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Document 61984CJ0216

Arrêt de la Cour du 23 février 1988.
Commission des Communautés européennes contre République française.
Manquement d'État - Libre circulation des marchandises - Succédanés de lait en poudre et de lait concentré.
Affaire 216/84.

Recueil de jurisprudence 1988 -00793

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1988:81

61984J0216

Arrêt de la Cour du 23 février 1988. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'État - Libre circulation des marchandises - Succédanés de lait en poudre et de lait concentré. - Affaire 216/84.

Recueil de jurisprudence 1988 page 00793


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1 . LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES - RESTRICTIONS QUANTITATIVES - MESURES D' EFFET EQUIVALENT - PROTECTION DES CONSOMMATEURS - INTERDICTION D' IMPORTER ET DE VENDRE LES SUCCEDANES D' UN PRODUIT ALIMENTAIRE - INADMISSIBILITE - JUSTIFICATION - PROTECTION DE LA SANTE PUBLIQUE - ABSENCE

( TRAITE CEE, ART . 30 ET 36 )

2 . LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES - PRINCIPE - CARACTERE IMPERATIF - MESURES NATIONALES DEROGATOIRES - INTERDICTION - SOUTIEN D' UNE POLITIQUE COMMUNAUTAIRE - JUSTIFICATION INADMISSIBLE

Sommaire


1 . UN ETAT MEMBRE NE SAURAIT, POUR INTERDIRE L' IMPORTATION ET LA VENTE DE SUCCEDANES D' UN PRODUIT ALIMENTAIRE, SE RETRANCHER DERRIERE LES EXIGENCES DE LA DEFENSE DES CONSOMMATEURS EN INVOQUANT LE RISQUE DE CONFUSION A PROPOS DE LA NATURE ET DES PROPRIETES DU SUCCEDANE ET CELUI DE VOIR CELUI-CI SUPPLANTER, AU DETRIMENT DE LA LIBERTE DE CHOIX DU CONSOMMATEUR, LE PRODUIT AVEC LEQUEL IL ENTRE EN CONCURRENCE . EN EFFET, D' UNE PART, L' INFORMATION DU CONSOMMATEUR PEUT ETRE ASSUREE PAR UN SYSTEME DE DENOMINATION ET D' ETIQUETAGE ADEQUAT ET, D' AUTRE PART, LES EXIGENCES DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR NE SAURAIENT JUSTIFIER QU' UN PRODUIT SOIT SOUSTRAIT A LA CONCURRENCE PAR LES PRIX QUI RESULTENT DE L' ELIMINATION DES ENTRAVES AU COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE .

IL NE SAURAIT PAS DAVANTAGE, DANS LE MEME BUT, INVOQUER LES EXIGENCES DE LA PROTECTION DE LA SANTE PUBLIQUE EN FAISANT VALOIR QUE LE SUCCEDANE A UNE VALEUR NUTRITIVE INFERIEURE A CELLE DU PRODUIT AUQUEL IL VISE A SE SUBSTITUER ET PEUT PRODUIRE DES EFFETS NUISIBLES POUR CERTAINS GROUPES DE LA POPULATION . EN EFFET, UNE VALEUR NUTRITIVE INFERIEURE NE CREE PAS UN DANGER REEL POUR LA SANTE HUMAINE ET UN ETIQUETAGE APPROPRIE EST DE NATURE A PERMETTRE AUX PERSONNES AUXQUELLES LE SUCCEDANE POURRAIT FAIRE COURIR UN RISQUE DE DECIDER EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE DE SON UTILISATION .

2 . DES MESURES NATIONALES SOUTENANT UNE POLITIQUE COMMUNE DE LA COMMUNAUTE NE PEUVENT ALLER A L' ENCONTRE D' UN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX, COMME CELUI DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES, SANS ETRE JUSTIFIEES PAR DES RAISONS RECONNUES PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE LUI-MEME .

