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Document 61985CC0058

    Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 27 février 1986.
    Ethicon GmbH contre Hauptzollamt Itzehoe.
    Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne.
    Suspension des droits de douane - Fils en acide polyglycolique.
    Affaire 58/85.

    Recueil de jurisprudence 1986 -01131

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1986:95

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    M. JEAN MISCHO

    présentées le 27 février 1986

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    En vertu de l'article 177 du traité instituant la CEE, le Bundesfinanzhof a demandé à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation et à titre subsidiaire sur la validité des règlements nos 1162/79 ( 1 ) et 1481/80 ( 2 ) du Conseil, portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur un certain nombre de produits industriels, pour autant que ces règlements concernent les « fils entièrement en acide polyglycolique » de la sous-position ex 51.01 A du tarif douanier commun (TDC).

    La firme Ethicon GmbH, demanderesse au principal, a importé de janvier à septembre 1980 des fils, constitués d'une matière appelée « polyglactin 910», composés dans une proportion de 90 % d'acide polyglycolique et de 10 % d'acide lactique ou lactide. Ces fils sont destinés à la fabrication dans la Communauté de ligatures pour sutures chirurgicales.

    Lors des opérations de dédouanement, le Hauptzollamt Itzehoe, partie défenderesse au principal, a classé ces fils dans la sous-position 51.01 A du tarif douanier commun (TDC) et a prélevé des droits de douane au taux de 9 %.

    La demanderesse a formé un recours contre les avis de recouvrement des droits de douane parce qu'elle estimait devoir bénéficier de la franchise tarifaire applicable aux « fils entièrement en acide polyglycolique » relevant de la même sous-position tarifaire.

    La suspension en question a été instaurée pour la première fois, en vertu de l'article 28 du traité instituant la CEE, par le règlement no 2990/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, entré en vigueur le 1er janvier 1975 ( 3 )

    Elle a été périodiquement reconduite par la suite. Au cours de la période où se situent les importations pour lesquelles la requérante au principal demande la franchise tarifaire, ce sont les règlements susmentionnés no 1162/79 (période du 1er juillet 1979 au 30 juin 1980) et no 1481/80 (période du 1er juillet 1980 au 30 juin 1981) qui étaient en vigueur.

    Suite à des démarches entreprises par la demanderesse au principal, le Conseil, par son règlement no 2916/80, du 11 novembre 1980 ( 4 ), entré en vigueur le 13 novembre 1980, a instauré une suspension tarifaire également au profit du produit importé par cette dernière.

    Cette suspension du droit, qui est venue s'ajouter à celle relative aux « fils entièrement en acide polyglycolique », était libellée comme suit:

    «ex 51.01 A: fils d'une teneur en acide polyglycolique égale ou supérieure à 88 % ».

    A partir du 1er juillet 1981 ( 5 ), la définition de cette dernière suspension a été modifiée dans le sens suivant:

    «ex 51.01 A: fils constitués d'un copolymère d'acide glycolique et d'acide lactique destinés à la fabrication de ligatures pour sutures chirurgicales ».

    Une note en bas de page précise que le contrôle de l'utilisation à cette destination particulière se fait par l'application des dispositions communautaires édictées en la matière.

    Il semble acquis que les deux produits ont des propriétés identiques et qu'ils sont utilisés à la fabrication de ligatures pour sutures chirurgicales. Le fait que le produit importé par Ethicon incorpore également de l'acide lactique s'explique par une question de brevet. Celle-ci ne joue cependant pas de rôle dans le présent litige.

    Le Finanzgericht a rejeté le recours au motif que la suspension des droits de douane en cause viserait les « fils entièrement en acide polyglycolique » de la sous-position tarifaire 51.01 A et non les produits litigieux, qui n'auraient été avantagés qu'à la suite de la suspension des droits de douane en vigueur depuis le 13 novembre 1980, en vertu du règlement no 2916/80, dont il a déjà été question ci-dessus.

