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Document 61988CC0169
Opinion of Mr Advocate General Tesauro delivered on 12 October 1989. # Maurice Prelle v Commission of the European Communities. # Officials - Meaning of term "pharmaceutical products" - Reimbursement. # Case C-169/88.
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 12 octobre 1989.
Maurice Prelle contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Notion de produits pharmaceutiques - Remboursement.
Affaire C-169/88.
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 12 octobre 1989.
Maurice Prelle contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Notion de produits pharmaceutiques - Remboursement.
Affaire C-169/88.
Recueil de jurisprudence 1989 -04335
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1989:375
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 12 octobre 1989. - Maurice Prelle contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Notion de produits pharmaceutiques - Remboursement. - Affaire C-169/88.
Recueil de jurisprudence 1989 page 04335
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . Par le présent recours, M . Prelle demande l' annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation qu' il avait introduite en novembre 1987 à l' encontre du refus opposé par le bureau liquidateur du régime d' assurance maladie, concernant le remboursement d' une préparation organothérapeutique .
2 . Les faits . Le 14 juillet 1987, M . Prelle, ancien fonctionnaire de la Commission, a présenté au bureau liquidateur de Bruxelles une demande de remboursement pour un produit organothérapeutique, injectable, composé d' extraits d' organes et de novocaïne, destiné à soigner le rhumatisme articulaire et produit par un laboratoire pharmaceutique homéopathique, suivant prescription médicale du Dr Jourdan .
Par décision du 2 septembre 1987, le bureau liquidateur a refusé le remboursement des frais relatifs à ce produit .
Ayant demandé des éclaircissements sur les raisons du refus, le requérant a reçu, au cours du mois d' octobre, copie de l' avis du médecin-conseil du bureau liquidateur dans lequel il était précisé : "pommade non remboursable ( organothérapie )".
Par décision du 13 juin 1988, la Commission a rejeté la réclamation que le requérant avait introduite, le 4 novembre 1987, au titre de l' article 90, paragraphe 2, en affirmant que la préparation organothérapeutique ne devait pas être considérée comme un produit pharmaceutique et ne pouvait, dès lors, donner lieu à un remboursement au titre de l' annexe I, point V, de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes .
Cette décision a été notifiée au requérant, le 24 juin .
Toutefois, le 17 juin, donc avant de recevoir la réponse, tardive, précitée, M . Prelle avait introduit le présent recours par lequel il demande à la Cour d' annuler le refus implicite de l' AIPN de faire droit à sa réclamation, ainsi que de condamner la Commission au paiement :
1 ) de 85 % de la contre-valeur en BFR de la somme de 400 FF ( coût du produit en question );
2 ) des intérêts de droit de cette somme à compter du 11 novembre 1987, lendemain du jour de l' accusé de réception de la réclamation;
3 ) de la somme de 8 000 BFR à titre de dommages-intérêts ainsi qu' à l' ensemble des dépens de l' instance .
3 . Les moyens que M . Prelle fait valoir à l' appui de sa demande sont au nombre de deux : violation du point V de l' annexe I de la réglementation communautaire relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes, et défaut de motifs au titre de l' article 25 du statut des fonctionnaires et agents .
4 . Nous examinerons, tout d' abord, le moyen tiré du défaut de motifs .
A cet égard, on doit observer que selon la jurisprudence constante de la Cour, pour décider s' il a été satisfait aux exigences de l' article 25, il convient de prendre en considération non seulement la décision litigieuse, mais également les circonstances entourant ladite décision . L' objet de l' obligation de motiver étant à la fois de permettre à l' intéressé d' apprécier si la décision est entachée d' un vice permettant d' en contester la légalité et de rendre possible le contrôle juridictionnel, il en résulte que l' étendue de cette obligation doit, dans chaque cas, être appréciée concrètement ( 1 ).
