juridique de la Cour, sont formulés de manière laconique (2). Il fait plus particulièrement valoir que, pour répondre correctement à la question préjudicielle, il faudrait que l'ordonnance de la juridiction de renvoi décrive et explique en détail, premièrement, les caractéristiques spécifiques du travail que Sanders accomplissait chez Europièces; deuxièmement, s'il exerçait ce travail exclusivement à Erpent ou si une certaine activité était également prévue à Bruxelles; troisièmement, si Sanders travaillait dans une partie de l'entreprise Europièces qui était suffisamment identifiable et si cette partie a été transférée à Automotive dans le cadre de la liquidation; quatrièmement, si Sanders a par la suite conclu un contrat d'emploi avec le cessionnaire, à savoir Automotive, et, cinquièmement, quel est le lien entre la directive en cause et le litige au principal, pendant devant la juridiction de renvoi. Estimant que les informations fournies dans le cadre des questions posées sont insuffisantes, le gouvernement du Royaume-Uni propose de rejeter le renvoi comme irrecevable.
8 Nous pensons que l'exception d'irrecevabilité ne doit pas être considérée comme fondée. Selon la jurisprudence constante de la Cour, citée par le gouvernement du Royaume-Uni, la réponse aux questions préjudicielles vise à donner une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour que le juge national puisse résoudre le litige au principal. Il découle de cette règle générale que, dans le cadre de la collaboration optimale entre le juge national et le juge communautaire, ce dernier répond aux questions préjudicielles qui lui sont soumises lorsqu'il dispose des éléments matériels et juridiques minimaux, nécessaires pour pouvoir interpréter correctement et utilement la règle de droit communautaire en question en vue de la solution du litige au principal; il s'abstient en tout état de cause de répondre aux questions purement hypothétiques. Dans l'affaire en cause, le juge national a formulé de manière claire et précise la question juridique qui l'occupe et dont la solution lui semble indispensable pour clarifier le litige qui lui a été soumis. Ainsi qu'il ressortira, pensons-nous, de la suite de notre analyse sur le fond, le cadre matériel et juridique litigieux est connu de la Cour et nous ne voyons dès lors pas de raisons de ne pas répondre à la question posée, bien qu'il subsiste des doutes sur certains aspects du litige au principal. En tout état de cause, il incombe exclusivement à la cour du travail de Bruxelles d'examiner si les circonstances de fait entrent dans le champ d'application des règles de droit à appliquer, pour l'interprétation desquelles l'assistance de la Cour a été demandée.
VI - Sur le fond
A - Les données existantes de la jurisprudence
9 Le problème soulevé par la question préjudicielle en cause concerne le point de savoir dans quelle mesure il peut y avoir «cession conventionnelle» au sens de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive lorsque l'entreprise transférée est en liquidation volontaire. Ainsi que la Commission et le gouvernement du Royaume-Uni l'observent avec raison, pour répondre à cette question, il est particulièrement utile d'examiner l'évolution de la jurisprudence de la Cour relative au champ d'application de la directive 77/187.
10 La Cour a examiné si la directive précitée couvre également des cas de transferts d'entreprises, qui se trouvent dans une situation juridique particulière, semblable ou analogue à celle de la présente affaire, dans les arrêts Abels (3), D'Urso (4), Spano e.a. (5) et Dethier Équipement (6). Dans ces arrêts, elle a plus précisément examiné dans quelle mesure l'article 1er, paragraphe 1, de la directive vise les transferts d'entreprises qui ont été soumises à certains régimes du droit national, tels que la faillite et la «surseance van betaling» (sursis de paiement) en droit néerlandais (7), la liquidation administrative forcée et la procédure d'administration extraordinaire des entreprises en état de crise en droit italien (8) et, enfin, la procédure de liquidation judiciaire en droit belge (9).
a) Les arrêts Abels, D'Urso et Spano e.a.