    Dans le cadre d'un recours en « révision » formé contre ce jugement par la requérante, le Bundesfinanzhof a posé à la Cour les trois questions suivantes:

    1)

    La suspension des droits de douane pour des « fils entièrement en acide polyglycolique » de la sous-position 51.01 A du tarif douanier commun, conformément aux règlements (CEE) no 1162/79 du Conseil, du 12 juin 1979 (JO L 147 du 15.6.1979, p. 1), et no 1481/80 du 9 juin 1980 (JO L 148 du 14.6.1980, p. 1), ces deux règlements portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun pour un certain nombre de produits industriels, doit-elle être interprétée, contrairement au libellé, mais en tenant compte de son objectif tel qu'il apparaît également de certains règlements ultérieurs portant suspension des droits de douane, en ce sens qu'elle vise également les fils destinés à la fabrication de ligatures pour sutures chirurgicales d'une teneur en acide polyglycolique de 90 % et comportant une quantité additionnelle de lactide (acide lactique) de 10 % qui n'a pas d'incidence sur les propriétés et la destination de ces produits?

    2)

    En cas de réponse négative à la première question, la suspension temporaire des droits de douane évoquée dans la première question est-elle nulle pour violation de l'interdiction de discrimination édictée en droit communautaire parce qu'elle s'applique uniquement aux « fils entièrement en acide polyglycolique », mais pas aux fils constitués de 90 % d'acide polyglycolique et de 10 % de lactide, lesquels ont les mêmes propriétés et la même destination que les fils d'une teneur en acide polyglycolique de 100 % qui sont fabriqués et importés par un concurrent de l'entreprise productrice et importatrice?

    3)

    En cas de réponse affirmative à la deuxième question, quels sont les effets de la nullité de la suspension des droits de douane évoquée dans la première question?

    Les faits qui sont à la base de l'affaire 58/85 présentent manifestement beaucoup d'analogies avec ceux de l'affaire 227/84 concernant le litige entre la société Texas Instruments Deutschland GmbH et le Hauptzollamt München-Mitte (arrêt de la Cour du 14 novembre 1985, Rec. 1985, p. 3639).

    Dans l'affaire Texas Instruments, une suspension de droit de douane d'abord accordée par un premier règlement du Conseil à des mémoires électroniques (« eproms ») ayant certaines dimensions extérieures a ensuite été étendue à des mémoires électroniques du même type, mais présentant des dimensions extérieures plus grandes. La juridiction de renvoi avait demandé à la Cour si le premier règlement violait le principe général d'égalité parce qu'il faisait dépendre la franchise douanière des dimensions du boîtier. La Cour a répondu par la négative à cette question.

    Dans la présente affaire, l'approche juridique suivie par l'ordonnance de renvoi n'est cependant pas tout à fait la même puisque le juge national soulève à titre principal la question d'une interprétation large des règlements concernés.

    Le problème de la validité de ceux-ci n'est abordé qu'à titre subsidiaire.

    Il n'est donc pas possible de proposer, sans examen approfondi, que cette affaire soit tranchée sur la base de l'arrêt dans l'affaire Texas Instruments.

    I — Quant à l'interprétation des règlements nos 1162/79 et 1481/80 (question no 1)

    La partie demanderesse au principal soutient qu'en adoptant endéans des délais relativement courts le règlement no 2916/80 pour accorder une suspension tarifaire également au polyglactin 910, et en modifiant, par le règlement no 1533/81 (JO 1981, L 155, p. 1 et 4), la définition du produit bénéficiant de la franchise en y ajoutant les mots « destinés à la fabrication de ligatures pour sutures chirurgicales », le Conseil aurait donné à comprendre que, dès le départ, donc dès 1975, il voulait faire bénéficier de la suspension des droits de douane non seulement les « fils entièrement en acide polyglycolique » expressément visés, mais tous les fils synthétiques destinés à la fabrication de ligatures pour sutures chirurgicales, même lorsque leur teneur en acide polyglycolique est inférieure à 100 %. En d'autres termes, le Conseil aurait eu en vue l'utilisation du produit et non pas sa composition chimique. Cet objectif apparaîtrait également à la lecture des considérants des règlements en question qui se réfèrent à la nécessité de « répondre aux besoins des industries utilisatrices de la Communauté ».

    Enfin, la partie demanderesse et le Bundesfinanzhof se réfèrent à l'arrêt de la Cour dans l'affaire 292/82 (Merck/Hauptzollamt Hamburg-Jonas, Rec. 1983, p. 3781), où il est admis qu'il y a lieu, « pour l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ».

    Il serait donc permis d'interpréter les règlements litigieux contrairement à leur libellé, mais en tenant compte de leur objectif.

    Que faut-il penser de ces arguments?

    1.

    Il y a lieu de noter tout d'abord que le texte de la suspension tarifaire relative aux « fils entièrement en acide polyglycolique » est parfaitement clair. Il ne vise, à l'évidence, que les fils composés à 100 % d'acide polyglycolique. De l'aveu même de la partie demanderesse, une interprétation littérale de la suspension des droits de douane ne saurait aboutir à aucun autre résultat.

