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Document 61978CC0209

Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 3 juillet 1980.
Heintz van Landewyck SARL et autres contre Commission des Communautés européennes.
Concurrence - Accords et recommandation FEDETAB.
Affaires jointes 209 à 215 et 218/78.

Recueil de jurisprudence 1980 -03125

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1980:177

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 3 JUILLET 1980 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les huit affaires dans lesquelles nous présentons nos conclusions aujourd'hui, et qui ont été jointes aux fins de la procédure et de l'arrêt par ordonnance de la Cour de justice du 26 octobre 1978, portent sur une décision de la Commission au titre de l'article 85 du traité CEE du 20 juillet 1978. La décision vise des mesures qui ont été et qui sont encore applicables sur le marché belge des tabacs manufacturés.

Dans la liste des mesures à prendre en considération, il convient de différencier entre la période antérieure au 1er décembre 1975 et la période postérieure à cette date.

Appartiennent à la première période les mesures qui, selon l'exposé des faits figurant dans la décision de la Commission, concernent les éléments suivants:

l'agrément des grossistes et détaillants de produits manufacturés du tabac par la Fédération belgo-luxembourgeoise des industries du tabac («FEDETAB», une association fondée en 1946 et dont la quasi-totalité des industries du tabac belges et luxembourgeoises font partie) ainsi que le classement des distributeurs en diverses catégories et l'attribution de marges bénéficiaires différentes à ceux-ci,

le respect des prix de revente imposés par les fabricants tant au niveau du commerce de gros qu'à celui du commerce de détail, mesure pour laquelle certaines conventions conclues entre la FEDETAB et la Fédération nationale du commerce de gros en produits manufacturés du tabac («FNCG») ont dû être déterminantes,

la limitation de l'accès à certaines catégories de grossistes imposée par la FEDETAB,

l'interdiction faite aux grossistes de revendre à d'autres grossistes et à certains détaillants,

l'application de délais de paiement uniformes pour l'approvisionnement des grossistes et des détaillants, ainsi que

le respect de l'obligation imposée aux détaillants d'offrir un assortiment minimal.

Le 1er décembre 1975, et ce faisant nous abordons la deuxième période mentionnée, est entrée en vigueur une recommandation adoptée par le conseil d'administration de la FEDETAB en matière de vente de cigarettes sur le marché belge, que les sept fabricants de produits manufacturés du tabac aujourd'hui requérants avaient déclaré vouloir respecter. La recommandation porte sur les points suivants:

le classement des grossistes et détaillants belges en différentes catégories et l'attribution de marges bénéficiaires maximales variables selon ces catégories,

l'application de délais de paiement uniformes pour l'approvisionnement des grossistes et des détaillants et

le versement d'une ristourne de fin d'année aux grossistes et aux détaillants.

Dès le début de l'année 1971, la Commission a déjà été informée en détail de la première partie de ces mesures (pour les différencier de la recommandation que nous venons d'évoquer, nous les dénommerons ci-dessous les «mesures antérieures»), et cela après qu'elle eut adressé une demande de renseignements à la FEDETAB à la suite d'une plainte déposée par une entreprise belge.

Le 2 avril 1974, l'établissement GB-Entreprises SA (devenu ultérieurement GB-Inno-BM) qui exploite des magasins à grandes surfaces et que nous connaissons déjà depuis l'affaire 13/77 (GB-Inno-BM/Association des détaillants en tabac, arrêt du 13 octobre 1977, Recueil 1977, p. 2115) s'est adressé à la Commission pour lui demander de mettre en oeuvre une procédure visant à constater une infraction aux articles 85 et 86 du traité CEE eu égard aux «mesures antérieures» en cause. La Commission a donné suite à cette demande par une décision du 29 juillet 1974. Dans le cadre de cette procédure, la FEDETAB et ses membres parmi lesquels figurent tous les requérants de l'espèce, ont reçu communication des griefs ainsi que l'article 2 du règlement no 99/63/CEE de la Commission le prévoit, le 18 juillet 1975.

Par lettres des 10 et 13 octobre 1975, deux autres entreprises belges, l'entreprise Mestdagh Frères & Cie, qui commercialise des produits alimentaires dans une série de supermarchés et de filiales, ainsi que l'entreprise Eugène Huyghebaert, qui approvisionne des détaillants, ont informé la Commission qu'elles avaient l'intention de se rallier à la demande introduite par GB-Inno-BM. Cette intention a été concrétisée par la suite par mémoire du 17 octobre 1975, parvenu, semble-t-il, le 21 octobre 1975 à la Commission. Dans le cadre de la procédure ouverte par décision du 29 juillet 1974, une audition a eu lieu à la Commission le 22 octobre 1975 à laquelle ont participé la FEDETAB, différents membres de celle-ci et GB-Inno-BM. Le représentant de l'entreprise Huyghebaert également convoqué pour cette date a été exclu de l'audition à la demande des requérants. Par la suite, c'est-à-dire le 13 novembre 1975, la plainte déposée par Mestdagh et Huyghebaert a été communiquée aux requérants pour qu'ils exposent leur point de vue. Leurs observations sont parvenues à la Commission fin 1975 — début 1976, et les requérants ont ensuite, encore au mois de juillet 1976, présenté leurs observations sur la réponse de Mestdagh et Huyghebaert.

En ce qui concerne la recommandation arrêtée par FEDETAB, elle a été notifiée à la Commission le 1er décembre 1975. A cet égard, tous les requérants ont déclaré qu'ils avaient l'intention de se conformer à la recommandation. Après que la procédure déjà pendante devant la Commission eut été étendue à la recommandation par décision du 10 mai 1976, une deuxième communication de griefs a eu lieu le 17 mai 1976 et une deuxième audition des requérants le 22 septembre 1976.

L'ensemble de ces circonstances a abouti à la décision de la Commission déjà mentionnée, du 20 juillet 1978, adressée à la FEDETAB et aux entreprises fabriquant des produits du tabac, Cinta SA, Etablissements Gosset SA, Jubilé SA, Vander Elst SA, Weitab SA, BAT Benelux SA, ayant toutes leur siège en Belgique, ainsi qu'à Heintz van Landewyck sàrl, une entreprise produisant des tabacs manufacturés établie au Luxembourg.

