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Document 61992CC0065
Opinion of Mr Advocate General Jacobs delivered on 28 January 1993. # Office National des Pensions v Raffaele Levatino. # Reference for a preliminary ruling: Cour de cassation - Belgium. # Articles 46 and 51 of Regulation (EEC) Nº 1408/71 - Application to guaranteed income for elderly persons. # Case C-65/92.
Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 28 janvier 1993.
Office national des pensions contre Raffaele Levatino.
Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Belgique.
Articles 46 et 51 du règlement (CEE) n. 1408/71 - Application au revenu garanti aux personnes âgées.
Affaire C-65/92.
Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 28 janvier 1993.
Office national des pensions contre Raffaele Levatino.
Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Belgique.
Articles 46 et 51 du règlement (CEE) n. 1408/71 - Application au revenu garanti aux personnes âgées.
Affaire C-65/92.
Recueil de jurisprudence 1993 I-02005
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1993:35
Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 28 janvier 1993. - Office national des pensions contre Raffaele Levatino. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Belgique. - Articles 46 et 51 du règlement (CEE) n. 1408/71 - Application au revenu garanti aux personnes âgées. - Affaire C-65/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-02005
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. Dans cette affaire, la Cour de cassation de Belgique a introduit une demande de décision préjudicielle au sujet de l' interprétation de l' article 3, paragraphe 1, des articles 46 et 51 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté (dans sa version codifiée figurant à l' annexe I du règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, JO L 23O, p. 6, ci-après "règlement").
2. La partie défenderesse dans la procédure principale, M. Levatino, est le fils de Mme Caterina Milazzo, aujourd' hui décédée. Les faits de la cause ne sont pas suffisamment exposés par la juridiction de renvoi, mais il semble que Mme Milazzo, une ressortissante italienne résidant en Belgique, avait droit à une pension de retraite belge de travailleur salarié à compter du 1er octobre 1967 et à une pension de retraite italienne à compter du 1er novembre 1967. En 1972, elle a introduit une demande de revenu garanti conformément aux dispositions de la loi belge, à savoir la loi du 1er avril 1969. Cette loi a pour objectif de garantir un revenu minimal aux personnes âgées qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Aux termes des dispositions de cette loi, le bénéfice du revenu garanti est lié à une enquête sur les ressources et est indépendant de l' accomplissement d' une période particulière d' assurance du demandeur. En particulier, l' article 4 prévoit que le revenu garanti ne peut être accordé qu' après une enquête sur les ressources du demandeur et que, sous réserve de certaines exceptions, tout autre revenu, quelle qu' en soit la nature ou l' origine, du demandeur et de son conjoint est pris en compte à cette fin. Aux termes de l' article 10, le montant du revenu garanti est réduit du montant de toute pension de retraite ou de survie ou de toute autre prestation financière que le demandeur ou son conjoint perçoit au titre d' un régime obligatoire de retraite belge ou étranger.
3. Par sa décision du 20 février 1975, l' institution belge compétente en matière de sécurité sociale (office national des pensions pour travailleurs salariés, ci-après "ONPTS") a rejeté la demande de revenu garanti introduite par Mme Milazzo, au motif qu' elle était une ressortissante d' un pays avec lequel la Belgique n' avait pas conclu d' accord de réciprocité conformément à ce que prévoit la loi du 1er avril 1969. Sa décision a été annulée par le tribunal du travail de Liège le 23 septembre 1975. Le tribunal du travail a fondé sa décision essentiellement sur l' arrêt de la Cour dans l' affaire 1/72, Frilli/Belgique (Recueil 1972, p. 457). Dans cette affaire, la Cour a jugé, en ce qui concerne la même loi, que le revenu garanti accordé par la législation d' application générale d' un État membre constitue, en ce qui concerne un travailleur migrant pouvant prétendre à une pension dans cet État membre, une "prestation de vieillesse" au sens du règlement n 3 du Conseil, du 3 décembre 1958, qui a précédé le règlement n 1408/71, et que, par conséquent, l' octroi de cette prestation à un travailleur étranger n' est pas subordonné à l' existence d' un accord de réciprocité avec l' État membre dont le travailleur est un ressortissant.