Parties


DANS L' AFFAIRE 216/84,

COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, REPRESENTEE PAR M . D . JACOB ET MME C . DURAND, MEMBRES DE SON SERVICE JURIDIQUE, EN QUALITE D' AGENTS, AYANT ELU DOMICILE A LUXEMBOURG AUPRES DE M . G . KREMLIS, MEMBRE DE SON SERVICE JURIDIQUE, BATIMENT JEAN MONNET, KIRCHBERG,

PARTIE REQUERANTE,

CONTRE

REPUBLIQUE FRANCAISE, REPRESENTEE PAR MM . F . RENOUARD, R . DE GOUTTES ET B . BOTTE AINSI QUE PAR MME E . BELLIARD, EN QUALITE D' AGENTS, AYANT ELU DOMICILE A LUXEMBOURG, AUPRES DE L' AMBASSADE DE FRANCE,

PARTIE DEFENDERESSE,

AYANT POUR OBJET DE FAIRE CONSTATER QUE LA REPUBLIQUE FRANCAISE A MANQUE AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT EN VERTU DE L' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE EN INTERDISANT L' IMPORTATION ET LA VENTE DE SUCCEDANES DE LAIT EN POUDRE ET DE LAIT CONCENTRE SOUS QUELQUE DENOMINATION QUE CE SOIT,

LA COUR,

COMPOSEE DE MM . MACKENZIE STUART, PRESIDENT, J . C . MOITINHO DE ALMEIDA, PRESIDENT DE CHAMBRE, U . EVERLING, K . BAHLMANN, Y . GALMOT, C . KAKOURIS ET T . F . O' HIGGINS, JUGES,

AVOCAT GENERAL : SIR GORDON SLYNN

GREFFIER : MME D . LOUTERMAN, ADMINISTRATEUR

VU LE RAPPORT D' AUDIENCE ET A LA SUITE DE LA PROCEDURE ORALE DES 18 MARS 1986 ET 14 JANVIER 1988,

AYANT ENTENDU LES CONCLUSIONS DE L' AVOCAT GENERAL PRESENTEES AUX AUDIENCES DU 17 AVRIL 1986 ET DU 14 JANVIER 1988,

REND LE PRESENT

ARRET

Motifs de l'arrêt


1 PAR REQUETE DEPOSEE AU GREFFE DE LA COUR LE 21 AOUT 1984, LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES A INTRODUIT, EN VERTU DE L' ARTICLE 169 DU TRAITE CEE, UN RECOURS VISANT A FAIRE RECONNAITRE QU' EN INTERDISANT L' IMPORTATION ET LA VENTE DES SUCCEDANES DE LAIT EN POUDRE ET DE LAIT CONCENTRE, SOUS QUELQUE DENOMINATION QUE CE SOIT, LA REPUBLIQUE FRANCAISE A MANQUE AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT EN VERTU DE L' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE .

2 L' INTERDICTION NATIONALE CONTESTEE PAR LA COMMISSION RESULTE DE L' ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 29 JUIN 1934 RELATIVE A LA PROTECTION DES PRODUITS LAITIERS ( JORF DU 1 . 7 . 1934 ).

3 AU COURS DE LA PROCEDURE PRECONTENTIEUSE AINSI QU' A L' APPUI DE SON RECOURS, LA COMMISSION A EXPOSE, EN SUBSTANCE, QUE LA DISPOSITION EN CAUSE ENTRAINERAIT UNE INTERDICTION ABSOLUE DE COMMERCIALISER ET D' IMPORTER EN FRANCE TOUT PRODUIT DESTINE A REMPLACER LE LAIT EN POUDRE OU LE LAIT CONCENTRE, COMPOSE D' AUTRES PRODUITS QUE DU LAIT, QUELLE QUE SOIT LA DENOMINATION COMMERCIALE DE CE PRODUIT . BIEN QUE CETTE INTERDICTION ABSOLUE S' APPLIQUE INDISTINCTEMENT AUX PRODUITS NATIONAUX ET IMPORTES, ELLE NE SERAIT JUSTIFIEE NI PAR L' UNE DES RAISONS VISEES A L' ARTICLE 36 DU TRAITE NI PAR UNE EXIGENCE IMPERATIVE .

