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Document 61981CC0227

Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 29 avril 1982.
Francis Aubin contre Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et Association pour l'emploi dans les industries et le commerce des Yvelines (ASSEDIC).
Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France.
Affaire 227/81.

Recueil de jurisprudence 1982 -01991

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1982:132

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

PRÉSENTÉES LE 29 AVRIL 1982 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Par un arrêt de renvoi inscrit au registre de la Cour le 3 août 1981, la Chambre sociale de la Cour de cassation française vous a soumis, conformément à l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation du règlement no 1408/71 du 14 juin 1971 (JO L 149 du 5. 7. 1971). Ces questions sont posées dans le cadre d'un litige opposant M. Francis Aubin, de nationalité française, à l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ci-après l'UNEDIC) et à l'Association pour l'emploi dans les industries et le commerce des Yvelines (ci-après l'ASSEDIC des Yvelines). Ces deux organismes sont chargés de la gestion des allocations de chômage en France.

Ainsi qu'il arrive souvent, l'arrêt de renvoi ne rapporte pas les faits de la présente affaire. Nous pensons que, dans des demandes présentées à titre préjudiciel en application de l'article 177, il serait souhaitable, et cela devrait être considéré comme étant de bonne pratique, que les juridictions nationales exposent succinctement et clairement les faits essentiels qui sont à l'origine des questions de droit. A cet effet un chapitre intitulé «les Faits» devrait être inséré, à notre avis, dans la demande préjudicielle. Ces derniers seraient établis par la juridiction de renvoi ou, si celle-ci n'a pas compétence pour établir les faits ou des présomptions de fait, par la juridiction de rang inférieur qui est compétente en dernière instance sur les questions de fait. De cette manière, la Cour serait mieux à même d'apprécier la portée des questions qui lui sont soumises et mieux à même d'aider la juridiction nationale en se prononçant sur ces dernières.

D'après les informations qui ont pu être recueillies dans le dossier de l'affaire et à l'audience publique, les faits sont les suivants. M. Aubin a toujours vécu et travaillé en France jusqu'en septembre 1970, époque à laquelle il a accepté un poste à Bruxelles que son employeur lui avait offert. Il y a vécu avec sa famille jusqu'en décembre 1972. A cette date, il a pris un nouvel emploi en France, auprès d'un autre employeur. Il a gardé son domicile en Belgique où sa famille est restée «à titre provisoire». En août 1973, il est passé au service d'un nouvel employeur, cette fois dans le département des Yvelines. Il a été licencié le 25 février 1975.

En mars 1975, il s'est enquis de la marche à suivre pour obtenir le versement des allocations de chômage. L'inspecteur du travail des Yvelines l'a informé que, son domicile et sa famille se trouvant en Belgique, il lui appartenait de s'inscrire comme demandeur d'emploi auprès des autorités de ce pays, lesquelles lui paieraient les allocations correspondantes. M. Aubin s'est alors adressé aux autorités belges. Celles-ci lui ont demandé de produire certains documents qu'aux dires de M. Aubin, les autorités françaises ont refusé de lui fournir, sous prétexte qu'ils ne s'appliquaient pas à sa situation juridique. Le demandeur avance qu'en août 1975, les autorités belges ont pris une décision lui déniant le droit aux allocations de chômage au motif qu'il ne pouvait justifier d'avoir travaillé en Belgique pendant au moins un jour au cours de la période de dix-huit mois précédant la date de son licenciement, comme l'exige un arrêté royal belge du 20 décembre 1963. M. Aubin a alors demandé à l'ASSEDIC des Yvelines de lui verser les allocations en question. Cet organisme lui a opposé un refus en arguant de ce qu'il ne s'était pas inscrit comme demandeur d'emploi auprès de l'Agence pour l'emploi française. Il a été admis à l'audience que bien qu'il se soit renseigné sur la marche à suivre pour obtenir le versement des allocations de chômage, M. Aubin ne s'est à aucun moment inscrit comme demandeur d'emploi en France. Il a déclaré avoir été informé qu'il ne pouvait le faire. Le 1er octobre 1976, M. Aubin a de nouveau transféré son domicile en France où il avait trouvé un nouvel emploi.