L'article 1er de la décision constatait que les «mesures antérieures» en cause relatives à l'organisation de la distribution des produits du tabac en Belgique devaient être considérées comme des décisions de la fédération d'entreprises FEDETAB et comme des accords entre sept entreprises de production, les requérants de l'espèce, et que pour la période du 13 mars 1962, date de l'entrée en vigueur du règlement no 17, au 1er décembre 1975, elles ont constitué des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

Selon l'article 2 de la décision, la recommandation que la FEDETAB et sept entreprises de production ont notifiée à la Commission et qui est entrée en vigueur le 1er décembre 1975, constitue également une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. A cet égard, il a également été déclaré que la recommandation ne pouvait pas bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE.

Enfin, l'article 3 de la décision prévoit que les destinataires sont tenus de mettre in sans délai à l'infraction visée à l'article 2 et de s'abstenir désormais de tout acte ayant le même objet que la recommandation du 1er décembre 1975.

Les 28 et 29 septembre 1978, les destinataires ont saisi la Cour de justice d'un recours contre cette décision.

Ils concluent à l'annulation des articles 1, 2 et 3, paragraphe 1, de la décision (dans l'affaire 209/78) ou à l'annulation de l'ensemble de la décision (conclusions des autres requérants).

En outre, la requête 214/78 conclut à titre subsidiaire à ce que l'affaire soit renvoyée à la Commission afin que celle-ci examine les possibilités d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE tant pour les «mesures antérieures» que pour la recommandation.

De plus, dams l'affaire 215/78, il est demandé, à titre subsidiaire, d'annuler l'article 2 de la decisioni en ce qu'il prévoit qu'une application de l'article 85, paragraphe 3, à la recommamdation de la FEDETAU n'est pas justifée, et d'amnuler également, en conséquence, l'article 3, paragraphe 1, de la décision.

Enfin, dans l'affaire 218/78, il est demandé, à titre subsidiaire, d'annuler les articles 2 et 3, paragraphe 1, de la décision, et à titre encore plus subsidiaire de faire droit à la demande telle que formulée dans le chef de conclusions subsidiaire de l'affaire 215/78.

Avant de pouvoir analyser ces chefs de conclusions dont la Commission a demandé le rejet, nous devons indiquer aussi que plusieurs intervenants ont été admis à la procédure.

A l'appui des conclusions des requérants, il s'agit des intervenants suivants:

l'Association des détaillants en tabac asbl (ATAB), une association fondée en 1966 qui, à l'heure actuelle, regroupe trois cent soixante détaillants,

l'Association nationale des grossistes en produits manufacturés du tabac (AGROTAB), une association fondée en 1976 pour remplacer l'Association nationale des grossistes itinérants en produits manufacturés du tabac (ANGIPMT) dissoute en 1976, qui elle-même avait remplacé, en 1974, avec la Nationale Vereniging van Familiale Tabakgroothandelsondernemingen, NVFG, la Fédération nationale du commerce de gros en produits manufacturés du tabac, FNCG, fondée en 1957, et

la Fédération nationale des négociants en journaux, publications, librairie et articles connexes (FNJ).

En outre, à l'appui des conclusions de la Commission, les parties suivantes sont intervenues dans la procédure:

les entreprises GB-Inno-BM, Mestdagh et Huyghebaert, déjà mentionnées, qui avaient déposé une plainte auprès de la Commission, et

la Fédération belge du commerce alimentaire (FBCA).

Pour examiner les éléments de fait très nombreux qui sont à la base du litige, nous procéderons comme suit.

Nous analyserons d'abord les arguments et moyens avancés quant au déroulement de la procédure administrative devant la Commission. Ensuite, nous examinerons si la Commission a estimé à bon droit que les mesures relatives à l'organisation de la distribution des produits du tabac en Belgique tombent sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, c'est-à-dire qu'elles doivent être considérées comme des accords entre entreprises, des décisions d'associations d'entreprises ou des pratiques concertées qui ont pour objet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun et qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Ensuite, il conviendra d'examiner encore, le cas échéant, si l'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, a été refusée à bon droit.

I — La procédure administrative suivie par la Commission

De l'avis des requérants, la procédure administrative devant la Commission ne s'est pas déroulée régulièrement à plusieurs égards. C'est ainsi que les droits de la défense ont été affectés du fait que les requérants n'ont pas été admis à prendre suffisamment connaissance des dossiers administratifs constitués par la Commission. En outre, c'est à tort que la Commission a négligé d'entendre certaines fédérations d'entreprises. Elle a de plus fondé également sa décision sur les plaintes de Mestdagh et Huyghebaert sans mener une procédure régulière en matière de concurrence à cet égard et sans informer les intéressés de la jonction de cette procédure avec les autres. Il convient aussi de lui reprocher d'avoir divulgué des secrets d'affaires des requérants. De plus, lors de l'audition des intéressés par la Commission, tous les fonctionnaires chargés du dossier n'ont pas été présents continuellement. Enfin, il y a lieu encore de formuler des objections en ce que dans la communication des griefs, la possibilité d'une exemption n'a été déniée qu'eu égard à l'une des quatre conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, et en ce que la décision attaquée se prononce aussi sur les autres conditions d'exemption sans que les requérants aient pu présenter des observations à cet égard. Tous ces éléments doivent en outre être considérés comme constitutifs d'une violation de l'article 6 de la Convention des droits de l'homme.

1. Communication prétendument insuffisante des documents administratifs rassemblés par la Commission

A cet égard, il convient de distinguer plusieurs aspects.

a)

Pour autant que dans trois requêtes (209, 210 et 218/78) il est dit que la Commission a refusé de donner suite à une demande de communication du dossier que les requérants avaient formulée en août 1978, c'est-à-dire après que la décision attaquée fut arrêtée, les requêtes dans les affaires 209 et 218 établissent déjà elles-mêmes que cette réponse ne doit pas être considérée comme un moyen d'annulation mais qu'elle sert uniquement à fonder une offre de preuve (affaire 218/78) ou la réserve relative à la possibilité de compléter la requête le cas échéant (affaire 209/78). Pareillement, dans l'affaire 210/78 aussi, il a été établi, même si ce n'est que dans la réplique, que ce grief ne visait pas à démontrer le bien-fondé de la demande d'annulation de la décision attaquée.

