This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 61980CC0004
Opinion of Mr Advocate General Warner delivered on 16 September 1980. # Remo D'Amico v Office national des pensions pour travailleurs salariés. # Reference for a preliminary ruling: Tribunal du travail de Charleroi - Belgium. # Social security - Overlapping benefits. # Case 4/80.
Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 16 septembre 1980.
Remo D'Amico contre Office national des pensions pour travailleurs salariés.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Charleroi - Belgique.
Sécurité sociale - Cumul de prestations.
Affaire 4/80.
Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 16 septembre 1980.
Remo D'Amico contre Office national des pensions pour travailleurs salariés.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Charleroi - Belgique.
Sécurité sociale - Cumul de prestations.
Affaire 4/80.
Recueil de jurisprudence 1980 -02951
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1980:207
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN-PIERRE WARNER,
PRÉSENTÉES LE 16 SEPTEMBRE 1980 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs ies Juges,
La présente affaire a été portée devant la Cour par une demande de décision à titre préjudiciel présentée, conformément à l'article 177 du traité CEE, par le tribunal du travail de Charleroi. Le requérant dans l'instance principale est M. Remo D'Amico, ressortissant italien résidant en Belgique; le défendeur est l'Office national des pensions pour travailleurs salariés (l'ONPTS). Le litige qui les oppose concerne la pension de vieillesse de M. D'Amico.
Les faits de la cause sont les suivants.
M. D'Amico est né en Italie le 12 mars 1932. De mars 1947 (il avait alors quinze ans) à septembre 1952 (soit jusqu'à l'âge de vingt ans et demi), il a été employé en Italie comme travailleur agricole et il a acquitté durant cette période 194 semaines de cotisations au régime italien de sécurité sociale. Il a gagné ensuite la Belgique où il a travaillé en qualité de mineur de fond jusqu'au 5 juillet 1973. Il a cessé de travailler à cette date pour cause de maladie. Une pension d'invalidité belge lui a été servie au titre du régime spécial applicable aux mineurs, avec effet au 1er novembre 1973. Au même moment, il s'est vu accorder une pension d'invalidité italienne compte tenu des périodes d'assurance accomplies en Italie.
Le représentant ad litem de M. D'Amico a déclaré que son client avait droit à cette pension italienne du fait de la totalisation et de la proratisation des périodes d'assurance italienne et belge opérées conformément aux dispositions du règlement nos 1408/71 du Conseil, et qu'à défaut de ces dispositions, il n'aurait pu y prétendre. De son côté, le gouvernement italien a affirmé que M. D'Amico avait été affilié suffisamment longtemps en Italie pour avoir droit à une pension d'invalidité italienne en vertu du seul droit italien, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux dispositions du droit communautaire. Fort heureusement, nous ne pensons pas que la solution de ce problème soit fonction du point de savoir laquelle de ces deux assertions se trouve être exacte. Le représentant ad litem de M. D'Amico a également affirmé que le montant de la pension italienne perçue par ce dernier avait été retranché de sa pension d'invalidité belge en application de la réglementation belge interdisant le cumul des prestations.
Or, de nouveau, le problème n'est pas là.
Avec effet au 1er octobre 1977, la pension d'invalidité belge de M. D'Amico a été convertie en pension de retraite. Cette conversion a été le résultat d'une demande formée par l'intéressé aux fins de bénéficier de certaines dispositions de l'arrêté royal no 50 du 24 octobre 1967, relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés (Moniteur belge, 27. 10. 1967, p. 11258). En particulier, l'article 10, paragraphe 2, de cet arrêté royal, modifié par une loi du 26 juin 1972 (Moniteur belge, 30. 6. 1972, p. 7738), à nouveau modifié par une loi du 28 mars 1975 (Moniteur belge, 8. 4. 1975, p. 4108) dispose, pour autant qu'il importe en l'espèce, ce qui suit:
«le travailleur... qui a été occupé habituellement et en ordre principal comme ouvrier mineur pendant au moins vingt années, peut obtenir une pension de retraite acquise à raison d'un trentième par année civile d'occupation comme ouvrier mineur. S'il ne totalise pas trente années civiles d'occupation habituelle et en ordre principal en qualité d'ouvrier mineur au fond des mines... mais en compte vingt-cinq au moins il est censé faire preuve d'une occupation habituelle et en ordre principal en cette qualité pendant un nombre d'années civiles supplémentaires égal à la différence entre trente et le nombre d'années civiles d'occupation habituelle et en ordre principal prouvées en cette qualité.»
