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Document 61985CC0280

    Conclusions de l'avocat général Cruz Vilaça présentées le 9 décembre 1986.
    P. Mouzourakis contre Parlement européen.
    Fonctionnaires - Réclamation - Bonification d'échelon - Indemnité journalière.
    Affaire 280/85.

    Recueil de jurisprudence 1987 -00589

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1986:470

    61985C0280

    Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 9 décembre 1986. - P. Mouzourakis contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Réclamation - Bonification d'échelon - Indemnité journalière. - Affaire 280/85.

    Recueil de jurisprudence 1987 page 00589


    Conclusions de l'avocat général


    ++++

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1 . Le requérant, M . P . Mouzourakis, est fonctionnaire au Parlement européen . En 1977, il a obtenu un doctorat en physique à l' université de Genève; par la suite, il a travaillé jusqu' en 1981 comme chercheur universitaire dans sa spécialité . En janvier 1982, il fut engagé comme collaborateur scientifique et enseignant par le centre de traduction et d' interprétation de Corfou où il a travaillé pendant six mois et dans lequel il a également participé, du 1er mai au 30*septembre de la même année, à un stage d' interprétation organisé par ladite école . Par la suite, et pendant un an, il a travaillé comme interprète free-lance pour le Parlement européen .

    Après la fin des opérations relatives au concours PE/80/LA auquel M . Mouzourakis avait participé, l' administration du Parlement européen lui a envoyé, le 14 juin 1983, une offre d' engagement au grade LA*7, échelon 1, comme fonctionnaire stagiaire du cadre linguistique . Le requérant a accepté cette proposition par lettre du 26 juillet 1983 dans laquelle il exprimait toutefois sa préférence pour une affectation dans les services du Parlement à Bruxelles, puisque son épouse y travaillait déjà comme fonctionnaire du Conseil et qu' une bonne partie de son travail d' interprète se ferait dans cette ville .

    Le requérant a cependant, par décision du secrétaire général du Parlement du 24 octobre 1983, été affecté à Luxembourg comme interprète stagiaire de grade LA*7, échelon 1, à la direction générale de l' administration, du personnel et des finances, avec effet au 1er octobre, Bruxelles étant fixé comme lieu de recrutement et d' origine . Cette décision lui fut communiquée par lettre de la division du personnel du 10 novembre 1983 .

    D' octobre 1983 à juin 1984, M . Mouzourakis a perçu l' indemnité journalière à laquelle il avait droit en vertu de l' article 10 de l' annexe VII du statut des fonctionnaires .

    A la fin de la période de stage, le requérant a été nommé fonctionnaire titulaire par décision de l' autorité compétente du 24 septembre 1984, prenant effet au 1er juillet de la même année . Cette décision lui a été communiquée par lettre du 19 novembre suivant .

    Dans l' intervalle, le 16 juillet 1984, une autre décision du secrétaire général du Parlement européen, postérieurement remplacée par une décision du 28 septembre 1984, était venue exaucer le désir initialement exprimé par le requérant en l' affectant, à compter du 1er octobre 1984, aux services installés à Bruxelles .

    Alors qu' il exerçait déjà ses fonctions à Bruxelles, M . Mouzourakis a, le 12 février 1985, adressé à l' AIPN une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut pour qu' une bonification d' ancienneté d' échelon de douze mois lui soit accordée sur la base de l' article 32 . Par lettre du 25 juin 1985, le secrétaire général a rejeté cette réclamation comme irrecevable parce que tardive, et subsidiairement comme non fondée .

    Le requérant a également adressé le même jour une autre réclamation à l' AIPN en vue d' obtenir le paiement, en raison de sa mutation à Bruxelles, de l' indemnité journalière prévue à l' article 10 de l' annexe VII du statut . Dans une réponse du 19 juin 1985, le secrétaire général du Parlement lui communiquait que sa réclamation devait être considérée comme une demande au titre de l' article 90, paragraphe 1, et l' invitait sur cette base à prouver que sa mutation l' avait obligé à changer réellement de résidence en vertu des dispositions de l' article 20 du statut .