Il a fini par engager une procédure devant le tribunal de grande instance de Paris en vue d'obtenir le paiement des allocations de chômage dues au titre de la législation française du 25 juin 1975 au 30 septembre 1976. Il a également demandé des dommages-intérêts. La Cour a été informée qu'il a en outre engagé un recours séparé contre l'administration française afin d'obtenir le paiement de dommages-intérêts au motif que des informations erronées lui avaient été fournies. Cette dernière action est pendante devant le tribunal administratif.

M. Aubin a assigné l'UNEDIC et l'ASSEDIC des Yvelines devant le tribunal de grande instance. Le tribunal a déclaré la demande irrecevable à l'égard de l'UNEDIC, cette dernière n'étant responsable que du contrôle administratif et de la coordination entre les divers régimes d'assurance et non pas du paiement des allocations. Il a déclaré mal fondé le recours engagé contre l'ASSEDIC des Yvelines au motif que M. Aubin n'avait pas démontré que l'ASSEDIC aurait mal interprété la réglementation pertinente. Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Paris.

L'affaire a ensuite été portée devant la Cour de cassation. Cette dernière a demandé à la Cour de justice de dire:

1.

si un ressortissant français, travaillant en France jusqu'à son licenciement, qui n'y était pas inscrit comme demandeur d'emploi, et qui résidait en Belgique où il avait demandé à être inscrit à ce titre, était en droit selon la réglementation communautaire d'obtenir le versement des allocations de chômage de l'institution compétente de l'État belge ou s'il était fondé à les réclamer aussi à celle de l'État français;

2.

si le fait qu'il se fût inscrit comme demandeur d'emploi en Belgique serait de nature à faire considérer comme remplie la condition exigée par la réglementation française tenant à ce que ce ressortissant soit inscrit à ce titre en France à l'Agence nationale pour l'emploi.

Il se peut, à notre avis, que le dernier mot de la première question («aussi ...») doive être interprété comme visant à savoir si le versement des allocations peut être demandé indifféremment dans l'un ou l'autre des deux pays. Au cas où il s'agirait de déterminer si le droit au versement des allocations peut être invoqué cumulativement dans les deux pays, la réponse serait évidemment négative.

Le règlement no 1408/71 du Conseil a arrêté à son article 12, paragraphe 1, une règle générale de non-cumul de prestations. Mis à part un certain nombre d'exceptions qui ne concernent pas le cas d'espèce, cet article dispose que «le présent règlement ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d'assurance obligatoire». Le fait que cette disposition est applicable à la présente affaire est confirmé par l'article 84, paragraphe 2, du règlement no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement no 1408/71 (JO L 74 du 27. 3. 1972, p. 159). Ce texte arrête une procédure visant à prévenir le cumul des prestations par des travailleurs qui résident dans un Etat membre mais se sont portés demandeurs d'emploi dans un autre État membre. Au cours de l'audience, l'avocate de M. Aubin a précisé qu'elle ne prétendait pas que son client avait le droit de bénéficier des allocations de chômage dans les deux pays mais plutôt qu'il était habilité à faire valoir ce droit à l'égard des autorités françaises seulement.

A l'appui de sa prétention, elle a principalement invoqué l'article 13 du règlement no 1408/71. Le paragraphe 1 de cette disposition énonce le principe selon lequel un travailleur auquel le règlement est applicable n'est soumis qu'à la législation d'un seul État membre, laquelle législation est déterminée conformément aux dispositions suivantes du règlement. Sous réserve d'exceptions qui ne concernent pas le cas d'espèce, l'article 13, paragraphe 2, alinéa a), dispose notamment que «le travailleur occupé sur le territoire d'un État membre est soumis à la législation de cet État, même s'il réside sur le territoire d'un autre État membre ...»

