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Document 61985CC0344
Opinion of Mr Advocate General Mancini delivered on 24 September 1987. # SpA Ferriere San Carlo v Commission of the European Communities. # Annulment of an individual decision imposing a fine. # Case 344/85.
Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 24 septembre 1987.
SpA Ferriere San Carlo contre Commission des Communautés européennes.
Annulation d'une décision individuelle infligeant une amende.
Affaire 344/85.
Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 24 septembre 1987.
SpA Ferriere San Carlo contre Commission des Communautés européennes.
Annulation d'une décision individuelle infligeant une amende.
Affaire 344/85.
Recueil de jurisprudence 1987 -04435
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1987:385
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. G. FEDERICO MANCINI
présentées le 24 septembre 1987 ( *1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. |
La société Ferriere San Carlo SpA vous demande d'annuler la décision du 9 octobre 1985 par laquelle la Commission des Communautés européennes lui a infligé une amende de 117500 Écus, en lui faisant grief d'avoir dépassé le quota de ronds à béton (catégorie V) qu'elle pouvait livrer sur le marché commun au cours du dernier trimestre de 1983. Le cadre réglementaire du litige est connu. En juin 1981, pour faire face à la grave crise dans laquelle se trouvait encore l'industrie sidérurgique européenne, la Commission a instauré un nouveau régime destiné à contrôler la production et fondé sur le principe de la trimestrialité des quotas (décision de base n° 1831/81/CECA, du 24 juin 1981, JO L 180, p. 1). En substance, pour la période du 1er juillet 1981 au 30 juin 1982, les entreprises ont été obligées:
Dans l'esprit du législateur, le système ainsi instauré aurait dû permettre aux entreprises « d'établir leurs programmes de production ... [et donner] à la Commission, en imposant de nouveaux quotas pour le trimestre suivant, la possibilité de tenir compte des variations de l'offre et de la demande » (quatrième considérant). La décision ultérieure n° 1696/82/CECA, du 30 juin 1982 (JO L 191, p. 1), a fait davantage que reporter d'un an l'échéance du régime susmentionné. L'expérience avait en effet « montré que le bon fonctionnement du système de surveillance de l'application du régime de quotas de production [exigeait] que les stocks soient connus avec précision au moment de l'entrée en vigueur de la... décision » (troisième considérant). En d'autres termes, on s'était avisé que les entreprises auraient pu « masquer » d'éventuels excédents de production pour un trimestre donné en soutenant que les quantités fabriquées au-delà des limites du quota faisaient partie d'un stock qui existait déjà avant la réforme; elles ont donc été obligées de déclarer una tantum et uniquement pour les produits soumis au régime des quotas la situation de leurs stocks existant au 30 juin 1982 (article 2, paragraphe 1, alinéa 2). Enfin, par la décision n° 2177/83/CECA, du 28 juillet 1983 (JO L 208, p. 1), qui est également applicable en l'espèce, l'échéance du régime a ensuite été reportée au 31 janvier 1984. Les produits des catégories II et III ont, en outre, été soumis au régime des quotas; s'agissant de ces aciers, les entreprises concernées ont donc dû déclarer la situation des stocks au 30 juin 1983. |
2. |
Examinons la demande du point de vue du fond. En substance, la thèse de la requérante est très simple. La nouvelle réglementation — comme on nous l'affirme — n'interdit pas expressément la vente hors quotas des produits en stock, à condition, toutefois, qu'ils aient été accumulés de manière licite, c'est-à-dire en respectant les quotas de production. Or, tel serait précisément le cas du lot de ronds à béton qui fait l'objet de l'amende; il proviendrait, en effet, d'un stock de 7327 tonnes en entrepôt le 30 juin 1983 et qui a été déclaré aux autorités de contrôle par la société Ferriere San Carlo. Le stock, d'autre part, était licite, puisque l'entreprise, au cours de la période du 1er juillet 1982 au 30 juin 1983, a respecté scrupuleusement les quotas de production qui lui ont été attribués. Mais ce n'est pas tout. Le dépassement du quota de livraison afférent au quatrième trimestre de 1983 serait également justifié par la tolérance manifestée de longue date par les organes communautaires. Il serait évident que les différentes entreprises ont résorbé les stocks de l'ancien régime grâce à des ventes effectuées au-delà des limites établies par les quotas trimestriels de livraison tant après la décision n° 1831/81/CECA que l'année suivante c'est-à-dire sous l'empire de la décision n° 1696/82/CECA: or, aucune de ces entreprises n'a été sanctionnée par la Commission. Dans de telles circonstances, selon les conclusions de la société Ferriere San Carlo, on ne saurait pas ne pas reconnaître que le dépassement dont on lui fait grief a été commis de bonne foi. L'amende du 9 octobre 1985 serait, par conséquent, sans fondement. |
3. |