Selon le droit belge, un mineur peut donc partir à la retraite au bout de vingt années de travail dans les mines, moyennant une pension de retraite réduite calculée par rapport au nombre d'années de travail. Si d'autre part il a été travailleur au fond pendant 25 années, il est présumé avoir accompli au total 30 années et a droit de ce fait à une pension au taux plein. Il apparaît également que les périodes pour lesquelles un mineur a droit aux prestations d'invalidité sont considérées, aux fins de l'article 10, paragraphe 2, comme périodes de travail, de sorte qu'en octobre 1977, M. D'Amico justifiait de 25 années, lui ouvrant droit à une pension de retraite au taux plein.
Une telle pension lui a effectivement été octroyée par l'ONPTS. Toutefois, conformément à une pratique généralement suivie par l'ONPTS, selon ses propres dires, en ce qui concerne les travailleurs migrants, cet organisme a réduit cette pension aux26/30 du montant maximum, de manière à éviter, selon l'ONPTS, que M. D'Amico ne soit crédité deux fois des mêmes périodes d'assurance, une première fois en tant que période effective accomplie en Italie et une deuxième fois en tant que période présumée accomplie en Belgique. La raison pour laquelle cette réduction n'a été que de 4/30 — et non comme on aurait pu s'y attendre de5 1/2/30 — vient de ce qu'en application de certaines dispositions de l'arrêté royal — nous vous ferons grâce, Messieurs, des détails — la période accomplie par M. D'Amico en Italie a été considérée comme ne dépassant pas 4 années.
Contestant la légalité de cette réduction, M. D'Amico a formé un recours devant le tribunal du travail de Charleroi. Votre Cour a certes déjà eu l'occasion de statuer en ce sens qu'un État membre est en droit de légiférer aux fins d'empêcher le cumul de périodes d'assurance fictives octroyées au titre de sa propre législation avec des périodes effectivement accomplies dans un autre État membre — affaires 12/67 Guissart (Recueil 1967, p. 563), et 50/75 Massonet (Recueil 1975, p. 1473, spécialement p. 1484). La thèse soutenue par M. D'Amico devant le tribunal était cependant non pas que la réduction de sa pension était incompatible avec le droit communautaire, mais qu'il n'existait pas de dispositions en droit belge autorisant cette réduction. A l'appui de cette thèse, le mandataire ad litem de M. D'Amico s'est référé à un arrêt rendu le 29 juin 1979 par la cour du travail de Liège dans l'affaire ONPTS/Schiabello (R. G. no 6463/78). La question soulevée à l'origine devant le tribunal ressortissait donc uniquement au droit belge.
L'auditeur du travail près le tribunal a cependant soulevé de sa propre initiative un point nouveau, à savoir que l'article 25 de l'arrêté royal faisait obstacle, dans le chef du requérant, à la perception d'une pension de retraite belge, quelle qu'elle fût. Cet article, modifié par l'article 10 de la loi du 27 juillet 1971 (Moniteur belge, 11. 8. 1971, p. 9410) dispose, pour autant qu'il importe en l'espèce, ce qui suit:
«Sauf dans les cas et sous les conditions déterminées par le roi, la pension de retraite et la pension de survie ne sont payables que si le bénéficiaire... ne jouit pas d'une indemnité pour cause... d'invalidité... par application d'une législation de sécurité sociale belge ou étrangère.»
L'auditeur du travail a considéré que cette disposition constituait une clause de «suspension» des prestations, opposable à l'intéressé en vertu de la première phrase de l'article 12, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 et donc que M. D'Amico, en tant que bénéficiaire d'une pension d'invalidité italienne, n'avait pas droit au paiement d'une pension de retraite belge.