La Cour a, en outre, eu l' occasion de préciser qu' il est satisfait à l' obligation de motivation, au sens de l' article 25, paragraphe 2, du statut, dès lors que les circonstances dans lesquelles l' acte mis en cause a été arrêté et notifié aux intéressés, ainsi que les notes de service et les autres communications l' accompagnant, permettent de connaître les éléments essentiels qui ont guidé l' administration dans sa décision ( 2 ).
Or, en l' espèce, de l' examen combiné de la note envoyée au requérant par le bureau liquidateur le 2 septembre, dans laquelle il était question de "prestations non remboursables" et de la communication ultérieure du 26 octobre suivant dans laquelle il est question de "pommade non remboursable ( organothérapie )", il résulte de façon suffisamment claire - au-delà de la confusion commise par le médecin-conseil du bureau liquidateur, qui se réfère à une pommade alors qu' il s' agit d' un produit injectable - que la raison du refus opposé au requérant réside dans le caractère non pharmaceutique du produit en question, au sens des dispositions pertinentes de la réglementation relative au régime commun d' assurance maladie .
Il apparaît, d' autre part, que le requérant était parfaitement conscient de cette motivation, puisque dans sa réclamation du 4 novembre 1987, puis dans la requête introductive d' instance du 17 juin 1988, il conteste précisément l' interprétation, selon lui erronée, que la Commission a donnée du point V de l' annexe I de la réglementation en cause .
Nous estimons donc qu' en dépit de son caractère laconique la motivation de la décision de refus du remboursement a, de toute façon, permis à l' intéressé d' avoir connaissance du raisonnement suivi par l' administration, même si on fait abstraction des éclaircissements fournis dans la réponse - tardive - de l' administration, qui n' a été notifiée au requérant que le 24 juin 1988 .
En d' autres termes, le raisonnement suivi par l' administration pouvait ne pas plaire à M . Prelle, mais il lui apparaissait de façon suffisamment claire .
Il y a donc lieu de rejeter ce moyen .
5 . Plus délicate apparaît, au contraire, l' appréciation de l' autre moyen du recours, fondé sur l' application erronée du point V de l' annexe I de la réglementation communautaire sur la couverture des risques de maladie, disposition sur laquelle se fonde le refus opposé par l' administration .
Aux termes du premier alinéa de la norme précitée, les frais relatifs aux produits pharmaceutiques prescrits par le médecin sont remboursés à 85 %.
L' alinéa suivant précise toutefois que les eaux minérales, les vins et liqueurs toniques, les aliments pour nourrissons, les produits capillaires, cosmétiques, diététiques, hygiéniques et les irrigateurs, thermomètres, tisanes, produits aromathérapeutiques ainsi que les produits et instruments analogues ne sont pas considérés comme produits pharmaceutiques .
Or, la Commission soutient que le produit en question n' est pas un produit pharmaceutique - remboursable en vertu de la norme précitée - parce qu' il ne présente pas des propriétés curatives ou préventives, ou, à tout le moins, un degré d' intérêt thérapeutique suffisant, prouvé selon les normes scientifiques contemporaines .
Il importera donc de vérifier, en premier lieu, si les préparations organothérapeutiques rentrent dans la notion générale de produit pharmaceutique visée au premier alinéa de la disposition litigieuse et donc, en cas de solution positive de la première question, si elles peuvent être assimilées aux produits visés au deuxième alinéa et, partant, exclues du remboursement .
6 . Quant au premier point, il nous semble que certaines définitions contenues dans la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques ( 3 ), peuvent être utiles pour mieux cerner la notion de produit pharmaceutique .
Disons tout de suite que, dans le présent litige, la définition de la spécialité pharmaceutique contenue à l' article 1er, selon laquelle il faut entendre par spécialité pharmaceutique tout médicament préparé à l' avance, mis sur le marché sous une dénomination spéciale et sous un conditionnement particulier, ne nous est d' aucun secours .
Il est clair, en effet, qu' il s' agit d' une définition extrêmement restrictive, qui vise spécifiquement à limiter le champ d' application de la directive aux produits à caractère industriel dans une perspective de développement de l' industrie pharmaceutique et de promotion des échanges de ces produits .
