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Document 61991CJ0206

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 16 décembre 1992.
    Ettien Koua Poirrez contre Caisse d'allocations familiales de la région parisienne, substituée par la Caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis.
    Demande de décision préjudicielle: Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny - France.
    Sécurité sociale - Prestations pour handicapés - Libre circulation des travailleurs - Avantage social - Situation purement interne à un État membre.
    Affaire C-206/91.

    Recueil de jurisprudence 1992 I-06685

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1992:523

    61991J0206

    Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 16 décembre 1992. - Ettien Koua Poirrez contre Caisse d'allocations familiales de la région parisienne, substituée par la Caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny - France. - Sécurité sociale - Prestations pour handicapés - Libre circulation des travailleurs - Avantage social - Situation purement interne à un État membre. - Affaire C-206/91.

    Recueil de jurisprudence 1992 page I-06685


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    Libre circulation des personnes - Travailleurs - Dispositions du traité - Inapplicabilité dans une situation purement interne à un État membre - Travailleur ressortissant d' un État membre n' ayant jamais exercé le droit de libre circulation - Refus à un membre de sa famille d' un avantage en matière de sécurité sociale accordé aux membres de la famille des travailleurs migrants

    (Traité CEE, art. 7 et 48, § 2)

    Sommaire


    Les articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité, ainsi que les règlements pris en exécution de ces dispositions, sont applicables uniquement dans des situations relevant du domaine d' application du droit communautaire, à savoir en l' occurrence celui de la libre circulation des travailleurs, ce qui exclut les situations dont tous les éléments se cantonnent à l' intérieur d' un seul État membre. C' est pourquoi un membre de la famille d' un travailleur ressortissant d' un État membre ne peut invoquer le droit communautaire pour prétendre à un avantage en matière de sécurité sociale accordé aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, lorsque le travailleur à la famille duquel il appartient n' a jamais exercé le droit de libre circulation à l' intérieur de la Communauté.

    Parties


    Dans l' affaire C-206/91,

    ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

    Ettien Koua Poirrez

    et

    Caisse d' allocations familiales de la Seine-Saint-Denis (CAF), anciennement Caisse d' allocations familiales de la région parisienne (CAFRP),

    une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE, du règlement (CEE) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), et du règlement (CEE) n 1251/70 de la Commission, du 29 juin 1970, relatif au droit des travailleurs de demeurer sur le territoire d' un État membre après y avoir occupé un emploi (JO L 142, p. 24),

    LA COUR (deuxième chambre),

    composée de MM. J. L. Murray, président de chambre, G. F. Mancini et F. A. Schockweiler, juges,

    avocat général: M. W. Van Gerven

    greffier: Mme L. Hewlett, administrateur

    considérant les observations écrites présentées:

    - pour M. Ettien Koua Poirrez, par lui-même;

    - pour le gouvernement français, par MM. Philippe Pouzoulet, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, et Claude Chavance, attaché principal d' administration centrale à ce même ministère, en qualité d' agent suppléant;

    - pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Roeder, Regierungsdirector au ministère des Affaires économiques fédéral, et Claus-Dieter Quassowski, à ce même ministère, en qualité d' agents;

    - pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Lucinda Hudson, du Treasury Solicitor' s Department, et M. Christopher Vajda, barrister, en qualité d' agents;

    - pour la Commission des Communautés européennes, par M. Dimitrios Gouloussis, conseiller juridique, en qualité d' agent,

    vu le rapport d' audience,

    ayant entendu les observations orales du gouvernement français, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission, à l' audience du 1er octobre 1992,

    ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 22 octobre 1992,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    1 Par ordonnance du 12 juin 1991, parvenue à la Cour le 1er août suivant, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, une question préjudicielle concernant l' interprétation des articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE, du règlement (CEE) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), et du règlement (CEE) n 1251/70 de la Commission, du 29 juin 1970, relatif au droit des travailleurs de demeurer sur le territoire d' un État membre après y avoir occupé un emploi (JO L 142, p. 24).

    2 Cette question a été soulevée dans le cadre d' un litige opposant M. Ettien Koua Poirrez (ci-après "requérant au principal") à la caisse d' allocations familiales de la région parisienne, substituée par la caisse d' allocations familiales de la Seine-Saint-Denis (ci-après "défenderesse au principal"), à propos de l' octroi à M. Koua Poirrez d' une prestation pour handicapés prévue par la législation française.

    3 Le requérant au principal est un ressortissant de la Côte d' Ivoire qui, en 1987, a été adopté par M. Poirrez. Le père adoptif de M. Koua Poirrez est un ressortissant français qui travaille et réside en France. Toutefois, le requérant au principal n' a pas acquis de ce fait la nationalité française.

    4 M. Koua Poirrez a demandé le bénéfice de l' allocation pour adultes handicapés prévue par l' article L. 821-1 du code français de la sécurité sociale. En vertu de cette disposition, l' allocation pour adultes handicapés peut être attribuée, sous certaines conditions, à "toute personne de nationalité française ou ressortissant d' un pays ayant conclu une convention de réciprocité en matière d' attribution d' allocations aux adultes handicapés". Le Guide de l' allocataire, édité par la défenderesse au principal, indique cependant que l' allocation pour adultes handicapés peut être octroyée, aux mêmes conditions, aux ressortissants des États membres de la Communauté ainsi qu' aux conjoint, ascendants et descendants à charge de ces ressortissants.