    M . Mouzourakis a engagé la présente procédure par requête enregistrée au greffe de la Cour le 16 septembre 1985, dans laquelle il demande, en premier lieu, l' annulation de la décision de l' AIPN qui lui a refusé la bonification d' ancienneté et, en deuxième lieu, que sa lettre du 12 février 1985 soit considérée comme une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut et que, par conséquent, le recours soit jugé recevable et que le Parlement européen soit condamné à lui payer l' indemnité journalière qu' il estime lui être due en raison de sa mutation à Bruxelles . Il demande également la condamnation de la partie défenderesse aux dépens de l' instance .

    2 . Ayant résumé les faits, nous pouvons passer maintenant à l' analyse des questions de droit soulevées par la présente affaire .

    A - L' exception d' irrecevabilité opposée au premier chef

    des conclusions du requérant .

    Le Parlement européen a soulevé dès le départ dans son mémoire en défense une exception d' irrecevabilité de la demande d' annulation de la décision de l' AIPN qui a refusé au requérant la bonification d' ancienneté . Selon l' institution défenderesse, le recours ne serait pas recevable car la réclamation aurait été introduite tardivement par rapport au délai fixé à l' article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires .

    En effet, l' acte faisant grief - c' est-à-dire la décision relative à la nomination comme fonctionnaire stagiaire - aurait été notifié au requérant par lettre du 10 novembre 1983 et la réclamation adressée par ce dernier à l' AIPN porterait la date du 12 février 1985 . Or, aux termes de l' article 90, paragraphe 2, du statut, le délai de réclamation aurait expiré le 10 février 1984, soit trois mois après cette notification .

    En dépit de cela, le requérant affirme que la décision du 24 octobre 1983 qui l' a nommé fonctionnaire stagiaire au grade LA*7, échelon 1, ne lui aurait jamais été notifiée . Il n' en aurait eu connaissance que de manière indirecte, par la décision de titularisation du 24 septembre 1984 qui lui a été communiquée par lettre du 19 novembre 1984 .

    Nous remarquerons que le requérant ne conteste pas que l' acte faisant grief soit la décision qui l' a nommé fonctionnaire stagiaire . En revanche, pour justifier le fait de ne pas avoir déposé de réclamation dans le délai de trois mois prévu à l' article 90, paragraphe 2, du statut, il fait valoir qu' il n' aurait eu connaissance de cette décision qu' à partir de sa titularisation .

    Le requérant n' affirme donc aucunement qu' une difficulté ou contrainte résultant de sa qualité de stagiaire l' aurait empêché de contester les termes de sa nomination; il prétend seulement démontrer que, en dépit du temps qui s' était déjà écoulé, sa réclamation du 12 février 1985 contre cet acte n' a pas été tardive .

    La situation sur ce point de la demande ne coïncide donc pas exactement avec l' hypothèse qui est à l' origine de l' arrêt de la troisième chambre dans l' affaire De Santis ( 1 ); par conséquent, il n' y a pas lieu en l' occurrence de poser le problème dans les mêmes termes qu' il l' a été par l' avocat général Sir Gordon Slynn dans les conclusions qu' il a prononcées dans cette affaire .

    La Cour n' a d' ailleurs pas eu à se prononcer sur la question de la recevabilité dans l' arrêt De Santis . Elle l' a fait postérieurement, de façon explicite, dans l' arrêt prononcé dans l' affaire 191/84 ( 2 ), en considérant, comme elle l' avait déjà fait auparavant dans l' arrêt Blasig ( 3 ), que "dans l' hypothèse d' une demande de reclassement, l' acte faisant grief est la décision de nomination lors de l' admission du fonctionnaire au stage . C' est, en effet, cette décision qui détermine les fonctions auxquelles le fonctionnaire est nommé et qui arrête définitivement le classement correspondant . La décision de titularisation ne présente, à cet égard, qu' un caractère purement confirmatif ". La Cour a ainsi défini sans réserves une jurisprudence qu' elle avait déjà esquissée, à propos de cas particuliers, dans des arrêts antérieurs ( 4 ).

    Dans la présente affaire, le Parlement a joint au dossier des photocopies de la lettre et de la décision qu' il aurait envoyées au requérant le 10 novembre 1983 et qui contenaient sa nomination comme fonctionnaire stagiaire, avec l' indication du classement attribué .

    Pour que l' allégation du requérant, selon laquelle il n' en aurait pris connaissance que beaucoup plus tard, par la notification de la titularisation, soit conforme à la vérité, il faudrait qu' il n' ait pas reçu ces documents .