Pour autant qu'il importe en l'espèce, l'article 12, paragraphe 2, dispose ce qui suit:
«Les clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d'un État membre en cas de cumul d'une prestation avec d'autres prestations de sécurité sociale... sont opposables au bénéficiaire, même s'il s'agit de prestations acquises au titre de la législation d'un autre État membre... Toutefois, il n'est pas fait application de cette règle lorsque l'intéressé bénéficie de prestations de même nature d'invalidité [ou] de vieillesse... liquidées par les institutions de deux ou plusieurs États membres, conformément aux dispositions des articles 46...»
L'ONPTS s'était abstenu de faire état de cette disposition, compte tenu de ce qu'une note de service du 4 juillet 1972 portant instructions du ministre de la prévoyance sociale et remplaçant des directives antérieures stipulait qu'une pension d'invalidité étrangère servie à ce qui serait l'âge normal de retraite en Belgique devait être assimilée à une pension de retraite. Cet argument a cependant été écarté par l'auditeur du travail, au motif que des instructions ou circulaires ministérielles ne sauraient modifier les dispositions d'un arrêté royal.
C'est donc cet aspect soulevé par l'auditeur du travail qui est à l'origine du renvoi de l'affaire devant votre Cour. Le mandataire ad litem de M. D'Amico a émis l'hypothèse que la pension d'invalidité italienne n'était pas une «indemnité» au sens de l'article 25 de l'arrêté royal, mais le tribunal ne semble pas avoir repris ce point de vue.
Si la thèse soutenue par l'auditeur du travail est exacte, l'effet est surprenant. Certaines, parmi les parties intéressées qui ont présenté des observations devant la Cour, ont utilisé des termes plus durs encore: par exemple, le mandataire ad litem de M. D'Amico a qualifié une telle application d'«inique», la Commission considérant pour sa part qu'elle était «choquante» et le Conseil «inacceptable». Dans une telle situation, M. D'Amico, ayant opté pour la conversion de sa pension d'invalidité belge en pension de retraite, comme il en avait apparemment le droit en droit belge, se voit privé en définitive de tout droit à pension en Belgique pour la période de plus de 20 ans pendant laquelle il a travaillé dans ce pays et il ne lui resterait dans cette hypothèse que la pension d'invalidité due en raison des cinq années et demie de travail accomplies en Italie, pour une bonne part, avant même qu'il n'ait eu vingt ans. Les chiffres qui ont été indiqués dans l'ordonnance de renvoi sont significatifs. La pension belge complète de M. D'Amico s'élève à 254133 BFR par année. Réduite au26/30 elle atteint 234925 BFR; à ce montant s'ajoute une allocation de 9405 BFR pour fournitures de charbon. Le montant de sa pension italienne équivaut à 28293 BFR.
Il est hors de doute que si la pension italienne de M. D'Amico avait été transformée en pension de vieillesse au même moment, ou presque, que sa pension belge, le problème ne se serait pas posé. Il est constant cependant que sur la base de la législation italienne applicable, la pension italienne de M. D'Amico ne peut en aucun cas être transformée en pension de vieillesse.
Le principe qui aurait été appliqué si les pensions belge et italienne de M. D'Amico avaient gardé le même caractère est clair et il n'y avait sur ce point aucun désaccord entre les parties intéressées qui ont présenté des observations devant la Cour. Il s'agit d'un principe consacré par toute une jurisprudence désormais familière, à laquelle — mis à part le gouvernement belge — tout le monde s'est fait un devoir de nous renvoyer, à savoir l'affaire 22/77, la première affaire Mura (Recueil 1977, p. 1699); l'affaire 37/77 Greco (ibid., p. 1711); l'affaire 98/77, la première affaire Schaap (Recueil 1978, p. 707); l'affaire 105/77 Boerboom-Kersjes (ibid., p. 717); et enfin l'affaire 236/78, la deuxième affaire Mura (Recueil 1979, p. 1819). Cette jurisprudence consacre le principe selon lequel, dans une telle situation, l'intéressé a droit dans l'État membre où la question vient à être posée à la prestation la plus élevée entre, d'une part, celle à laquelle il peut prétendre au titre de la législation de ce seul État membre dans son ensemble, y compris toute disposition anticumul qu'elle peut contenir, et, d'autre part, la prestation à laquelle il peut prétendre en application des dispositions du règlement no 1408/71 dans leur ensemble, y compris la deuxième phrase de l'article 12, paragraphe 2, qui exclut les dispositions nationales anticumul et l'article 46, paragraphe 3, qui contient ce qu'on pourrait appeler une disposition communautaire anticumul (selon la jurisprudence, le même principe s'applique, en substance, chaque fois que la législation communautaire en cause est l'ancien règlement no 3 — voir en particulier l'affaire 26/78 Viola (Recueil 1978, p. 1771). Dans une telle situation, et à supposer qu'une disposition anticumul belge ait eu pour effet de le priver entièrement de son droit à une pension belge, M. D'amico aurait dès lors été en droit, nonobstant la disposition belge anticumul, de percevoir en Belgique une pension calculée conformément aux dispositions du règlement no 1408/71, en particulier de son article 46.