4 LE GOUVERNEMENT FRANCAIS DEFEND LA MESURE LITIGIEUSE EN FAISANT VALOIR QU' ELLE EST NECESSAIRE POUR DES RAISONS TENANT AUSSI BIEN A LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS QU' A LA PROTECTION DE LA SANTE HUMAINE ET QU' ELLE EST CONFORME AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE EN MATIERE DE PRODUITS LAITIERS . EN OUTRE, LE GOUVERNEMENT FRANCAIS SE PREVAUT DE LA RETROACTIVITE PRETENDUE DE L' ARTICLE 5 DU REGLEMENT N* 1898/87 DU CONSEIL, DU 2 JUILLET 1987, CONCERNANT LA PROTECTION DE LA DENOMINATION DU LAIT ET DES PRODUITS LAITIERS LORS DE LEUR COMMERCIALISATION ( JO L 182, P . 36 ).

5 POUR UN PLUS AMPLE EXPOSE DU CADRE JURIDIQUE DU LITIGE, DES FAITS DE L' AFFAIRE, NOTAMMENT DE LA REOUVERTURE DE LA PROCEDURE ORALE, ET DES ARGUMENTS DES PARTIES, IL EST RENVOYE AU RAPPORT D' AUDIENCE . CES ELEMENTS DU DOSSIER NE SONT REPRIS CI-DESSOUS QUE DANS LA MESURE NECESSAIRE AU RAISONNEMENT DE LA COUR .

6 IL CONVIENT D' ABORD DE RELEVER QUE, EN L' ABSENCE DE REGLES COMMUNES OU HARMONISEES RELATIVES A LA FABRICATION ET A LA COMMERCIALISATION DES SUCCEDANES DE LAIT, IL APPARTIENT A CHAQUE ETAT MEMBRE DE REGLEMENTER, CHACUN SUR SON TERRITOIRE, TOUT CE QUI CONCERNE LA COMPOSITION, LA FABRICATION ET LA COMMERCIALISATION DE CES PRODUITS .

7 TOUTEFOIS, SELON UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE DE LA COUR, IL RESULTE DES ARTICLES 30 ET SUIVANTS DU TRAITE CEE QUE L' APPLICATION D' UNE REGLEMENTATION NATIONALE AUX PRODUITS IMPORTES DES AUTRES ETATS MEMBRES N' EST COMPATIBLE AVEC LEDIT TRAITE QUE DANS LA MESURE OU ELLE EST NECESSAIRE POUR SATISFAIRE A DES RAISONS D' INTERET GENERAL ENUMEREES A L' ARTICLE 36, COMME LA PROTECTION EFFICACE DE LA SANTE DES PERSONNES, OU A DES EXIGENCES IMPERATIVES TENANT, NOTAMMENT, A LA DEFENSE DES CONSOMMATEURS . IL EN RESULTE EGALEMENT QU' UN ETAT MEMBRE NE SAURAIT RECOURIR AUXDITES RAISONS D' INTERET GENERAL OU A DES EXIGENCES IMPERATIVES POUR JUSTIFIER UNE MESURE RESTREIGNANT L' IMPORTATION QUE SI AUCUNE AUTRE MESURE MOINS RESTRICTIVE DU POINT DE VUE DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES N' EST SUSCEPTIBLE D' ATTEINDRE LE MEME OBJECTIF .

8 IL CONVIENT DONC D' EXAMINER SUCCESSIVEMENT, A LA LUMIERE DE LADITE JURISPRUDENCE, LES DIVERS MOYENS AVANCES PAR LE GOUVERNEMENT FRANCAIS POUR JUSTIFIER L' INTERDICTION DE TOUTE TRANSACTION COMMERCIALE RELATIVE AU PRODUIT CONCERNE .