    Qu' il soit dit en passant que le fait pour une institution de ne pas utiliser un système de notification personnelle ou d' envoi recommandé de documents de ce type rend impossible ou très difficile la preuve que leur destinataire en a pris connaissance; c' est là une conséquence sans aucun doute indésirable d' une pratique peu prudente .

    Dans le cas présent, il est cependant tout à fait invraisemblable que le requérant n' ait pas eu connaissance de son classement bien avant la date indiquée par lui .

    Plusieurs raisons nous conduisent à cette conclusion .

    En premier lieu, l' offre d' engagement comme fonctionnaire stagiaire envoyée au requérant le 14 juin 1983 mentionnait, sans laisser aucune place au doute, le grade LA*7, échelon 1 . Le requérant a expressément accepté cette offre par lettre du 26 juillet suivant, "under the conditions stated in your letter" ( conformément aux conditions indiquées dans votre lettre ). La seule réserve qu' il ait formulée concernait sa préférence pour une affectation à Bruxelles, mais il a tenu à préciser qu' il la faisait "while fully accepting the conditions of your offer" ( tout en acceptant pleinement les conditions indiquées dans votre offre ).

    C' est naturellement sous ces conditions que le requérant a effectivement pris ses fonctions le 3 octobre 1983 .

    En deuxième lieu, comme le Parlement européen le souligne dans son mémoire en défense, le requérant était informé par ses fiches de traitement de ses grade et échelon, lesquels déterminaient le montant du salaire et des autres allocations qui lui étaient versées . Un fonctionnaire de la catégorie du requérant, avec sa formation professionnelle et sa préparation culturelle, avait donc à sa disposition un moyen sûr d' éclaircir des doutes éventuels quant à son classement .

    La Cour a statué que "la communication de la fiche mensuelle de traitement a pour effet de faire courir les délais de recours quand la fiche fait apparaître clairement la décision prise" ( 5 ).

    Or, dans le cas sub judice, les fiches de traitement jointes à la réplique pour appuyer le deuxième chef du recours ( relatif à l' indemnité journalière ), et qui se rapportent encore à la période de stage, ne contiennent pas seulement tous les éléments d' information sur le traitement de base et les autres allocations et déductions; elles portent également en haut de la page, bien en évidence, la mention A*7/1, correspondant à la catégorie, au grade et à l' échelon du requérant .

    En troisième lieu, les nominations faisant généralement l' objet d' une publicité adéquate, notamment à travers l' affichage en un lieu public, on s' étonne que, là aussi, le requérant n' en ait pas bénéficié .

    En quatrième lieu, le Parlement nous informe dans son mémoire en défense que le requérant avait demandé et a reçu le 3 octobre 1983 du chef de la section "Droits individuels - Privilèges" un certificat attestant sa qualité de fonctionnaire stagiaire européen depuis le 1er octobre 1983, et il fait valoir qu' il ne serait pas crédible que le requérant ne se soit pas soucié du titre renseignant son classement .

    Dans ces conditions, si, à la fin de neuf mois de stage plus trois mois et demi d' activité comme fonctionnaire titulaire, une personne raisonnablement diligente se trouvant dans la situation du requérant n' a pas pris connaissance de son classement initial, c' est parce qu' elle ne l' a pas voulu .

    Partant, nous pensons que ce premier chef des conclusions du requérant doit être considéré comme irrecevable en raison du caractère tardif de la réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2 du statut des fonctionnaires .

    B - L' exception d' irrecevabilité opposée au deuxième chef

    des conclusions du requérant

    Dans son mémoire en défense, le Parlement européen a également invoqué une exception d' irrecevabilité à l' encontre du deuxième chef des conclusions du requérant .

    D' après ce dernier, le simple fait d' avoir été statutairement ( article 20 du statut ) obligé de changer de résidence de Luxembourg à Bruxelles par suite de sa mutation dans cette ville lui conférerait automatiquement le droit à recevoir l' indemnité journalière au titre de l' article 10 de l' annexe VII du statut . Selon lui, il existerait "une présomption légale et logique" qu' un changement de lieu d' affectation implique un changement de résidence et il appartiendrait à l' administration de renverser cette présomption et non pas d' exiger du fonctionnaire la preuve matérielle de ce changement .