Le caractère inadéquat de cette définition aux fins de sa transposition dans le contexte d' un régime de couverture des risques de maladie est d' ailleurs confirmé par la pratique existante, dans les États membres comme dans les institutions européennes, de ne pas exclure, en principe, le remboursement des préparations "magistrales", même si elles ne rentrent pas dans la définition précitée .
Plus significatives et utiles aux fins de la détermination du concept de produit phamaceutique, au sens du régime commun d' assurance maladie, sont les définitions du "médicament" et de la "substance ".
Constitue un "médicament", au sens de la directive 65/65/CEE, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l' égard des maladies humaines ( ou animales ) ( voir article 1er, point 2, premier alinéa ).
La directive précise ensuite qu' on doit entendre par "substance" toute matière, quelle qu' en soit l' origine, celle-ci pouvant être ... animale, telle que ... les parties d' organes ( voir article 1er, point 3 ).
Au-delà d' une terminologie pas toujours cohérente, il nous semble que c' est le concept de "médicament", tel qu' il est énoncé dans la directive, qui doit être considéré comme synonyme de "produit pharmaceutique" au sens du régime commun d' assurance maladie . Il s' agit, en effet, d' une définition qui, en dépit de son caractère global, fournit des critères d' orientation suffisamment clairs et précis .
A la lumière de cette prémisse, et compte tenu de ce que les préparations organothérapeutiques - abstraction faite de l' existence de preuves scientifiquement certaines concernant leur efficacité - sont, en tout cas, présentées comme ayant des propriétés curatives des maladies humaines, on doit en déduire que de telles préparations rentrent parfaitement dans la notion de produit pharmaceutique, tout comme d' ailleurs les produits homéopathiques, qui font, en effet, normalement l' objet d' un remboursement; pourvu que, bien entendu, ils soient prescrits par un médecin et achetés en pharmacie .
Si on devait, au contraire, admettre une définition différente, qui ferait dépendre d' une efficacité incontestée l' inclusion de la préparation dans la notion même de produit pharmaceutique, on courrait le risque sérieux d' exposer les affiliés à l' éternelle incertitude du remboursement, même en cas d' ordonnance prescrite par le médecin et relative à un produit à acheter en pharmacie .
7 . Cela dit, il reste néanmoins à vérifier si une préparation organothérapeutique peut être exclue du remboursement en vertu du deuxième alinéa de la disposition précitée, qui énonce certains produits qui "ne sont pas considérés comme produits pharmaceutiques ".
Que la liste en cause n' est pas, par nature, exhaustive nous paraît incontestable, puisque la disposition se réfère à un certain nombre de produits indiqués de manière spécifique "ainsi que les produits et instruments analogues ".
Il ne nous semble toutefois pas raisonnable d' admettre que les préparations organothérapeutiques doivent être considérées comme analogues aux autres produits énoncés, tels qu' eaux minérales, cosmétiques, produits diététiques et ainsi de suite . En réalité, ce genre de produit à caractère esthétique ou procurant un confort, non destiné à soigner une maladie spécifique, a probablement été considéré par les auteurs de la réglementation comme non strictement nécessaire et, en quelque sorte, comme produit "de luxe", non susceptible en tant que tel d' un remboursement dans le cadre du régime commun d' assurance maladie .
Pour ces produits, en somme, la raison de l' exclusion du remboursement ne tient pas à l' absence d' efficacité prouvée, mais bien à la nature particulière du produit lui-même .
Le deuxième alinéa de la disposition en cause n' est donc pas de nature à pouvoir être complété, par voie de simple interprétation, par les préparations organothérapeutiques qui, bien que discutées sur le plan de l' efficacité, n' ont aucune caractéristique qui puisse les faire assimiler aux produits y énumérés .
