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Document 61988CC0332
Opinion of Mr Advocate General Tesauro delivered on 7 March 1990. # Alimenta SA v Doux SA. # Reference for a preliminary ruling: Tribunal de commerce de Quimper - France. # Restrictions on intra-Community trade in poultrymeat - Animal-health grounds - Legal effect of an opinion given by a veterinary expert. # Case C-332/88.
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 7 mars 1990.
Alimenta SA contre Doux SA.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Quimper - France.
Restrictions aux échanges intracommunautaires de viandes de volaille - Motifs de police sanitaire - Effet juridique d'un avis rendu par un expert vétérinaire.
Affaire C-332/88.
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 7 mars 1990.
Alimenta SA contre Doux SA.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Quimper - France.
Restrictions aux échanges intracommunautaires de viandes de volaille - Motifs de police sanitaire - Effet juridique d'un avis rendu par un expert vétérinaire.
Affaire C-332/88.
Recueil de jurisprudence 1990 I-02077
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1990:101
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 7 mars 1990. - Alimenta SA contre Doux SA. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Quimper - France. - Restrictions aux échanges intracommunautaires de viandes de volaille - Motifs de police sanitaire - Effet juridique d'un avis rendu par un expert vétérinaire. - Affaire C-332/88.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-02077
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . La présente demande préjudicielle, soumise à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE par le tribunal de commerce de Quimper, porte sur l' interprétation de l' article 10 de la directive 71/118/CEE du Conseil, du 15 février 1971, relative à des problèmes sanitaires en matière d' échanges de viandes fraîches de volaille ( 1 ).
2 . La réglementation . La directive précitée du Conseil, plusieurs fois modifiée et en particulier par la directive 75/431/CEE du Conseil, du 10 juillet 1975 ( 2 ), prévoit des règles qui se rapportent aux aspects sanitaires des échanges nationaux et intracommunautaires de viandes fraîches de volaille .
L' article 9, paragraphe 1, de la directive confère, en particulier, à chaque État membre le droit d' interdire sur son territoire la mise en circulation de viandes fraîches de volaille provenant d' un autre État membre s' il a été constaté, lors de l' inspection sanitaire effectuée dans le pays destinataire, que ces viandes sont impropres à la consommation humaine .
En vertu du paragraphe 3 du même article, les décisions d' interdiction doivent être communiquées à l' expéditeur ou à son mandataire avec mention des motifs . Lorsque la demande en est faite, la décision motivée doit être communiquée aux intéressés sans délai, par écrit et avec mention des voies de recours prévues par la législation en vigueur, ainsi que des formes et des délais dans lesquels elles sont ouvertes .
En ce qui concerne les décisions adoptées en application de l' article 9, paragraphe 1, l' article 10 suivant prévoit que chaque État membre accorde à l' expéditeur intéressé le droit d' obtenir l' avis d' un expert vétérinaire ayant la nationalité d' un État membre autre que le pays expéditeur ou le pays destinataire . Avant que les autorités compétentes de l' État membre destinataire n' adoptent d' autres mesures, telles que la destruction des viandes, l' expert doit avoir la possibilité de déterminer si les conditions de l' article 9, paragraphe 1, étaient remplies .
En vertu du dernier alinéa de l' article cité, la Commission établit, sur proposition des États membres, la liste des experts vétérinaires habilités à élaborer ces avis, et elle détermine, après consultation des États membres, les modalités d' application générales, notamment en ce qui concerne la procédure à suivre lors de l' élaboration de ces avis .
3 . Les faits . En mai 1987, la société Doux a conclu avec la société Alimenta un contrat relatif à la fourniture d' une certaine quantité de poulets .
La marchandise, embarquée en France, a été mise sous séquestre à son arrivée au port du Pirée, parce qu' elle a été considérée comme impropre à la consommation humaine par le représentant des autorités vétérinaires grecques . Par la suite, cette décision a été confirmée par deux comités composés respectivement de trois et de cinq experts vétérinaires .