    Selon nous, l' allégation du requérant n' est pas fondée .

    Comme le Parlement, nous pensons que l' indemnité en question ne doit être payée que si le fonctionnaire prouve qu' il a été obligé de changer de résidence pour se conformer à l' obligation de résider au lieu de son affectation .

    Cela résulte des propres termes de l' article 10 de l' annexe VII du statut, selon lequel seul "le fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l' article*20 du statut" a droit à l' indemnité journalière .

    Cette preuve doit être apportée non pas en vue du calcul du montant de l' indemnité - qui est fixé dans cet article même -, mais bien de la démonstration de l' existence du droit à ladite indemnité, ou autrement dit, de la réalité du changement de résidence . L' article 10, paragraphe 1 ne peut avoir aucun autre sens .

    Partant, les institutions n' ont pas seulement le droit, mais également le devoir d' exiger de leurs fonctionnaires, en cas de doute, la preuve qu' ils ont été obligés de changer de résidence .

    C' est sur cette base que les services du Parlement européen ont envoyé au requérant la lettre du 24 janvier 1985 l' invitant à prouver qu' il remplissait les conditions pour l' octroi de l' indemnité journalière .

    Les doutes du Parlement s' expliquaient par le fait que le requérant disposait déjà d' une résidence à son nouveau lieu de travail, ainsi que par la constatation, mentionnée dans la lettre du 22 avril 1985, qu' un certain nombre de fonctionnaires mutés à Bruxelles s' y étaient déjà installés de facto bien avant la date indiquée dans la décision de mutation .

    Dans ces conditions, l' attribution de l' indemnité doit nécessairement être assujettie à une demande prélable du fonctionnaire en vue de manifester ses prétentions à l' administration et de justifier de son droit à les voir satisfaites . C' est là même ce que le chef de la division du personnel a communiqué au requérant dans la lettre du 24 janvier 1985 .

    C' est à la suite de cette lettre que le requérant a écrit, le 12 février 1985, au secrétaire général du Parlement, prétendant formuler, par cette voie, une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut "contre l' absence d' une décision" accordant les indemnités journalières qui lui étaient dues, selon lui, en raison de son affectation à Bruxelles .

    Cette "réclamation" a été considérée par le Parlement comme une demande présentée au titre de l' article 90, paragraphe 1, du statut puisque le requérant n' avait jamais demandé aucune indemnité et que l' institution ne lui avait jamais opposé aucun refus de paiement .

    Selon nous, le Parlement a raison : la lettre du 12 février ne peut être rien de plus qu' une demande sollicitant une décision positive à propos du paiement de l' indemnité journalière, et non pas une réclamation contre l' omission - manifestement inexistante - de prendre une mesure imposée par le statut .

    La demande ayant manifestement été considérée comme non fondée par le secrétaire général du Parlement au motif de l' absence de preuve de changement effectif de résidence du fonctionnaire, il appartenait à ce dernier de fournir cette preuve ou de présenter une réclamation dans le délai de trois mois prévu à l' article 90, paragraphe 2, du statut .

    Ne l' ayant pas fait, le recours qu' il a introduit devant la Cour est prématuré et, par conséquent, irrecevable, eu égard aux dispositions de l' article 91, paragraphe 2, du statut .

    Cette conclusion n' est pas altérée par le fait que le requérant a, comme il l' affirme, présenté au secrétaire général du Parlement, en même temps qu' il introduisait le présent recours, une réclamation contre la décision du 19 juin 1985, par laquelle réclamation il prétendait "échapper en toute hypothèse à une éventuelle non-recevabilité ".

    Dans ces conditions aussi, le recours continue d' être prématuré . Indépendamment même de l' analyse du caractère tardif ou non de la réclamation au regard des délais fixés à l' article 90 du statut, il est certain que l' article 91, paragraphe 2, considère qu' un recours devant la Cour de justice n' est recevable que

    1 ) si l' AIPN a été préalablement saisie d' une réclamation déposée dans les délais prévus au titre de l' article*90, paragraphe 2, et,

    2 ) "si cette réclamation a fait l' objet d' une décision explicite ou implicite de rejet ".

    Cette dernière condition au moins n' était manifestement pas remplie au moment de l' introduction du recours et celui-ci doit donc être considéré comme irrecevable .