Il n'est pas nécessaire d'en dire plus quant à l'exactitude de cette opinion. En vérité, il s'agit d'un comportement de la Commission après la clôture de la procédure administrative qui a abouti à la décision attaquée, c'est-à-dire d'un comportement qui n'a pas pu avoir d'incidence sur le fond de la décision. Il n'est donc pas non plus nécessaire maintenant d'analyser la question, débattue relativement en détail, de savoir si la réaction de la Commission aux demandes mentionnées (dans la procédure il a été question de réponses orales et écrites) était suffisante et appropriée. Notre analyse peut plutôt se borner à d'autres aspects de ce moyen.

b)

En ce qui concerne les demandes formulées par les requérants au cours de la procédure administrative, la Commission a exposé qu'il ne lui avait jamais été demandé de permettre aux requérants d'accéder à l'ensemble des dossiers administratifs. Comme la Commission le souligne à bon droit, une telle demande ne découle pas en particulier de certaines formules qui figurent aux pages 18 et 19 du procès-verbal de la deuxième audition en septembre 1976.

D'autre part, la Commission a prouvé de façon convaincante qu'elle avait donné suite à suffisance à la demande d'accéder à certains documents. Après l'objection formulée lors de la première audition, qui peut être considérée comme une demande pertinente, selon laquelle les requérants n'avaient pas connaissance des plaintes déposées par Mestdagh et Huyghebaert, celles-ci leur ont été notifiées immédiatement. De même, la lettre de l'Association nationale des grossistes itinérants en produits manufacturés du tabac du 2 mars 1976 (et non pas du 13 février 1976 tel que mentionné de façon erronée) dont communication a été demandée principalement dans une lettre de la FEDETAB du 21 mai 1976 (citée à la page 27 de la duplique), a effectivement été communiquée à la FEDETAB. Mais, pour autant que dans la lettre de la FEDETAB du 21 mai 1976 il est également question de la communication de tous les autres documents, il ne faut pas méconnaître le contexte dans lequel cette expression figure. En effet, elle vise des documents sur lesquels la Commission était susceptible de se fonder lors de l'audition. Néanmoins, ainsi qu'il a été exposé sans conteste, rien n'a été communiqué, puisque lors de l'audition la Commission ne s'est référée à aucun document. En outre, il est intéressant de noter à cet égard que les requérants n'ont semble-t-il pas clairement réagi au caractère insuffisant, selon eux, des documents communiqués, avant que la décision attaquée ne soit arrêtée.

c)

De plus, les requérants prétendent que, parce que les intéressés ne peuvent pas connaître la constitution exacte des dossiers administratifs, la Commission est tenue, indépendamment des demandes introduites, de communiquer tous les documents dans lesquels figurent des éléments de fait utilisés par elle, puisqu'elle ne peut se fonder que sur des faits sur lesquels les intéressés ont pu présenter leurs observations; elles prétendent en outre qu'il y a lieu de critiquer en particulier le fait que l'avis du Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes en l'espèce ne leur a pas été communiqué. A ce sujet, il convient, selon nous, de faire les observations suivantes.

Eu égard au dernier point mentionné, la Commission a, sans doute à bon droit, fait remarquer que, conformément à l'article 10 du règlement no 17, l'avis du Comité consultatif n'est pas publié; de plus, celui-ci n'est destiné qu'à la Commission et non pas aux intéressés. En conséquence, à moins d'avancer des indices pertinents, il n'est pas non plus possible d'exiger qu'il soit communiqué dans la procédure contentieuse au seul motif que la Cour de justice n'est en mesure de contrôler s'il a été régulièrement fait appel au Comité consultatif qu'à cette condition.

En ce qui concerne le reste de l'argumentation des requérants, nous rappellerons que la jurisprudence antérieure (affaires 56 et 58/64, Consten GmbH et Grundig-Verkaufs-GmbH/Commission, arrêt du 13 juillet 1966, Recueil 1966, p. 491) souligne expressément qu'il n'est pas nécessaire que «la totalité du dossier soit communiquée» aux intéressés dans une procédure en matière de concurrence; seul est déterminant (voir arrêt du 14 juillet 1972 dans l'affaire 49/69, Badische Anilin- und Soda-Fabrik AG/Commission, Recueil 1972, p. 731) que les intéressés aient été informés «des éléments de fait essentiels sur lesquels la Commission fonde les griefs retenus à leur égard». Les requérants n'ont pas pu sur ce point réfuter l'allégation de la Commission selon laquelle tous les éléments de fait sur lesquels elle a fondé la décision attaquée leur avaient été communiqués et selon laquelle ils n'ont pu mentionner aucun élément de fait important ni aucune circonstance importante sur lesquels ils n'avaient pas eu l'occasion de présenter d'observations lors de la procédure administrative.

Dans la mesure où, pour leur défense, les requérants se fondent sur l'arrêt dans l'affaire 85/76 (Hoffmann-La Roche & Co. AG/Commission, arrêt du 13 février 1979, Recueil 1979, p. 512) qui déclare, dans son onzième attendu, que le respect des droits de la défense exige que l'entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une infraction à l'article 86 du traité, il est difficile de déceler dans cet arrêt une nouvelle orientation de la jurisprudence dans le sens de la thèse soutenue par les requérants. Selon nous, les attendus cités de la Cour doivent plutôt être entendus en ce sens que la Commission ne doit autoriser l'accès au dossier afin de permettre de prendre position sur certains éléments de fait que pour autant que cela est nécessaire (par exemple parce que la valeur de preuve d'un document est contestée) pour formuler des observations utiles sur les éléments de fait figurant dans le document. Mais il est difficile de prétendre qu'il en va ainsi des circonstances évoquées aux points 101, 102, 127 et 130 de la décision attaquée sur lesquels on a tant insisté à l'audience. Il s'agit ici d'informations des fabricants sur l'application de délais de paiement et de marges bénéficiaires, de l'allégation selon laquelle les critères appliqués pour le classement des distributeurs en différentes catégories n'ont pas seulement été critiqués par les entreprises qui ont saisi la Commission, mais également par la plus importante fédération de grossistes, ainsi que de la prétendue impossibilité pour les distributeurs de choisir des marques de cigarettes qu'ils désirent vendre et d'en limiter la quantité conformément à la demande. A cet égard, nous nous bornons à renvoyer à la déposition de la Commission selon laquelle les réponses des fabricants sur la question de l'application de la recommandation n'ont pas revêtu une importance déterminante au regard de. la décision, ainsi qu'au fait que dans la décision de la Commission c'est le prìncipe de l'accord et non pas la façon d'établir les critères de classement qui est primordial. On ne voit pas non plus pourquoi les requérants n'auraient pu prendre position sur le développement de la vente de cigarettes en Belgique, sur les particularités du système fiscal belge et ses effets, sur le nombre des détaillants dans d'autres États membres et sur la comparaison des services que rendent les différents commerçants lors de la distribution, pour autant qu'il s'agisse réellement d'éléments déterminants au regard de la décision (ce qui n'est pas le cas pour tous), qu'après avoir eu communication des documents utilisés par la Commission à cet égard.

