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Document 61989CC0005

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 8 mai 1990.
Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne.
Aides d'État - Entreprise fabriquant des produits semi-finis et finis en aluminium - Restitution.
Affaire C-5/89.

Recueil de jurisprudence 1990 I-03437

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1990:187

61989C0005

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 8 mai 1990. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Aides d'État - Entreprise fabriquant des produits semi-finis et finis en aluminium - Restitution. - Affaire C-5/89.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-03437
édition spéciale suédoise page 00499
édition spéciale finnoise page 00521


Conclusions de l'avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . On chercherait en vain quelque nouveauté dans le présent recours introduit par la Commission au titre de l' article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité CEE à l' encontre de la République fédérale d' Allemagne par rapport à la précédente affaire Commission/Allemagne ( ci-après "affaire Alcan "), qui a donné lieu à votre arrêt du 2 février 1989 ( 1 ).

2 . Le 17 novembre 1987, la Commission a adopté une décision ( 2 ) constatant l' illégalité pour défaut de notification et l' incompatibilité avec le marché commun d' une subvention de deux millions de DM accordée en 1985 par le Land de Bade-Wurtemberg à la firme BUG-Alutechnik GmbH . Après intervention de cette décision, le gouvernement allemand, qui ne l' a pas attaquée, a adressé à la Commission une note la critiquant et faisant valoir notamment que, la subvention remplaçant une garantie de sept millions de DM, la valeur de l' aide serait, en réalité, négative . Par ailleurs, selon ce gouvernement, la protection de la confiance légitime s' opposerait à la restitution de l' aide .

3 . C' est ce moyen qui est invoqué dans le cadre du présent recours avec celui tiré de l' expiration du délai d' un an que l' article 48, paragraphe 4, de la loi relative à la procédure administrative du Land de Bade-Wurtemberg prévoit pour le retrait des actes administratifs .

4 . Disons-le d' emblée, si les motifs de votre arrêt du 2 février 1989, précité, semblent devoir conduire à ce que vous constatiez, sans difficultés, que le manquement est constitué, il nous paraît souhaitable que votre Cour, en examinant les moyens de défense opposés par la République fédérale d' Allemagne, saisisse l' occasion de la présente procédure pour clarifier les règles qui commandent la récupération des aides étatiques et apporter la sanction judiciaire des efforts déployés par les autorités communautaires pour assurer l' effectivité des dispositions du traité applicables en la matière .

5 . En ce qui concerne le manquement lui-même, l' État défendeur avait déjà, à l' occasion de l' affaire Alcan, invoqué la protection de la confiance légitime pour s' opposer au recours introduit par la Commission à la suite de l' inexécution d' une décision relative à une aide non notifiée et incompatible avec le marché commun .

6 . Or, si vous avez, conformément à des décisions antérieures ( 3 ), réservé comme seul moyen de défense susceptible en pareille matière d' être invoqué contre un recours en manquement celui tiré d' une impossibilité absolue d' exécution, vous avez constaté que le gouvernement défendeur s' était

"borné à faire part à la Commission des difficultés politiques et juridiques que présentait la mise en oeuvre de la décision, sans entreprendre quelque démarche que ce soit auprès de l' entreprise en cause aux fins de la récupération de l' aide et sans proposer à la Commission des modalités de mise en oeuvre de la décision qui auraient permis de surmonter les difficultés en question" ( 4 ).

7 . Vous aviez auparavant rappelé que l' État membre qui rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles d' exécution peut les soumettre à la Commission en proposant des modifications appropriées de la décision, et qu' en pareil cas le devoir de coopération loyale qui inspire, notamment, l' article 5 du traité impose une collaboration de bonne foi pour surmonter lesdites difficultés dans le plus grand respect des dispositions du traité, et notamment de celles relatives aux aides .

8 . Vous en avez conclu que,

"dans ces circonstances, sans qu' il soit nécessaire d' examiner les arguments tirés par la partie défenderesse de l' applicabilité des règles de procédure nationales à la récupération des aides, force est de constater que le gouvernement défendeur n' est pas fondé à alléguer une impossibilité absolue d' exécuter la décision de la Commission" ( 5 ).