    3 . Eu égard à ce qui précède, c' est à titre purement subsidiaire que nous analyserons brièvement le fond des demandes présentées par le requérant .

    A - La demande de reclassement

    Le requérant prétend que, eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, l' AIPN aurait dû lui accorder une bonification d' ancienneté d' échelon de douze mois au titre des dispositions de l' article 32, alinéa 2, du statut .

    Ledit article établit en son alinéa 1 que "le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade ". Son alinéa 2 prévoit cependant que "l' autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l' expérience professionnelle spécifique de l' intéressé, lui accorder une bonification d' ancienneté d' échelon dans ce grade", dans les limites fixées par le même article .

    Pour étayer sa demande, le requérant invoque la formation spécifique acquise au cours de son stage d' interprétation à Corfou, ainsi que sa formation en physique des hautes énergies, qui, bien que non spécifique, serait néanmoins très utile à l' exercice de ses fonctions d' interprète, lors de réunions à caractère scientifique ou technique .

    Il fait valoir, par ailleurs, son expérience professionnelle comme interprète free-lance au Parlement européen, son activité de collaborateur scientifique au centre de traduction et d' interprétation de Corfou et son expérience de chercheur en physique des hautes énergies .

    Selon le requérant, le fait que le Parlement n' ait pas tenu compte de sa formation et de son expérience antérieure lors de la nomination constituerait une erreur manifeste, voire un abus de pouvoir . Il invoque en ce sens les arrêts de la Cour dans les affaires 190/82, Blomefield/Commission et 17/83, Angelidis/Commission .

    Par ailleurs, le requérant considère qu' il a fait l' objet d' un traitement inégal par rapport à deux de ses collègues de la cabine grecque d' interprétation, auxquels aurait été attribuée une bonification d' ancienneté égale à la durée de la période précédant leur titularisation, pendant laquelle ils auraient bénéficié d' un contrat d' agent temporaire, consécutivement au stage effectué par eux, à l' instar du requérant, au centre de traduction et d' interprétation de Corfou . Cette possibilité n' aurait pas été offerte au requérant, lequel a dû, en dépit de l' engagement alors pris de travailler au Parlement européen pendant deux ans à temps plein, accepter le statut d' "interprète free-lance", alors pourtant qu' il remplissait les mêmes fonctions que ses collègues .

    Le Parlement conteste l' argumentation du requérant en faisant valoir que :

    1 ) L' octroi d' une bonification d' ancienneté au titre de l' article 32, alinéa 2, du statut serait pour l' AIPN non pas une obligation, mais une faculté, de laquelle on ne saurait déduire l' existence d' un droit pour le fonctionnaire;

    2 ) Le classement attribué au requérant serait conforme aux "directives internes relatives aux critères applicables au classement lors du recrutement", adoptées le 1er*avril*1984 et en vigueur, à titre provisoire, en vertu d' une décision du secrétaire général du Parlement, depuis le 14 mai 1974 . En leur titre III, relatif au "Classement dans un échelon", ces directives établissent que, "sous réserve des maxima prévus à l' article 32 du statut", une bonification d' ancienneté d' échelon de douze mois est accordée pour les grades A*7 et LA*7, à condition qu' elle soit "justifiée par une expérience professionnelle spécifique en rapport avec les fonctions correspondant à l' emploi à pourvoir", étant entendu que cette expérience professionnelle doit être d' au moins deux ans .

    Quoique disposant d' une expérience professionnelle de plus de six ans, le requérant n' avait pas été en mesure - même en prenant en compte l' emploi de six mois à l' école de Corfou et, ce qui serait contraire à la pratique de l' institution, le stage de formation de cinq mois - de justifier de ces 24 mois d' expérience spécifique en matière d' interprétation, puisqu' il n' a travaillé que pendant un an comme interprète free-lance .

    3 ) Le requérant n' a pas été discriminé par rapport à ses collègues puisque aucune preuve de cette discrimination ne nous a été apportée .

    L' argumentation du Parlement européen nous semble fondée .

    En premier lieu, il est certain que, conformément à son libellé, l' article 32, alinéa 2, du statut n' impose pas à l' administration une obligation d' attribuer une bonification d' échelon en fonction de l' expérience professionnelle et de la formation de l' intéressé : il prévoit seulement une possibilité ou une faculté en ce sens .