d)

En conséquence, il n'est pas possible de critiquer la procédure administrative au motif que les requérants n'ont pas obtenu la communication de documents qui leur auraient été nécessaires pour prendre position de façon utile sur les griefs retenus à leur égard et qui, s'ils l'avaient obtenue, aurait pu avoir une incidence décisive sur le déroulement de la procédure et son aboutissement.

2. Le défaut d'audition de certaines associations dans la procédure administrative qui est prétendument à l'origine d'une connaissance insuffisante des faits

A cet égard, il convient d'envisager deux catégories de problèmes.

Il s'agit d'abord de demandes de participer à l'audition organisée eu égard à la recommandation, introduites par les associations elles-mêmes. De telles demandes ont été formulées

le 9 juin 1976 par l'Association des grossistes itinérants en produits manufacturés du tabac, une des associations qui a été fondée après la dissolution de la FNCG et qui a été remplacée par la suite, en 1977, par l'AGROTAB,

le 1er juillet 1976, par l'ATAB, ainsi que

le 17 septembre 1976, par l'Association des grossistes «Groupe tabac», une association de fait qui comprend les grossistes les plus importants, antérieurement membres de l'ANGIPMT et qui, à l'heure actuelle, sont encore membres de l'AGROTAB.

Il s'agit ensuite de la demande formée le 30 juin 1976 par la FEDETAB en vue d'entendre deux associations, à savoir le «Groupe tabac» déjà mentionné, d'une part, et la NVFG déjà nommée dans l'introduction — une des deux associations qui a été fondée en tant qu'association de fait après la dissolution de l'ANGIPMT en 1976 — d'autre part.

a)

En ce qui concerne tout d'abord les demandes formulées par les associations elles-mêmes, l'article 19, paragraphe 2, du règlement no 17 prévoit:

«Dans la mesure où la Commission ou les autorités compétentes des États membres l'estiment nécessaire, elles peuvent aussi entendre d'autres personnes physiques ou morales. Si des personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt suffisant demandent à être entendues, il doit être fait droit à leur demande.»

De plus, l'article 5 du règlement no 99/63/CEE de la Commission prescrit:

«Si des personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt suffisant demandent à être entendues en application de l'article 19, paragraphe 2, du règlement no 17, la Commission leur donne l'occasion de faire connaître leur point de vue par écrit dans le délai qu'elle fixe».

A cet égard, l'article 7 du même règlement est libellé dans les termes suivants:

«1.

La Commission donne aux personnes qui l'ont demandé dans leurs observations écrites l'occasion de développer verbalement leur point de vue si celles-ci ont justifié d'un intérêt suffisant à cet effet ou si la Commission se propose de leur infliger une amende ou une astreinte.

2.

La Commission peut également donner à toute personne l'occasion d'exprimer oralement son point de vue».

Enfin, l'article 9, paragraphe 3, du règlement no 99/63/CEE prévoit ce qui suit en ce qui concerne les auditions auxquelles doit procéder la Commission:

«L'audition n'est pas publique. Les personnes sont entendues séparément ou en présence d'autres personnes convoquées...«

Il convient de déduire de ces dispositions qu'en matière d'audition la Commission jouit d'une marge d'appréciation. Un droit à être entendu n'existe que pour autant que l'intéressé justifie d'un intérêt suffisant et, même dans ce cas, il ne s'agit en principe que du droit de présenter des observations écrites. Des auditions orales n'ont lieu que lorsque les intéressés justifient avoir un intérêt suffisant précisément à cet effet ou lorsque la Commission veut fixer à l'encontre des intéressés une amende ou une astreinte. En outre, selon ces articles, il est clair, et c'est en ce sens qu'on doit entendre l'article 9 du règlement no 99/63/CEE, qu'une procédure contradictoire n'est pas la règle générale. Nous ne pouvons d'ailleurs formuler aucun doute quant à la compatibilité du règlement no 99/63/CEE avec le règlement no 17 du Conseil comme les requérants en avaient émis lors de l'audience, particulièrement eu égard à l'exigence d'une procédure contradictoire. Toujours est-il qu'à cet égard on peut déduire de l'arrêt dans l'affaire 8/71 (Deutscher Komponisten-verband/Commission, arrêt du 13 juillet 1971, Recueil 1971, p. 710) qu'eu égard aux demandes d'audition formulées par des tiers, il suffit de leur accorder la possibilité de présenter des observations écrites au titre de l'article 5 du règlement no 99/63/CEE.

Dans la procédure administrative en cause, selon les allégations non contestées de la Commission, des observations écrites ont été présentées par l'ATAB les 21 octobre 1974 et 10 septembre 1976 ainsi que par le «Groupe tabac» le 17 septembre 1976; celles-ci concernaient en particulier la plainte de GB-Inno-BM ainsi que la communication des griefs de mai 1976. De plus, les 5 mars 1975, 7 octobre 1975 et 2 mars 1976 la Commission a reçu des observations écrites de l'ANGIPMT, à laquelle appartenaient les membres du «Groupe tabac». En outre, il semble que des entretiens officiels aient eu lieu entre fonctionnaires de la Commission et représentants des associations ATAB, ANGIPMT et NVFG, et cela, les 8 juillet 1974, 13 novembre 1974 et 18 mars 1976 avec des représentants de l'ATAB, les 23 septembre 1974 et 26 février 1976 avec des représentants de l'ANGIPMT et le 29 octobre 1974 avec des représentants de la NVFG. Il convient de mentionner également des observations écrites de l'Association européenne des grossistes de tabacs manufacturés (ETV) du 21 février 1975 et du 7 octobre 1975, ainsi que de la Confédération européenne des Détaillants en tabac (CEDT) des 11 décembre 1974 et 4 novembre 1976, avec les représentants desquelles des entretiens auraient en outre eu lieu le 13 novembre 1974 (CEDT) et le 18 février 1975 (ETV).