4. A la suite de la décision du tribunal du travail, l' ONPTS a versé à Mme Milazzo un revenu garanti avec effet dès le 1er janvier 1973. Conformément à l' article 10 de la loi du 1er avril 1969, le montant du revenu garanti a été calculé en fonction du montant des pensions de retraite auxquelles Mme Milazzo avait droit. Le montant de son revenu garanti a été fixé à l' origine à 20 679 FB par an. Il a été ensuite fixé à 34 160 FB par an le 1er juillet 1973 et a augmenté par la suite conformément aux dispositions de la législation belge, ce qui ressort des calculs précis présentés par l' office national des pensions (qui a succédé à l' ONPTS et qui est dénommé ci-après "ONP") en réponse à une question posée par la Cour. Ces calculs confirment également que, ainsi que l' ONP l' a indiqué dans ses observations écrites et contrairement à certaines remarques présentées dans les observations écrites de la Commission, Mme Milazzo bénéficiait en fait d' une pension belge.
5. A la suite d' une augmentation de la pension italienne de Mme Milazzo du fait de l' indexation, l' ONPTS a décidé de recalculer le montant de son revenu garanti. Par décision qui lui a été notifiée le 6 mars 1984, Mme Milazzo a été informée que, dès avril 1984, son revenu garanti serait réduit d' un montant de 4 818 FB par mois; il y a lieu de relever que cette importante réduction était due à une hausse anormale de sa pension italienne, hausse due apparemment à l' application des dispositions italiennes en matière d' indexation. La décision de l' ONPTS de réduire le revenu garanti de Mme Milazzo a été annulée dans une procédure engagée devant le tribunal du travail de Liège, par Mme Milazzo et poursuivie après son décès par la partie défenderesse. La décision du tribunal du travail a été pour l' essentiel confirmée par la cour du travail de Liège, dans son arrêt du 3 février 1989. Dans cet arrêt, la cour du travail a condamné l' ONPTS à payer et à indexer le revenu garanti conformément à l' article 46 du règlement sans tenir compte des ajustements comptables à la pension italienne, découlant des fluctuations du coût de la vie. Pour ce motif, elle a condamné l' ONPTS à payer à la partie défenderesse des arriérés du revenu garanti pour la période du 1er avril 1984 au 26 août 1984, date du décès de Mme Milazzo. L' ONP a contesté l' arrêt de la cour du travail devant la Cour de cassation qui a déféré à la Cour de justice la question suivante:
"Les articles 46 et 51 du règlement (CEE) n 1408/71 doivent-ils être interprétés en ce sens qu' ils sont applicables en cas de cumul d' une prestation de vieillesse liquidée en vertu de la législation d' un État membre et d' une prestation complémentaire à une prestation de vieillesse de travailleur salarié, garantissant à une personne âgée un revenu indépendant de la durée des périodes d' assurance et liquidée en vertu de la législation d' un autre État membre, cette application fût-elle de nature à avantager le travailleur migrant par rapport au travailleur qui ne l' est pas, alors que l' article 3, paragraphe 1, du règlement précité prévoit l' égalité de traitement de tous les ressortissants des États membres?"
6. Il est à noter que la version du règlement applicable au cours de la période à prendre en considération était celle qui figurait dans l' annexe I du règlement n 2001/83. Les amendements ultérieurs apportés à ce règlement et, en particulier, les amendements de fond apportés par le règlement (CEE) n 1247/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 1), qui est entré en vigueur le 1er juin 1992, et le règlement (CEE) n 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 7), qui est également entré en vigueur le 1er juin 1992, ne sont pas applicables dans la présente affaire.
7. L' article 3, paragraphe 1, du règlement prévoit ce qui suit:
"Les personnes qui résident sur le territoire de l' un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement."
8. Les articles 46 et 51 figurent dans le chapitre 3 du titre III du règlement, qui contient des dispositions spéciales relatives à la "vieillesse et (au) décès (pensions)" (articles 44 à 51). L' article 44 comprend les dispositions générales pour l' octroi des prestations là où un travailleur salarié ou non salarié a été soumis à la législation de deux ou de plusieurs États membres. L' article 44, paragraphes 1 et 2, prévoit ce qui suit:
"1. Les droits à prestations d' un travailleur salarié ou non salarié qui a été assujetti à la législation de deux ou plusieurs États membres ... sont établis conformément aux dispositions du présent chapitre.
2. ... il doit être procédé aux opérations de liquidation au regard de toutes les législations auxquelles le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti dès lors qu' une demande de liquidation a été introduite par l' intéressé. Il est dérogé à cette règle si l' intéressé demande expressément de surseoir à la liquidation des prestations de vieillesse qui seraient acquises en vertu de la législation d' un ou de plusieurs États membres".
L' article 45, paragraphe 1, prévoit ce qui suit:
"L' institution compétente d' un État membre dont la législation subordonne l' acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations à l' accomplissement de périodes d' assurance ou de résidence tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d' assurance ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre, comme s' il s' agissait de périodes accomplies sous la législation qu' elle applique."