    L' usage de cette faculté est donc laissé au pouvoir d' appréciation de l' institution en cause . La Cour a déjà souligné ( 6 ) que, dans le cadre de l' article 32, alinéa 2, l' AIPN jouit d' une ample marge de pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l' appréciation des expériences professionnelles, nécessairement très variées, des personnes admises dans la fonction publique européenne . Cette marge d' appréciation porte "sur tous les aspects susceptibles d' avoir une importance pour la reconnaissance d' expériences antérieures, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu' elles peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir ".

    Cependant, le pouvoir ainsi reconnu à l' autorité compétente est naturellement limité par les dispositions légales ainsi que par le respect dû aux principes qui circonscrivent l' usage qui est fait du pouvoir discrétionnaire .

    Dès lors, c' est l' article 32, alinéa 2 lui-même qui interdit à l' AIPN de prendre en considération une expérience professionnelle n' ayant pas de rapport "spécifique" avec la fonction à remplir . Autrement dit, l' expérience à prendre en compte doit avoir "un caractère spécifiquement approprié à la fonction en cause" ( arrêt du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, Rec . 1983, p.*3994 ).

    D' autre part, les institutions ont coutume d' adopter des normes internes à caractère général qu' elles s' imposent à elles-mêmes pour réglementer la mise en oeuvre de ce pouvoir et pour assurer aux fonctionnaires du même cadre et de la même catégorie des conditions identiques de recrutement et de progression de carrière, en ce qui concerne la détermination du grade et le classement en échelon lors du recrutement .

    En l' espèce, le Parlement européen a appliqué les directives internes qu' il avait adoptées d' une manière qui ne saurait faire l' objet d' aucune censure .

    Considérant que le requérant n' avait pas acquis deux années d' expérience spécifique au domaine de l' interprétation et que son expérience antérieure en matière de sciences physiques n' était pas en rapport avec ses fonctions actuelles, l' institution défenderesse est restée strictement dans les limites du pouvoir d' appréciation qui lui est conféré par l' article 32, alinéa 2, et ne s' est, en outre, pas écartée des critères qu' elle avait fixés sur un plan général dans ses directives de 1974 .

    Pour leur part, et en ce qui concerne le problème litigieux, ces dernières respectent parfaitement les termes de l' article 32 en application duquel le Parlement affirme les avoir adoptées .

    Il n' y a donc rien qui permette d' affirmer que l' institution défenderesse aurait commis une erreur manifeste en refusant à M . Mouzourakis la bonification d' échelon demandée .

    De même, le requérant n' a apporté, au cours de la procédure, aucun élément qui permette de prouver qu' il aurait fait l' objet d' un traitement différent ou discriminatoire par rapport à d' autres fonctionnaires ou que le Parlement aurait commis un abus de pouvoir .

    B - La demande d' attribution de l' indemnité journalière

    Dans son arrêt du 30 janvier 1974, la Cour de justice a considéré que "l' indemnité journalière trouve sa justification, entre autres, dans l' obligation pour le fonctionnaire de s' installer dans une résidence autre que celle qu' il occupait précédemment, sans pouvoir cependant abandonner cette dernière" ( 7 ).

    Cet objectif, formulé par la Cour sur la base d' une rédaction antérieure de l' article 10, de l' annexe VII, du statut, transparaît encore dans sa rédaction actuelle .

    S' il est vrai que le paragraphe 1 de l' article 10 reconnaît le droit à l' indemnité journalière au "fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l' article 20 du statut", le paragraphe 2 établit dans sa partie finale que, "en aucun cas, l' indemnité journalière n' est octroyée au-delà de la date à laquelle le fonctionnaire a effectué son déménagement ".

    A cet égard, le fonctionnaire a droit au remboursement des dépenses liées au déménagement de son mobilier personnel, conformément à l' article 9, de l' annexe VII .

    Autrement dit, l' indemnité journalière vise à dédommager le fonctionnaire qui, tout en étant obligé de garder son installation antérieure ( pour des raisons familiales, liées à son contrat de location, au caractère éventuellement provisoire de sa nouvelle installation ou pour d' autres raisons ), doit s' établir, de façon encore précaire, en son nouveau lieu de travail et supporter de ce fait des dépenses ainsi que des gênes diverses .