Si après cela il est déjà difficile de parler de non-respect du droit de ces associations d'être entendues et de faire valoir les intérêts particuliers du secteur de la distribution, il convient en outre de ne pas seulement prendre en considération, eu égard au refus de la Commission de faire participer également les représentants de ces associations à l'audition, la circonstance que 1'ATAB ne représente nullement l'ensemble des détaillants spécialisés mais uniquement quelques centaines d'entre eux. Il est également important qu'après la réponse définitive de la Commission et après des lettres ultérieures de celle-ci, par exemple celles d'octobre 1976, aucune association n'a semble-t-il maintenu l'affirmation de ne pas avoir été entendue. De plus, le refus de reconnaître un intérêt suffisant à une audition orale complémentaire en faisant valoir que les distributeurs n'avaient pas souscrit à la recommandation, raison pour laquelle les griefs retenus à cet égard ne leur ont pas non plus été notifiés, est tout à fait justifié à la lumière de la jurisprudence pertinente. A cet égard, nous rappelons l'arrêt dans les affaires 56 et 58/64 (Consten GmbH et Grundig-Verkaufs-GmbH/Commission, arrêt du 13 juillet 1966, Recueil 1966, p. 501) où il a été expressément souligné que des entreprises qui ne sont pas parties à un accord n'ont pas un droit à être entendues dans la procédure que la Commission a ouverte relativement à de tels accords.

b)

En ce qui concerne d'autre part la demande formée par la FEDETAB d'entendre certaines associations qui entre aussi dans ce contexte, c'est l'article 3, paragraphe 3, du règlement no 99/63/CEE qui est déterminant. Ses termes sont les suivants:

«Pour établir les faits invoqués elles (à savoir les entreprises et les associations d'entreprises qui, en tant qu'intéressées, se sont vu communiquer les griefs) peuvent joindre en tant que de besoin des documents. Elles peuvent également proposer que la Commission entende des personnes qui sont susceptibles de confirmer les faits invoqués.«

En outre, il ne faut pas écarter non plus l'article 7, paragraphe 2, de ce règlement en vertu duquel la Commission peut aussi donner à certaines personnes l'occasion d'exprimer oralement leur point de vue dans d'autres circonstances.

Partant, une obligation de faire droit aux demandes d'être entendu (on peut manifestement faire abstraction de l'article 7, paragraphe 2, qui octroie une marge d'appréciation à la Commission) peut tout au plus découler de l'article 3, paragraphe 3, et on peut sans doute supposer qu'une telle obligation n'existe que lorsque certaines personnes sont également nommées comme témoins pour confirmer certains faits.

Toutefois, en tenant compte de toutes les circonstances en cause en l'espèce, la lettre de la FEDETAB du 30 juin 1976 (voir annexe 3 au mémoire présenté par la Commission eu égard aux observations d'AGROTAB) ne permet pas de reconnaître qu'on est en présence d'une telle situation. L'auteur de la lettre répond d'abord à la Commission en ce sens que la FEDETAB ne voit aucun inconvénient à ce que les représentants de l'Association nationale des grossistes itinérants assiste à l'audition. Dans la suite de la lettre, il est seulement dit: «La FEDETAB souhaite cependant pour que la Commission soit. complètement éclairée de convoquer également les associations suivantes» (à savoir la NVFG et le «Groupe tabac»). Cela ne suffit sans doute pas, non seulement parce que la référence à l'article 3 du règlement no 99/63/CEE fait défaut, mais également parce qu'il n'est fait aucune mention de faits susceptibles d'être confirmés, pour justifier un intérêt des associations mentionnées à être entendues, un motif suffisant n'ayant d'ailleurs pas non plus été exposé lors de l'audition même. De surcroît, le fait que la FEDETAB elle-même a qualifié la NVFG d'association sans importance qui ne joue un rôle à aucun niveau, importe également au regard de l'opinion selon laquelle le fait de ne pas donner suite à la demande d'audition ne doit pas être considéré comme une violation des droits de la défense. Il importe également qu'après le rejet de cette demande, ni la FEDETAB ni les associations mentionnées n'ont, semble-t-il, réagi de façon énergique.

c)

Il n'est donc certainement pas non plus possible de considérer que la procédure administrative est irrégulière au motif que les dispositions sur l'audition de tiers figurant dans les règlements no 17 et no 99/63/CEE ont été violées.

3. Les plaintes introduites par Mestdagh et Huyghebaert et la procédure mise en œuvre de ce fait

En octobre 1975, deux entreprises belges, l'entreprise Mestdagh Frères & Cie ainsi que l'entrerprise Huyghebaert, se sont ralliées à la plainte de GB-Inno-BM, ce qui a été enregistré à la Commission sous un numéro d'ordre particulier. Sous l'angle de ce dernier point spécialement, les requérants estiment que de ce fait une procédure particulière supplémentaire a été entamée. Se fondant sur ce point de vue, ils ont objecté ne jamais avoir reçu de décision sur la jonction de cette procédure à d'autres procédures pendantes devant la Commission et concernant la distribution de produits manufacturés du tabac, et ne pas avoir pu en conséquence présenter leurs observations sur les motifs déterminants à cet égard. En outre, ils critiquent le fait que dans le cadre des procédures entamées en raison des demandes de Mestdagh et Huyghebaert, dont ils devaient supposer quelles avaient un caractère autonome, ils n'ont jamais reçu de communication des griefs à la suite d'une ouverture formelle de la procédure, qui fait d'ailleurs défaut, elle aussi, et qu'aucune audition n'a eu lieu. Cela contraint de conclure que les plaintes de Mestdagh et Huyghebaert n'auraient pas dû être prises en considération dans la décision de la Commission, c'est-à-dire que la clôture de trois procédures par une seule décision doir être considérée comme irrégulière.

a)

