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Document 61984CC0101
Opinion of Mr Advocate General Darmon delivered on 21 May 1985. # Commission of the European Communities v Italian Republic. # Failure of a Member State to fulfil its obligations - Statistical returns in respect of carriage of goods by road. # Case 101/84.
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 21 mai 1985.
Commission des Communautés européennes contre République italienne.
Manquement d'État - Relevé statistique des transports de marchandises par route.
Affaire 101/84.
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 21 mai 1985.
Commission des Communautés européennes contre République italienne.
Manquement d'État - Relevé statistique des transports de marchandises par route.
Affaire 101/84.
Recueil de jurisprudence 1985 -02629
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1985:218
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. MARCO DARMON
présentées le 21 mai 1985
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. |
La Communauté économique européenne développe progressivement une politique commune des transports en vertu des dispositions des articles 74 et suivants du traité CEE. Pour ce faire, il importe qu'elle soit en mesure d'évaluer avec précision le volume des transports dans la Communauté. Selon l'article 213 du traité, la Commission peut recueillir toutes informations nécessaires dans les limites et conditions fixées par le Conseil. C'est à cette fin qu'a été promulguée la directive 78/546 du conseil, du 12 juin 1978, «relative au relevé statistique des transports de marchandises par route dans le cadre d'une statistique régionale », afin, comme le précise son premier considérant, de permettre « une meilleure connaissance de l'ampleur et de l'évolution des transports de marchandises par route effectués à l'aide de véhicules immatriculés dans la Communauté ». Cette directive impose aux États membres les obligations suivantes:
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2. |
C'est d'un manquement reproché à la République italienne quant aux obligations lui incombant en vertu de la directive précitée que vous avez à connaître. Il est fait grief à cet État par la Commission d'avoir omis de procéder au relevé statistique des transports de marchandises par route selon les modalités prévues par la directive. La Commission expose que le gouvernement de la République italienne:
L'État défendeur fait valoir que le centre de traitement des données de son ministère des Transports (Centro elaborazione dati) a fait l'objet d'un attentat avec destruction du fichier et des données déjà archivées, base d'obtention des échantillons nécessaires aux relevés statistiques. Il fallait donc reconstituer ces archives. La République italienne précise que cette mission a été confiée, en ce qui concerne les transports nationaux pour compte de tiers, à une entreprise spécialisée, mais qu'il importe encore de corriger les données recueillies, ce qui demande plus de temps que prévu. Il résulte des questions posées au cours de la procédure écrite au gouvernement italien :
La République italienne soutient que cet état de fait résulte de la force majeure, et plus particulièrement des « difficultés objectives » qui lui sont consécutives. Par lettre du 8 juin 1982 adressée au ministre italien des Affaires étrangères, la Commission a expressément reconnu que l'attentat était un événement caractéristique de la force majeure. Elle fait valoir devant vous que la carence du gouvernement italien ne résulte pas seulement de ces difficultés incontestables qui en sont la conséquence, mais aussi du « comportement d'une administration publique qui, à la suite d'un événement, certes imprévu et imprévisible, n'a pas démontré qu'elle était en mesure de remédier à la situation en recourant à la diligence normale dont l'administration doit faire preuve en toute circonstance » et que rien ne justifie que les difficultés alléguées subsistent cinq ans après l'attentat. Elle rappelle que, courant 1979, le ministère italien des Transports avait assuré que le premier relevé des transports nationaux serait effectué à compter de janvier 1980, que, malgré les assurances données, aucune des échéances successivement annoncées n'a été respectée et que, courant 1981, ont été en outre allégués en guise de justification une saturation du centre de calcul et un manque de personnel. |
3. |
