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Document 61982CC0129

    Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 25 octobre 1984.
    Charles Lux contre Cour des comptes des Communautés européennes.
    Fonctionnaire - Nomination dans le grade.
    Affaires jointes 129 et 274/82.

    Recueil de jurisprudence 1984 -04127

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1984:328

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

    PRÉSENTÉES LE 25 OCTOBRE 1984 ( 1 )

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1. Introduction

    Le requérant, M. Charles Lux, demande à la Cour d'annuler la décision de la Cour des comptes du 20 janvier 1982, par laquelle il a été nommé au grade A 5, échelon 3. Il estime que sur la base des décisions internes générales de la Cour des comptes relatives aux critères de nomination, arrêtées respectivement les 21 février et 12 juin 1980, il aurait dû être nommé au grade A 4.

    La nomination du requérant est la conséquence de sa participation avec succès au concours interinstitutionnel (CC/A/3/80) en vue de pourvoir à un emploi de la carrière A 5/4 au service juridique de la Cour des comptes. Initialement, il avait été nommé, par décision du 9 septembre 1980, au grade A 5, échelon 2. Il a introduit une réclamation contre cette décision, conformément à l'article 90, paragraphe 2, du statut, parce que sa nomination avait été basée à tort sur l'article 46 du statut, et non sur la décision interne générale du 21 février 1980. Le président de la Cour des comptes, agissant en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination, a fait savoir au requérant, le 18 décembre 1981, qu'il aurait effectivement dû être nommé sur la base de la décision interne du 21 février 1980. Après un examen plus approfondi de l'application de ladite décision interne, la nomination du requérant du 9 septembre 1980 a été annulée par la décision précitée du 20 janvier 1982, et il a été nommé cette fois au grade A 5, échelon 3, avec référence expresse à la décision interne du 21 février 1980. C'est contre la décision du 20 janvier 1982 que le requérant a formé le présent recours.

    2. Fondement juridique de décisions

    Les textes importants pour la présente affaire sont l'article 31 du statut et les décisions internes de la Cour des comptes du 21 février 1980, du 12 juin 1980 et, dans une moindre mesure, du 3 décembre 1981.

    En tant que de besoin ici, l'article 31 se lit comme suit:

    «1.

    Les candidats ainsi choisis sont nommés:

    fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique: au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre;

    ...

    2.

    Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions ci-dessus dans les limites suivantes:

    ...

    b)

    pour les autres grades [autres que A 1, A 2, A 3 et LA 3], à raison:

    d'un tiers s'il s'agit de postes rendus disponibles,

    de la moitié s'il s'agit de postes nouvellement créés,

    ...»

    La décision interne relative aux critères de nomination du 21 février 1980 se lit comme suit:

    «Décision relative aux critères de classement et de nomination du personnel

    La Cour des comptes des Communautés européennes,

    vu le statut des fonctionnaires, notamment les articles 2, 5, paragraphe 3, 29, 30, 31 et 32...;

    vu la décision de la Cour relative à la politique du personnel en date du- 25 avril 1979;

    considérant qu'il y a lieu d'établir des critères de classement égaux pour les agents d'une même catégorie ou d'un même cadre;

    arrête la présente décision :

    Article 1er

    Classement au grade de base de la carrière de base d'une catégorie

    En règle générale, l'autorité investie du pouvoir de nomination nomme le candidat lauréat d'un concours au grade de base de la carrière de base de sa catégorie ou de son cadre.

    Article 2

    Nomination dans un grade autre que le grade de base

    Par dérogation à l'article 1er, l'AIPN peut procéder à la nomination dans un grade autre que le grade de base de la carrière de base de sa catégorie ou de son cadre, à condition que l'intéressé justifie d'une expérience professionnelle minimale de:

    pour la catégorie A/LA:

    moins de

    4 ans pour le grade A 7/LA 7

     

    4 ans pour le grade A 6/LA 6

     

    6 ans pour le grade A 5/LA 5

     

    10 ans pour le grade A 4/LA 4

     

    15 ans. pour le grade A 3/LA 3

    ...»

    La décision du 12 juin 1980 déclare ce qui suit:

    ...

    «1.

    Les critères de classement dans le grade et l'échelon établis par la Cour et exposés dans le document 8/80 Rév. 1 resteront en vigueur jusqu'à ce que les nominations à effectuer à la suite des concours internes aux institutions actuellement en cours auront été prononcées. Dès que ces opérations seront terminées [date à établir par l'AIPN], les critères exposés dans le document 8/80 Rév. 1 seront amendés ou complétés par les dispositions suivantes qui, d'ailleurs, sont d'application dès aujourd'hui aux agents temporaires qui seront sélectionnés...

    2.

    ...

    3.

    La nomination immédiate en A 4 et en A 6, tant en ce qui concerne les agents permanents que les agents temporaires, ne sera prononcée que dans des circonstances exceptionnelles, à justifier cas par cas, par référence aux fonctions à occuper. Les grades supérieurs [A4 et A 6] des carrières A 5/4 et A 6/7 sont en principe réservés pour des promotions...»