9 . Ce raisonnement paraît pleinement transposable en l' espèce où le gouvernement allemand ne prétend pas avoir entrepris quelque démarche que ce soit auprès de l' entreprise BUG-Alutechnik pour récupérer l' aide ni proposé à la Commission des modalités de mise en oeuvre de la décision destinées à permettre de surmonter les difficultés juridiques d' exécution alléguées . Dès lors, le manquement est, à notre sens, pleinement constitué .

10 . Cependant, comme nous l' avons indiqué, il nous semble que votre Cour doit prendre clairement position sur les moyens tirés de la confiance légitime et des dispositions procédurales internes .

11 . Le gouvernement allemand se fonde sur un obiter dictum de votre arrêt du 2 février 1989 ( 6 ) pour affirmer que vous avez entendu renvoyer aux autorités nationales le soin de faire la part de l' "intérêt de la Communauté" au regard du principe de la confiance légitime qui serait invoqué par l' entreprise bénéficiaire ( 7 ). Il souligne également ( 8 ) que, dans cet attendu, vous avez expressément cité l' arrêt Deutsche Milchkontor ( 9 ). Cet arrêt, rappelons-le, reconnaît, sous certaines conditions, la compatibilité avec le traité d' une législation nationale assurant le respect de la confiance légitime dans un domaine comme celui de la répétition d' aides communautaires indûment versées .

12 . Un argument, en quelque sorte "préliminaire", de la Commission nous paraît, tout d' abord, devoir être écarté . Celle-ci ( 10 ) fait, en effet, remarquer que l' arrêt Deutsche Milchkontor ne concernait pas le droit des aides d' État et que la disposition de droit communautaire pertinente dans cette affaire ( 11 ) comportait un renvoi exprès au droit national en matière de récupération des aides communautaires indûment versées . Nous ne pouvons adhérer à une telle opinion . En effet, il ne paraît pas que la différence entre la nature des aides, communautaires ou nationales, doive conduire à l' application de règles distinctes quant à la répétition de l' indu; votre jurisprudence sur ce point ne fait d' ailleurs pas de distinction ( 12 ). Par ailleurs, votre arrêt du 2 février 1989, précité, en renvoyant expressément à l' arrêt Deutsche Milchkontor, a entendu indiquer, semble-t-il, qu' il y a lieu de tenir compte du principe de la confiance légitime, principe qui fait partie de l' ordre juridique communautaire, à propos des actions en récupération d' aides d' État .

13 . Dès lors, si, à notre sens, il n' est pas contestable que la confiance légitime doit pouvoir être prise en considération, le coeur de la difficulté nous paraît cependant résider, d' une part, dans la détermination de l' autorité à laquelle il incombe de prendre la mesure de cette confiance au regard de l' intérêt de la Communauté, d' autre part, dans les conditions mêmes qui permettent à l' entreprise bénéficiaire d' invoquer victorieusement un tel principe .

14 . Sur le premier point, le gouvernement allemand soutient que, s' agissant d' une disposition de droit national, seule l' autorité nationale serait compétente pour l' interpréter et lui donner application ( 13 ). Il en déduit que la décision prise par la Commission en application de l' article 93, paragraphe 2, du traité CEE ne saurait être contraignante .

15 . Un tel point de vue ne saurait être admis . Dans votre arrêt Deutsche Milchkontor, après avoir rappelé

"que les principes du respect de la confiance légitime et de la sécurité juridique font partie de l' ordre juridique communautaire",

vous en avez conclu que l'

"on ne saurait donc considérer comme contraire à ce même ordre juridique qu' une législation nationale assure le respect de la confiance légitime et de la sécurité juridique dans un domaine comme celui de la répétition d' aides communautaires indûment versées" ( 14 ).

16 . Ainsi, ce n' est qu' en ce qu' elle est conforme à un principe faisant partie de l' ordre juridique communautaire que la confiance légitime reconnue par un droit national peut être invoquée, sous réserve, selon le même arrêt, de la prise en compte de l' intérêt de la Communauté ( 15 ) et de la nécessité de préserver la portée et l' efficacité du droit communautaire ( 16 ).

