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Document 61981CC0015
Opinion of Mr Advocate General Rozès delivered on 16 December 1981. # Gaston Schul Douane Expediteur BV v Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen, Roosendaal. # Reference for a preliminary ruling: Gerechtshof 's-Hertogenbosch - Netherlands. # Turnover tax on the importation of goods supplied by private persons. # Case 15/81.
Conclusions de l'avocat général Rozès présentées le 16 décembre 1981.
Gaston Schul Douane Expediteur BV contre Inspecteur des droits d'importation et des accises, de Roosendaal.
Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Hertogenbosch - Pays-Bas.
Taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation de marchandises livrées par des particuliers.
Affaire 15/81.
Conclusions de l'avocat général Rozès présentées le 16 décembre 1981.
Gaston Schul Douane Expediteur BV contre Inspecteur des droits d'importation et des accises, de Roosendaal.
Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Hertogenbosch - Pays-Bas.
Taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation de marchandises livrées par des particuliers.
Affaire 15/81.
Recueil de jurisprudence 1982 -01409
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1981:304
CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS,
PRÉSENTÉES LE 16 DÉCEMBRE 1981
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Le Gerechtshof de Bois-le-Duc vous a saisis, par application de l'article 177 du traité de Rome, d'une demande de décision à titre préjudiciel concernant le problème de la taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation de marchandises livrées par des particuliers à l'intérieur du pays ou avec traversée d'une frontière. Les faits sont les suivants:
Par contrat passé à Cannes en 1978 ou au début de 1979, M. Giovanni Nanni, de nationalité suédoise, domicilié à Monaco, a vendu au comptant pour la somme de 365000 francs français à M. Han Van Zanten, de nationalité néerlandaise, domicilié à Vuren (Pays-Bas), un bateau de plaisance de plus de huit tonnes, marque «Nautor», construit en 1973-1974, avec titre de navigation et acte de francisation. Le bateau était livrable à quai à Cannes et il passait aux risques et périls de l'acheteur à compter du 15 février 1979.
Nous supposerons, pour les besoins de la cause, que M. Nanni a effectivement payé la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en France à l'achat de son bateau neuf (au taux majoré de 33 1/3 %) et qu'il n'a bénéficié d'aucune ristourne de TVA lorsqu'il a été exporté aux Pays-Bas. Nous supposons également que M. Van Zanten a bien reçu le titre de navigation et l'acte de francisation du bateau, bien que l'acte de vente n'indique pas leurs numéros.
Le 16 février 1979, M. Van Zanten a fait présenter à Wernhout (Pays-Bas), par l'intermédiaire de la société Gaston Schul, transitaire en douane, ce bateau destiné à son usage privé.
A cette occasion, l'administration fiscale néerlandaise a réclamé et perçu un montant de 31014 florins au titre de la taxe néerlandaise sur le chiffre d'affaires (TCA) au taux normal appliqué à l'intérieur du pays pour la livraison d'un bien de ce type (18 %, appliqué à 172300 florins, «valeur d'importation» du bien).
M. Van Zanten a protesté contre cette imposition en faisant valoir que le bateau avait déjà été grevé de la TVA à l'intérieur du marché commun — en France — et qu'il n'avait bénéficié d'aucune ristourne à l'exportation.
Cette réclamation ayant été rejetée au motif que la taxation avait été effectuée conformément aux dispositions de la loi néerlandaise de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d'affaires, la société Gaston Schul et M. Van Zanten ont saisi la cour de Bois-le-Duc en alléguant que l'imposition litigieuse est contraire aux dispositions, d'une part, de l'article 12 et, le cas échéant, de l'article 13 et, d'autre part, de l'article 95 du traité CEE.