Même à supposer (sous toute réserve) aux fins de la présente espèce que le principe énoncé à l'article 13, paragraphe 2, alinéa a), s'applique aux chômeurs, la discussion ne s'arrête pas là pour autant.

Le chapitre 6 du règlement traite plus spécifiquement du «chômage». La section 3 de ce chapitre est intitulée «chômeurs qui, au cours de leur dernier emploi, résidaient dans un État membre autre que l'État compétent». Ces personnes perçoivent les prestations selon les dispositions arrêtées à l'article 71, paragraphe 1, alinéa a), pour les travailleurs frontaliers et alinéa b) pour les travailleurs autres que les travailleurs frontaliers. Rien n'indique que M. Aubin ait été un travailleur frontalier, de sorte qu'il faut se demander si les dispositions de l'alinéa b) lui sont applicables. D'après l'alinéa b), i), un chômeur «qui demeure à la disposition de son employeur ou des services de l'emploi sur le territoire de l'État compétent bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État comme s'il résidait sur son territoire; ces prestations sont servies par l'institution compétente». Les notions d'«État compétent» et d'«institution compétente» sont définies à l'article premier du règlement. D'après l'alinea b), ii), un chômeur «qui se met à la disposition des services de l'emploi sur le territoire de l'État membre où il réside ou qui retourne sur ce territoire bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s'il y avait exercé son dernier emploi; ces prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence et à sa charge». Toutefois, si ce travailleur a été admis au bénéfice des prestations à charge de l'institution compétente de l'État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu, c'est cet État qui lui servira les prestations et son droit au bénéfice des prestations de l'État de sa résidence sera suspendu. En outre, s'il a droit à des prestations en vertu des dispositions de l'alinéa b), i), il ne peut prétendre aux prestations en vertu de la législation de l'État membre sur le territoire duquel il réside.

Il ne nous semble pas possible qu'un travailleur puisse prétendre tomber sous le coup des dispositions de l'article 13 (d'après lesquelles il est en droit de bénéficier des prestations de la législation de l'État membre dans lequel il était employé) et de celles de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), ii) (qui lui accordent le même droit dans l'État de sa résidence) avec une option entre les deux possibilités. Nous estimons que si les dispositions de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), i) ou ii), lui sont applicables, ce sont ces dernières qu'il faut retenir et la disposition générale de l'article 13 cède le pas devant les dispositions particulières de l'article 71. Il appartient au travailleur de faire les démarches nécessaires pour demeurer au sens de l'alinéa b), i), «à la disposition» des services de l'emploi de l'État compétent ou pour se mettre, au sens de l'alinéa b), ii), «à la disposition des services de l'emploi» de l'État où il réside. Cela étant fait, la question est réglée sauf que, s'il peut bénéficier des dispositions de l'alinéa b), i), il ne sera plus en droit d'invoquer l'alinéa b), ii), même si, en fait, il remplit les conditions posées dans cet alinéa.

Il est admis que l'État compétent au sens de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), i), est la France, pays dans lequel le demandeur était assuré au moment où il a demandé à bénéficier des allocations. En faveur de l'applicabilité de l'alinéa b), ii), de l'article 71, paragraphe 1, on a fait valoir le fait que le demandeur résidait en France à l'époque des faits et on a invoqué l'arrêt rendu par la Cour de justice dans l'affaire no 76/76, Di Paolo/Office national de l'emploi (Recueil 1977, p. 315). Cet arrêt fournit des éléments qui permettront de répondre à la question de fait et il pourrait être invoqué à l'appui de certains des moyens de M. Aubin. Toutefois, il s'agit là d'une question de fait sur laquelle il appartiendra à la juridiction nationale de statuer. En l'occurrence, l'arrêt de renvoi considère comme admis le fait que le travailleur résidait en Belgique et c'est de là qu'il faut partir pour la présente espèce.