    La nouvelle politique, annoncée dans la décision citée en dernier lieu, de nommer seulement dans des circonstances exceptionnelles au grade supérieur d'une carrière a été inscrite ensuite dans la décision générale relative aux nominations du 3 décembre 1981. L'article 3 de cette décision se lit comme suit:

    «1.

    Par dérogation à l'article 1er, l'AIPN peut, dans des circonstances exceptionnelles justifiées par référence à l'emploi à pourvoir, procéder à la nomination dans le grade supérieur des carrières de base et des carrières intermédiaires, à condition que l'intéressé justifie d'une expérience professionnelle au sens de l'article 2, paragraphe 2, d'une durée minimale de 10 ans pour les grades A 4 et LA 4.

    ...»

    3. Moyens invoqués par les parties

    Le requérant se fonde notamment sur la décision interne relative aux nominations du 21 février 1980, à laquelle la décision litigieuse de nomination du 20 janvier 1982 renvoie expressément. Il estime que sur la base de la décision interne précitée, toutes les nominations ont été effectuées dans le grade supérieur d'une carrière. Cette politique générale a été adoptée parce que la Cour des comptes était une nouvelle institution, qui devait se doter des effectifs nécessaires. Lorsque ce but a été atteint, les nominations dans le grade supérieur ont été limitées aux cas exceptionnels, eu égard aussi à la fonction à exercer. Ce changement dans la politique de nomination ressort de la décision du 21 juin 1980, dans la mesure où il ne s'agit pas de procédures de concours non encore terminées, de même qu'il apparaît aussi clairement de la décision du 3 décembre 1981. Le requérant prétend que le 1er août 1980, il remplissait la condition relative à l'expérience de dix ans requise pour être nommé au grade A 4. Pour autant que sa nomination au grade A 4 ne résulte pas déjà directement de la décision interne, elle doit être fondée sur le principe d'égalité.

    La Cour des comptes admet qu'en application de la décision du 21 février 1980, presque toutes, sinon toutes les nominations ont été effectuées dans le grade supérieur d'une carrière. Il faut toutefois distinguer deux phases. La première, qui s'est terminée le 1er avril 1980, visait à doter la nouvelle institution de collaborateurs très qualifiés. Ce but a été réalisé au moyen de concours internes. Dès qu'il a été atteint, les nominations ont en principe, au cours de la phase suivante, soit à partir d'août 1980, eu lieu dans le grade de base, sauf cas exceptionnels. Selon la Cour des comptes, la nomination du requérant est intervenue dans la deuxième phase de la décision relative aux nominations, puisqu'elle date de septembre 1980. En outre, une obligation de nommer l'intéressé au grade A 4 en vertu de la décision interne serait contraire au pouvoir discrétionnaire de l'autorité investie du pouvoir de nomination, qui est fondé sur l'article 31, paragraphe 2, du statut. Cela montre qu'il doit s'agir de situations exceptionnelles. La défenderesse fait valoir que d'après votre jurisprudence, la décision interne ne peut pas enfreindre les règles du statut.

    4. Appréciation des moyens

    Nous pensons que la solution de la présente affaire est contenue dans la réponse à la question que la Cour a posée à la Cour des comptes au cours de la procédure orale. Vous avez demandé dans quel groupe et dans quelle phase la la nomination du requérant devait être située. Après la réponse documentée à cette question, que la défenderesse a fournie à la Cour après l'audience par lettre du 6 juin, le point de vue initial de la défenderesse, selon lequel cette nomination se situe dans la deuxième phase, ne peut plus être maintenu. Il s'ensuit, à notre avis, que la nomination de l'intéressé doit effectivement être basée sur la décision du 21 février 1980. En premier lieu, la décision de nomination litigieuse du 20 janvier 1982 y renvoie elle-même expressément. En deuxième lieu, cette analyse se déduit de la décision du 12 juin 1980, qui dit que les critères de classement, instaurés le 21 février 1980, resteront en vigueur «jusqu'à ce que les nominations à effectuer à la suite des concours internes aux institutions actuellement en cours auront été prononcées. Dès que ces opérations seront terminées [date à établir par 1'AIPN] les critères exposés... seront amendés...».

    Il ressort des éléments communiqués que différentes phases du concours interne aux institutions se sont déroulées avant le 12 juin et qu'à cette date ce concours faisait donc partie des procédures en cours, pour lesquelles la décision du 12 juin déclarait expressément que les critères, instaurés le 21 février 1980, étaient encore applicables. Les actes de candidature devaient être introduits avant le 5 mai. Le jury a établi son rapport final le 10 juin. L'autorité investie du pouvoir de nomination a reçu ce rapport le 12 juin. La décision de nomination est ensuite intervenue le 9 septembre 1980.