    Or, les dérogations au tarif douanier commun doivent être interprétées de manière restrictive, et uniquement sur la base des règles générales pour l'interprétation de la nomenclature de ce tarif.

    Je partage la façon de voir de la Commission lorsqu'elle expose, à la page 7 de son mémoire du 8 mai 1985, que « toute tentative de tourner, en évoquant des raisons d'équité liées aux circonstances de l'espèce, le texte non équivoque du tarif revient non plus à interpréter et appliquer uniformément ce tarif dans tous les cas en se basant sur son libellé même, mais bien à en définir a priori la portée en fonction des besoins économiques de certains importateurs. La nomenclature du tarif perdrait ainsi toute valeur objective et sa fonction réglementaire se trouverait vidée de toute substance. Si le TDC prévoit précisément des règles de tarification spécifiques et strictes, c'est pour empêcher toute interprétation subjective du tarif incompatible avec les exigences de la sécurité juridique ».

    Il serait, en effet, contraire à la sécurité juridique si, à propos de tous les produits visés par une décision adoptée au titre de l'article 28, l'extension possible de la décision par voie d'interprétation à d'autres produits pouvant servir au même usage devrait être examinée, voire admise.

    Reste à savoir si on peut déceler dans les circonstances de l'espèce des éléments objectifs qui permettraient de conclure que le Conseil aurait pu vouloir dire autre chose que ce qu'il a effectivement dit.

    2.

    Aucun argument en faveur d'une interprétation large des règlements nos 1162/79 et 1481/80 ne saurait être tiré du texte de leurs considérants, ni de ceux des règlements nos 2916/80 et 1533/81.

    Ainsi qu'il résulte des déclarations du Conseil et de la Commission dans l'affaire 227/84 (Texas Instruments, point 9), le nombre de marchandises bénéficiant d'une suspension du droit de douane s'élève normalement à plus d'un millier par an.

    Le texte des considérants de ces règlements est, pour autant que j'aie pu le vérifier, toujours identique.

    Les suspensions tarifaires sont toujours motivées par une production insuffisante ou nulle dans la Communauté et le souci de répondre aux besoins des industries utilisatrices.

    La reconnaissance de ce besoin est cependant strictement limitée aux produits énumérés dans chaque décision. Le but et le caractère juridique du TDC s'opposent à ce que les suspensions ayant fait l'objet d'une décision soient étendues par analogie à d'autres produits répondant au même besoin.

    Enfin, il ne faut pas non plus oublier que l'article 28 est une disposition de pure procédure, qui ne prescrit pas au Conseil la politique à suivre en matière de suspensions tarifaires.

    L'absence d'une production donnée dans la Communauté jointe à un besoin d'importation des industries utilisatrices n'ouvre aucun droit automatique à une suspension tarifaire.

    Les besoins de la Communauté peuvent, en effet, également être couverts si le produit importé acquitte le droit de douane prévu. Des considérations financières, par exemple, pourraient plaider contre une suspension des droits.

    La seule limite imposée au pouvoir discrétionnaire du Conseil est le principe d'égalité. Nous examinerons, à propos de la deuxième question, si ce principe a été violé en l'occurrence.

    3.

    Quant à l'argument selon lequel la suspension de droit décidée en 1974 devrait être interprétée à la lumière des règlements nos 2916/80 et 1533/81, qui ont instauré une suspension également en faveur du produit importé par la demanderesse au principal, il y a lieu d'observer ce qui suit.

    Contrairement à ce qui était le cas dans l'affaire Texas Instruments, ce n'est pas la suspension de droit primitive qui a été élargie (comme cela aurait facilement pu être fait en remplaçant la définition « fils entièrement en acide polyglycolique » par la définition « fils d'une teneur en acide polyglycolique égale ou supérieur à 88 % » englobant les deux types de produits), mais une rubrique supplémentaire est venue s'ajouter à la rubrique primitive.

    De plus, ainsi que cela a déjà été rappelé ci-dessus, une condition relative à la destination du produit a été introduite par le règlement subséquent no 1533/81.

    Désormais, la suspension relative au polyglactin 910 vise les « fils constitués d'un copolymère d'acide glycolique et d'acide lactique destinés à la fabrication de ligatures pour sutures chirurgicales».