La question est donc tout simplement de savoir si, s'étant inscrit au chômage en Belgique où il résidait, son cas relève de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), ii), ou si, ayant travaillé et cotisé en France sans y être inscrit comme demandeur d'emploi, il relève de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), i). La solution dépend du sens à donner aux termes «demeurer à la disposition» ou «se mettre à la disposition» des services de l'emploi concernés; il faut, semble-t-il, écarter l'hypothèse qu'il soit resté à la disposition de son précédent employeur. Les termes «for work» employés dans la version anglaise de l'alinéa b), ii), n'ajoutent rien au sens. Nous estimons qu'un travailleur «se met (demeure) à la disposition des services de l'emploi» en leur indiquant de façon suffisamment claire et en temps approprié qu'il est à leur disposition pour travailler dans l'État membre dont ces services relèvent. Sans doute l'article 69 distingue-t-il entre l'inscription comme demandeur d'emploi et le fait de rester à la disposition des services concernés mais les deux cas sont liés dans la mise en œuvre de cet article.

La façon normale de se mettre à disposition est de s'inscrire comme demandeur d'emploi. Par conséquent, lorsque M. Aubin s'est en l'espèce inscrit comme demandeur d'emploi en Belgique, il s'est mis à la disposition des services de l'emploi belges. Il nous semble inadmissible que la Cour se conforme à la suggestion qui a été faite et selon laquelle elle devrait statuer sur la question de savoir si cette inscription était dans les circonstances de l'espèce une simple formalité. Comme le fait la Cour de cassation, nous estimons qu'il faut considérer come établi le fait qu'il s'est inscrit.

Selon l'argumentation développée pour le compte de M. Aubin, le fait de se mettre à disposition ne doit pas exclusivement être apprécié en fonction de critères formels: c'est l'intention du travailleur qui est déterminante. On a dit que ce dernier voulait travailler en France et non pas en Belgique. Nous aurions tendance à admettre qu'un travailleur qui se présente en personne aux services de l'emploi d'un État membre pour se déclarer prêt, désireux et en mesure d'y accepter une offre d'emploi peut être considéré comme se mettant «à la disposition» des services de l'emploi, même si, pour une raison quelconque, il a été empêché de s'inscrire ou n'a pas été officiellement inscrit. Il nous semble cependant que l'argument invoqué dans la présente affaire par l'avocate de M. Aubin bute sur une objection décisive. La juridiction de renvoi n'a fourni aucun élément à la Cour qui permette de conclure que M. Aubin s'est présenté aux autorités françaises en qualité de demandeur d'amploi et non pas seulement pour solliciter les allocations de chômage. L'avocate de M. Aubin n'a pas prétendu qu'à l'époque des faits son client s'était présenté aux autorités françaises comme une personne cherchant un emploi en France.

Par conséquent, d'après les faits tels qu'ils résultent de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, l'intéressé s'est bien mis «à la disposition des services de l'emploi sur le territoire de État membre où il réside» au sens de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), ii), et ne peut être considéré comme étant demeuré«à la disposition des services de l'emploi de l'État compétent» au sens de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), i).

La Belgique n'est pas intervenue dans cette affaire de sorte que la Cour n'a pu entendre ses observations sur l'effet de l'arrêté royal qui exige au moins un jour travaillé au cours des dix-huit mois précédant la date de mise au chômage. En l'absence d'arguments en sens contraire, nous estimons que l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), ii), d'après lequel un travailleur bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l'État membre où il réside (et où il s'est mis à la disposition des services de l'emploi) «comme s'il y avait exercé son dernier emploi» doit être interprété en ce sens que le texte de l'arrêté litigieux est abrogé par les dispositions de droit communautaire ou que les exigences qu'il établit doivent être considérées comme satisfaites. Si tel n'était pas le cas, la législation des État membres pourrait aisément faire obstacle aux objectifs patents de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), ii).

Ce point de vue est confirmé par l'article 67, paragraphe 2, du règlement, selon lequel l'institution compétente d'un État membre dont la législation subordonne l'acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations à l'accomplissement de périodes d'assurance ou d'emploi accomplies sous la législation de tout autre État membre, comme s'il s'agissait de périodes d'emploi accomplies sous la législation qu'elle applique. L'application de cette règle aux cas relevant de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), ii), est clairement impliquée par l'article 67, paragraphe 3.

