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Document 61984CC0201

    Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 14 mai 1985.
    Procureur de la République contre Jean-Pierre Gontier.
    Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance d'Orléans - France.
    Réglementation nationale des prix des carburants.
    Affaire 201/84.

    Recueil de jurisprudence 1985 -02977

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1985:199

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    SIR GORDON SLYNN

    présentées le 14 mai 1985 ( *1 )

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    La Cour a été saisie de cette affaire par une demande de décision à titre préjudiciel présentée le 27 juin 1984 en application de l'article 177 du traité CEE par le tribunal de grande instance d'Orléans dans le cadre d'une procédure pénale pendante devant cette juridiction.

    Dans cette procédure, Jean-Pierre Gontier est poursuivi, en sa qualité de gérant d'un supermarché « Leclerc », d'infraction à l'arrêté ministériel français no 83-58/A du 9 novembre 1983 relatif aux prix de vente au détail des carburants. M. Gontier a soutenu par voie d'exception que cet arrêté était incompatible avec le droit communautaire et en vue de résoudre ce litige, le tribunal de grande instance a déféré les questions suivantes à la Cour aux fins d'une décision à titre préjudiciel:

    « Les articles 3, sous f), et 5 du traité instituant la Communauté économique européenne doivent-ils être interprétés en ce qu'ils interdisent l'institution dans un État membre par voie législative ou réglementaire de prix minimaux imposés à la vente du supercarburant et de l'essence?

    La détermination de tels prix minimaux peut-elle constituer une restriction quantitative à l'importation ou une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30 du traité et être comprise au sens de l'article 36 du traité comme répondant à un impératif d'ordre public? »

    Les faits qui sont à l'origine de l'espèce présente sont semblables à ceux qui ont donné lieu à l'affaire 231/83, Cullet/Centre Leclerc, dans laquelle la Cour a rendu son arrêt le 29 janvier 1985. Toutefois, les faits de l'espèce présente se sont produits au mois de mai 1984 et relèvent donc de l'arrêté ministériel no 83-58/A du 9 novembre 1983 et non pas de l'arrêté ministériel no 82-13/A qu'il a abrogé et remplacé avec effet au 15 novembre 1983. Il convient donc d'examiner dans quelle mesure, le cas échéant, cela modifie les problèmes de droit communautaire soulevés.

    En vertu de la législation française en vigueur tant à l'époque des faits de l'affaire Cullet qu'au moment des faits de l'espèce présente, le prix minimal de vente au détail était fixé par la simple soustraction d'un certain nombre de francs par litre du prix de vente maximal par litre qui était déterminé au moyen d'une série compliquée de calculs décrits dans les conclusions et l'arrêt de l'affaire Cullet. En vertu de l'arrêté no 82-13/A qui était en cause dans l'affaire Cullet, le montant à soustraire était de neuf centimes par litre pour l'essence et dix centimes par litre pour le supercarburant. A compter du 15 novembre 1983, les réductions ont été portées respectivement à seize centimes et dix-sept centimes par l'arrêté ministériel no 83-58/A litigieux en l'espèce. En dehors de cette modification, le système de fixation du prix minimal de vente au détail des carburants en France est demeuré en substance inchangé. Il s'ensuit que l'espèce présente soulève essentiellement les mêmes problèmes de droit communautaire que l'affaire Cullet.

    Ces problèmes sont énoncés avec précision dans les questions déférées par la juridiction nationale. Bien que ces questions ne mentionnent pas les articles 85 et 86 du traité CEE, les points 15 à 18 des motifs de l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Cullet ont déjà établi que ces articles ne s'appliquaient pas en tant que tels à une affaire comme l'espèce présente.

    Les observations présentées par la partie défenderesse, le gouvernement français et la Commission n'ajoutent aucun élément substantiel aux arguments qui ont été exposés devant la Cour dans l'affaire Cullet. L'arrêt rendu par la Cour dans cette affaire traite tous les problèmes soulevés qui concernent les articles 3, 5 et 30. Il n'a pas été démontré dans cette affaire pas plus qu'il n'avait été démontré dans l'affaire Cullet (points 32 et 33 des motifs) que l'une quelconque des dispositions de l'article 36 était applicable pour justifier les restrictions aux importations et, partant, pour exclure l'interdiction des mesures d'effet équivalent énoncée à l'article 30.

    A notre avis, pour les motifs exposés dans l'arrêt rendu le 29 janvier 1985 dans l'affaire Cullet, les questions déférées par le tribunal de grande instance d'Orléans appellent les réponses suivantes :

    « 1)

    Les articles 3, sous f), et 5 du traité CEE ne s'opposent pas à une réglementation nationale prévoyant la fixation par les autorités nationales d'un prix minimal pour la vente au détail des carburants.

    2)

    L'article 30 du traité CEE s'oppose à une telle réglementation lorsque le prix minimal est déterminé à partir des seuls prix de reprise des raffineries nationales et que ces prix de reprise sont liés au prix plafond calculé sur la base des seuls prix de revient des raffineries nationales dans l'hypothèse où les cours européens de carburants s'écartent de plus de 8 % de ces derniers.

    3)

    Il n'a pas été démontré que l'une quelconque des dispositions de l'article 36 du traité CEE était applicable de manière à délier une telle réglementation de l'interdiction énoncée à l'article 30 du traité. »

    Il appartient à la juridiction nationale de statuer sur les frais des parties au principal. Il n'y a pas lieu de statuer sur les frais de la République française et de la Commission.


    ( *1 ) Traduit de l'anglais.

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