    La même condition relative à l'utilisation n'a pas été étendue aux « fils entièrement en acide polyglycolique » importés par la firme concurrente.

    Au cours de la procédure orale, il est apparu que cette modification n'est pas fortuite : le produit importé par Ethicon peut effectivement aussi être utilisé à d'autres usages que la fabrication de ligatures pour sutures chirurgicales, à savoir la confection de prothèses.

    Selon l'agent d'Ethicon, la même chose vaudrait en ce qui concerne le produit concurrent.

    Quoi qu'il en soit, il est un fait que le produit concurrent bénéficie depuis 1975 de la franchise quelle que soit sa destination.

    Il n'est donc pas possible d'argumenter, comme le fait la requérante, que l'octroi de la franchise au polyglactin 910 destiné à la fabrication de ligatures pour sutures chirurgicales démontrerait que le Conseil, dès 1975, aurait en réalité visé, non pas un produit ayant une composition chimique précise, mais tous les produits pouvant servir à une destination particulière

    4.

    Encore que la requérante au principal ne demande pas formellement une application rétroactive du règlement no 2916/80, sa demande, si elle était agréée, aboutirait en fait à un tel résultat.

    Or, dans sa résolution du 27 juin 1974 relative aux mesures à prendre en vue de simplifier les tâches des administrations douanières (JO C 79 du 8.7.1974, p. 1), le Conseil s'est donné comme règle de ne pas arrêter de dispositions ayant un effet rétroactif, sauf cas exceptionnels justifiés par des motifs contraignants d'ordre économique.

    En l'occurrence, le Conseil n'a pas donné un effet rétroactif au règlement no 2916/80. Compte tenu de son attitude générale en matière de rétroactivité dans le domaine douanier, on est donc en droit de conclure qu'il n'a pas non plus entendu donner, de manière implicite, un tel effet au règlement susmentionné.

    Ceci d'autant moins que le Conseil a dérogé dans le cas d'espèce à une autre règle qu'il s'est fixée dans la même résolution, à savoir celle de faire entrer en vigueur les modifications du tarif douanier commun chaque année le 1er janvier et, le cas échéant, le 1er juillet.

    En l'occurrence, la première suspension du droit de douane relatif au polyglactin 910 est entrée en vigueur un 13 novembre.

    On peut donc supposer que le Conseil a considéré que l'instauration de la franchise douanière en question revêtait une certaine urgence, compte tenu sans doute du traitement dont bénéficiait le produit concurrent, mais pas au point de justifier une mesure rétroactive.

    Tout ceci tend à prouver une nouvelle fois que « la véritable intention du législateur » n'était pas d'accorder dès 1975, ou dès le début de 1980, la franchise tarifaire à tous les fils synthétiques servant à la fabrication de ligatures chirurgicales, quelle qu'en soit la composition.

    5.

    Reste à savoir si la jurisprudence de la Cour dans l'affaire 292/82 (Merck/Hauptzollamt Hamburg-Jonas) est de nature à mettre en question le raisonnement suivi ci-dessus.

    Il existe une certaine analogie en ce qui concerne les faits matériels qui sont à la base des deux affaires.

    Dans l'affaire Merck également, l'autorité législative, en l'occurrence la Commission, a été informée à un certain moment d'un élément nouveau et elle a adapté aussi rapidement que possible sa réglementation à cette nouvelle donnée.

    La Commission a, en effet, appris que du mannitol et du sorbitol étaient effectivement produits à partir d'une matière ne donnant pas droit à une restitution à la production. En conséquence, la Commission a fait en sorte que de telles marchandises puissent bénéficier de la restitution à l'exportation plus élevée prévue pour les autres marchandises n'ayant pas touché de restitution à la production.

    Dans l'affaire Merck, la Commission n'a pas contesté, quant à la substance, le bienfondé de l'argumentation de la requérante. Bien au contraire, elle a expliqué qu'elle n'avait nullement eu l'intention de réduire les restitutions à l'exportation pour des marchandises dont la production n'avait pas donné droit à des restitutions.

    Elle a donc, en quelque sorte, admis qu'elle avait commis une erreur, due à l'ignorance d'un élément de fait.

    La Cour a, dès lors, été amenée à dire pour droit que sept règlements couvrant la période antérieure à la rectification de l'erreur devaient être interprétés en ce sens qu'ils donnaient droit, en faveur de la marchandise en question, à une restitution à l'exportation plus élevée que celle qui avait été effectivement fixée par ces règlements. Le mannitol et le sorbitol n'ayant pas bénéficié d'une restitution à la production devaient être traités comme s'ils figuraient au tableau II annexé à ces règlements, alors qu'en réalité ils figuraient au tableau I.