11 Selon les conclusions de la jurisprudence, le juge communautaire se base sur le critère du but et des caractéristiques procédurales particulières du régime de droit national qu'il examine par rapport à l'économie, au but et à la place de la directive dans l'économie du droit communautaire. Ainsi qu'il ressort de ses considérants, la directive a pour but d'édicter «... des dispositions ... pour protéger les travailleurs en cas de changement de chef d'entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits» (10) dans le cadre des modifications structurelles que l'évolution économique du marché commun comporte pour les entreprises. Après l'approche téléologique de la directive, le juge communautaire analyse les éléments plus spécifiques de la législation nationale, qui lui est soumise aux fins de jugement, en vue d'apprécier si les régimes des États membres, correspondant à ces législations, sont conformes aux buts de la directive et justifient l'application de celle-ci en cas de transferts d'entreprises.
12 Plus particulièrement, dans l'arrêt Abels, la Cour s'est opposée à ce que le champ d'application des dispositions de la directive soit étendu aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements qui ont lieu dans le cadre de la procédure de faillite du droit néerlandais, dans la mesure où cette procédure vise uniquement, à l'intérieur d'une procédure contrôlée judiciairement, à garantir les intérêts des différentes catégories de créanciers et ne s'inspire d'aucune considération d'ordre social, telle que la protection des travailleurs, que la directive 77/187 vise à assurer (11).
13 Or, cette solution restrictive ne s'étend pas au régime du sursis de paiement (surseance van betaling) en droit néerlandais. Pour aboutir à cette conclusion, le juge communautaire a examiné le but et les caractéristiques de cette procédure spéciale. Il a constaté, d'une part, que cette procédure vise principalement à sauvegarder la masse et, le cas échéant, la poursuite de l'activité de l'entreprise au moyen d'un règlement permettant d'assurer l'activité de l'entreprise à l'avenir. Il a constaté, d'autre part, que cette procédure a un caractère judiciaire, mais que le contrôle judiciaire est d'une portée plus restreinte. Par conséquent, contrairement à ce qui était admis pour la faillite, l'application de la directive au transfert total ou partiel d'une entreprise en sursis de paiement est parfaitement possible, et cette conclusion n'est pas contredite par le seul fait qu'une procédure similaire peut ultérieurement aboutir à la mise en faillite de l'entreprise (12).
14 La Cour a aussi suivi le même raisonnement dans l'arrêt D'Urso, précité. Elle a tout d'abord jugé que l'article 1er, paragraphe 1, de la directive ne s'applique pas aux transferts d'entreprises intervenus dans le cadre d'une procédure de déclaration des créanciers telle que celle de la législation italienne relative à la liquidation administrative forcée, dans la mesure où cette procédure a des effets contraires à ceux de la faillite. En revanche, les mêmes dispositions communautaires trouvent application dans le cas d'une grande entreprise en état de crise qui, selon les règles spécifiques du droit italien, se trouve sous administration extraordinaire, lorsque et pour autant qu'il a été décidé de poursuivre l'activité de l'entreprise.
15 Cette différenciation n'était pas fondée sur les caractéristiques procédurales spéciales de l'administration extraordinaire (13), mais sur le but de cette procédure. En droit italien, le commissaire qui exerce l'administration extraordinaire peut décider le maintien de l'activité de l'entreprise. Dans ce cas et pendant la durée d'application de la décision de poursuivre cette activité, la procédure vise tout d'abord, selon la Cour, à donner à l'entreprise un équilibre permettant d'assurer son activité pour l'avenir. «L'objectif économique et social ainsi poursuivi ne saurait expliquer ni justifier que, lorsque l'entreprise concernée fait l'objet d'un transfert total ou partiel, ses travailleurs soient privés des droits que leur reconnaît la directive dans les conditions qu'elle précise» (14). En d'autres termes, après avoir presque exclusivement examiné le but de la procédure nationale spécifique et avoir distingué celle-ci de celle de la faillite, la Cour a admis que cette directive était applicable sous certaines conditions.