QUANT A LA DEFENSE DES CONSOMMATEURS

9 EN CE QUI CONCERNE LE MOYEN TENANT A LA DEFENSE DES CONSOMMATEURS, LE GOUVERNEMENT FRANCAIS AVANCE EN SUBSTANCE TROIS ARGUMENTS SEPARES, A SAVOIR, EN PREMIER LIEU, LE PROBLEME DE L' INFORMATION DES CONSOMMATEURS SUR LE FAIT QU' ON LEUR PROPOSE DE CONSOMMER DES SUCCEDANES, EN SECOND LIEU, LE RISQUE D' UNE CONFUSION DES CONSOMMATEURS SUR LES QUALITES DU PRODUIT CONCERNE, ET, EN TROISIEME LIEU, LA POSSIBILITE QUE LES SUCCEDANES SUPPLANTENT PROGRESSIVEMENT LES PRODUITS LAITIERS A CAUSE DE LEUR NIVEAU INFERIEUR DE PRIX, PRIVANT AINSI LES CONSOMMATEURS DE TOUT CHOIX .

10 A CET EGARD, IL Y A LIEU D' OBSERVER D' ABORD QUE LA PREOCCUPATION DU GOUVERNEMENT FRANCAIS DE VEILLER A CE QUE LES CONSOMMATEURS SOIENT CORRECTEMENT INFORMES SUR LES PRODUITS QU' ILS CONSOMMENT PEUT ETRE JUSTIFIEE . EN L' ESPECE CEPENDANT, UNE TELLE INFORMATION PEUT ETRE ASSUREE NOTAMMENT PAR UN ETIQUETAGE ADEQUAT CONCERNANT LA NATURE, LES INGREDIENTS ET LES CARACTERISTIQUES DU PRODUIT OFFERT . COMME LA COMMISSION L' A OBSERVE A JUSTE TITRE, UNE TELLE INFORMATION PEUT EGALEMENT ETRE REALISEE LORSQUE LES PRODUITS SONT VENDUS PAR DISTRIBUTEURS AUTOMATIQUES DE BOISSONS AINSI QUE, EN PRINCIPE, DANS LES LIEUX DE RESTAURATION COLLECTIVE . BIEN QU' UNE INFORMATION COMPLETE ET DETAILLEE DES CONSOMMATEURS LORS DE L' UTILISATION DES SUCCEDANES DE LAIT DANS LA RESTAURATION COLLECTIVE PUISSE SOULEVER QUELQUES DIFFICULTES, IL Y A LIEU DE REMARQUER QU' UNE TELLE INFORMATION COMPLETE ET DETAILLEE N' EXISTE PAS NON PLUS SUR LES AUTRES COMPOSANTS DES DENREES ET DES REPAS OFFERTS DANS LESDITS LIEUX . IL N' EXISTE AUCUNE RAISON PARTICULIERE POUR QUE LES CONSOMMATEURS SOIENT INFORMES D' UNE MANIERE PLUS STRICTE S' AGISSANT DE SUCCEDANES DE LAIT .

11 EN CE QUI CONCERNE LE PROBLEME D' UNE INFORMATION DES CONSOMMATEURS SUSCEPTIBLE DE LES INDUIRE EN ERREUR, IL RESULTE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR ( ARRET DU 16 DECEMBRE 1980, FIETJE, 27/80, REC . P . 3839 ) QUE DES MESURES NATIONALES NECESSAIRES POUR GARANTIR LES DENOMINATIONS CORRECTES DES PRODUITS, EVITANT TOUTE CONFUSION DANS L' ESPRIT DU CONSOMMATEUR ET ASSURANT LA LOYAUTE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES, PEUVENT ETRE ADOPTEES SANS ENFREINDRE LE PRINCIPE DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES CONSACRE PAR LES ARTICLES 30 ET SUIVANTS DU TRAITE . LE DROIT COMMUNAUTAIRE NE S' OPPOSE DONC PAS A UNE MESURE NATIONALE GARANTISSANT UNE INFORMATION CORRECTE DES CONSOMMATEURS ET EVITANT AINSI TOUTE CONFUSION . TOUTEFOIS, LA MESURE EN CAUSE VA AU-DELA D' UNE TELLE GARANTIE .