17 . Cependant, sous peine d' ôter tout effet utile à l' article 93, paragraphe 2, du traité, il nous paraît que, sauf circonstances exceptionnelles non révélées en l' espèce, dès lors que la décision de la Commission n' a pas été contestée, seule l' entreprise bénéficiaire de l' aide incompatible peut invoquer, le cas échéant, le principe de la confiance légitime pour s' opposer à l' action en récupération intentée par l' État en cause . Il appartiendra alors au juge national saisi du litige d' apprécier la pertinence d' une telle défense, eu égard aux règles dégagées par votre arrêt Deutsche Milchkontor, et, s' il en est besoin, de vous poser une question préjudicielle . En revanche, on ne saurait, en principe, accepter que l' État membre destinataire de la décision de la Commission puisse, de lui-même, après s' être abstenu de l' attaquer, refuser de l' exécuter en invoquant les dispositions de son droit national . Ce serait compromettre gravement l' effet contraignant des décisions prises par la Commission sur le fondement de l' article 93, paragraphe 2, et, partant, amoindrir considérablement l' effectivité du régime communautaire des aides ( 17 ).

18 . Notre analyse paraît d' ailleurs confortée par votre jurisprudence traditionnelle en matière d' aides ( 18 ), qui n' admet, avons-nous rappelé, comme moyen de défense susceptible d' être invoqué contre le recours en manquement, que celui tiré d' une impossibilité absolue d' exécuter correctement la décision .

19 . Le second point appelle de plus amples remarques . Dans nos conclusions à propos de l' affaire Alcan ( 19 ), nous avons estimé pouvoir déduire de la philosophie de votre jurisprudence en matière de confiance légitime l' obligation pour toute entreprise bénéficiant d' une aide d' État de vérifier si celle-ci a été préalablement notifiée à la Commission . Une telle opinion rejoint les efforts déployés par la Commission pour assurer le respect de la légalité communautaire en matière d' aides étatiques, comme en témoigne sa communication de 1983 ( 20 ) qui, notamment, informe "les bénéficiaires potentiels d' aides d' État du caractère précaire des aides qui leur seraient octroyées illégalement, en ce sens que tout bénéficiaire d' une aide octroyée illégalement, c' est-à-dire sans que la Commission ait abouti à une décision définitive sur sa compatibilité, peut être amené à restituer l' aide ". Ce caractère précaire de l' octroi d' une aide non notifiée a, d' ailleurs, été reconnu par votre Cour dans deux arrêts récents des 14 février ( 21 ) et 21 mars ( 22 ) 1990, où vous avez jugé que

"la Commission, lorsqu' elle constate qu' une aide a été instituée ou modifiée sans avoir été notifiée, a le pouvoir, après avoir mis l' État membre concerné en mesure de s' exprimer à cet égard, d' enjoindre à celui-ci, par une décision provisoire, en attendant le résultat de l' examen de l' aide, de suspendre immédiatement le versement de celle-ci" ( 23 ).

20 . Certes, on peut regretter l' absence de toute publicité des notifications des aides octroyées par les États et des éventuelles décisions de la Commission de ne pas ouvrir la procédure visée à l' article 93, paragraphe 2, du traité CEE ( 24 ). Il nous semble cependant que, tant auprès des administrations nationales qu' auprès de la Commission, les entreprises bénéficiaires d' aides doivent pouvoir vérifier l' accomplissement de la notification .

21 . Qu' il nous soit permis, à cet égard, de rappeler les chiffres exposés par la Commission lors de la procédure orale quant à l' évolution du montant total des aides non notifiées par les États membres et dont la Commission a demandé la récupération : 5 millions d' écus en 1985, 11 millions en 1986 et 747 millions en 1987 ( 25 ). Cette croissance exponentielle fait prendre la mesure de l' enjeu jurisprudentiel de la présente affaire . Le moment est donc venu pour votre Cour de rappeler, en quelque sorte, les "règles du jeu" en ce qui concerne les aides d' État . Nous adhérons, certes, sans réserve au principe de la confiance légitime, mais la nécessaire conciliation de ce principe avec le régime communautaire de surveillance des aides étatiques nous paraît devoir être solennellement réaffirmée avec l' indication précise des modalités de sa mise en oeuvre .