La question est de savoir si le même principe s'applique en l'espèce, bien que seule la pension belge de M. D'Amico ait été transformée en pension de retraite. La plupart des parties intéressées qui ont présenté des observations devant la Cour ont soutenu, en termes plus ou moins énergiques, que la réponse à cette question devait être positive. Ils se sont référés à cet égard à l'article 43 du règlement no 1408/71 ainsi qu'à l'affaire 180/78 Brouwer-Kaune (Recueil 1979, p. 2111). Il n'y a eu sur ce point aucune opinion en sens contraire.
L'article 43, qui fait partie du chapitre 2 du titre III du règlement, c'est-à-dire du chapitre relatif à l'«invalidité», est intitulé «transformation des prestations d'invalidité en prestations de vieillesse». Il comprend trois paragraphes, dont les deux premiers sont libellés comme suit:
«1. |
Les prestations d'invalidité sont transformées, le cas échéant, en prestations de vieillesse dans les conditions prévues par la législation ou par les législations au titre de laquelle ou desquelles elles ont été accordées et conformément aux dispositions du chapitre 3. |
2. |
Toute institution débitrice de prestations d'invalidité d'un État membre continue à servir au bénéficiaire de prestations d'invalidité admis à faire valoir des droits à des prestations de vieillesse au regard de la législation d'autres États membres, conformément aux dispositions de l'article 49, les prestations d'invalidité auxquelles il a droit au titre de la législation qu'elle applique, jusqu'au moment où les dispositions du paragraphe 1 deviennent applicables à l'égard de cette institution.» |
(Vous vous souviendrez, Messieurs, que le chapitre 3, qui comprend les articles 44 à 51, est celui qui a trait aux pensions de «vieillesse et décès» et qu'il est applicable en vertu de l'article 40, «par analogie», aux prestations d'invalidité, sauf si le travailleur concerné a été soumis exclusivement à des législations selon lesquelles le montant des prestations d'invalidité est indépendant de la durée des périodes d'assurance — législations généralement connues sous la dénomination «type A».)
Le paragraphe 3 de l'article 43 contient une disposition applicable uniquement dans certains cas où des prestations d'invalidité ont été accordées conformément aux dispositions de l'article 39. Cette disposition s'applique aux travailleurs soumis exclusivement à des législations du type A. Nous ne pensons pas que ce paragraphe 3 jette davantage de lumière sur la question que ne le font les paragraphes 1 et 2.
Ce que les paragraphes 1 et 2 mettent en évidence, c'est que les auteurs du règlement ont envisagé le cas dans lequel un travailleur, bénéficiaire jusque-là de prestations d'invalidité dans plusieurs États membres, voit sa prestation d'invalidité transformée en prestation de vieillesse dans l'un de ces États. Le paragraphe 2 dispose expressément que l'intéressé continue en pareil cas de percevoir sa prestation d'invalidité dans le ou les autres États membres. Il est sousentendu, bien évidemment, que le fait de continuer à percevoir une telle prestation d'invalidité n'a pas pour effet de le priver de son droit à percevoir la prestation de vieillesse une fois que celle-ci a été substituée à la prestation d'invalidité dans le premier État membre.