Nous estimons donc qu' eu égard à la formulation actuelle du point V de l' annexe I de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie, les préparations organothérapeutiques, dès lors qu' elles sont prescrites par un médecin et achetées en pharmacie, doivent faire l' objet d' un remboursement, puisqu' il y a lieu de les considérer comme produits pharmaceutiques, et ne rentrent pas dans la catégorie des produits similaires visés au deuxième alinéa de la norme précitée .
8 . Remarquons en passant qu' il ne nous semble pas non plus pertinent de renvoyer, comme le fait l' administration, au point XV, paragraphe 2, de cette même annexe I, selon lequel les frais relatifs aux traitements considérés, après avis éventuel de son médecin-conseil, comme non fonctionnels, excessifs ou non nécessaires par le bureau liquidateur ne donnent pas lieu à remboursement .
Il s' agit, en effet, d' une disposition qui n' a été invoquée que tardivement par l' administration; elle ne constitue pas le fondement de la décision attaquée et vise un cas d' espèce différent de celui faisant l' objet de la présente affaire .
9 . Avant de conclure sur ce point, nous souhaitons toutefois - afin d' éviter des malentendus - clarifier un peu plus notre pensée et répondre en même temps à certaines autres observations avancées par l' administration .
La Commission a affirmé que la préparation en question n' appelle pas de remboursement en raison de l' absence de preuves scientifiquement valides concernant son efficacité et que, d' autre part, ce type de produit ne fait pas l' objet d' un remboursement dans les États membres .
Il s' agit de considérations sans nul doute valables en soi, mais qui ne nous paraissent toutefois pas pertinentes aux fins de la solution à apporter à la présente affaire .
Ainsi qu' il a déjà été dit, étant donné la formulation actuelle de la norme, la Commission ne peut pas refuser le remboursement des préparations organothérapeutiques en tant que telles .
Néanmoins, rien n' empêche les auteurs de la réglementation, à la lumière de considérations telles que celles qui viennent d' être indiquées, de modifier la disposition en cause et d' inclure les préparations organothérapeutiques au nombre des produits qui ne sont pas considérés comme produits pharmaceutiques .
Elles pourraient, de la sorte, sauvegarder, d' une part, l' exigence invoquée de ne rembourser que les produits dont l' efficacité a été scientifiquement reconnue et, d' autre part, la non moins fondamentale exigence de garantir la protection de la confiance légitime des affiliés qui, n' étant pas nécessairement experts en pharmacologie et se trouvant confrontés à une ordonnance médicale relative à un produit à acheter en pharmacie, attendent dès lors légitimement le remboursement de la somme versée .
10 . Nous ne nous arrêterons que brièvement sur la demande en dommages-intérêts présentée par M . Prelle, lequel affirme qu' en l' obligeant à faire un recours en justice pour une modeste somme et à cause d' une décision typiquement arbitraire, l' administration lui a causé un préjudice moral et pécuniaire qu' il évalue à 8 000 BFR .
Cette demande apparaît en effet dépourvue de tout fondement .
Ainsi qu' il a été dit, la décision de l' administration peut être censurée parce que fondée sur une interprétation erronée d' une norme; toutefois, il ne nous semble pas qu' il s' agisse d' une décision en quoi que ce soit vexatoire, et on ne comprend pas non plus en quoi résiderait, par ailleurs, le préjudice subi par le requérant .
11 . Nous concluons donc en suggérant à la Cour d' annuler la décision attaquée, de condamner la Commission au paiement de 85 % de la contre-valeur en BFR de la somme de 400 FF, majorée des intérêts judiciaires à partir du 11 novembre 1987, lendemain du jour de l' accusé de réception de la réclamation ( ainsi que le demande le requérant ); de condamner la Commission au paiement des dépens et de rejeter le recours pour le surplus .
(*) Langue originale : l' italien .
( 1 ) Voir arrêt du 21 juin 1984, Lux, point 36 des motifs ( 69/83, Rec . p . 2447 ).
( 2 ) Voir arrêt du 17 décembre 1981, Demont, point 12 des motifs ( 791/79, Rec . p . 3105 ).
( 3 ) JO 22, p . 369 .