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Document 61985CC0132
Opinion of Mr Advocate General Darmon delivered on 29 September 1987. # Commission of the European Communities v Hellenic Republic. # Removal from the register. # Case 132/85.
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 septembre 1987.
Commission des Communautés européennes contre République hellénique.
Radiation.
Affaire 132/85.
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 septembre 1987.
Commission des Communautés européennes contre République hellénique.
Radiation.
Affaire 132/85.
Recueil de jurisprudence 1987 -05293
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1987:390
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 septembre 1987. - Commission des Communautés européennes contre République hellénique. - Radiation. - Affaire 132/85.
Recueil de jurisprudence 1987 page 05293
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . Par le présent recours en manquement, il vous est demandé de constater :
- d' une part, que la République hellénique était tenue, en vertu des articles 2, 143 et 145 de l' acte d' adhésion de cet État aux Communautés européennes ( 1 ), de mettre en vigueur, dès le 1er janvier 1981, "les mesures nécessaires pour se conformer *... aux dispositions des directives et des décisions au sens de l' article 189 du traité CEE ..." ( 2 ) ( premier grief );
- d' autre part, que, en n' autorisant pas la Banque de Paris et des Pays-Bas ( Belgique ) ( ci-après "Paribas ") à rapatrier ou à réinscrire sur un compte convertible le produit de la liquidation de fonds investis en obligations de la Banque hellénique de développement industriel ( Hellenic Industrial Development Bank, ci-après "HIDB ") ( deuxième grief ) et à rapatrier les intérêts "accrus", c' est-à-dire ceux résultant de l' opération d' investissement, y compris le dépôt sur compte bloqué de 1984 à 1986 ( troisième grief ), la République hellénique a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l' acte d' adhésion, du traité CEE et de l' article 2 de la directive du 11 mai 1960, modifiée par celle du 18 décembre 1962 .
2 . Au moment de la procédure orale, la Commission a admis :
- que les deux directives ont été transposées par décret présidentiel n°*170/86, publié le 19 mai 1986,
- que le cas de Paribas a fait l' objet, en cours de procédure, de nouvelles décisions des autorités helléniques compétentes, satisfaisantes au regard de leurs obligations résultant du droit communautaire .
Toutefois, se référant à votre jurisprudence, elle fait valoir qu' il importe que les manquements reprochés soient constatés, car elle aurait un intérêt à ce que les États membres soient mis en face de leurs responsabilités, vis-à-vis tant des autres États membres que des particuliers . En ce qui concerne les deuxième et troisième griefs, le problème de l' applicabilité directe des dispositions des directives entre-temps transposées et des articles 67, paragraphe 2, ou 106, paragraphe 1, du traité, resterait notamment à trancher, la République hellénique ayant, en effet, fait valoir que Paribas ne pouvait se prévaloir directement des dispositions de ces directives, celles-ci n' étant ni claires ni inconditionnelles et les États membres conservant le droit de contrôler la nature et la légalité des transactions . Par ailleurs, le décret présidentiel n°*170/86 n' aurait inclus dans ses dispositions aucun effet rétroactif au 1er janvier 1981 . Un nouveau projet de décret, reprenant celui de 1986, mais introduisant cette rétroactivité, serait en instance de publication, mais, tant qu' aucune certitude n' est acquise sur son contenu et sa mise en vigueur, la Commission estime ne pouvoir se désister totalement ou partiellement de son action .
3 . Votre jurisprudence reconnaît à la Commission un intérêt à maintenir une action en manquement, même si des modifications satisfaisantes, mais postérieures à l' expiration du délai imparti dans l' avis motivé, sont intervenues dans la législation de l' État membre défendeur :
"un arrêt rendu par la Cour au titre des articles 169 et 171 du traité peut comporter un intérêt matériel en vue d' établir la base d' une responsabilité qu' un État membre peut être dans le cas d' encourir, en conséquence de son manquement, à l' égard d' autres États membres, de la Communauté ou de particuliers" ( 3 ).
4 . En ce qui concerne le premier grief, la République hellénique ne conteste pas que les deux directives auraient dû être transposées dès l' entrée en vigueur de l' acte d' adhésion . Le manquement est donc établi de ce chef . Il existe, au regard de la jurisprudence que nous venons de citer, "un intérêt matériel" à ce qu' il a constaté .
5 . Par les deux autres griefs, la Commission a mis en cause la pratique suivie par la Grèce à l' égard de Paribas seulement . Elle a indiqué, dans ses réponses aux questions qui lui ont été posées par la Cour et à l' audience, que l' objet de sa requête ne serait pas seulement de faire reconnaître que la Grèce a manqué à ses obligations en n' autorisant pas Paribas - qui a finalement obtenu satisfaction - à exporter les fonds en cause, mais de sanctionner une pratique de la Grèce qui s' étendrait à d' autres cas et surtout de faire établir que les dispositions des directives en cause sont directement applicables .
6 . On peut retenir de votre jurisprudence que l' intérêt de la Commission à faire constater un manquement auquel il n' a pas été mis fin à l' issue du délai imparti dans un avis motivé peut être présumé ( 4 et que cette institution est seule à pouvoir apprécier l' opportunité d' un maintien de son action ou d' un désistement . Il en résulte que l' intérêt à agir de la Commission en ce qui concerne le "cas Paribas" ne saurait être contesté . Quant à la référence faite à d' autres exemples similaires, nous l' avons entendue comme signifiant que la décision qui sera prise dans la présente affaire pourrait être utilisée à l' encontre de toutes pratiques du même ordre et non comme une demande de statuer à leur sujet . Au demeurant, cette dernière aurait été irrecevable, dans la mesure où seuls les faits concernant Paribas ont été évoqués dans l' avis motivé .
