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Document 61987CC0009
Opinion of Mr Advocate General Sir Gordon Slynn delivered on 17 December 1987. # SPRL Arcado v SA Haviland. # Reference for a preliminary ruling: Cour d'appel de Bruxelles - Belgium. # Brussels Convention - Jurisdiction - Matters relating to a contract. # Case 9/87.
Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 17 décembre 1987.
SPRL Arcado contre SA Haviland.
Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Bruxelles - Belgique.
Convention de Bruxelles - Compétence judiciaire - Matière contractuelle.
Affaire 9/87.
Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 17 décembre 1987.
SPRL Arcado contre SA Haviland.
Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Bruxelles - Belgique.
Convention de Bruxelles - Compétence judiciaire - Matière contractuelle.
Affaire 9/87.
Recueil de jurisprudence 1988 -01539
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1987:575
Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 17 décembre 1987. - SPRL Arcado contre SA Haviland. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Bruxelles - Belgique. - Convention de Bruxelles - Compétence judiciaire - Matière contractuelle. - Affaire 9/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 01539
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
La SA Haviland, qui est une société de droit français ayant son siège social en France, a chargé ( en 1967 semble-t-il ) la SA Agecobel de la représenter pour la vente des produits Haviland en Belgique et au Luxembourg . Ayant, selon ses dires, reçu de nombreuses plaintes relatives à Agecobel jusqu' en 1978, Haviland a en conséquence résilié le contrat d' agence, avec effet à partir de la fin du mois d' octobre 1978 . Agecobel a saisi le tribunal de commerce de Bruxelles d' une action en paiement d' arriérés de commissions et d' une indemnité pour rupture abusive du contrat dirigée contre Haviland . Haviland a excipé de l' incompétence du tribunal pour connaître de la demande principale et a introduit une demande reconventionnelle en paiement des sommes dues sur factures impayées .
Le tribunal de commerce s' est déclaré compétent au titre de l' article 5, point 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale ( ci-après "convention "), et a condamné Haviland au paiement d' une indemnité et des arriérés de commissions . Il a admis les prétentions de Haviland en ce qui concerne les sommes dues sur factures impayées .
La SPRL Arcado, société relevant apparemment du droit belge et ayant son siège social en Belgique, a succédé aux droits et obligations d' Agecobel, dans des circonstances qui ne sont pas expliquées . C' est à ce titre qu' elle est devenue partie à une procédure en appel du jugement du tribunal de commerce, portée devant la cour d' appel de Bruxelles, devant laquelle est contesté le montant des commissions et de l' indemnité allouée en première instance . Haviland a répliqué que la demande ayant pour objet une indemnité pour rupture abusive d' un contrat, c' était en réalité une demande introduite "en matière délictuelle ou quasi délictuelle" au sens de l' article 5, point 3, de la convention et que les juridictions de Bruxelles étaient incompétentes .
La cour d' appel a estimé que, même si la demande en paiement de commissions semblait conférer au litige un caractère contractuel évident, tout doute n' était pas exclu quant au point de savoir si une demande en indemnité pour résiliation abusive relevait bien de l' article 5, point 1, de la convention, dans l' hypothèse où il conviendrait de donner à cette disposition une interprétation autonome . Si cet article devait être interprété conformément au droit belge ou français, la demande devait, semblait-il, être qualifiée de demande introduite en matière contractuelle .
En conséquence, la cour d' appel a demandé à la Cour de se prononcer à titre préjudiciel sur la question suivante :
"Un litige relatif à la rupture abusive d' un contrat d' agence commerciale ( autonome ) et au paiement de commissions dues en exécution de ce contrat est-il un litige en matière contractuelle au sens de l' article 5, point 1, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968?"
Par dérogation à la règle de principe énoncée à l' article 2 qui lie la compétence au domicile, l' article 5 de la convention dispose :
"Le défendeur domicilié sur le territoire d' un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant :
1 ) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l' obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;
...
3 ) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s' est produit ."