La société Doux était donc autorisée, conformément à l' article 10 de la directive 71/118, à demander l' avis d' un expert vétérinaire inscrit sur la liste spécialement établie . Après avoir examiné la marchandise, l' expert en question a conclu qu' il n' y avait aucune raison de ne pas la déclarer conforme aux prescriptions visées à la directive citée .
Les autorités grecques, auxquelles l' avis a été communiqué, ont cependant confirmé le séquestre déjà ordonné, empêchant ainsi la commercialisation de la marchandise .
La société Doux a donc été citée en justice par la société Alimenta qui réclamait la réparation du dommage subi du fait que la marchandise n' avait pas été fournie . La défenderesse a objecté contre cette prétention qu' elle avait, pour sa part, parfaitement rempli les obligations que le contrat de vente lui imposait, soutenant en particulier que l' avis visé à l' article 10 de la directive en question lie les autorités nationales, de sorte qu' il n' était pas possible de lui reprocher une quelconque inexécution .
Estimant que la solution du litige pouvait dépendre de l' interprétation de l' article 10 de la directive 71/118, le tribunal de commerce de Quimper a décidé de surseoir à statuer et de demander à la Cour quel effet juridique doit être reconnu à l' avis de l' expert vétérinaire désigné, en vertu de l' article cité, selon lequel "there is no indication that the consignment mentioned above is not certified in conformity with Directive 71/118/EEC", alors que les autorités compétentes grecques ont exprimé un avis opposé .
Un exposé plus détaillé du contexte normatif, ainsi que des faits qui sont à l' origine du litige qui fait l' objet de l' affaire principale, est contenu dans le rapport d' audience auquel nous nous permettons de vous renvoyer .
4 . Disons tout d' abord que, contrairement à ce qui est suggéré dans les observations écrites présentées par les parties dans l' affaire principale et par le gouvernement hellénique, il n' est pas dans notre intention d' examiner le fond des avis formulés par les autorités vétérinaires helléniques et par l' expert vétérinaire nommé conformément à la disposition dont l' interprétation constitue l' objet du litige .
En effet, lorsqu' elle est appelée à statuer en vertu de l' article 177 du traité CEE, la Cour n' a pas compétence pour appliquer la règle communautaire à une espèce déterminée, mais est tenue de se limiter à fournir à la juridiction nationale, à partir des données du dossier, les éléments d' interprétation nécessaires pour lui permettre de trancher le litige ( 3 ).
En outre, la question, même posée par la juridiction de renvoi, est correctement formulée en termes généraux d' effet juridique de l' avis, au-delà du fond de celui-ci .
5 . En revanche, en ce qui concerne le problème spécifique d' interprétation qui fait l' objet de la présente affaire, on doit, en premier lieu, souligner que l' article 9 de la directive en question réserve expressément aux États membres, à condition qu' ils respectent certaines règles de procédure, le droit d' interdire sur leur propre territoire la mise en circulation de viandes qui ont été reconnues impropres à la consommation humaine .
Il est vrai, également, que l' article 10 de la directive prévoit, de son côté, le droit pour l' importateur d' obtenir, en cas de contestation, l' avis d' un expert vétérinaire . Toutefois, cette disposition ne dit rien quant à la valeur juridique de cet avis, et moins encore contient-elle un élément de nature à faire estimer qu' une primauté doit lui être reconnue sur les éventuelles appréciations différentes des autorités sanitaires nationales .
Il faut en outre considérer que, dans la procédure prévue par l' article 10, le rôle de la Commission est limité à l' établissement de la liste des experts vétérinaires proposés par les États membres et que l' expert consulté est choisi directement par l' opérateur intéressé, qui supporte également les frais de l' expertise .
La formulation du texte de l' article 10, paragraphe 1, selon laquelle l' État membre fait en sorte que l' expert ait la possibilité d' établir, avant que les autorités compétentes aient pris toute autre mesure, telle que la destruction des viandes, si les conditions de l' article 9, paragraphe 1, ont été satisfaites, ne nous semble pas suffire à confirmer une interprétation de la règle, telle qu' elle est invoquée par la requérante dans l' affaire principale .