7 . S' agissant de l' intérêt à faire déclarer d' application directe certaines dispositions des directives, vous avez déjà jugé que
"l' objectif ( des articles 169 à 171 ) du traité ( est ) d' aboutir à l' élimination effective des manquements et de leurs conséquences passées et futures" ( 5 )
et que
"les arrêts rendus en vertu des articles 169 à 171 ont pour objet, en première ligne, de définir les devoirs des États membres en cas de manquement à leurs obligations" ( 6 ).
En l' espèce, il s' agit seulement de statuer sur la méconnaissance invoquée d' obligations contenues dans des actes liant l' État membre défendeur, quel que soit, par ailleurs, l' effet de ces derniers dans son ordre juridique interne . La question de l' effet direct est, en effet, étrangère à la procédure de recours en manquement . Il s' ensuit que l' examen du présent litige doit être circonscrit, en ce qui concerne les deux derniers griefs, aux obligations qui incombaient à la République hellénique en matière d' autorisation de rapatriement ou de convertibilité des fonds investis par Paribas en titres et des intérêts s' y rattachant .
8 . Il ne fait pas de doute que le deuxième grief est fondé . Cela a d' ailleurs été implicitement admis en cours de procédure par les autorités helléniques compétentes, qui, finalement, ont autorisé la libre convertibilité de tous les fonds résultant de la liquidation de l' investissement en titres effectué par Paribas . De même, l' État défendeur a, dans sa duplique, abandonné l' argument principal initialement présenté dans sa défense, selon lequel les opérations en cause ne relèveraient pas du champ d' application des deux directives, faisant finalement valoir que l' autorisation avait été délivrée avec un retard dû au contrôle de la légalité et de l' authenticité de la transaction, exigence qui ne saurait faire disparaître le manquement reproché .
9 . En ce qui concerne enfin les intérêts "accrus", qu' il s' agisse de ceux résultant de l' investissement ou de ceux produits par le dépôt sur compte bloqué, ils doivent être qualifiés de "paiements courants" au sens de l' article 67, paragraphe 2, du traité . Le visa alternatif, par la Commission, de l' article 106, paragraphe 1, du traité traduit la difficulté pratique de distinguer les paiements relevant de l' article 67, paragraphe 2, des "paiements afférents aux échanges *... de capitaux" relevant de l' article 106, paragraphe 1 . Ce dernier texte a un champ d' application plus restrictif que l' article 67, paragraphe 2, puisqu' il ne s' applique que "dans la mesure où la circulation *... des capitaux *... est libérée entre les États membres en application du *... traité", alors que l' article 67, paragraphe 2, ne comporte pas cette restriction . En l' espèce, si l' application de l' article 106, paragraphe 1, paraît suffisante, puisqu' il s' agit d' intérêts afférents à une opération inconditionnellement libérée, l' article 67, paragraphe 2, nous semble devoir être retenu en tant que disposition ayant des effets plus étendus en matière de libération des capitaux .
10 . En conséquence, nous concluons à ce que vous
- constatiez que,
- en ne mettant pas en vigueur, dès le 1er janvier 1981, les mesures nationales nécessaires pour se conformer aux dispositions de la directive du 11 mai 1960 pour la mise en oeuvre de l' article 67 du traité CEE, telle que complétée et modifiée par la directive 63/21 du 18 décembre 1962,
- en refusant d' autoriser la Banque de Paris et des Pays-Bas ( Belgique ) à rapatrier librement ou à inscrire au crédit d' un compte convertible en Grèce le produit de la liquidation d' investissements en titres nationaux négociés en Bourse,
- en n' autorisant pas le libre transfert hors de Grèce de tous les intérêts afférents à ces investissements,
la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 143 et 145 de l' acte relatif aux conditions de son adhésion aux Communautés européennes et du traité instituant la Communauté économique européenne, notamment son article 67, paragraphe*2;
- condamniez la République hellénique aux dépens de l' instance .
( 1 ) JO L 291 du 19.11.1979 .
( 2 ) Première directive du Conseil pour la mise en oeuvre de l' article 67 du traité, du 11 mai 196O ( JO du 12.7.196O, p.*921 ); deuxième directive complétant et modifiant la première directive, du 18 décembre 1962 ( JO du 22.1.1963, p.*62 ).
( 3 ) Affaire 39/72, Commission/République italienne ( arrêt du 7 février 1973, Rec . p.*101, point 11 ), confirmée par les affaires 103/84 ( arrêt du 5 juin 1986, Rec . p.*1759 ), 309/84 ( arrêt du 20 février 1986, Rec . p.*599 ), et, en dernier lieu, 154/85 ( arrêt du 17 juin 1987, Commission/République italienne, Rec . p.*2717 ).
( 4 ) En ce sens, affaire 167/73, Commission/République française, arrêt du 4 avril 1974 ( Rec . p.*359, point 15 : "dans l' exercice des compétences qu' elle tient des articles 155 et 169 du traité, la Commission n' a pas à démontrer l' existence d' un intérêt à agir, puisque, dans l' intérêt général communautaire, elle a, d' office, pour mission de veiller à l' application du traité par les États membres et de faire constater, en vue de leur cessation, l' existence de manquements éventuels aux obligations qui en dérivent ").
( 5 ) Affaire 70/72, Commission/Allemagne, arrêt du 12 juillet 1973 ( Rec . p.*813, point*13 ).
( 6 ) Affaires jointes 314 à 316/81 et 83/82, Procureur de la République et Comité national de défense contre l' alcoolisme/Alex Waterkeyn et autres, Procureur de la République/Jean Cayard et autres, arrêt du 14 décembre 1982 ( Rec . p.*4337, point*15 ).