On a déjà largement débattu de la question de savoir si les termes de la convention doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' appliquent de manière uniforme dans tous les États membres ou s' ils doivent être considérés comme invitant les juridictions devant lesquelles les litiges sont portés à faire application de leurs propres règles en matière de conflit de lois . D' une part, on affirme que le recours à une interprétation "autonome" garantit l' existence d' un ensemble de règles uniforme et égal, applicable dans l' ensemble des États membres parties à la convention . D' autre part, une interprétation qui fait appel aux règles de conflit de lois des États membres pour trancher des questions telle celle actuellement soulevée n' est pas du tout nécessairement en contradiction avec les objectifs primordiaux de la convention, qui sont de faciliter la reconnaissance automatique et l' exécution des décisions de justice rendues en des circonstances qui justifient pleinement l' attribution de compétence .
Dans l' affaire 12/76 ( Tessili/Dunlop, Rec . 1976, p . 1473 ), la Cour a admis qu' "aucune de ces deux options ne s' impose à l' exclusion de l' autre, le choix approprié ne pouvant être dégagé qu' à propos de chacune des dispositions de la convention, de façon, toutefois, à assurer à celle-ci sa pleine efficacité dans la perspective des objectifs de l' article 220 du traité", et qu' il peut être nécessaire de se référer au droit national, y compris à ses règles en matière de conflit, eu égard aux "divergences qui subsistent entre les législations nationales en matière de contrats ... et l' absence, à ce stade de l' évolution juridique, de toute unification du droit matériel applicable ".
La question de savoir s' il convient d' attribuer aux expressions ou notions susceptibles de revêtir une signification différente d' un État membre à l' autre soit une interprétation autonome, soit le sens que leur confère le droit matériel reconnu applicable par les règles en matière de conflit de lois de la juridiction saisie en l' espèce doit être tranchée en retenant celle des deux interprétations qui est susceptible de permettre avec la plus grande efficacité à la convention de réaliser les objectifs qu' elle poursuit . C' est d' autant plus vrai que les dérogations de l' article 5 ont été instaurées "à raison de l' existence, dans certaines hypothèses bien déterminées, d' un lien de rattachement particulièrement étroit entre une contestation et la juridiction qui peut être appelée à en connaître, en vue de l' organisation utile du procès" ( affaire 33/78, Somafer/Saar-Ferngas, Rec . 1978, p . 2183, 2191, attendu 7 ).
Si ces questions n' avaient pas fait l' objet d' une jurisprudence, nous aurions tendance à penser que, en présence de demandes qui sont censées se rapporter à des contrats, de nombreux arguments plaident en faveur d' une solution reconnaissant à la juridiction saisie le pouvoir de déterminer quel est le droit applicable régissant les circonstances litigieuses et de décider alors, en vertu de ce droit, si l' on se trouve dans le domaine des contrats et quel est le lieu d' exécution de l' obligation en cause . Bien sûr, cela pourrait engendrer des solutions divergentes d' une juridiction à l' autre sur la question de savoir si l' on est ou non dans le domaine contractuel . Cela permettrait en revanche d' éviter le conflit qui peut résulter d' une interprétation autonome selon laquelle il s' agit d' une matière contractuelle alors que, en vertu du droit applicable aux circonstances de l' affaire ou du droit du lieu d' exécution de l' obligation, il n' existe aucun contrat .
Ces questions ont, toutefois, déjà fait l' objet d' une jurisprudence . L' expression "matière civile et commerciale" de l' article 1er de la convention a été considérée comme une notion autonome qu' il faut interpréter en se référant, d' une part, aux objectifs et au système de la convention et, d' autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l' ensemble des systèmes de droit nationaux (( affaire 814/79, Pays-Bas/Roeffer, Rec . 1980, p . 3807, 3819, attendu 7, faisant suite à l' affaire 29/76, Lufttransportunternehmen ( LTU)/Eurocontrol, Rec . 1976, p . 1541, 1551, attendu 3 )). De manière similaire, dans l' affaire 33/78, Somafer, la Cour a estimé que le souci d' assurer la sécurité juridique, ainsi que l' égalité des droits et obligations des parties en ce qui concerne la faculté de déroger à la règle de compétence générale de l' article 2, imposait une interprétation autonome, et, dès lors, commune à l' ensemble des États contractants, des notions visées à l' article 5, point 5 ( Somafer, précité, Rec . 1978, p . 2192 , attendu 8 ). Plus précisément, la Cour a déjà dit pour droit, dans l' affaire 34/82 ( Martin Peters/ZNAV, Rec . 1983, p . 987 ), qu' il y a lieu de considérer l' expression "matière contractuelle" de l' article 5, point 1, comme une notion de droit communautaire et qu' il faut l' interpréter en se référant à la convention et à ses objectifs ( Rec . 1983, p . 1002, attendus 9 et 10 ).