16 De manière analogue, dans l'arrêt Spano e.a., la Cour a jugé que la directive est applicable au transfert d'une entreprise dont l'état de crise a été reconnu selon une procédure du droit italien, semblable à celle sur laquelle elle s'était penchée dans l'affaire D'Urso. Elle s'est fondée sur l'argument selon lequel cette procédure de constatation de l'état de crise tend à favoriser le maintien de l'activité de l'entreprise et, surtout, le maintien de l'emploi des travailleurs en vue d'une reprise ultérieure, en subordonnant la constatation de l'état de crise à la présentation d'un plan d'assainissement qui doit comporter des mesures destinées à résoudre les problèmes d'emploi.
17 Ensuite, dans le même arrêt, la juridiction communautaire a fondé son raisonnement tout d'abord sur une approche téléologique comparée de la procédure nationale spécifique, d'une part, et de la directive, d'autre part, et, deuxièmement, sur la constatation que cette procédure nationale ne comprend pas le contrôle judiciaire parmi les mesures d'administration du patrimoine de l'entreprise et ne prévoit aucun sursis de paiement (15).
18 Il découle ainsi de ce qui précède que l'élément principal à examiner pour résoudre le problème juridique en cause consiste à déterminer le but de la procédure nationale spéciale qui est en cause dans chaque cas d'espèce et qui régit le transfert total ou partiel d'une entreprise. A titre complémentaire, en particulier lorsque le premier critère ne suffit pas pour résoudre l'affaire pendante, il est utile de tenir aussi compte de la manière dont la procédure nationale en cause est élaborée et mise en oeuvre dans la pratique, parce que, si elle est imposée de manière obligatoire par une autorité judiciaire ou administrative ou est soumise à un contrôle judiciaire ou administratif rigoureux, le caractère conventionnel du transfert, qui est un critère sine qua non d'application de la directive, peut être mis en doute.
b) L'affaire Dethier Équipement
19 Les conclusions jurisprudentielles, exposées ci-dessus, ont été récemment confirmées par l'arrêt Dethier Équipement, auquel nous attachons un poids tout particulier en raison de la similitude du problème qu'il soulevait avec la question déférée à la Cour dans la présente affaire. L'affaire Dethier Équipement concernait le transfert d'une entreprise qui, selon les règles du droit belge, était en liquidation judiciaire, tandis que le litige au principal, pendant devant la cour du travail de Bruxelles et dans le cadre duquel a été posée la question préjudicielle en cause, concerne la liquidation volontaire d'une entreprise selon le droit belge. Notons encore que, dans l'affaire Dethier Équipement, le juge national avait interrogé la Cour sur l'application de la directive 77/187 tant en cas de liquidation judiciaire qu'en cas de liquidation volontaire, mais la Cour n'avait pas répondu à la deuxième branche de la question au motif qu'elle avait un caractère purement hypothétique.
20 Avant d'analyser l'arrêt Dethier Équipement, il nous semble indispensable d'indiquer que, en droit belge, on entend par liquidation d'une entreprise l'ensemble des mesures qui visent à satisfaire les créanciers au moyen de l'actif de l'entreprise et à répartir un éventuel excédent entre les associés (16). Bien que la liquidation volontaire soit proche de la faillite, elle est à certains égards préférable, parce qu'elle permet une meilleure valorisation, ou la valorisation la moins mauvaise, du patrimoine et qu'elle n'exclut pas l'éventualité que des activités économiques de l'entreprise qui restent rentables soient aussi maintenues, en tout ou en partie, après la liquidation. Il importe encore de souligner que la liquidation n'est jamais une solution de rechange de la faillite. Si les conditions de la faillite sont remplies, la liquidation n'est plus possible et elle n'est d'ailleurs pas non plus souhaitée par les créanciers, qui jouissent de garanties beaucoup plus larges dans la procédure de la faillite que dans celle de la liquidation. En outre, il convient de préciser que la distinction entre liquidation volontaire et liquidation judiciaire est dépourvue de tout intérêt pratique en droit belge. Elle réside simplement dans le fait que, en cas de liquidation judiciaire, l'assemblée générale ne peut pas nommer les liquidateurs à la majorité requise par la loi; par conséquent, ces personnes sont nommées par la juridiction nationale compétente dans le cadre d'une procédure non contentieuse; en revanche, dans la liquidation volontaire, le choix des liquidateurs appartient à l'assemblée générale. Outre la question de la nomination des liquidateurs, les deux procédures sont pour l'essentiel identiques, ce qui renforce l'importance de la jurisprudence Dethier Équipement pour répondre à la question posée dans la présente affaire.