    La Cour a fondé son raisonnement sur la nécessité « de donner aux dispositions en cause un effet utile conforme aux objectifs poursuivis par la réglementation communautaire dont elles font partie » (point 17 des motifs de l'arrêt 292/82).

    En même temps, la Cour a déclaré que l'examen des questions posées n'avait pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de ces règlements ainsi interprétés.

    Je suis cependant d'avis que l'arrêt dans l'affaire Merck n'est pas de nature à avoir une incidence sur la présente affaire.

    La « réglementation communautaire » dont il s'agissait dans l'affaire Merck était une organisation de marché agricole.

    Il n'était pas contesté que le mannitol et le sorbitol avaient droit à une restitution à l'exportation.

    Il n'était pas non plus contesté que le montant de cette restitution devait être fonction de l'octroi ou non d'une restitution à la production en faveur des produits de base entrés dans la fabrication de ces marchandises.

    Il était donc légitime d'interpréter les règlements d'exécution en fonction de l'objectif poursuivi par le règlement de base et d'appliquer le principe de l'effet utile.

    Dans la présente affaire, on constate les différences suivantes.

    On n'est pas en présence d'une « réglementation communautaire » dans le sens d'un mécanisme complexe, exigeant des calculs relativement compliqués et dont l'effet utile pourrait être perdu par suite de la non-prise en considération d'un élément de fait.

    L'effet utile des règlements nos 1162/79 et 1481/80, à savoir la création de la possibilité d'importer le produit visé en franchise de droits de douane, a été atteint dès que ces règlements du Conseil, fondés sur l'article 28 du traité, sont entrés en vigueur.

    Il n'y a pas de divergence entre l'objectif poursuivi par ces règlements et leur dispositif.

    Il n'y a pas non plus de divergence entre le dispositif des deux règlements et l'article 28, car ce dernier, ainsi que cela a déjà été rappelé ci-dessus, ne définit pas une politique, mais se borne à instaurer une procédure.

    Il n'est donc pas possible de déduire de l'arrêt de la Cour dans l'affaire 292/82 (Merck) des critères qui devraient être suivis dans la présente affaire et qui devraient inciter la Cour à interpréter les règlements nos 1162/79 et 1481/80 dans un sens contraire à leur libellé.

    II — Quant à la validité des règlements nos 1162/79 et 1481/80 (question no 2)

    Pour le cas où la Cour répondrait dans un sens négatif à sa première question, le Bundesfinanzhof demande, en deuxième lieu, si la suspension des droits de douane évoquée dans la première question est nulle pour violation de l'interdiction de discrimination parce qu'elle s'applique uniquement aux « fils entièrement en acide polyglycolique », mais pas aux fils constitués de 90 % d'acide polyglycolique et de 10 % de lactide.

    Dans son arrêt dans l'affaire 227/84 (Texas Instruments), la Cour a constaté que, « si l'article 28 laisse au Conseil une marge de discrétion importante, il appartient néanmoins au juge de vérifier si l'exercice des responsabilités qui sont ainsi confiées au Conseil ne donne pas lieu à un détournement de pouvoir ou à des discriminations ».

    Je ne pense pas que tel soit le cas en l'occurrence.

    1.

    Bien qu'on puisse dire qu'avant le 13 novembre 1980 un traitement différent a été réservé pendant quelques mois aux fils sans et avec lactide, cette différence doit être considérée comme un effet normal du fait que le Conseil, en cette matière, n'agit que sur l'initiative des opérateurs économiques, dans la mesure où cette initiative rencontre un accueil favorable auprès d'un État membre ou auprès de la Commission.

    Il est logique qu'il en soit ainsi. La Communauté économique européenne est fondée sur le principe de la préférence communautaire qui trouve son expression dans le tarif douanier commun. Le Conseil et la Commission en sont, pour ainsi dire, les gardiens.

    Il appartient à ceux qui veulent obtenir une dérogation par rapport à ce tarif d'en faire la demande, d'en justifier l'opportunité économique et de définir de la manière la plus précise possible le produit qui devrait, à leurs yeux, bénéficier de ce traitement de faveur.