22 . Rappelons tout d' abord que l' entreprise bénéficiaire d' une aide a déjà, en tant que personne directement et individuellement concernée, la possibilité de former un recours en annulation contre la décision de la Commission ordonnant la récupération de l' aide ( 26 ). La Cour, si elle en était saisie, confronterait inévitablement cette décision aux impératifs du respect des droits fondamentaux, en tant qu' ils font partie, aux termes d' une jurisprudence constante ( 27 ), de l' ordre juridique communautaire, et notamment à l' obligation de protéger la confiance légitime, ainsi que votre Cour a pu le faire dans son arrêt Deufil ( 28 ).

23 . Par ailleurs, depuis votre récente jurisprudence à propos de l' affaire Boussac ( 29 ), si l' entreprise bénéficiaire d' une aide non notifiée peut être obligée par l' État en cause de la restituer, elle a néanmoins la certitude que la Commission procédera à un examen au fond quant à sa compatibilité avec le marché commun au sens de l' article 92, paragraphe 2, du traité .

24 . Dès lors, il ne nous semble pas exagéré de présumer que, sauf preuve contraire, l' entreprise qui n' aura pas vérifié si l' aide a été notifiée ne saurait invoquer la confiance légitime .

25 . En effet, les opérateurs économiques qui reçoivent des aides d' État sont des professionnels qui doivent faire preuve d' un devoir de diligence, lequel est d' ailleurs expressément visé par l' article 48 de la loi allemande en cause ( 30 ). L' obligation qui leur est faite de s' assurer de la notification préalable à la Commission de l' aide qui leur a été octroyée ne nous paraît ni excessive ni particulièrement difficile à honorer .

26 . Toutefois, il faut à la fois préserver tant le principe même de la confiance légitime que le pouvoir d' appréciation à cet égard du juge national et, en conséquence, réserver le cas où une entreprise, bien qu' elle n' ait pas vérifié la notification de l' aide, serait dans une situation telle, au regard des droits fondamentaux, que le bénéfice de la confiance légitime devrait lui être néanmoins reconnu . Le juge national doit pouvoir se livrer, dans une telle hypothèse, à une appréciation concrète du comportement de l' entreprise bénéficiaire, au besoin après vous avoir posé une question préjudicielle . On ne saurait faire fi des hésitations qui peuvent saisir certaines entreprises, devant des formes "atypiques" d' aides, sur la nécessité ou non de notifier ( 31 ). Mais il convient d' opposer ce caractère in concreto de l' appréciation qui sera faite par le juge national à la conception in abstracto de la confiance légitime dont témoigne ici l' État défendeur pour refuser d' exécuter la décision communautaire ordonnant la récupération de l' aide en question . La confiance légitime ne se présume pas, elle se prouve .

27 . Nous formulerons également quelques observations relatives au moyen tiré du droit administratif national, lequel prévoit qu' un acte administratif ne peut être retiré après l' expiration d' un délai d' un an à compter de la date à laquelle les autorités ont eu connaissance des motifs justifiant le retrait de l' acte ( 32 ).

28 . Dans son mémoire en défense, le gouvernement allemand a tout d' abord indiqué qu' en l' espèce ce délai aurait, en toute hypothèse, expiré lors de l' adoption, par la Commission, de sa décision, puisqu' il aurait commencé à courir au moment où l' autorité compétente du Land de Bade-Wurtemberg a octroyé l' aide litigieuse, soit en 1985 ( 33 ). Puis, au stade de la duplique, des conceptions théoriques plus complexes vous ont été proposées : le délai en cause courrait à compter du jour où la Commission aurait eu connaissance de l' attribution de l' aide; l' autorité communautaire pourrait néanmoins saisir la Cour d' une demande de mesures provisoires, pour le cas où elle ne pourrait se prononcer dans ce laps de temps ( 34 ).