12 QUANT AU RISQUE D' UNE EVICTION DES PRODUITS LAITIERS PAR LEURS SUCCEDANES A CAUSE DE LEURS PRIX INFERIEURS, IL SUFFIT DE REMARQUER QU' UN ETAT MEMBRE NE SAURAIT RECOURIR A UNE EXIGENCE IMPERATIVE COMME LA DEFENSE DES CONSOMMATEURS POUR SOUSTRAIRE UN PRODUIT AUX EFFETS D' UNE CONCURRENCE DES PRIX SOUS PRETEXTE DES DIFFICULTES ECONOMIQUES OCCASIONNEES PAR L' ELIMINATION DES ENTRAVES AU COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE . EN INTERDISANT LA COMMERCIALISATION DES SUCCEDANES DE LAIT, LA DISPOSITION EN QUESTION NE GARANTIT PAS NON PLUS LA LIBERTE DE CHOIX DU CONSOMMATEUR . CE N' EST AU CONTRAIRE QUE LA POSSIBILITE D' IMPORTER CES SUCCEDANES QUI DONNE AUX CONSOMMATEURS UN CHOIX REEL ENTRE LES AGENTS BLANCHISSANTS ET LES PRODUITS LAITIERS .

13 IL S' ENSUIT QU' UNE INTERDICTION ABSOLUE DE L' IMPORTATION ET DE LA VENTE DES SUCCEDANES DE LAIT N' EST PAS NECESSAIRE POUR LA DEFENSE DES CONSOMMATEURS ET QUE, DES LORS, LE PREMIER MOYEN DU GOUVERNEMENT FRANCAIS DOIT ETRE REJETE .

QUANT A LA PROTECTION DE LA SANTE

14 A CET EGARD, LE GOUVERNEMENT FRANCAIS SE FONDE SUR DEUX ELEMENTS, LE PREMIER CONCERNANT LA VALEUR NUTRITIVE, LE SECOND ALLEGUANT L' EFFET NUISIBLE DES SUCCEDANES POUR CERTAINS GROUPES DE LA POPULATION .

15 EN CE QUI CONCERNE LE PREMIER ARGUMENT, IL CONVIENT DE RELEVER QU' UN ETAT MEMBRE NE SAURAIT INVOQUER DES RAISONS DE SANTE PUBLIQUE POUR INTERDIRE L' IMPORTATION D' UN PRODUIT AU MOTIF QUE CELUI-CI AURAIT UNE VALEUR NUTRITIVE INFERIEURE OU UNE TENEUR EN MATIERES GRASSES PLUS ELEVEE QU' UN AUTRE PRODUIT QUI SE TROUVE DEJA SUR LE MARCHE CONCERNE . EN EFFET, IL EST EVIDENT QUE LE CHOIX ALIMENTAIRE DES CONSOMMATEURS DANS LA COMMUNAUTE EST TEL QUE LA SEULE CIRCONSTANCE QU' UN PRODUIT IMPORTE SOIT D' UNE QUALITE NUTRITIVE INFERIEURE N' ENTRAINE PAS UN DANGER REEL POUR LA SANTE HUMAINE . EN OUTRE, COMME LA COMMISSION L' A SOULIGNE, SANS ETRE CONTREDITE PAR LE GOUVERNEMENT FRANCAIS, IL EXISTE SUR LE MARCHE FRANCAIS DES PRODUITS QUI SONT EGALEMENT D' UNE VALEUR NUTRITIVE REDUITE OU COMPOSES SUBSTANTIELLEMENT DE MEMES MATIERES GRASSES QUE LES SUCCEDANES SANS QUE LEUR COMMERCIALISATION SOIT INTERDITE . PARTANT, CET ARGUMENT NE PEUT ETRE RETENU .