Matériellement parlant, le manquement reproché à l'État défendeur n'est pas contesté. Il est néanmoins constant qu'à la date de l'audience il n'était pas encore satisfait aux obligations mises à sa charge par la directive. Il résulte des termes mêmes du traité que les États membres sont, en ce qui concerne l'application des directives communautaires, soumis à une obligation non de moyens mais de résultat. Selon l'article 5, alinéa 1, du traité, en effet, « les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa mission ». L'article 189, alinéa 3, dispose en outre que « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». L'article 10, précité, de la directive rappelle la nature de cette obligation, fixant en outre la date limite de son exécution. Celui sur qui pèse une obligation de résultat doit, en cas d'inexécution, établir que cette dernière est et demeure imputable à un événement imprévisible et insurmontable. Nul ne songe à contester que la destruction des archives de données statistiques est un tel événement constitutif de la force majeure. Le ministère italien des Transports en a informé les services communautaires compétents par lettre du 18 janvier 1979. L'attentat s'est donc produit fin 1978 ou début 1979. Dans la période qui a suivi immédiatement sa survenance, il ne pouvait être exigé de la République italienne qu'elle satisfasse à son obligation. Aussi bien, la Commission, faisant usage de son pouvoir d'appréciation, a accordé en fait un délai de trois années à l'État défendeur avant d'engager à son encontre la procédure de manquement en vertu de l'article 169 du traité. Elle était fondée à le faire: en effet, la survenance de l'attentat qui justifie que l'obligation mise à la charge de l'État membre concerné n'ait pas été exécutée au moment même de l'entrée en vigueur de la directive n'a pu avoir pour effet ni d'affranchir définitivement cet État de son obligation ni de lui transférer le pouvoir d'en fixer de façon discrétionnaire les délais de mise en oeuvre. Vous avez déjà jugé, en ce qui concerne l'importance du respect de tels délais, « ... que l'exacte application d'une directive est d'autant plus importante que les mesures d'exécution sont laissées à la discrétion des États membres et que, faute d'atteindre dans les délais fixés les objectifs visés, de tels actes seraient privés d'efficacité; que si, à l'égard des États membres destinataires, les dispositions d'une directive ont un effet non moins contraignant que celui d'une autre règle de droit communautaire, un tel effet appartient à plus forte raison aux dispositions relatives aux délais pour la mise en œuvre des mesures prévues... » (affaire 52/75, Commission/Italie, arrêt du 26 février 1976, Rec. p. 277, point 10, p. 284). Le problème qui se pose est dès lors de savoir si le gouvernement italien, qui, nous l'avons rappelé, était dans l'impossibilité de se conformer immédiatement aux délais fixés par la directive en raison de l'attentat précité, peut encore, six ans après sa survenance et devant votre Cour, se prévaloir de cet événement pour justifier le défaut persistant d'exécution de l'obligation mise à sa charge. Nous ne le croyons pas. Un empêchement, aussi grave soit-il, ne peut être indéfiniment invoqué. En tout état de cause, après un certain délai, il ne peut l'être que par les voies appropriées telles que vous les avez vous-mêmes définies. Vous avez, en effet, jugé que « si le délai pour la mise en œuvre d'une directive s'avère trop court, la seule voie compatible avec le droit communautaire consiste, pour l'État membre intéressé, à prendre, dans le cadre communautaire, les initiatives appropriées en vue d'obtenir que soit arrêtée, par l'institution communautaire compétente, la prorogation nécessaire du délai » (affaire 52/75, précitée, Rec. 1976, p. 285, point 12). Une telle initiative eût permis à cette institution d'apprécier s'il existait ou non encore en l'espèce un obstacle dirimant consécutif à l'attentat. Les exemples ne manquent pas, en effet, de directives du Conseil prorogeant, à la demande d'un État membre, les délais initialement prévus pour la mise en oeuvre d'une directive. Le gouvernement italien n'a pas prétendu avoir présenté une telle demande. Faute par lui de l'avoir fait, il doit être considéré comme ayant manqué aux obligations mises à sa charge par la directive précitée. |
4. |
En conséquence, nous concluons à ce que vous déclariez:
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