    Ce qui précède montre très clairement, à notre avis, que selon la décision du 12 juin aussi, la nomination du requérant à la suite du concours général interne aux institutions CC/A/3/80 aurait dû intervenir sur la base des critères internes de nomination instaurés le 21 février 1980.

    La défenderesse n'a pas contesté que le requérant remplissait la condition relative à l'expérience professionnelle d'au moins dix ans requise pour pouvoir être nommé au grade A 4 en vertu de la décision interne. Elle n'a pas non plus prétendu que les critères de nomination précités violeraient l'article 31, paragraphe 2.

    Enfin, il faut se demander si le requérant peut se prévaloir de la décision interne du 21 février, eu égard à l'article 31 du statut. La Cour des comptes ne lui conteste pas ce droit, mais elle soutient qu'il ne peut en tirer aucun avantage, en raison du pouvoir discrétionnaire dont l'autorité investie du pouvoir de nomination dispose en vertu de l'article 31.

    La Cour a déjà jugé, dans une jurisprudence devenue entre-temps constante, qu'une décision interne établit une règle de conduite pour la pratique à suivre, dont l'administration ne saurait s'écarter sans indiquer ses motifs, sous peine de violation du principe d'égalité (voir récemment l'arrêt dans l'affaire 343/82, Michael, du 1. 12. 1983). Le considérant unique de la décision interne qui est applicable en l'espèce justifie du reste les critères de classement, instaurés par cette décision, en se fondant sur le principe d'égalité.

    Nous avons déjà démontré plus haut que l'argument de la défenderesse, selon lequel elle s'est écartée de la décision interne du 21 février parce que la nomination du requérant se situait dans la deuxième phase, n'est pas défendable. Ensuite, la défenderesse ne peut pas soutenir qu'à partir d'avril ou d'août 1980, on était entré dans la deuxième phase, car la décision du 12 juin dit expressément le contraire en ce qui concerne les procédures de concours internes aux institutions encore en cours.

    On n'a pas prétendu qu'il était contraire à l'article 31 d'effectuer toutes les nominations, au cours de la première phase, dans le grade supérieur lorsque les conditions relatives à l'expérience professionnelle, prévues à cet effet, étaient remplies. Vous ne devez donc pas, selon nous, vous prononcer sur ce point. La question qui se pose est de savoir si une nomination du requérant sur la base de la décision interne serait contraire à l'article précité du statut. A l'appui de cette thèse, la défenderesse a voulu se prévaloir de votre jurisprudence dans les affaires 33/67 (Kurrer, Recueil 1968, p. 194) et 102/75 (Petersen, Recueil 1976, p. 1777). Ces affaires montrent effectivement que la nomination dans le grade supérieur d'une carrière doit être l'exception à la règle générale selon laquelle les fonctionnaires de la catégorie A sont nommés au grade de base de leur catégorie. Le contexte des deux affaires montre toutefois, à notre avis, que la défenderesse ne saurait tirer argument de cette jurisprudence. Dans la première d'entre elles, le requérant faisait grief à l'autorité investie du pouvoir de nomination d'avoir ouvert le concours directement non pas au niveau du grade A 5, mais au niveau du grade A 4. La Cour a jugé qu'une telle nomination exceptionnelle était justifiée par les besoins spécifiques du service, pour redresser une composition manifestement déséquilibrée.

    Dans la deuxième affaire, il s'agissait d'un requérant qui avait eu connaissance des critères internes de nomination après sa nomination. La Cour a jugé entre autres que ces critères laissaient l'autorité investie du pouvoir de nomination libre dans ses décisions de nomination. Les critères en question eux-mêmes faisaient apparaître clairement en l'espèce qu'il s'agissait de situations exceptionnelles.

    Par contre, dans l'affaire dont vous êtes saisis maintenant, les critères établis dans la décision interne du 21 février 1980 sont formulés de telle sorte que si la condition, prévue dans cette décision, de pouvoir justifier d'une expérience professionnelle d'au moins dix ans est remplie, les nominations peuvent encore se faire dans le grade A 4, possibilité qui a d'ailleurs toujours été utilisée, sauf dans le cas du requérant. Il n'est pas contesté que le requérant avait l'expérience professionnelle requise pour être nommé au grade A4. Les décisions des 12 juin 1980 et 3 décembre 1981 confirment que la politique libérale, appliquée initialement et qui était applicable en l'espèce sur la base de la décision interne du 21 février 1980, avait un caractère transitoire et exceptionnel, qui se justifiait par la nécessité de mettre en place une nouvelle institution.

    En conclusion, nous estimons que la décision litigieuse de nomination du 20 janvier 1982 doit être annulée, étant donné qu'elle a été prise en violation du texte applicable de la décision interne du 21 février 1980 et du principe général d'égalité, sur lequel cette décision était précisément fondée, ainsi qu'il est dit dans son considérant introductif.


    ( 1 ) Traduit du néerlandais.

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