21 Dans ses conclusions du 11 juillet 1996 sous l'arrêt Dethier Équipement, après avoir exclu l'application de la directive en cas de cessation d'activité définitive de l'entreprise en liquidation qui a été transférée ou en cas de mise en faillite de cette entreprise, l'avocat général M. Lenz examine dans quelle mesure le maintien de l'activité d'une entreprise en liquidation justifie que les droits prévus par la directive 77/187 soient reconnus aux travailleurs. Partant de la constatation que le maintien de l'activité est possible, mais ne vise à permettre la survie, la restructuration ou l'assainissement de la société qu'afin d'atteindre au mieux les buts de la liquidation (17), il fait remarquer que la jurisprudence D'Urso et Spano e.a. ne peut pas être appliquée sans plus au cas de la liquidation. Dans ces dernières affaires, la Cour a considéré comme un critère décisif pour l'application de la directive le maintien de l'activité de l'entreprise transférée. Or, cette activité s'est poursuivie en vue de l'assainissement ou de la restructuration de la société transférée, alors que, dans le cas de la liquidation, cette activité peut seulement avoir pour but la dissolution de la société; en d'autres termes, l'activité «ne vise pas l'avenir, mais elle est uniquement maintenue jusqu'à la vente de l'entreprise» (18). Toutefois, compte tenu de l'économie de la directive et de la place qu'elle occupe dans le droit social communautaire, l'avocat général a abouti à la conclusion que c'est non pas le but poursuivi par le maintien de l'activité de l'entreprise en liquidation, mais ce maintien en tant que tel qui revêt une importance décisive. Par conséquent, dans la mesure où l'activité de l'entreprise en liquidation est maintenue, ni la mise en liquidation de cette entreprise ni le fait que le maintien de l'activité vise désormais la liquidation de l'entreprise, et non sa survie, ne peuvent justifier, en cas de transfert de cette entreprise, la perte par les travailleurs des droits que la directive leur reconnaît (19).
22 Cette observation n'équivaut en tout cas pas à une réponse affirmative à la question posée à titre préjudiciel. Par conséquent, dans la mesure où l'élément du maintien de l'activité de l'entreprise en liquidation ne suffit pas par lui-même à motiver l'application de la directive, l'avocat général M. Lenz passe à l'appréciation des caractéristiques spécifiques de la procédure de liquidation et il les compare avec celles de la faillite (20).
23 Cette comparaison fait apparaître des différences fondamentales entre la faillite et la liquidation. Le liquidateur est un organe de la société qui organise la vente de l'actif sous le contrôle de l'assemblée générale; il n'existe d'ailleurs pas de procédure spéciale, contrôlée par les tribunaux, de détermination du passif, alors qu'un créancier peut se retourner contre la société sur la base des règles générales de l'exécution forcée. En revanche, le curateur de la faillite représente les créanciers, c'est-à-dire qu'il est un tiers par rapport à la société; il aliène l'actif sous le contrôle du juge rapporteur qui a été désigné, alors qu'il existe aussi une procédure spéciale de constatation de l'état des dettes sous le contrôle de la juridiction nationale compétente, sans que les créanciers puissent se retourner individuellement contre la société sur la base des règles générales de l'exécution forcée. Bref, alors que la procédure de la faillite se caractérise par l'intervention claire d'un organe judiciaire, dans le cas de la liquidation, il n'y a pas d'intervention judiciaire, si ce n'est pour le choix du liquidateur, en particulier dans le cas de la liquidation judiciaire. Par conséquent, ce qui est déterminant c'est que, dans la mesure où le liquidateur de la société aliène l'actif sous le contrôle de l'assemblée générale, le transfert éventuel d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement relève d'un choix des organes de la société eux-mêmes, choix qui n'a pas besoin d'être homologué par un tribunal.