29 . Rappelons que, si votre jurisprudence en matière de répétition de l' indu renvoie aux règles du droit processuel national, c' est sous la réserve que ces règles ne puissent ni présenter de caractère discriminatoire envers les actions fondées sur le droit communautaire au regard de celles fondées sur le droit national ni conduire à rendre impossible l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire ( 35 ). Et vous venez, dans votre arrêt du 21 mars 1990 ( 36 ), de faire application de cette jurisprudence au cas particulier des aides d' État en déclarant que,

"en principe, la récupération d' une aide illégalement accordée doit avoir lieu selon les dispositions de procédure pertinentes du droit national, sous réserve toutefois que ces dispositions soient appliquées de manière à ne pas rendre pratiquement impossible la récupération exigée par le droit communautaire" ( 37 ).

30 . Or, si l' on s' en tient au mémoire en défense, le gouvernement allemand invoque l' expiration d' un délai dont le dies a quo serait fixé au jour où les autorités nationales ont eu connaissance du motif justifiant le retrait de l' acte . Admettre qu' un État puisse, en matière de restitution d' aides, se prévaloir d' un tel délai ruinerait évidemment toute perspective de rendre celle-ci effective . Il convient au surplus de souligner que c' est en définitive l' État lui-même sur lequel pèse l' obligation de notification qui déterminerait le point de départ du délai . La décision de la Commission impose, selon votre jurisprudence ( 38 ), une obligation de résultat, tempérée par la seule éventualité d' une impossibilité absolue révélée par une recherche active d' une solution dans le cadre d' un dialogue entre la Commission et l' État concerné . Elle impose à ce dernier de mettre en oeuvre la restitution de l' aide, certes en utilisant les procédures nationales, mais sans pouvoir invoquer celles-ci pour se placer dans une situation où la restitution serait, en toute hypothèse, impossible .

31 . Dans son mémoire en duplique, le gouvernement allemand, ainsi que nous l' avons indiqué, suggère de faire partir le délai d' un an du jour où la Commission aurait connaissance de l' aide . Observons sur ce point qu' il s' agit là d' une interprétation, sans doute hasardeuse, de la disposition nationale en cause . L' article 48 de la loi sur la procédure administrative du Land de Bade-Wurtemberg ne vise que la connaissance par les autorités administratives nationales, et non par la Commission, des circonstances justifiant le retrait de l' acte irrégulier . Or, dès lors que, depuis votre jurisprudence Boussac, une aide non notifiée n' est pas à ce seul titre illégale, c' est l' adoption par la Commission d' une décision définitive sur l' incompatibilité de l' aide avec le marché commun qui nous paraît constituer le point de départ du délai de retrait de l' acte ayant octroyé l' aide indûment maintenue . En d' autres termes, et sans nous substituer au juge national seul compétent pour l' interpréter, il nous semble que l' application du droit interne à la récupération des aides, et particulièrement l' article 48 de la loi sur la procédure administrative, devrait conduire à exiger que les autorités allemandes procèdent au retrait de l' acte dans le délai d' un an à compter de la notification de la décision prise au fond par la Commission .

32 . Bien évidemment, si les autorités allemandes, par négligence, omettent d' observer ce délai, le juge national devra se poser la question de savoir s' il convient d' en écarter l' application, conformément à votre jurisprudence traditionnelle rappelée récemment par votre arrêt précité du 21 mars 1990, dès lors que ce délai serait appliqué de manière à "rendre pratiquement impossible la récupération exigée par le droit communautaire" ( 39 ). Une telle conséquence ne porterait d' ailleurs pas atteinte à la protection de la confiance légitime, puisque les décisions de la Commission sont publiées au Journal officiel des Communautés européennes et que, dès lors, l' entreprise bénéficiaire, bien avant l' expiration du délai d' un an, saurait déjà que l' aide reçue a été estimée incompatible avec le marché commun .

33 . Mais, comme nous l' avons dit précédemment, même si votre Cour doit, à notre sens, mettre à profit la présente affaire pour préciser la valeur de ces moyens, ce n' est que dans le cadre d' un éventuel renvoi préjudiciel que ceux-ci trouveraient leur pertinence . En l' état, il suffit de faire application de votre jurisprudence dégagée par l' affaire Alcan .