    Rien de tel n' est arrivé au requérant .

    Le procès a fait apparaître très clairement qu' au moment du recrutement, le requérant résidait à Bruxelles avec son épouse, fonctionnaire du Conseil; c' est d' ailleurs la raison pour laquelle il a manifesté sa préférence pour une affectation dans cette ville .

    La demande déposée en ce sens n' ayant pu être satisfaite, il fut affecté à Luxembourg à partir du 1er octobre 1983 et l' indemnité journalière lui fut versée pendant dix mois, jusqu' au 1er juillet 1984 .

    Au cours de son séjour à Luxembourg, le requérant s' est installé - comme il le reconnaît lui-même - dans la maison d' un ami et il allait, paraît-il, régulièrement passer les fins de semaine à son domicile conjugal à Bruxelles .

    Le requérant ne s' est donc jamais installé définitivement ou durablement à Luxembourg et le dossier ne laisse d' ailleurs pas apparaître qu' il aurait demandé l' attribution de l' indemnité d' installation .

    En outre, lorsqu' il a été affecté à Bruxelles, le requérant a vu sa demande initiale satisfaite, alors qu' il n' avait par ailleurs jamais été forcé d' entretenir temporairement une résidence à Luxembourg ou de s' installer à titre provisoire à Bruxelles en attendant la possibilité de le faire de façon stable . Il s' est donc limité à laisser la maison de l' ami où il s' était installé et à réoccuper à titre permanent, la résidence familiale dont il disposait déjà à Bruxelles .

    Prétendre dans ces conditions avoir droit à l' indemnité journalière est pour le moins une exagération et constitue une attitude dont on ne voit guère la légitimité .

    4 . Par ces motifs, nous concluons en vous proposant :

    - de rejeter le recours comme irrecevable;

    - subsidiairement, de le considérer comme non fondé .

    Quant aux dépens, aux termes des dispositions combinées des articles 69, paragraphe 2, et 70 du règlement de procédure, chacune des parties doit en principe supporter ses propres dépens .

    Le Parlement a simplement conclu à la condamnation du requérant aux dépens, en confirmant, au cours de l' audience publique, qu' il était disposé à supporter les siens propres . Dans ces conditions, nous croyons qu' il n' y a pas lieu d' envisager l' application de l' article 69, paragraphe 3, alinéa 2, dont les dispositions sont réservées par l' article 70 du règlement de procédure .

    (*) Traduit du portugais .

    ( 1 ) Arrêt du 6 juin 1985 dans l' affaire 146/84, De Santis/Cour des comptes, Rec . 1985, p.*1723 .

    ( 2 ) Arrêt du 7 mai 1986 dans l' affaire 191/84, Jean-Pierre Barcella et autres/Commission, Rec . 1986, p.*1541, voir le point 11 des motifs .

    ( 3 ) Arrêt du 18 juin 1981 dans l' affaire 173/80, Blasig/Commission, Rec . 1981, p.*1649 et suiv ., en particulier p.*1658 .

    ( 4 ) Outre l' arrêt précité du 18 juin 1981 ( Blasig/Commission ), nous renvoyons à l' arrêt du 1er décembre 1983 dans l' affaire 190/82, Blomefield/Commission, Rec . 1983, p.*3981 et suiv ., en particulier p.*3991 .

    ( 5 ) Voir, par exemple, l' arrêt du 21 février 1974, dans les affaires jointes 15 à 33, 52, 53, 57 à 109, 116, 117, 123, 132 et 135 à 137/73, Schots-Kortner et autres/Conseil, Commission et Parlement, Rec . 1974, p.*177 .

    ( 6 ) Arrêt du 1er décembre 1983 dans l' affaire 190/82, Blomefield/Commission, précité, Rec . 1983, en particulier p.*3994, point 26 des motifs; arrêt du 12 juillet 1984 dans l' affaire 17/83, Angelidis/Commission, Rec . 1984, p.*2907 et suiv ., en particulier p.*2921, point 16 des motifs .

    ( 7 ) Arrêt du 30 janvier 1974 dans l' affaire 148/73, Louwage/Commission, Rec . 1974, p.*81 et suiv ., en particulier p . 90, attendu 25 .

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