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Document 61984CC0144

    Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 14 février 1985.
    Claudia De Angelis contre Commission des Communautés européennes.
    Fonctionnaire - Lieu d'origine.
    Affaire 144/84.

    Recueil de jurisprudence 1985 -01301

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1985:80

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    M. MARCO DARMON

    présentées le 14 février 1985

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1. 

    Mme Claudia Bautz, épouse De Angelis, défère à votre censure la décision du 9 août 1983 par laquelle la Commission des Commnunautés européennnes a refusé de fixer à Ischia (Italie) son lieu d'origine au sens des articles 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut et 2, paragraphe 2, de la décision du 15 juillet 1980 prise pour l'application de ce texte.

    L'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut dispose que:

    « Le lieu d'origine du fonctionnaire est déterminé, lors de l'entrée en fonctions de celui-ci, compte tenu du lieu de recrutement ou du centre de ses intérêts... »

    L'article 2, paragraphe 2, de la décision du 15 juillet 1980 prise pour son application prévoit que :

    « ..., on entend:

    par lieu de recrutement, l'endroit où le fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de son recrutement...

    par centre d'intérêts, le lieu où le fonctionnaire conserve:

    a)

    ses attaches principales de nature familiale;

    b)

    des attaches patrimoniales représentées par des biens immobiliers bâtis;

    c)

    ses intérêts essentiels de nature civique aussi bien actifs que passifs.

    Au cas où les trois critères visés sous a), b) et c) ne sont pas réunis au même lieu, le centre d'intérêts du fonctionnaire est considéré comme se trouvant au lieu où au moins deux de ces trois critères sont réunis... »

    2. 

    Mme Claudia Bautz épouse en 1969 M. Francesco De Angelis. Les époux demeurent alors à Ischia. Le 1er avril 1970, M. De Angelis est nommé fonctionnaire au Conseil des Communautés européennes et affecté à Bruxelles où les époux fixent leur nouvelle résidence. Le 1er décembre 1982, Mme De Angelis est nommée fonctionnaire à la Commission des Communautées européennes et affectée au siège de Bruxelles.

    Le 11 avril 1983, se prévalant des attaches patrimoniales et des intérêts essentiels de nature civique la liant à Ischia, Mme De Angelis demande à la Commission que son lieu d'origine y soit fixé.

    Pour rejeter cette demande, la Commission, qui ne conteste pas les « intérêts civiques » de Mme De Angelis, oppose à celle-ci le fait qu'elle ne justifierait pas d'« attaches patrimoniales représentées par des biens immobiliers bâtis ».

    Vous aurez donc, pour statuer sur le présent recours, à interpréter la disposition contenue à l'article 2, paragraphe 2, deuxième tiret, sous b), de la décision précitée du 15 juillet 1980.

    3. 

    Au soutien de sa requête, Mme De Angelis fait valoir:

    qu'avant le mariage, son mari avait acquis à Ischia un terrain sur lequel il avait ériger un immeuble;

    que les époux, pour y passer leurs vacances avec leurs trois enfants, ont agrandi et aménagé cet immeuble grâce, d'une part, aux économies qu'ils ont réalisées au cours de la vie commune, d'autre part, à un emprunt qu'ils ont conjointement souscrit;

    qu'elle possède, dès lors, sur cet immeuble, des droits appréciables en argent;

    qu'elle rapporte donc la preuve qu'elle conserve effectivement à Ischia des attaches patrimoniales concrétisées dans des biens immobiliers bâtis.

    Pour conclure au rejet de cette requête, la Commission expose:

    que, pour satisfaire à la condition prévue sous b), le fonctionnaire doit être titulaire d'un droit réel, droit de propriété ou d'usufruit, sur le bien immobilier considéré, et non d'un simple droit personnel;

    qu'en effet la finalité du texte présuppose l'existence d'attaches patrimoniales « permanentes » entre le fonctionnaire et le bien immobilier et ne saurait se satisfaire d'un droit de créance que le fonctionnaire pourrait établir à sa guise par une simple location dans un pays de son choix afin d'obliger la Commission à y fixer son lieu d'origine;

    que, pour des raisons de sécurité juridique, le critère servant à déterminer le lieu d'origine doit être objectif et non pas subjectif.

    A quoi la requérante réplique:

    que cette interprétation, trop restrictive, ajoute au texte dont la formulation générale démontre la finalité: permettre au fonctionnaire d'invoquer, à l'appui de sa demande, tout rattachement à un immeuble prouvant la réalité des liens avec le « lieu d'origine »;

    que ce texte doit donc être interprété en examinant, cas par cas, si le fonctionnaire concerné a ou non entendu établir avec le « lieu » désigné des attaches permanentes.

    4. 

    La reconnaissance d'un lieu d'origine distinct du lieu de recrutement offre à celui qui l'obtient le bénéfice de frais de voyage, calculés forfaitairement, du lieu d'affectation au lieu d'origine, dus en l'espèce deux fois par année civile en raison de la distance ( 1 ) et également, pour le congé annuel pris au lieu d'origine, d'un délai de route qui, dans ce cas, serait de cinq jours ( 2 ). On comprend, en conséquence, qu'un contrôle soit exercé afin de s'assurer de la réalité du lieu d'origine, donc que des critères aussi précis que possible servent à le déterminer.

    Force est de constater que le texte prévoyant, en guise de critère, « des attaches patrimoniales représentées par des biens immobiliers bâtis » ne précise pas que lesdites attaches doivent consister en un droit réel du fonctionnaire concerné sur le bien en question.

    On est donc conduit à ne pas exclure a priori du bénéfice des dispositions en cause celui qui peut justifier d'attaches patrimoniales existant sous la forme d'un droit personnel. De telles attaches, même sous cette forme, peuvent manifester l'existence d'un lien permanent qui sera apprécié cas par cas. On ne saurait, à cet égard, faire sien l'argument de la Commission selon lequel on risquerait ainsi d'aboutir à une situation « incontrôlable et partant inacceptable », dans laquelle le fonctionnaire, par une simple location, obligerait la Commission à fixer son lieu d'origine à l'endroit de son choix. Outre la règle « fraus omnia corrumpit» qui permettrait de déjouer de telles manœuvres, il convient de rappeler que le lien immobilier ne saurait, à lui seul, éterminer le lieu d'origine et qu'il faut, pour y parvenir, justifier d'au moins une seconde condition, familiale ou civique.

    Le refus opposé par la Commission à la requête de l'intéressée ne nous paraît donc pas justifié.

    5. 

    Nous concluons, en conséquence, à ce que:

    vous annuliez la décision explicite de rejet du 9 août 1983 opposée à la demande introduite le 11 avril 1983 par la requérante;

    vous mettiez à la charge de la Commission tous les dépens du présent recours.


    ( 1 ) Articles 7 et 8 de l'annexe VII du statut.

    ( 2 ) Article 7, alinéas 1 et 3, de l'annexe V du sutut.

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