9. L' article 46 précise les règles de calcul des prestations. L' article 46, paragraphe 1, prévoit que là où un demandeur remplit les conditions fixées par la législation nationale d' un État membre pour le droit à la prestation sans qu' il soit nécessaire de prendre en compte les périodes d' assurance ou de résidence accomplies par ce demandeur au titre de la législation d' un autre État membre, quel qu' il soit, l' institution compétente de cet État membre doit calculer le montant de la prestation au titre des dispositions de sa législation nationale. Elle doit également calculer le montant de la prestation qui serait obtenu en appliquant les règles de totalisation et de proratisation définies à l' article 46, paragraphe 2, sous a) et b). Des deux montants calculés de cette manière, seul le montant le plus élevé entre en ligne de compte.
10. L' article 46, paragraphes 2 et 3, prévoit ce qui suit:
"2. L' institution compétente de chacun des États membres à la législation desquels le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti applique les règles suivantes si les conditions requises pour l' ouverture du droit aux prestations ne sont remplies que compte tenu de l' article 45...:
a) l' institution calcule le montant théorique de la prestation à laquelle l' intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d' assurance et de résidence accomplies sous les législations des États membres auxquelles a été soumis le travailleur salarié ou non salarié avaient été accomplies dans l' État membre en cause et sous la législation qu' elle applique à la date de la liquidation de la prestation. Si, selon cette législation, le montant de la prestation est indépendant de la durée des périodes accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique visé au présent alinéa;
b) l' institution établit ensuite le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique visé à l' alinéa précédent, au prorata de la durée des périodes d' assurance ou de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu' elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d' assurance et de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres en cause;
...
3. L' intéressé a droit, dans la limite du plus élevé des montants théoriques de prestations calculées selon les dispositions du paragraphe 2, sous a), à la somme des prestations calculées conformément aux dispositions des paragraphes 1 et 2.
Pour autant que le montant visé à l' alinéa précédent est dépassé, chaque institution qui applique le paragraphe 1 corrige sa prestation d' un montant correspondant au rapport entre le montant de la prestation considérée et la somme des prestations déterminées selon les dispositions du paragraphe 1".
11. Enfin, l' article 51 prévoit ce qui suit:
"1. Si, en raison de l' augmentation du coût de la vie, de la variation du niveau des salaires ou d' autres causes d' adaptation, les prestations des États concernés sont modifiées d' un pourcentage ou montant déterminé, ce pourcentage ou montant doit être appliqué directement aux prestations établies conformément aux dispositions de l' article 46 sans qu' il y ait lieu de procéder à un nouveau calcul selon les dispositions dudit article.
2. Par contre, en cas de modification du mode d' établissement ou des règles de calcul des prestations, un nouveau calcul est effectué conformément aux dispositions de l' article 46."
12. La question déférée par la juridiction nationale soulève pour l' essentiel deux points distincts. En premier lieu, elle soulève le point de savoir si une prestation telle que le revenu garanti prévu par la loi du 1er avril 1969 tombe dans le champ d' application des articles 46 et 51 du règlement. En second lieu, elle soulève le point de savoir si, à supposer que la première question reçoive une réponse affirmative, l' article 51 exige qu' un revenu garanti versé à une personne qui a également droit à une pension d' un autre État membre ne doit pas être réduit en raison des hausses de cette autre pension imputables à l' indexation, même s' il peut en résulter un traitement plus favorable d' un travailleur migrant par rapport à un travailleur non migrant. Nous examinerons ces deux points successivement.
13. Pour ce qui concerne le premier point, l' ONP soutient que, dans son arrêt dans l' affaire Frilli/Belgique, la Cour a jugé que le revenu garanti ne constitue une prestation de vieillesse qu' en ce qui concerne les conditions de l' octroi de ce revenu garanti. Selon l' ONP, la Cour n' a pu envisager l' application des dispositions du chapitre 3 du titre III du règlement en ce qui concerne le revenu garanti. L' ONP soutient que la méthode de calcul du revenu garanti prévu par la loi du 1er avril 1969 est incompatible avec le système de totalisation et de proratisation mis en place par le chapitre 3 du titre III du règlement. Selon l' ONP, les dispositions de ce chapitre définissent les règles de fixation du droit à une pension de vieillesse lorsque le montant de cette pension est fonction de la durée des périodes d' assurance ou de résidence accomplies par le demandeur au titre de la législation de plus d' un État membre ou lorsque le demandeur a été assujetti successivement ou alternativement à la législation de plus d' un État membre. En revanche, au titre de la loi du 1er avril 1969, le droit à un revenu garanti n' est pas subordonné à l' accomplissement d' une période particulière d' assurance ou de résidence, mais est exclusivement fonction des moyens financiers du demandeur. L' ONP conclut que le revenu garanti ne tombe pas dans le champ d' application de l' article 46. Puisque l' article 51, paragraphe 1, ne s' applique qu' aux prestations déterminées au titre des dispositions de l' article 46, il s' ensuit, selon l' ONP, qu' il ne s' applique pas au revenu garanti.