En ce qui concerne cet ensemble de critiques, la Commission a d'abord indiqué, à bon droit selon nous, que la procédure administrative n'est pas liée à des conditions de forme au sens où les requérants l'entendent. Toute plainte sur un comportement prétendument susceptible de nuire au jeu de la concurrence qui, pour des raisons administratives, est inscrite sous un numéro particulier dans un registre, ne met pas nécessairement en oeuvre une procédure autonome, même si elle se rapporte à des faits qui, en raison d'une plainte analogue, font déjà l'objet d'une procédure en matière de concurrence. Dans de telles circonstances, la plainte n'aboutit pas à l'ouverture d'une nouvelle procédure mais la procédure déjà pendante est simplement étendue à nouvelle plainte ce qui, en l'espèce, a été fait par décision de la Commission du 10 mai 1976. Il n'était donc pas nécessaire d'arrêter une décision formelle sur la jonction des procédures, décision qui aurait dû être motivée et qui aurait dû être communiquée aux intéressés afin qu'ils présentent leurs observations. Il devait seulement être suffisamment clair que la Commission incluait la nouvelle plainte dans l'examen de celles dont elle avait déjà été saisie et les intéressés devaient avoir la possibilité de présenter des observations également quant à la nouvelle plainte.

Mais, en l'espèce, il est clair et incontestable que les plaintes de Mestdagh et Huyghebaert introduites à la suite de celle de GB-Inno-BM, portaient, du moins pour partie, sur les mêmes éléments (elles visaient également les mesures dites «antérieures» sur la distribution des produits manufacturés du tabac en Belgique et leurs effets restrictifs au regard du jeu de la concurrence) et qu'à cet égard les motifs avancés étaient pour l'essentiel similaires. En réalité, même si pour eux le grief du traitement plus favorable et injustifié de certains distributeurs était primordial, Mestdagh et Huyghebaert attaquent l'ensemble du système d'établissement collectif de conditions de vente et de livraison par les membres de la FEDETAB comme étant illégal. En outre, il importe non seulement que l'avocat de la FEDETAB ait été informé d'une intention en ce sens dès septembre 1975 (fait sur lequel l'avocat de Mestdagh et Huyghebaert a attiré l'attention lors de l'audition qui a eu lieu en 1975), mais que dans une lettre adressée par la Commission à la FEDETAB le 20 octobre 1975, qui devait être communiquée aux membres de la FEDETAB, il était également question de joindre les trois plaintes et d'inviter Mestdagh à participer à l'audition.

En outre, il existe également d'autres indices qui prouvent que le lien étroit existant entre les plaintes était apparu de façon tout à fait claire aux requérants. C'est ainsi que lors de l'audition qui a eu lieu en 1975, l'avocat de la FEDETAB a déclaré qu'il était souhaitable de ne pas entamer une nouvelle procédure à la suite des plaintes de Mestdagh et Huyghebaert, mais de traiter l'affaire dans son ensemble. De plias, tant la réponse de FEDETAB aux plaintes de Mestdagh et Huyghebaert qu'également les réponses de Jubilé et Vander Elst à ces plaintes, comme aussi la deuxième prise de position de FEDETAB sur les - plaintes, renvoient sans ambiguïté à la procédure entamée à la suite de la plainte de GB-Inno-BM. De surcroît, les lettres que l'avocat de deux requérants a adressées à la Commission le 9 juin 1976, insistent sur le lien étroit existant entre la plainte de Mestdagh et Huyghebaert et les problèmes traités dans la recommandation FEDETAB et soulignent qu'il en sera tenu compte lors de la réponse à la deuxième communication de griefs. Ce n'est pas en dernier lieu que d'autres requérants ont également déclaré que les plaintes de Mestdagh et Huyghebaert seraient prises en considération dans les observations sur la deuxième communication de griefs et ont reconnu de ce fait le lien qui existait à cet égard avec la recommandation FEDETAB.

Nous ne voyons pas comment il est possible de critiquer par la suite comme étant un vice de procédure le fait que la Commission a omis de déclarer la jonction des procédures Mestdagh et Huyghebaert avec la procédure GB-Inno dans une décision formelle motivée et après des observations spécifiques en ce sens déposées par les requérants.

b)

Au reste, si on se demande si par son comportement la Commission a violé les droits de la défense dans le chef des intéressés et si pour cette raison, le fait que la procédure Mestdagh et Huyghebaert a été close, elle aussi, par la décision attaquée doit être considéré comme illégal, la réponse ne peut pas non plus, selon nous, aller dans le sens de la thèse défendue par les requérants.

A cet égard, il convient de rappeler au préalable que selon la jurisprudence (affaires 40 etc/73, Suiker Unie et autres/Commission, arrêt du 16 décembre 1975, Recueil 1975, p. 1930) il est tout à fait possible, en matière de concurrence, de statuer par une décision unique sur plusieurs infractions; il convient seulement de veiller à ne pas utiliser dans la décision, des griefs sur lesquels les intéressés n'ont pas pu présenter leurs observations.

De ce fait, il ne nous semble pas déterminant qu'à la suite des plaintes de Mestdagh et Huyghebaert les requérants n'ont pas reçu de communication de griefs spécifique. Ce qui est plutôt décisif c'est que les plaintes ont été adressées à tous les requérants (également à la requérante dans l'affaire 209/78 ainsi qu'elle l'admet dans la réplique) et qu'ils ont présenté leurs observations à ce sujet dans les courriers des 17 décembre 1975, 22 décembre 1975, 5 janvier 1976, 7 janvier 1976, 20 janvier 1976 et 21 janvier 1976. Il importe également qu'à cet égard Mestdagh et Huyghebaert ont de nouveau fait des réponses qui renvoyaient d'ailleurs aussi à la recommandation, suivies de nouveau de réactions des requérants dans les lettres des 27 juillet 1976, 28 juillet 1976, 29 juillet 1976 et 30 juillet 1976. En outre, les griefs de 1976 sur lesquels les requérants ont pu présenter leurs observations visaient également le problème particulier soulevé par Mestdagh et Huyghebaert relatif au traitement prétendument discriminatoire des distributeurs.