Selon eux, la perception de la TCA à l'importation aux Pays-Bas a été effectuée en vertu de l'article 1 de la loi néerlandaise de 1968 qui met en oeuvre l'article 2 de la deuxième directive adoptée par le Conseil le 11 avril 1967 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires. Cette directive a été ensuite remplacée par la sixième, adoptée par le Conseil le 17 mai 1977 (système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme). Mais cette dernière directive serait contraire au traité à un double point de vue:
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d'une part, elle impose la perception d'une taxe à l'importation par un particulier dans un État membre d'un bien d'occasion acheté à un autre particulier dans un autre État membre; elle violerait donc les articles 12 et 13 du traité selon lesquels l'achat d'un bien d'occasion par un particulier à un autre particulier n'est grevé de TVA ni en France, ni aux Pays-Bas; |
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d'autre part, si la TCA perçue aux Pays-Bas relève bien d'un «système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement les produits nationaux et les produits importés», au sens de l'arrêt Simmenthal du 28 juin 1978 (Recueil 1978, p. 1455 et suiv.), elle n'aurait été perçue en l'espèce ni «selon les mêmes critères, ni au même stade de commercialisation des produits nationaux», au sens du même arrêt, puisque, au stade des ventes d'occasion aux Pays-Bas, les produits concernés ne sont pas soumis à TCA en cas de transaction de particulier à particulier. |
Même en admettant que la taxation à l'importation fût justifiée dans son principe, le bien aurait dû, conformément à l'article 96 du traité, bénéficier à l'exportation de France d'une ristourne d'imposition intérieure, égale à l'imposition dont il avait été frappé directement ou indirectement au titre de la TVA française. Or, la directive ne prévoirait aucune exonération en cas d'importation par un particulier dans un État membre d'un bien acheté à un autre particulier dans un autre État membre; elle serait donc illégale.
C'est dans ces conditions que la juridiction néerlandaise vous demande d'apprécier la validité de l'article 2, point 2, de la directive au regard des dispositions tant douanières (articles 12 et 13) que fiscales (articles 95 et suiv.) du traité. Nous allons successivement examiner ces deux aspects.
Mais il convient tout d'abord de préciser les limites de l'examen auquel vous convie la juridiction néerlandaise: il ne s'agit pas en effet d'apprécier dans l'absolu la validité de l'article 2, point 2, de la sixième directive, mais seulement au regard de la perception de la TCA à l'importation de marchandises d'occasion livrées de particulier à particulier, c'est-à-dire ce que l'on appelle les biens d'occasion «immatriculés».
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II — |
L'objectif de la sixième directive — comme d'ailleurs des articles 95, 96 et 97 — est d'instaurer la neutralité concurrentielle entre entreprises (article 3, sous f), du traité). A cet effet, son article 2, qui a remplacé l'article 2 de la seconde directive, et les législations nationales adoptées ou modifiées pour s'y conformer soumettent à la TVA:
Pour les échanges entre États membres comme pour les échanges avec les pays tiers, le système commun de TVA reste fondé sur le principe, résultant des pratiques internationales actuelles, de l'application de la fiscalité du «pays de destination», c'est-à-dire du pays de consommation. Ce principe est à l'origine des frontières fiscales qui subsistent à l'intérieur de la Communauté; l'importation, opération qui consiste à introduire des marchandises «à l'intérieur du pays», est imposable à la frontière, avec les aménagements apportés par l'article 14 de la directive et, à l'exportation, la détaxation s'effectue également à la frontière (articles 15 et 16). Vous avez vous-mêmes confirmé ce principe dans votre arrêt Carciati du 9 octobre 1980 (Recueil 1980, p. 2780): «En ce qui concerne l'interdiction imposée par un État membre aux personnes qui résident sur son territoire d'utiliser des véhicules importés temporairement en franchise, elle constitue un moyen efficace pour prévenir les fraudes fiscales et assurer que les taxes sont payées dans le pays de destination des biens» (no 10). La libre circulation des marchandises à l'intérieur du marché commun ne signifie nullement que celles-ci ne doivent pas être taxées dans le pays de destination: le seul principe que les États membres soient tenus de respecter à cet égard est l'interdiction de discrimination entre marchandises nationales et marchandises importées (article 95). Dans la généralité des cas, l'institution du système commun de TVA assure que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun; elle contribue ainsi à l'abolition des obstacles à la libre circulation et rend superflu le recours aux taux moyens prévus à l'article 97 avant l'instauration de ce système. Comme la TVA se traduit par une imposition des biens exactement proportionnelle à leur prix, l'application à la valeur des produits importés du taux dont ils sont passibles dans le pays d'importation assure l'égalité de traitement entre la production nationale et la production étrangère. De même, l'opération d'exportation étant elle-même exonérée, le remboursement à l'exportation de la taxe facturée à l'achat des produits exportés ou des produits nécessaires à leur fabrication aboutit à détaxer effectivement les ventes à l'étranger. Il subsiste cependant un certain nombre d'anomalies. C'est le cas pour les biens dits «d'occasion».
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