14. Selon nous, les arguments susvisés ne sont pas convaincants. Il y a lieu de noter en premier lieu que, conformément à l' article 4, paragraphe 1, du règlement, qui précise les branches de sécurité sociale auxquelles le règlement s' applique, la prestation de vieillesse tombe dans le champ d' application de ces dispositions ((article 4, paragraphe 1, sous c) )). Aux termes de l' article 4, paragraphe 2, le règlement s' applique à tous les régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs. En revanche, le règlement ne s' applique pas à l' assistance sociale (article 4, paragraphe 4). Comme nous l' avons indiqué, dans son arrêt Frilli/Belgique, la Cour a jugé que le revenu garanti, qui est une prestation non contributive de caractère mixte (c' est-à-dire une prestation qui présente des traits tant de la sécurité sociale que de l' assistance sociale) constitue une prestation de vieillesse au sens du règlement n 3 du Conseil, qui a été remplacé par le règlement n 1408/71. La Cour a déclaré ce qui suit dans le premier paragraphe du dispositif de son arrêt:
"Le 'revenu garanti' accordé par une législation générale d' un État membre assurant aux personnes âgées, résidant dans cet État, un droit à pension minima est à considérer, en ce qui concerne les travailleurs salariés ... au sens du règlement n 3 qui bénéficient, dans le même État, d' un droit à pension, comme 'prestation de vieillesse' au sens de l' article 2, paragraphe 1, sous c), du même règlement..."
Il ressort de cet arrêt que, en ce qui concerne une personne placée dans la situation de Mme Milazzo, le revenu garanti constitue une prestation de vieillesse aux fins de l' application du règlement. En principe, les dispositions du règlement s' appliquent, par conséquent, au revenu garanti, à moins qu' une disposition particulière ou une série de dispositions particulières ne dispose, expressément ou implicitement, que le revenu garanti ne tombe pas dans leur champ d' application.
15. Le chapitre 3 du titre III du règlement comprend les dispositions applicables aux pensions de vieillesse et de survie. Ainsi que la Commission le souligne, l' article 44, qui fixe les règles générales d' octroi des prestations lorsqu' un travailleur salarié ou non salarié a été assujetti à la législation de deux ou de plusieurs États membres, ne prévoit pas que les dispositions de ce chapitre ne s' appliquent qu' aux prestations de vieillesse dont le montant est subordonné à l' accomplissement d' une certaine période d' assurance ou de résidence par le demandeur. Au contraire, la dernière phrase de l' article 46, paragraphe 2, sous a), prévoit expressément la possibilité qu' une prestation dont le montant est indépendant de la durée des périodes d' assurance ou de résidence accomplies soit une prestation soumise à la méthode de calcul prévue à l' article 46. Il s' ensuit, contrairement aux observations de l' ONP, qu' une prestation telle que le revenu garanti tombe dans le champ d' application du chapitre 3 du titre III du règlement et, en particulier, de l' article 46. Selon nous, la solution opposée serait contraire non seulement à la lettre, mais également aux objectifs de l' article 46. Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que le règlement a pour objectif d' encourager dans toute la mesure du possible la libre circulation des travailleurs (voir, par exemple, l' affaire C-227/89, Roenfeldt, Rec. 1991, p. I-323, point 24). S' il était admis que des prestations non contributives de caractère mixte telles que le revenu garanti ne tombent pas dans le champ d' application de l' article 46, la protection que le chapitre 3 du titre III du règlement est destinée à assurer aux travailleurs migrants serait sensiblement réduite. Il serait également loisible aux États membres de contourner les dispositions de ce chapitre en recourant aux prestations non contributives.
16. Par conséquent, à notre avis, le revenu garanti prévu par la loi belge du 1er avril 1969 doit être considéré comme tombant dans le champ d' application de l' article 46 du règlement. Puisque l' article 51 du règlement s' applique aux prestations déterminées au titre des dispositions de l' article 46, il s' ensuit que l' article 51 s' applique également au revenu garanti.