16 EN CE QUI CONCERNE L' EFFET NUISIBLE DES SUCCEDANES DE LAIT POUR CERTAINS GROUPES DE LA POPULATION, LA COMMISSION A SOULIGNE A JUSTE TITRE QUE, D' UNE PART, LES PRODUITS LAITIERS COMPORTENT EGALEMENT DES RISQUES POUR DES GROUPES DE PERSONNES SOUFFRANT DE CERTAINES MALADIES ET, D' AUTRE PART, QU' IL Y A MANIFESTEMENT DESACCORD ENTRE LES SPECIALISTES SUR LES DANGERS REELS ET POTENTIELS CONCERNANT DES GRAISSES ANIMALES ET DES GRAISSES VEGETALES SUR LA SANTE HUMAINE . A CET EGARD, IL IMPORTE DE RAPPELER QU' UN ETIQUETAGE APPROPRIE INFORMANT LES CONSOMMATEURS SUR LA NATURE, LES INGREDIENTS ET LES CARACTERISTIQUES DES SUCCEDANES OFFERTS METTRAIT LES PERSONNES SUSCEPTIBLES D' ETRE MENACEES PAR DES GRAISSES VEGETALES OU LES AUTRES COMPOSANTS DES SUCCEDANES EN ETAT DE DECIDER ELLES-MEMES DE LEUR UTILISATION .

17 DANS CES CONDITIONS, UNE INTERDICTION ABSOLUE D' IMPORTATION DES SUCCEDANES DE LAIT POUR DES RAISONS TENANT A LA PROTECTION DE LA SANTE HUMAINE NE PEUT ETRE JUSTIFIEE .

QUANT A LA CONFORMITE DE LA MESURE LITIGIEUSE AVEC LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE EN LA MATIERE

18 EN CE QUI CONCERNE L' ARGUMENTATION DU GOUVERNEMENT FRANCAIS SELON LAQUELLE L' INTERDICTION DE COMMERCIALISER EN FRANCE LES SUCCEDANES DE LAIT SERAIT CONFORME A LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE, IL CONVIENT DE CONSTATER D' ABORD QUE LES PRODUITS LAITIERS SONT SOUMIS A UNE ORGANISATION COMMUNE DE MARCHE, DESTINEE A STABILISER LE MARCHE LAITIER NOTAMMENT PAR LE RECOURS A DES MESURES D' INTERVENTION . IL RESSORT D' UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE DE LA COUR QUE, DES LORS QUE LA COMMUNAUTE A ETABLI UNE ORGANISATION COMMUNE DE MARCHE DANS UN SECTEUR DETERMINE, LES ETATS MEMBRES SONT TENUS DE S' ABSTENIR DE TOUTE MESURE UNILATERALE QUI RENTRE DE CE CHEF DANS LA COMPETENCE DE LA COMMUNAUTE . IL INCOMBE DONC A LA COMMUNAUTE, ET NON A UN ETAT MEMBRE, DE RECHERCHER UNE SOLUTION A CE PROBLEME DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE .

19 DANS CE CONTEXTE, IL CONVIENT D' AJOUTER QUE DES MESURES NATIONALES, MEME SOUTENANT UNE POLITIQUE COMMUNE DE LA COMMUNAUTE, NE PEUVENT ALLER A L' ENCONTRE D' UN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA COMMUNAUTE, EN L' OCCURRENCE CELUI DE LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES, SANS ETRE JUSTIFIEES PAR DES RAISONS RECONNUES PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE .

20 IL APPARAIT DE CE QUI PRECEDE QUE LA MESURE LITIGIEUSE RELEVE DE L' INTERDICTION PREVUE PAR L' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE SANS ETRE JUSTIFIEE NI PAR UNE EXIGENCE IMPERATIVE NI PAR UNE DES RAISONS ENUMEREES A L' ARTICLE 36 DUDIT TRAITE .