Quant à la deuxième question, on a prétendu que, pour que la libre circulation des travailleurs soit effective, une condition d'accès aux prestations qui est remplie dans un État membre doit être considérée comme remplie dans la même mesure dans un autre État.

Lorsque, comme dans le cas d'espèce, le travailleur est censé s'être inscrit comme demandeur d'emploi en Belgique, par erreur, mais sans qu'il y ait eu faute de sa part, on fait valoir le fait que cette inscription devait être assimilée à une inscription en France. Nous ne sommes pas convaincu qu'en l'absence de conflit avec le droit communautaire, de telles exigences posées par le droit national doivent être écartées, comme on l'a suggéré. A notre avis, il s'agit de savoir si la réglementation communautaire contient des dispositions sur lesquelles M. Aubin peut s'appuyer.

L'article 86 du règlement no 1408/71 a été invoqué. Selon cette disposition,

«Les demandes, déclarations ou recours qui auraient dû être introduits, en application de la législation d'un État membre, dans un délai déterminé auprès d'une autorité, d'une institution ou d'une juridiction de cet État sont recevables s'ils sont introduits dans le même délai auprès d'une autorité, d'une institution ou d'une juridiction correspondante d'un autre État membre. Dans ce cas, l'autorité, l'institution ou la juridiction ainsi saisie transmet sans délai ces demandes, déclarations ou recours à l'autorité, à l'institution ou à la juridiction compétente du premier État...»

Nous ne pensons pas que ces termes impliquent que l'inscription d'un travailleur comme demandeur d'emploi dans un État membre équivaut à l'inscription du même travailleur dans un autre État membre. L'article 86 est une disposition à caractère administratif dont l'objet est de faciliter certaines démarches au travailleur qui se trouve dans un État membre autre que celui auquel il doit s'adresser pour faire valoir ses droits et qui adresse sa demande aux autorités de l'État dans lequel il se trouve. Par conséquent, à l'instar de la disposition qu'il a remplacée (article 47 du règlement no 3 du 25. 9. 1958, JO 1958, p. 561), cet article ne «vise que le cas où le travailleur habite un État membre autre que celui dont la législation doit être appliquée» (affaire 40/74, Royaume de Belgique, Costers et Vounckx/Berufsgenossenschaft der Feinmechanik und Elektrotechnik, Recueil 1974, p. 1323, et notamment p. 1330). Cette disposition présume que l'État compétent est déjà identifié, et elle n'a aucune incidence dans la détermination du droit applicable. En d'autres termes, l'article 86 s'applique seulement aux demandes «qui auraient dû être introduites» auprès d'un État membre mais l'ont été auprès d'un autre. Il ne s'applique pas aux cas régis par l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), du règlement, où le travailleur aurait en tout état de cause pu se mettre à la disposition de chacun des deux États.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de répondre de la manière suivante aux questions posées par la Cour de cassation:

1)

Il résulte de l'article 71, paragraphe 1, alinéa b), du règlement no 1408/71 du Conseil qu'un travailleur, autre qu'un travailleur frontalier, employé dans un État membre (la France) jusqu'à son licenciement et qui se met à la disposition des services de l'emploi sur le territoire d'un autre État membre où il réside (la Belgique) bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s'il y avait exercé son dernier emploi. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer si le travailleur s'était réellement mis à la disposition des services de l'emploi dans le premier État membre et s'il résidait vraiment sur le territoire du second État membre.

2)

Lorsque la législation d'un État membre exige pour l'octroi de l'allocation de chômage qu'un travailleur soit inscrit comme demandeur d'emploi auprès d'une autorité nationale, cette condition n'est pas considérée comme remplie par le seul fait que le travailleur en question s'est inscrit comme demandeur d'emploi dans un autre État membre.


( 1 ) Traduit de l'anglais.

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