La difficulté qui surgit alors naît de ce qu'on ne trouve nulle part dans le règlement de disposition expresse stipulant que, dans les cas d'application de l'article 43, les prestations d'invalidité et de vieillesse, qui dès lors s'ajoutent, doivent être considérées comme «de même nature» aux fins de la deuxième phrase de l'article 12 paragraphe 2.
Même abstraction faite de la jurisprudence, nous aurions abouti à la conclusion que cette disposition doit être implicite, de manière à éviter ce qui serait un résultat absurde et, de surcroît, incompatible avec les septième et huitième considérants du préambule du règlement no 1408/71, lesquels s'énoncent comme suit:
«considérant que les règles de coordination prises pour l'application des dispositions de l'article 51 du traité doivent assurer aux travailleurs qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté les droits et avantages acquis, sans qu'elles puissent entraîner des cumuls injustifiés;
considérant que dans ce but, en matière de prestations d'invalidité, de vieillesse et de décès (pensions), les intéressés doivent pouvoir bénéficier de l'ensemble des prestations acquises dans les différents Etats membres dans la limite — nécessaire pour éviter des cumuls injustifiés, résultant notamment de la superposition de périodes d'assurance et de périodes assimilées — du plus élevé des montants de prestations qui serait dû par l'un de ces États si le travailleur y avait accompli toute sa carrière.»
Ce point de vue est cependant corroboré par les conclusions présentées par M. l'avocat général Capotorti dans l'affaire Brouwer-Kaune ainsi que par l'arrêt rendu par la Cour dans cette même affaire. En particulier, M. l'avocat général Capotorti a souligné le fait que bien que les affaires Mura, Greco, Schaap et Boerboom-Kersjes aient toutes été relatives à des prestations de même nature s'ajoutant l'une à l'autre, la Cour n'avait pas entendu limiter la portée de ses arrêts à une telle situation; il a ajouté que les solutions jurisprudentielles ainsi dégagées devaient être également applicables dans le cas visé à l'article 43, à savoir en cas de concours de prestations d'invalidité et de vieillesse. Ce point de vue a manifestement été admis par la Cour. M. l'avocat général Capotorti a en partie fondé ses conclusions, comme nous-même présentement, sur les septième et et huitième considérants du préambule du règlement no 1408/71.
En un sens, l'affaire Brouwer-Kaune était plus difficile que la présente affaire. Sur la base des faits tels qu'ils ont été interprétés par la juridiction de renvoi néerlandaise, Mme Bourwer-Kaune n'avait jamais eu simultanément droit à deux pensions d'invalidité. Sa pension d'invalidité allemande avait été transformée en pension de vieillesse antérieurement à l'octroi de sa pension d'invalidité néerlandaise. Son cas ne relevait donc pas des dispositions expresses de l'article 43, paragraphe 2. Cependant, il a été considéré par la Cour comme témoin d'une lacune qu'il convenait de combler par analogie, la Cour a ajouté «qu'on pourrait même estimer, si cette solution ne pouvait pas être retenue, que le Conseil n'aurait pas entièrement accompli l'obligation qui lui incombe, en vertu de l'article 51 du traité, de prévoir, dans le domaine de la sécurité sociale, des mesures nécessaires pour l'établissement de la libre circulation des travailleurs». Or, telle serait présentement la situation, si on devait considérer que la deuxième phrase de l'article 12, paragraphe 2, ne pouvait s'interpréter comme applicable en l'espèce.