Mais en ce qui concerne l'audition sur les plaintes de Mestdagh et Huyghebaert, on peut indiquer que celle-ci aurait déjà pu avoir lieu le 20 octobre 1975, comme la Commission l'envisageait, si les requérants ne s'étaient pas opposés à la participation à cette réunion du représentant de Huyghebaert; celui-ci aurait alors pu fournir des explications au sujet de sa plainte qui, à l'époque, n'avait pas encore été adressée aux requérants. En outre, le 22 septembre 1976, une deuxième audition a eu lieu sur la recommandation FEDETAB. Celle-ci a été précédée d'observations de Mestdagh et Huyghebaert qui visaient également la recommandation et on peut donc simplement supposer que les requérants ont alors eu suffisamment l'occasion d'aborder aussi les points de vue de Mestdagh et Huyghebaert.

c)

En conséquence, dans la procédure administrative, les plaintes de Mestdagh et Huyghebaert n'ont pas été traitées d'une façon susceptible de réduire les droits de la défense tels que décrits dans les règlements no 17 et no 99/63, ce qui devrait conduire à annuler la décision de la Commission en ce qu'elle clôturait aussi la procédure entamée à la suite des plaintes de Mestdagh et Huyghebaert.

4. Violation de secrets d'affaires

Comme nous l'avons appris au cours de la procédure, les observations de la FEDETAB du 22 septembre 1975 complétées par des annexes relatant l'évolution de la vente de cent soixante marques de cigarettes en Belgique au cours des cinq années antérieures, qui faisaient état des achats de cigarettes effectués principalement par les grossistes itinérants spécialisés et des délais de paiement respectés par vingt-cinq clients importants des plus grands fabricants de cigarettes en Belgique ont été communiquées à GB-Inno. De l'avis des requérants, cette communication a eu lieu en violation de l'article 20 du règlement no 17, parce que ces documents constituent naturellement des secrets d'affaires et que cela avait d'ailleurs été précisé par la mention«confidentiel». Comme GB-Inno a ainsi eu la possibilité de faire des déclarations sur des faits dont elle n'aurait normalement pas dû avoir connaissance, l'administration de la preuve a été faussée de sorte qu'il s'ensuit nécessairement que la décision de la Commission qui en résulte doit étre annulée.

A cet égard, la Commission a soutenu qu'en réalité le contenu des annexes en cause, dont au demeurant deux seulement avaient été qualifiées de confidentielles, à l'exclusion de celle relative à la vente de cent soixante marques de cigarettes, ne peut pas être considéré comme secret. Mais, même s'il en était ainsi, l'intérêt au secret aurait dû s'effacer devant l'intérêt de la Commission à une information et à une connaissance complètes des faits. De toute façon, la procédure n'a pas été de ce fait faussée d'une façon qui pourrait affecter le maintien de la décision attaquée.

a)

Ici, se pose d'abord la question de savoir si le contenu des annexes en cause devait effectivement être qualifié de secret.

A cet égard, le fait que les annexes aient pour partie été désignées expressément comme confidentielles et pour partie non n'est certainement pas décisif. De même, l'article 20, paragraphe 3, du règlement no 17 dont les dispositions sont les suivantes :

«Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne s'opposent pas à la publication de renseignements généraux ou d'études ne comportant pas d'indications individuelles sur les entreprises ou associations d'entreprises»,

n'impose pas de conclure que tout autre élément doit être considéré comme secret et ne doit pas être divulgué. En outre, et cela est dirigé contre la Commission, il n'est pas possible dans ce contexte de fonder une argumentation sur l'arrêté royal belge du 8 octobre 1976 selon lequel les entreprises sont tenues de publier leurs chiffres d'affaires. En effet, hormis le fait que cette disposition n'existe que depuis 1976, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas s'appliquer à des faits de l'année 1975, il est clair qu'elle n'oblige pas à publier des détails de la nature en cause en l'espèce. De même, nous souhaitons rejeter l'observation de la Commission selon laquelle les données ont été fournies par la FEDETAB et, de ce fait, ne peuvent pas être considérées comme secrètes entre les fabńcants puisque tous les fabricants ont accès aux documents de la FEDETAB, que ce soit par l'intermédiaire de leur représentant au conseil d'administration ou dans le cadre des contrôles relatifs aux délais de paiement et à la ristourne de fin d'année, prévus dans le régime de distribution. En effet, même si certains éléments sont connus de tous les fabricants ou si ceux-ci peuvent y avoir accès aisément, cela n'exclut pas un intérêt au secret à l'égard des clients des fabricants.

Néanmoins, si on considère le contenu des annexes en cause, on ne peut pas, sans qu'il soit nécessaire de recourir à cet égard à l'article 214 du traité CEE, ne pas penser qu'il s'agit effectivement de faits qui ne devaient certainement pas être dévoilés dans tous leurs détails aux clients des fabricants. Selon nous, on peut donc supposer ici, en se ralliant à l'avis des requérants, que la Commission était en principe tenue de ne pas divulguer les annexes en cause à d'autres groupes d'opérateurs.

b)

Sur la base de ces considérations, il convient de se demander encore si le souci de la Commission de connaître les faits de façon aussi complète que possible, peut fournir une justification sur ce point. Pour ce faire, la Commission se fonde sur l'article 20, paragraphe 2, du règlement no 17, dont les termes sont les suivants :

«Sans préjudice des dispositions des articles 19 et 21, la Commission et les autorités compétentes des États membres ainsi que leurs fonctionnaires et autres agents sont tenus de ne pas divulguer les informations qu'ils ont recueillies en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel».

Le fait que l'application de l'article 19 (l'article 21 n'intéresse pas le cas d'espèce) n'est pas affectée ne peut que signifier que dans le cadre de l'audition d'autres personnes qu'elle estime nécessaire, conformément à l'article 19, paragraphe 2, la Commission peut passer outre à son obligation de garder le secret.