24 Eu égard à ce qui précède, l'avocat général M. Lenz proposait que la directive soit déclarée applicable aux transferts d'entreprises en liquidation, mais la poursuite des activités a été décidée par l'assemblée générale.
25 La Cour a repris ce point de vue dans son arrêt du 12 mars 1998. Après avoir examiné tout d'abord le critère du but de la procédure de liquidation judiciaire, qu'elle n'a pas jugé décisif en soi pour résoudre le litige (21), elle a examiné les éléments caractéristiques de cette procédure (22) et a abouti à la conclusion suivante:
«Il apparaît ainsi que la situation d'une entreprise en liquidation judiciaire présente des différences considérables par rapport à celle d'une entreprise en faillite et que les raisons qui ont conduit la Cour à exclure l'application de la directive en cette dernière hypothèse peuvent faire défaut dans le cas d'une entreprise en liquidation judiciaire.
Tel est le cas si, comme en l'espèce au principal, l'activité de l'entreprise se poursuit au cours de la liquidation judiciaire. En pareille hypothèse, la continuité de l'exploitation est assurée lorsque l'entreprise fait l'objet du transfert. Par conséquent, rien ne justifie que les travailleurs soient privés des droits que leur garantit la directive dans les conditions qu'elle précise» (23).
B - La présente affaire
26 A notre avis, il découle de manière suffisamment convaincante de l'analyse qui précède qu'il faut transposer les résultats de l'évolution de la jurisprudence - en particulier ceux du raisonnement et des points de vue adoptés dans l'arrêt Dethier Équipement de la Cour - à la présente affaire pour répondre à la question posée à la Cour. Du fait de la similitude particulière de la procédure de la liquidation volontaire, qui nous intéresse en l'espèce, avec celle de la liquidation judiciaire, qui avait occupé la Cour dans l'affaire Dethier Équipement, nous pensons que, sur la base des mêmes arguments, il faudra admettre que la directive 77/187 est également applicable aux transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements lorsque l'entreprise est en liquidation volontaire, à la condition évidemment que le maintien des activités ait été décidé et pour la durée de cette décision.
27 Cette solution s'impose même à plus forte raison depuis le récent arrêt Dethier Équipement; dès lors que la directive est applicable aux transferts d'entreprises en liquidation judiciaire, à l'égard desquelles il y a eu intervention d'un organe judiciaire, ne fût-ce que pour le choix du liquidateur, la même interprétation devra aussi valoir pour les transferts d'entreprises en liquidation volontaire, étant donné que, dans cette procédure spéciale, aucune intervention d'un organe judiciaire n'est prévue et que, par conséquent, rien ne peut modifier la volonté authentique des organes de la société.
28 Nous pensons que la réponse à donner à la question préjudicielle en cause découle directement de ce qui précède. Pour résoudre le litige au principal pendant devant la juridiction de renvoi, il est évidemment nécessaire de clarifier, premièrement, dans quelle mesure il avait été décidé de maintenir l'activité de la société Europièces après sa mise en liquidation volontaire et dans quelle mesure cette activité s'est effectivement maintenue et, deuxièmement, s'il y a effectivement eu transfert d'Europièces ou d'une partie d'Europièces au sens de la directive à la société Automotive. On peut supposer, sur la base des rares éléments donnés dans l'ordonnance de renvoi de la juridiction nationale, que, dans le cadre du litige, il y a effectivement eu, premièrement, maintien de l'activité d'Europièces après sa mise en liquidation volontaire et, deuxièmement, transfert d'une partie d'Europièces à la société Automotive. En tout état de cause, il ne nous semble pas indispensable que la Cour prenne position sur ces questions, qui sont liées à l'application des règles de droit appropriées aux faits de la cause dans le litige au principal. D'ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient à la juridiction nationale d'examiner, sur la base des critères définis par le juge communautaire, si les éléments requis pour considérer qu'il y a cession conventionnelle d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement au sens de la directive sont remplis dans chaque cas concret (24).