A notre avis, par cette formulation, le législateur a simplement voulu préciser que l' État membre doit permettre à l' expert d' effectuer les recherches nécessaires et d' établir non pas une vérité définitive et incontestable, mais son propre point de vue, et cela, en particulier, dans le cas où il est nécessaire d' ordonner la destruction ultérieure des viandes .
D' autre part, il nous semble logique d' estimer que, si le législateur avait entendu attribuer à l' avis en question l' incontestabilité invoquée, une prévision aussi importante aurait dû ressortir avec une tout autre clarté du texte même de la directive .
En d' autres termes, nous n' estimons pas que, dans le cas d' espèce, on se trouve en présence d' une lacune du texte que l' interprète est appelé à combler . Au contraire, si le législateur n' a pas spécifié que l' avis visé à l' article 10 doit lier les autorités nationales, cela est dû simplement au fait qu' il n' a pas voulu lui attribuer un tel effet .
Il est ensuite opportun de rappeler que, si un État membre faisait un usage abusif ou discriminatoire du droit d' interdire les importations, qui lui est reconnu par l' article 9 de la directive, en créant ainsi des obstacles injustifiés aux échanges, les remèdes habituels prévus par le traité et par les ordres juridiques nationaux eux-mêmes pourraient de toute façon être appliqués . Plus particulièrement, la Commission pourrait ouvrir la procédure d' infraction prévue par l' article 169 du traité CEE, et l' opérateur lésé pourrait saisir l' autorité judiciaire nationale en invoquant éventuellement l' applicabilité directe de l' article 30 dudit traité .
6 . Avant de conclure, nous voudrions toutefois répliquer à une objection, formulée par la requérante dans l' affaire principale, selon laquelle une interprétation de la règle qui ne reconnaîtrait pas un caractère contraignant à l' avis visé à l' article 10 priverait la disposition indiquée de toute utilité .
A notre avis, cette affirmation est dépourvue de fondement . Même s' il ne lie pas les autorités nationales, l' avis de l' expert conserve en effet son intérêt spécifique sous de multiples aspects . En premier lieu, cet avis - précisément parce qu' il est émis par un expert qui possède une nationalité différente de celle des intéressés directs et qui est étranger au litige - peut inciter les parties à revoir leurs positions, favorisant ainsi une solution du litige dès la phase précontentieuse; en outre, l' avis indiqué peut certainement constituer un élément d' appréciation important, même s' il n' est pas nécessairement déterminant, pour le juge national éventuellement saisi; enfin, il peut fournir à la Commission des éléments d' information d' une importance certaine, quant à la nature éventuellement discriminatoire des mesures adoptées par les autorités nationales, et cela afin de décider l' ouverture de la procédure d' infraction prévue par l' article 169 du traité CEE . Cette éventualité s' est d' ailleurs réalisée précisément dans le cas d' espèce, puisque, comme la Commission elle-même l' a déclaré à l' audience, elle a estimé, en se fondant particulièrement sur les conclusions auxquelles l' expert est parvenu, que les mesures adoptées par les autorités helléniques étaient injustifiées, et elle a envoyé au gouvernement de ce pays une lettre de mise en demeure et, ensuite, le 28 septembre 1989, un avis motivé .
7 . Pour les raisons exposées ci-dessus, nous proposons donc à la Cour de répondre de la manière suivante à la question préjudicielle posée par le tribunal de commerce de Quimper :
"L' article 10 de la directive 71/118/CEE du Conseil doit être interprété en ce sens que l' avis émis par l' expert vétérinaire prévu par cette disposition ne lie pas les autorités nationales des États membres ."
(*) Langue originale : l' italien .
( 1 ) JO L 55, p . 23 .
( 2 ) JO L 192, p . 6 .
( 3 ) Voir arrêt du 11 juillet 1985, Mutsch, point 6 ( 137/84, Rec . p . 2681 ), et arrêt du 26 janvier 1977, Gesellschaft fuer UEberseehandel, point 4 ( 49/76, Rec . p . 41 ).