Le recours ne saurait être accueilli. S'agissant du premier argument, nous observons que, si les entreprises avaient eu effectivement la possibilité de vendre sans limitations de livraison les stocks accumulés en fonction des quotas de production — et, partant, de stocker une partie de la production qui leur a été attribuée chaque trimestre en vue de la vendre ensuite hors quotas sur le marché commun qui est plus avantageux —, les autorités communautaires ne seraient plus en mesure de contrôler l'évolution de la demande et de l'offre. Toutefois, sous le point 1 ci-dessus, nous avons vu que ce contrôle constitue un objectif qui compte parmi les plus importants de la réforme entreprise en 1981. Certes, aucune disposition n'interdit explicitement ce genre de pratique. La raison de ce silence est toutefois évidente. Nous savons que, sur la base du nouveau régime, la Commission fixe les quotas trimestre par trimestre et qu'à cette fin chaque entreprise est tenue de déclarer mensuellement sa production et ses livraisons: or, puisque le respect des contingents exclut, en soi, la formation de stocks, il est logiquement impossible de parler de stocks « légitimes ». En d'autres termes, à partir du 1er juillet 1981, les entreprises ne pouvaient plus licitement constituer ou augmenter des stocks de produits soumis à quota en les destinant à la vente libre sur le territoire de la Communauté. Il était donc superflu d'en interdire le commerce. La réforme, au demeurant — et nous abordons ainsi le deuxième argument de la société Ferriere San Carlo —, pose un problème de régime transitoire que Bruxelles a discerné et s'est efforcée de résoudre après que la décision fut adoptée. Le 1er juillet 1981, en effet, les entreprises pouvaient avoir des stocks d'acier ou de ronds à béton fabriqués dans les limites des quotas fixés par la réglementation précédente. Afin d'éviter qu'elles soient soumises également aux restrictions introduites par le nouveau régime et, partant, afin de ne pas « pénaliser » une deuxième fois le producteur, il a été décidé de ne pas poursuivre au cours des douze mois suivants les livraisons effectuées hors quotas. Ainsi qu'il résulte des motifs de l'acte attaqué (p. 3), une décision analogue de renoncer à sanctionner les violations a été ensuite prise pour la période du 1er juillet 1982 au 30 juin 1983; la Commission, toutefois, en est arrivée à cette solution parce qu'il était apparu qu'un nombre important d'entreprises avaient, bien que de manière erronée, interprété l'obligation de déclarer una tantum leurs stocks comme si elle impliquait la liberté d'écouler ces stocks sur le marché commun. Il n'est pas douteux que, à tout le moins dans le deuxième cas, l'autorité de contrôle s'est comportée de manière tout à fait « tolérante »; sa ligne de conduite ne suffit cependant pas à justifier sous l'angle de la « bonne foi » la conduite de la société Ferriere San Carlo. Nous relevons qu'au cours des deux années qui ont suivi la réforme la pratique a consisté à permettre la liquidation des anciens stocks, c'est-à-dire ceux accumulés jusqu'au 1er juillet 1982, et non pas à autoriser les entreprises à les accroître ou à en constituer de nouveaux. Or, il résulte du dossier que, au cours de la période du 1er juillet 1982 au 30 juin 1983, la requérante non seulement n'a pas éliminé définitivement ses stocks, mais a continué à en augmenter le volume en le portant de 2741 tonnes à 7327 tonnes. Cela étant, son allégation selon laquelle elle aurait agi sans être consciente d'avoir commis une infraction est privée de fondement. Ce qu'elle a vendu hors quotas a été, en effet, accumulé de mauvaise foi. A l'audience, la requérante a rétorqué que les 2343 tonnes en cause se trouvaient en stock avant le 1er juillet 1982 et pouvaient, par conséquent, être licitement écoulées en dépassant les quotas de livraison. Nous n'excluons pas que le fait allégué soit exact, mais nous ne voyons pas en quoi il serait susceptible de modifier la solution que nous vous proposons. Il convient de rappeler que la vente incriminée a eu lieu vers la fin de 1983, c'est-à-dire à un moment où l'obligation de respecter les quotas trimestriels de livraison relatifs aux ronds à béton devait être considérée comme absolue ou, en tout état de cause, comme ne pouvant plus admettre les dérogations pratiquées jusqu'en juillet de la même année. S'agissant des produits de la catégorie V, en effet, la décision n° 2177/83/CECA — en vigueur au moment de la livraison — n'a imposé aucune nouvelle obligation de déclarer les stocks, mais s'est limitée à proroger le régime des quotas. Par conséquent, à partir du 1er juillet 1983, les stocks éventuels, même si leur constitution était antérieure à juillet 1982, ne pouvaient plus être vendus sur le marché commun sans enfreindre les limitations trimestrielles fixées pour la catégorie. Enfin, si elle s'estimait effectivement en droit d'écouler, au cours du dernier trimestre de 1983, 2343 tonnes de ronds à béton accumulées avant le 1er juillet 1983, la requérante aurait dû contester la légalité du quota de livraison fixé pour cette période. Mais elle n'a pas pris soin de le faire et, puisque la décision par laquelle la Commission lui a communiqué cette limitation est depuis lors devenue définitive, elle ne saurait le faire maintenant à l'occasion d'un recours en annulation d'une amende (voir arrêt de la Cour du 10 décembre 1986 dans l'affaire 41/85, Sideradria/Commission, Rec. p. 3917, point 10 des motifs). |
4. |
Eu égard aux considérations qui précèdent, nous vous proposons de rejeter le recours introduit le 15 novembre 1985 par la société Ferriere San Carlo SpA et, conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, de condamner la requérante aux dépens. |
( *1 ) Traduit de l'italien.