    5 La demande formulée par M. Koua Poirrez a été rejetée par la défenderesse au principal au motif que la Côte d' Ivoire n' était pas signataire d' une convention de réciprocité en matière d' allocations pour adultes handicapés. Le recours formé par le requérant au principal contre cette décision a été rejeté par la commission de recours amiable de la caisse d' allocations familiales de la région parisienne.

    6 M. Koua Poirrez a alors formé un recours contre cette décision de rejet devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny. Devant cette juridiction, il a notamment fait valoir que, en tant que fils adoptif de M. Poirrez, il devait être considéré comme descendant d' un ressortissant d' un État membre de la Communauté. Il a prétendu avoir droit, en cette qualité, à l' allocation pour adultes handicapés et s' est fondé, à cet égard, sur le Guide de l' allocataire, précité.

    7 La défenderesse au principal a, pour sa part, fait valoir que le Guide de l' allocataire se rapportait aux règlements n s 1612/68 et 1251/70, précités. Selon elle, en vertu de ces règlements, seuls les membres de la famille de travailleurs migrants qui ont la nationalité d' un État membre pourraient prétendre à l' allocation en cause.

    8 De l' avis de la juridiction nationale, l' interprétation proposée par la caisse d' allocations familiales provoquerait une discrimination à rebours: le requérant au principal n' aurait pas droit à l' allocation en cause au motif que son père adoptif est un ressortissant français qui travaille et réside en France; par contre, il aurait droit à l' allocation pour adultes handicapés si son père adoptif travaillait dans un État membre de la Communauté autre que la France, ou s' il était ressortissant d' un État membre de la Communauté autre que la France et travaillait en France. Elle a alors décidé de surseoir à statuer jusqu' à ce que la Cour se soit prononcée à titre préjudiciel sur la question suivante:

    "L' exclusion de l' allocation d' adulte handicapé au bénéfice d' un membre de la famille d' un ressortissant de la CEE (en l' espèce descendant adopté) résidant dans le pays dont le chef de famille a la nationalité, au motif que les directives (lire: règlements) 1612/68 et 1251/70 ne s' appliqueraient qu' aux travailleurs migrants, est-elle conforme aux articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE?"

    9 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, de la réglementation applicable, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

    10 Ainsi qu' il ressort d' une jurisprudence constante, les articles 7 et 48 du traité sont applicables uniquement dans des situations relevant du domaine d' application du droit communautaire, à savoir en l' occurrence celui de la libre circulation des travailleurs (voir, notamment, arrêt du 27 octobre 1982, Morson, points 15 et 16, 35/82 et 36/82, Rec. p. 3723).

    11 De même, les règlements pris en exécution de ces dispositions ne sauraient être appliqués à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l' une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire et dont tous les éléments se cantonnent à l' intérieur d' un seul État membre (voir arrêts du 17 décembre 1987, Zaoui, point 15, 147/87, Rec. p. 5511, et du 22 septembre 1992, Petit, point 8, C-153/91, Rec. p. I-0000).

    12 Par conséquent, la réglementation communautaire en matière de libre circulation des travailleurs ne saurait être appliquée à la situation de travailleurs qui n' ont jamais exercé le droit de libre circulation à l' intérieur de la Communauté.

    13 Dans ces conditions, un membre de la famille d' un travailleur ressortissant d' un État membre ne peut pas invoquer le droit communautaire pour prétendre à un avantage en matière de sécurité sociale accordé aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, lorsque le travailleur à la famille duquel il appartient n' a jamais exercé le droit de libre circulation à l' intérieur de la Communauté.

    14 Or, il ressort des éléments de fait relevés dans le jugement de renvoi que le père adoptif du demandeur au principal est de nationalité française, a toujours résidé en France et n' a travaillé que sur le territoire de cet État membre.

    15 Il y a, dès lors, lieu de répondre à la question posée par la juridiction nationale que les articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE doivent être interprétés en ce sens qu' ils ne s' opposent pas à ce que le bénéfice d' une prestation telle qu' une allocation pour adultes handicapés, prévue par la législation d' un État membre, soit refusé à un membre de la famille d' un ressortissant communautaire qui n' a jamais fait usage du droit de libre circulation à l' intérieur de la Communauté.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    16 Les frais exposés par les gouvernements français, allemand et du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LA COUR (deuxième chambre),

    statuant sur la question à elle soumise par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, par jugement du 12 juin 1991, dit pour droit:

    Les articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE doivent être interprétés en ce sens qu' ils ne s' opposent pas à ce que le bénéfice d' une prestation telle qu' une allocation pour adultes handicapés, prévue par la législation d' un État membre, soit refusé à un membre de la famille d' un ressortissant communautaire qui n' a jamais fait usage du droit de libre circulation à l' intérieur de la Communauté.

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