    De plus, les opérateurs économiques seraient bien avisés d'examiner régulièrement, le cas échéant avec l'aide de leurs organisations professionnelles, les décisions du Conseil portant suspension des droits du TDC, afin de déceler si telle ou telle rubrique nécessiterait un aménagement en vue de « couvrir » l'une ou l'autre variante du même produit ou un produit très voisin, à l'égard desquels les motifs de la suspension seraient également valables.

    Le rôle du Conseil consiste à décider, en fonction des renseignements et des appréciations mis à sa disposition par les représentants des États membres et par la Commission, si une suspension totale ou partielle des droits du TDC est opportune, et quelle doit être la définition du produit visé.

    Il incombe au Conseil de veiller au respect du principe d'égalité sur la base des éléments de fait qui lui ont été soumis au moment où il doit prendre sa décision.

    Il semble tout à fait légitime que le Conseil retienne, lors de la définition de la franchise, les caractéristiques précises du produit sur lequel porte la demande.

    Il se pourrait, en effet, qu'un produit ne présentant même que de légères différences quant à sa composition ou à ses autres caractéristiques puisse servir à d'autres usages que le premier, usages par lesquels il pourrait entrer en concurrence avec des produits fabriqués dans la Communauté.

    2.

    Il peut évidemment aussi arriver que, dans des cas comme celui qui nous occupe ou comme dans l'affaire Texas Instruments, le Conseil soit averti par la suite de l'existence d'un produit non couvert par la franchise et susceptible de servir à la même destination.

    S'il s'avère ainsi que le principe de l'égalité de traitement est en cause, le Conseil a évidemment le devoir de faire preuve de la diligence nécessaire pour faire bénéficier aussi rapidement que possible les deux produits du même traitement.

    C'est ce qu'il a fait dans la présente affaire.

    Ainsi que je l'ai déjà rappelé ci-dessus, le Conseil, après avoir été saisi de la demande du gouvernement allemand au mois d'août 1980 seulement, a introduit la franchise douanière en faveur du polyglactin 910 avec effet au 13 novembre 1980. Il a donc dérogé à la règle qu'il s'est lui-même fixée, dans la résolution du 27 juin 1974, relative aux mesures à prendre en vue de simplifier les tâches des administrations douanières, qui prévoit que les modifications tarifaires prennent effet chaque année le 1er janvier et, le cas échéant, le 1er juillet.

    Compte tenu des délais inhérents aux méthodes d'organisation et de travail du Conseil, ce dernier a indubitablement fait preuve de diligence.

    3.

    En troisième lieu, il doit être souligné que les règlements nos 1162/79 et 1481/80 incriminés ont accordé une franchise tarifaire à un produit, les « fils entièrement en acide polyglycolique », et non pas à un opérateur économique.

    La demanderesse au principal pouvait elle aussi et à tout moment importer de tels fils en franchise en vue de les transformer.

    4.

    Enfin faut-il encore rappeler que les règlements nos 1162/79 et 1481/80 n'ont fait que reconduire une exonération du droit de douane accordée pour la première fois « in tempore non suspecto », à savoir cinq ans avant que le produit d'Ethicon n'ait fait l'objet d'importations dans la Communauté.

    Il n'est donc pas possible de conclure que ces règlements aient eu pour objectif de favoriser ou de défavoriser certains opérateurs économiques ni qu'ils aient introduit une discrimination.

    III — Quant aux effets d'une éventuelle nullité de la suspension des droits de douane évoquée dans la première question (question no 3)

    La réponse à la deuxième question ayant été négative, j'estime qu'il n'y a pas lieu de répondre à la troisième question.

    Sur les dépens

    Les frais exposés par le Conseil et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    En résumé, je propose de répondre comme suit aux questions posées par le Bundesfinanzhof :

    1)

    la suspension des droits de douane pour les « fils entièrement en acide polyglycolique » de la sous-position 51.01 A du tarif douanier commun, résultant des règlements du Conseil no 1162/79, du 12 juin 1979, et no 1481/80, du 9 juin 1980, ne doit pas être interprétée en ce sens qu'elle vise également des fils analogues mais composés d'acide polyglycolique et d'acide lactique;

    2)

    l'examen des questions posées n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de ces règlements.


    ( 1 ) JO 1979, L 147, p. 1.

    ( 2 ) JO 1980, L 148, p. 1.

    ( 3 ) JO 1974, L 319, p. 6 et 7.

    ( 4 ) JO 1980, L 304, p. 1.

    ( 5 ) Règlement no 1533/81 (JO 1981, L 155, p. 1).

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