Il ne reste dès lors plus que le problème de formuler de manière aussi satisfaisante que possible une réponse aux questions posées à la Cour par le tribunal du travail de Charleroi. Ce problème naît de ce que ces questions sont rédigées en termes particulièrement larges, voire à certains égard dénués de pertinence. Les questions ont été formulées comme suit:
«Lorsqu'un ancien travailleur, de nationalité italienne, de moins de 60 ans réside en Belgique; lorsqu'il s'est vu reconnaître, en Belgique, une carrière complète de mineur de fond de 30/30, sur base de 25 années prestées en Belgique comme mineur de fond; lorsqu'une pension d'invalidité lui a été accordée, en Italie, sur base d'une carrière italienne;
1o |
L'article 25 de l'arrêté royal no 50 du 24 octobre 1967 (modifié par la loi du 27 juillet 1971, article 10) relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés est-il compatible avec l'objet des articles 12, 46 et 50 du règlement no 1408/71 du Conseil? |
2o |
L'article 25 de l'arrêté royal du 24 octobre 1967 (modifié par la loi du27 juillet 1971, article 10) est-il compatible avec les articles 48 à 51 du traité de Rome? |
3o |
Les articles 12, 46, et 50 du règlement no 1408/71 du Conseil sont-ils compatibles avec les articles 48 à 51 du traité de Rome?» |
La formulation de ces questions appelle selon nous les commentaires suivants.
Tout d'abord, il est sans importance au regard du droit communautaire que le travailleur intéressé ait plus ou moins de 60 ans.
En second lieu, la Cour n'est pas compétente, dans le cadre d'une demande de décision préjudicielle présentée en application de l'article 177, pour trancher directement la question de savoir si l'article 25 de l'arrêté royal est ou non compatible avec le droit communautaire. Toutefois, si ce que nous avons dit à propos de ces droit est exact, une telle question ne se pose pas. En supposant correcte la thèse de l'auditeur du travail selon laquelle, compte tenu de l'article 25, M. D'Amico n'a droit a aucune pension au titre du seul droit belge, on ne peut que constater que M. D'Amico est en droit de revendiquer, nonobstant l'article 25, le versement d'une pension en Belgique sur la base des dispositions pertinentes du règlement no 1408/71.
En troisième lieu, il semble improbable que l'article 50 du règlement no 1408/71 puisse être présentement en cause. On peut penser que le tribunal du travail s'est référé à cet article 50, eu égard au fait qu'en matière de sécurité sociale des travailleurs migrants, la pratique de l'ONPTS semble avoir été de considérer la pension belge complète comme «prestation minimale» aux fins de cet article et donc, au cas où le montant de la pension belge de l'intéressé réduite conformément à la pratique précitée de l'ONPTS, augmenté des prestations servies par d'autres États membres, s'avère inférieur à celui de sa pension belge complète, de lui verser un complément égal à la différence.
Cette règle n'a pas été appliquée en l'espèce étant donné que le total de la pension belge réduite de M. D'Amico et de sa pension italienne dépasse le montant de sa pension belge complète. Quoi qu'il en soit, nous ne pensons pas que vous puissiez, Messieurs, utilement ajouter à ce que la Cour avait dit, à propos de cet article 50, dans l'affaire 64/77 Torri (Recueil 1977, p. 2299), à laquelle se sont référés tant l'ONPTS que le Conseil et la Commission.
En quatrième lieu, si ce que nous avons dit de la portée implicite des dispositions pertinentes du règlement no 1408/71 est exacte, la présente affaire ne donne lieu à aucune question de compatibilité de l'une ou l'autre de ces dispositions avec les articles 48 à 51 du traité.
Plutôt donc que de chercher à. répondre directement aux questions posées par le tribunal du travail, nous vous suggérons, Messieurs, d'essayer de formuler votre décision de telle manière qu'elle puisse éclairer autant que possible le tribunal chargé de cette affaire. La formulation pourrait être, dès lors, la suivante :
Si, du fait d'une disposition anticumul prévue par la législation d'un État membre, un travailleur se voit privé du bénéfice d'une prestation de vieillesse à laquelle il aurait autrement droit en vertu de cette seule législation, l'institution compétente de cet État membre doit lui accorder la prestation de vieillesse à laquelle il a droit au titre des dispositions des articles 44 à 51 du règlement no 1408/71 du Conseil. Au cas où la prestation de vieillesse résulte de la transformation d'une prestation d'invalidité, toute prestation d'invalidité qui continue de lui être due dans un autre État membre conformément aux dispositions de l'article 43, paragraphe 2, du règlement doit être considérée, aux fins de l'article 12, paragraphe 2, dudit règlement, comme étant de la même nature que cette prestation de vieillesse.
( 1 ) Traduit de l'anglais.