17. Avant d' examiner le second point soulevé par la question déférée par la juridiction nationale, il importe d' indiquer les effets de l' applicabilité de l' article 51 au revenu garanti. L' article 51, tel que la Cour l' a interprété, distingue deux catégories de cas (voir en particulier l' affaire 7/81, Sinatra, Rec. 1982, p. 137; les affaires 104/83, Cinciuolo, Rec. 1984, p. 1285; C-85/89, Ravida, Rec. 1990, p. I-1063; C-93/90, Cassamali, Rec. 1991, p. I-1401): les cas dans lesquels une modification des prestations est imputable à l' évolution générale de la situation économique et sociale et étrangère aux circonstances personnelles du bénéficiaire et les cas dans lesquels cette modification tient à un changement apporté soit à la méthode de fixation des prestations, soit aux règles de calcul de ces prestations. Dans les cas appartenant à la première catégorie, l' article 51, paragraphe 1, interdit le recalcul alors que, dans ceux qui relèvent de la deuxième catégorie, l' article 51, paragraphe 2, exige un recalcul. Il est par conséquent clair que l' article 51, paragraphe 1, fait obstacle à ce que l' ONP recalcule le revenu garanti de Mme Milazzo en fonction de l' augmentation de sa pension italienne à la suite de l' indexation.
18. La seconde partie de la question déférée par la juridiction nationale concerne effectivement le point de savoir si le traitement plus favorable des travailleurs migrants par rapport aux travailleurs non migrants, tel qu' il résulte de l' application de l' article 51 en ce qui concerne le revenu garanti, est compatible avec le principe d' égalité de traitement prévu par l' article 3, paragraphe 1, du règlement, énoncé au point 7 ci-dessus.
19. L' ONP soutient que le paiement du revenu garanti aux travailleurs migrants qui ont droit à des pensions étrangères sans qu' il soit tenu compte des hausses de ces pensions à la suite de l' indexation entraînerait une discrimination contraire à l' article 3, paragraphe 1, entre les travailleurs qui n' ont droit qu' à une pension belge et les travailleurs qui ont droit à une pension d' un autre État membre. La raison en est, dans le premier cas, que l' indexation de la pension risquerait d' entraîner une réduction de revenu garanti alors que, dans le second cas, le recalcul serait interdit par l' article 51, paragraphe 1.
20. L' argument de l' ONP ne peut être retenu. Selon ses termes mêmes, l' article 3, paragraphe 1, du règlement est expressément subordonné aux dispositions spéciales du règlement. Celles-ci comprennent les articles 46 et 51, qui sont destinés manifestement à ne s' appliquer, ce qui ressort clairement de l' article 44, paragraphe 1, qu' aux personnes qui ont été assujetties à la législation de plus d' un État membre et non aux personnes qui ont été assujetties à la législation d' un seul État membre. Nous tenons à ajouter que l' interprétation de l' article 51, paragraphe 1, qui nous semble correcte, ne constitue pas non plus une atteinte à quelque principe général d' interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité. Il est impossible d' objecter que l' interprétation de l' article 51, paragraphe 1, entraîne une discrimination dans la mesure où il place le travailleur migrant dans une situation plus favorable que les ressortissants de l' État membre d' accueil, puisqu' il ne peut y avoir discrimination que là où des situations comparables sont traitées différemment ou où des situations différentes sont traitées de la même manière en l' absence de justification objective de ce traitement. Néanmoins, les travailleurs migrants et les travailleurs non migrants ne sont pas placés dans des situations comparables: voir l' affaire 22/77, Mura (Rec. 1977, p. 1699, point 9). L' article 3, paragraphe 1, du règlement et l' interdiction de la discrimination, en tant que principe juridique général, ne peuvent évidemment faire obstacle à ce qu' un État membre accorde les prestations prescrites aux personnes visées par le règlement, au motif que des ressortissants de cet État membre qui ne tombent pas dans le champ d' application du règlement ne perçoivent pas des prestations identiques. Par conséquent, l' argument fondé sur une discrimination prétendue ne peut ébranler l' interprétation de l' article 51.
Conclusion
21. Nous sommes par conséquent d' avis que la question déférée à la Cour par la Cour de cassation doit recevoir la réponse suivante:
"Les articles 46 et 51 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leurs familles qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' appliquent à l' attribution et au recalcul d' une prestation de vieillesse versée au titre de la législation d' un État membre qui garantit à une personne âgée, indépendamment de la durée des périodes d' assurance accomplies, un revenu tel que le revenu garanti prévu par la loi belge du 1er avril 1969."
(*) Langue originale: l' anglais.