29 Toutefois, il nous semble indispensable, ainsi que la Commission et le Royaume-Uni l'ont indiqué avec raison, de dire encore un mot sur la question ci-après, afin de résoudre le mieux possible la question préjudicielle et de fournir une réponse aussi utile que possible au juge national pour qu'il puisse résoudre le litige au principal.
30 Selon ce que la juridiction de renvoi indique dans son ordonnance, il semble que la société Automotive, cessionnaire au sens de la directive, avait proposé à Sanders la conclusion d'un contrat d'emploi, ce que celui-ci avait refusé. En outre, ce travailleur avait estimé que, après le transfert et en raison du changement du lieu d'activité et des conditions de travail, liées aux instructions qu'il recevait du représentant de la liquidation, il avait unilatéralement résilié ou dénoncé son contrat d'emploi comme représentant de commerce d'Europièces.
31 Nous pensons dès lors qu'il faudra rappeler à la Cour que la directive a pour but, en cas de transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'établissement, le maintien des droits acquis des travailleurs de telle sorte qu'ils continuent d'être employés après le transfert dans les mêmes conditions que celles qui avaient été initialement convenues avec le cédant. Pour résoudre le litige au principal pendant devant lui, le juge national devra dès lors aussi tenir compte de ce paramètre, en suivant les principes directeurs dégagés par la Cour dans ses arrêts Katsikas e.a. (25) et Merckx et Neuhuys (26).
32 Dans l'arrêt Katsikas e.a., la Cour a jugé que, si la directive «... permet au travailleur de rester au service du nouvel employeur dans les mêmes conditions que celles convenues avec le cédant, elle ne saurait être interprétée comme obligeant le travailleur à poursuivre la relation de travail avec le cessionnaire. Une telle obligation mettrait en cause les droits fondamentaux du travailleur, qui doit être libre de choisir son employeur et ne peut pas être obligé de travailler pour un employeur qu'il n'a pas librement choisi» (27).
33 Dans l'arrêt Merckx et Neuhuys, la Cour, après avoir renvoyé à la jurisprudence Danmols Inventar (28), a jugé que «... la protection que la directive vise à assurer est dépourvue d'objet lorsque l'intéressé lui-même, à la suite d'une décision prise par lui librement, ne poursuit pas, après le transfert, la relation de travail avec le nouveau chef d'entreprise» (29). Dans ce cas, lorsque le travailleur décide librement de ne pas poursuivre la relation de travail avec le cessionnaire, «... il appartient aux États membres de déterminer le sort réservé au contrat ou à la relation de travail» (30).
VI - Conclusion
34 Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour de répondre dans les termes suivants aux questions posées à titre préjudiciel:
«La directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, est applicable en cas de transfert effectué par une société en liquidation volontaire, à la seule condition que l'activité de l'entreprise soit poursuivie.»
(1) - JO L 61, p. 26.
(2) - Il invoque à cet égard l'ordonnance du 2 février 1996, Bresle (C-257/95, Rec. p. I-233); l'arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C-320/90, C-321/90 et C-322/90, Rec. p. I-393, point 6), ainsi que les ordonnances du 19 mars 1993, Banchero (C-157/92, Rec. p. I-1085, point 4); du 23 mars 1995, Saddik (C-458/93, Rec. p. I-511, point 12); du 7 avril 1995, Grau Gomis e.a. (C-167/94, Rec. p. I-1023, point 8), et du 21 décembre 1995, Max Mara (C-307/95, Rec. p. I-5083, point 6).
(3) - Arrêt du 7 février 1985 (135/83, Rec. p. 469).
(4) - Arrêt du 25 juillet 1991 (C-362/89, Rec. p. I-4105).
(5) - Arrêt du 7 décembre 1995 (C-472/93, Rec. p. I-4321).
(6) - Arrêt du 12 mars 1998 (C-319/94, non encore publié au Recueil).
(7) - Arrêt Abels, précité dans la note 3.
(8) - Dans l'arrêt D'Urso, précité dans la note 4, la Cour s'est penchée sur le problème de la liquidation administrative forcée ou procédure d'administration extraordinaire des grandes entreprises en état de crise, instituée par le décret-loi italien n_ 26, du 30 janvier 1979, tandis que l'arrêt Spano e.a. soulevait le problème du transfert d'une entreprise qui a été reconnue comme étant en état de crise selon la procédure de la loi italienne n_ 675, du 12 août 1977.