34 . Nous concluons donc à ce que vous constatiez que, en ne se conformant pas à la décision 88/174/CEE de la Commission en date du 17 novembre 1987 relative à l' aide accordée par le Land de Bade-Wurtemberg à BUG-Alutechnik GmbH, entreprise fabriquant des produits semi-finis et finis en aluminium, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 93, paragraphe 2, premier alinéa, et 189, quatrième alinéa, du traité CEE . Et nous concluons, dès lors, à la condamnation de l' État défendeur aux dépens .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) 94/87, Rec . 1989, p . 175 .

( 2 ) 88/174/CEE, concernant une aide accordée par le Land de Bade-Wurtemberg de la République fédérale d' Allemagne à BUG-Alutechnik GmbH, entreprise fabriquant des produits semi-finis et finis en aluminium ( JO L 79 du 24.3.1988, p . 29 ).

( 3 ) Arrêt du 15 janvier 1986, Commission/Belgique ( 52/84, Rec . p . 89 ).

( 4 ) 94/87, précité, point 10 .

( 5 ) Point 11 .

( 6 ) Point 12 .

( 7 ) Mémoire en duplique, p . 5 et 6 .

( 8 ) Mémoire en duplique, p . 2 .

( 9 ) Arrêt du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor, points 30 à 32 ( 205 à 215/82, Rec . p . 2633 ).

( 10 ) Mémoire en réplique, p . 2 .

( 11 ) Article 8, paragraphe 1, du règlement ( CEE ) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune ( JO L 94 du 28.4.1970, p . 13 ).

( 12 ) Voir, par exemple, 77/76, Cucchi, Rec . 1977, p . 987; 177/78, McCarren, Rec . 1979, p . 2161; 61/79, Denkavit italiana, Rec . 1980, p . 1205; 130/79, Express Dairy Foods, Rec . 1980, p . 1187; arrêt du 25 février 1988, Bianco ( 378/85, Rec . p . 1099 ).

( 13 ) Mémoire en duplique, p . 5 .

( 14 ) 205 à 215/82, précité, point 30 .

( 15 ) 205 à 215/82, précité, point 32 .

( 16 ) 205 à 215/82, précité, point 22 .

( 17 ) Voir, à cet égard, nos conclusions du 29 novembre 1988 dans l' affaire 94/87, précitée, points 3 et 4 ( Rec . 1989, p . 175 ).

( 18 ) 52/84, précité .

( 19 ) 94/87, précité, points 14 à 18 .

( 20 ) JO C 318 du 24.11.1983, p . 3 .

( 21 ) C-301/87, France/Commission ( ci-après "Boussac "), Rec . p . 0000 .

( 22 ) C-142/87, Belgique/Commission, Rec . p . 0000 .

( 23 ) C-301/87, précité, point 19; C-142/87, précité, point 15 .

( 24 ) Voir, sur ce point, les conclusions de l' avocat général M . Tesauro dans l' affaire C-142/87, précitée, point 8 .

( 25 ) Ces chiffres sont ceux figurant dans la réponse de M . Brittan à la question écrite n° 181/88 ( JO C 151 du 19.6.1989, p . 9 ).

( 26 ) Article 173, deuxième alinéa, du traité CEE .

( 27 ) Par exemple, arrêt du 15 juin 1978, Defrenne ( 149/77, Rec . p . 1365 ).

( 28 ) Arrêt du 24 février 1987, points 20 à 25 ( 310/85, Rec . p . 901 ).

( 29 ) C-301/87, précité .

( 30 ) Voir mémoire en défense, p . 5 de la traduction française .

( 31 ) Voir, par exemple, dans l' arrêt Deufil, précité, les discussions quant à la nature d' aides au sens de l' article 92, paragraphe 1 .

( 32 ) Article 48, paragraphe 4, de la Verwaltungsverfahrensgesetz, cité par le gouvernement allemand, mémoire en défense, p . 6 de la traduction française .

( 33 ) Mémoire en défense, p . 8 de la traduction française .

( 34 ) Mémoire en duplique, p . 10 de la traduction française .

( 35 ) Voir, par exemple, arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, ( 199/82, Rec . p . 3595 ); du 2 février 1988, Barra ( 61/79, Rec . p . 355 ).

( 36 ) C-142/87, précité .

( 37 ) Point 61, souligné par nous .

( 38 ) 52/84, précité, point 11 .

( 39 ) Point 61 .

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