La conception adoptée par la Cour a dès lors été d' estimer que les notions contenues dans la convention en ce qui concerne le champ d' application de la convention de même que la portée des dérogations, au titre de l' article 5, à la règle générale figurant à l' article 2, point 1, doivent être définies de manière autonome conformément aux objectifs et au système de la convention plutôt qu' en se référant aux différents droits internes . En revanche, le lieu d' exécution où l' obligation à prendre en considération a été ou doit être exécutée est déterminé conformément à la loi qui régit l' obligation litigieuse selon les règles en matière de conflit de la juridiction saisie ( affaire 133/81, Ivenel/Schwab, Rec . 1982, p . 1891, 1899, attendu 7 ), faisant suite à l' affaire 12/76 ( Tessili/Dunlop, Rec . 1976, p . 1473 ). Cette conception est également confirmée par l' arrêt du 15 janvier 1987 dans l' affaire 266/85 ( Shenavai/Kreischer, Rec . p . 239 ). La délimitation de la portée de la dérogation et la détermination du lieu où l' obligation doit être exécutée ont ainsi été considérées comme des questions distinctes, et la Cour a adopté des approches différentes .
A la lumière de ces arrêts, il nous semble qu' il convient de répondre à la question posée en se référant à la convention plutôt qu' en se référant à un droit interne particulier .
Comme on l' a déjà signalé, la convention elle-même doit être interprétée par référence, en premier lieu, aux objectifs et au système de la convention et, en second lieu, aux principes généraux qui se dégagent de l' ensemble des systèmes de droit nationaux ( affaire 814/79, Pays-Bas/Roeffer, précité ). Dans de nombreuses hypothèses, il peut être nécessaire, comme dans l' affaire Peters, de se référer de manière détaillée aux systèmes légaux des États membres pour déterminer si la demande doit être considérée comme liée à un contrat . Cet examen détaillé n' est pas forcément toujours nécessaire dans des cas manifestes . Ainsi, dans l' affaire 14/76 ( De Bloos/Bouyer, Rec . 1976, p . 1497 ), la Cour a admis, sans procéder à une comparaison détaillée, qu' une action introduite par le concessionnaire d' un contrat de distribution exclusive contre son concédant, invoquant une rupture unilatérale pour demander la résolution judiciaire du contrat ainsi que le paiement de dommages-intérêts, relevait du domaine des contrats .
Il nous semble que des actions introduites en alléguant, en tant qu' élément essentiel de la demande, un lien qui, s' il avait été formé, serait reconnu comme constituant un contrat (( même si l' existence du contrat est contestée ( affaire 38/81, Effer SpA/Kantner, Rec . 1982, p . 825 ) )) doivent être considérées comme formées "en matière contractuelle" au sens de l' article 5, point 1, de la convention .
Il est manifestement satisfait à cette exigence en l' espèce . La demande en paiement de commissions dues en vertu d' un contrat d' agence commerciale est considérée par les parties comme matière contractuelle et elle l' est sans aucun doute . Il en va de même, à notre avis, en ce qui concerne la demande d' indemnisation pour la rupture, décrite comme intempestive et brutale, du contrat . L' essence de cette demande est que le contrat lui-même impose un préavis raisonnable de résiliation; il y a eu violation de cette clause du contrat; une indemnité est réclamée pour cette violation .
Dès lors, il convient à mon avis de répondre à la question déférée à la Cour dans les termes suivants :
"Un litige relatif à la rupture abusive d' un contrat d' agence commerciale ( autonome ) et au paiement de commissions dues en exécution de ce contrat est un litige en matière contractuelle au sens de l' article 5, point 1, de la convention de Bruxelles ."
C' est à la juridiction nationale qu' il appartient de statuer sur les dépens des parties dans la procédure au principal . Les dépens de la Commission et des États membres qui ont présenté des observations dans cette procédure ne sont pas susceptibles de remboursement .
(*) Traduit de l' anglais .