QUANT A LA JUSTIFICATION DE LA MESURE LITIGIEUSE PAR L' ARTICLE 5 DU REGLEMENT N* 1898/87

21 LE GOUVERNEMENT FRANCAIS INTERPRETE ENCORE L' ARTICLE 5 DU REGLEMENT N* 1898/87, SELON LEQUEL LES ETATS MEMBRES PEUVENT, POUR UNE CERTAINE PERIODE, "DANS LE RESPECT DES REGLES GENERALES DU TRAITE, MAINTENIR UNE REGLEMENTATION NATIONALE QUI RESTREINT LA FABRICATION ET LA COMMERCIALISATION SUR LEUR TERRITOIRE DES PRODUITS NE REPONDANT PAS AUX CONDITIONS VISEES A L' ARTICLE 2 DU PRESENT REGLEMENT", COMME SIGNIFIANT QUE LA LEGISLATION FRANCAISE DONT IL S' AGIT PEUT EN TOUT ETAT DE CAUSE CONTINUER DE S' APPLIQUER .

22 CET ARGUMENT NE PEUT ETRE RETENU . SANS MEME QU' IL SOIT NECESSAIRE DE TRANCHER LA QUESTION DE SAVOIR SI LA DISPOSITION EN CAUSE EST ASSORTIE D' UN EFFET RETROACTIF, IL SUFFIT DE CONSTATER QU' ELLE NE JUSTIFIE LE MAINTIEN D' UNE REGLEMENTATION NATIONALE QU' A CONDITION QUE LES REGLES GENERALES DU TRAITE CEE SOIENT RESPECTEES . OR, COMME LA COUR L' A RELEVE CI-DESSUS, LA REGLEMENTATION DONT IL S' AGIT EST CONTRAIRE A L' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE ET NE REMPLIT DONC PAS LES CONDITIONS POSEES PAR L' ARTICLE 5 DU REGLEMENT N* 1898/87 .

23 IL RESULTE DE TOUT CE QUI PRECEDE QUE LE MANQUEMENT EST ETABLI . IL Y A DONC LIEU DE RECONNAITRE QUE LA REPUBLIQUE FRANCAISE, EN INTERDISANT L' IMPORTATION DES SUCCEDANES DE LAIT EN POUDRE ET DE LAIT CONCENTRE, SOUS QUELQUE DENOMINATION QUE CE SOIT, ET LA VENTE DE CES PRODUITS IMPORTES, A MANQUE A UNE OBLIGATION QUI LUI INCOMBE EN VERTU DE L' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE .

Décisions sur les dépenses


SUR LES DEPENS

24 AUX TERMES DE L' ARTICLE 69, PARAGRAPHE 2, DU REGLEMENT DE PROCEDURE, TOUTE PARTIE QUI SUCCOMBE EST CONDAMNEE AUX DEPENS, S' IL EST CONCLU EN CE SENS . LA PARTIE DEFENDERESSE AYANT SUCCOMBE EN SES MOYENS, IL Y A LIEU DE LA CONDAMNER AUX DEPENS .

Dispositif


PAR CES MOTIFS,

LA COUR

DECLARE ET ARRETE :

1 ) EN INTERDISANT L' IMPORTATION DES SUCCEDANES DE LAIT EN POUDRE ET DE LAIT CONCENTRE, SOUS QUELQUE DENOMINATION QUE CE SOIT, ET LA VENTE DE CES PRODUITS IMPORTES, LA REPUBLIQUE FRANCAISE A MANQUE A UNE OBLIGATION QUI LUI INCOMBE EN VERTU DE L' ARTICLE 30 DU TRAITE CEE .

2 ) LA REPUBLIQUE FRANCAISE EST CONDAMNEE AUX DEPENS .

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