(9) - Arrêt Dethier Équipement, précité dans la note 6.
(10) - Deuxième considérant de la directive.
(11) - La Cour fait remarquer que la nécessité de protéger les créanciers justifie dans tous les États membres l'existence de règles spécifiques «... dont l'effet peut être une dérogation, au moins partielle, à d'autres dispositions, de nature générale, parmi lesquelles les dispositions du droit social» (point 15 de l'arrêt Abels, précité dans la note 3). Elle observe encore que, en cas d'application de la directive aux transferts d'entreprises en faillite, les conditions de vie et de travail de la main-d'oeuvre, loin de s'améliorer, risquent de se détériorer sur le plan global, contrairement aux objectifs sociaux du traité. Concrètement, dans ce cas, l'éventualité que le cessionnaire reprenne l'entreprise transférée en faillite aux conditions acceptées pour la catégorie des créanciers s'éloigne singulièrement, ce qui fait que la seule solution qui subsiste est celle de la cession partielle de la main-d'oeuvre de l'entreprise et, partant, la perte de tous les emplois, contrairement aux objectifs de la directive 77/187 (point 23).
(12) - Points 28 et 29 de l'arrêt Abels, précité dans la note 3.
(13) - Selon le point 25 de l'arrêt D'Urso, précité dans la note 4, qui renvoie à la jurisprudence Abels, le critère de la nature du contrôle exercé par l'autorité administrative ou judiciaire sur les transferts d'entreprises dans le cadre des procédures nationales concrètes de déclarations des créanciers, telles que l'administration extraordinaire en droit italien, fournit des indications permettant de déterminer le champ d'application de la directive 77/187, mais ne constitue pas le critère le plus sûr ou le plus précis.
(14) - Point 32.
(15) - Points 26, 28 et 29 de l'arrêt Spano e.a., précité dans la note 5.
(16) - En tout état de cause, l'entreprise en liquidation ne doit pas nécessairement être confrontée à des difficultés économiques. La procédure de liquidation peut être mise en oeuvre lorsque, par exemple, les associés ne souhaitent pas collaborer.
(17) - La personnalité morale de l'entreprise en liquidation existe effectivement dans le seul but de réaliser l'actif, de liquider les obligations et de répartir le solde; l'activité ne peut être exercée que dans la seule mesure où elle sert la mise en oeuvre de la liquidation. Par conséquent, la société en liquidation ne peut que terminer les activités commencées, ce qui est évidemment souvent indispensable pour empêcher la baisse de la valeur des unités économiques de l'entreprise à transférer.
(18) - Point 39 des conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt Dethier Équipement, précité dans la note 6.
(19) - Point 44 des conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt Dethier Équipement, précité dans la note 6.
(20) - Points 46 et suiv. des conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt Dethier Équipement, précité dans la note 6.
(21) - Arrêt Dethier Équipement, précité dans la note 6 (point 28).
(22) - Arrêt Dethier Équipement, précité dans la note 6 (point 29).
(23) - Arrêt Dethier Équipement, précité dans la note 6 (points 30 et 31).
(24) - Arrêts du 18 mars 1986, Spijkers (24/85, Rec., p. 1119, point 14), et du 19 mai 1992, Redmond Stichting (C-29/91, Rec. p. I-3189, points 23, 24 et 25).
(25) - Arrêt du 16 décembre 1992 (C-132/91, C-138/91 et C-139/91, Rec. p. I-6577).
(26) - Arrêt du 7 mars 1996 (C-171/94 et C-172/94, Rec. p. I-1253).
(27) - Points 31 et 32 de l'arrêt Katsikas e.a., précité dans la note 25.
(28) - Arrêt du 11 juillet 1985 (105/84, Rec. p. 2639).
(29) - Arrêt Merckx et Neuhuys, précité dans la note 26 (point 33).
(30) - Arrêt Merckx et Neuhuys, précité dans la note 26 (point 35).