Mais, selon nous, il n'est pas nécessaire de clarifier définitivement à l'heure actuelle comment il convient de procéder en détail lors de la conciliation des intérêts au secret, d'une part, et de l'intérêt à une connaissance exhaustive des faits à laquelle la Commission doit effectivement aboutir au titre du règlement no 17, d'autre part; cette question a également été soulevée, entre autres, dans l'arrêt du 13 février 1979, dans l'affaire 85/76 (Hoffmann-La Roche, Recueil 1979, p. 512), dans lequel la Cour a constaté que l'obligation de l'article 20, paragraphe 2, doit se concilier avec le respect des droits de la défense. En effet, on ne nous a pas exposé de façon fondée que GB-Inno ne pouvait présenter des observations utiles eu égard aux réponses des requérants sur les griefs de la Commission qu'après avoir eu communication de l'intégralité du mémoire de FEDETAB mentionné ci-dessus, accompagné de toutes ses annexes. Dans la mesure où une telle communication semblait en toute hypothèse opportune, ce dont on peut pour le moins douter en ce qui concerne le développement des ventes de cent soixante marques de cigarettes en Belgique, il aurait sans doute également suffi de la faire sans divulguer tous les détails concernant par exemple l'établissement individuel des délais de paiement, et en ne dévoilant notamment pas l'identité des entreprises en cause. On peut donc supposer qu'en l'espèce la Commission ne peut pas justifier la violation de son obligation au secret en alléguant le souci d'aboutir à une clarification des faits aussi complète que possible avec l'aide de la plaignante.

c)

Cela ne signifie évidemment pas qu'on doive nécessairement en déduire, comme les requérants le pensent, que la décision de la Commission doit être annulée. A cet égard — on peut par exemple renvoyer dans ce contexte à l'arrêt du 14 février 1978, dans l'affaire 27/76 (United Brands Company et United Brands Continental BV/Commission, Recueil 1978, p. 308) — il importe plutôt de savoir si la violation qui doit être imputée à la Commission a eu une incidence décisive sur le déroulement de la procédure et si on peut considérer que celle-ci aurait abouti à un résultat différent au cas où elle se serait déroulée de façon régulière. Or, eu égard à la nature des faits communiqués et des observations présentées par la demanderesse, il n'est en fait pas possible de le supposer. A l'encontre de cela, les requérants renvoient, à tort selon nous, à l'arrêt rendu dans l'affaire 85/76 (Hoffmann-La Roche, Recueil 1979, p. 513) où il est dit que la Commission ne peut pas tenir compte de faits, circonstances ou documents qu'elle estime ne pas pouvoir divulguer vis-à-vis des. entreprises intéressées. A cet égard, il importe simplement qu'en l'espèce les documents en cause aient été exigés à juste titre de la FEDETAB et que la Commission se soit estimée habilitée à les communiquer à la demanderesse, ce qui est certainement exact eu égard à leur contenu essentiel.

Par conséquent, l'inobservation de l'obligation au secret des affaires, qui a été critiquée à bon droit, ne présente en définitive aucune importance dans la présente procédure. Il ne nous appartient pas ici d'examiner plus avant si elle peut éventuellement fonder un droit à dommages-intérêts envers la Communauté, droit qui est subordonné à l'existence d'autres conditions, comme on le sait.

5. Le déroulement prétendument irrégulier de l'audition

De l'avis des requérants, il convient en outre de critiquer le fait que lors de l'audition du 22 octobre 1975, tous les fonctionnaires de la Commission chargés du cas FEDETAB n'ont pas été présents durant un certain temps, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de l'audition (page 58). Selon les requérants, cela constitue une violation de l'article 9 du règlement no 99/63 qui prévoit ce qui suit: «Il est procédé aux auditions par les personnes que la Commission mandate à cet effet». Ils pensent qu'effectivement, dans l'intérêt d'une connaissance correcte des faits, on doit estimer nécessaire que les fonctionnaires chargés de, l'affaire, auxquels il incombe également. de préparer la décision, obtiennent leurs informations directement de l'audition, en particulier lorsque, à ce moment-là, on évoque un point important, comme tel était le cas, à savoir la longueur des délais de paiement, et ne se contentent donc pas de comptes rendus des observations orales.

Néanmoins, en tant que personne mandatée au sens de l'article 9 cité, il convient de ne considérer que M. Thompson qui s'est également présenté en tant que tel et qui est mentionné es qualités dans le procès-verbal. C'est en outre ce qui a été indiqué dans une note adressée aux intéressés avant l'audition; selon cette note, il conviendrait de ne considérer comme fonctionnaire mandaté que celui qui présidait la réunion et il allait considérer que les autres fonctionnaires de la Commission se bornaient à l'assister. Or, comme il est incontesté que M. Thompson, qui a aussi signé le procès-verbal de l'audition, a été continuellement présent, le déroulement de l'audition doit être considéré comme régulier et il est en tout cas impossible de voir une insuffisance grave dans la circonstance que les fonctionnaires qui l'assistaient se sont provisoirement absentés, même s'ils ont posé des questions lors de l'audition et s'ils ont été chargés de préparer la décision de la Commission en tant que rapporteurs.

Selon nous, il n'est pas possible d'opposer à cette argumentation le droit belge mentionné par les requérants qui contient, semble-t-il, une règle selon laquelle l'ensemble des membres d'une commission administrative doivent avoir participé à tous les débats dès lors que cette commission arrête une décision. Au contraire, il est beaucoup plus important que toutes les observations faites au cours de l'audition aient été consignées par écrit et que tous les fonctionnaires intéressés aient disposé de ces notes. Il nous semble également important que dans la jurisprudence (par exemple dans l'arrêt du 15 juillet 1970, dans l'affaire 44/69, Buchler & Co./Commission, Recueil 1970, p. 733), il ait déjà été retenu que, dans le cadre de procédures en matière de concurrence, il suffit que les membres de la Commission aient été informés à l'aide de procès-verbaux et d'enregistrements sur bandes magnétiques par la personne mandatée pour l'audition et qu'ils aient eu accès aux dossiers administratifs. Si ces conditions sont suffisantes pour des personnes responsables d'une décision, il est difficile de juger différemment à l'égard de fonctionnaires qui sont seulement chargés de préparer une décision dont le projet est établi sous la seule responsabilité de leur supérieur hiérarchique qui, en l'espèce, a été en fait continuellement présent à l'audition.

Il n'est donc pas non plus possible de conclure à l'annulation de la décision au motif que la procédure de l'audition s'est déroulée de façon prétendument irrégulière, un grief qui, au reste, ne vise que la partie de la décision concernant les «mesures antérieures».

6. Le caractère prétendument incomplet de la communication des griefs relatifs à la recommandation du 1er décembre 1975

Invoquant un autre argument, les requérants font valoir que dans la communication des griefs relatifs à la recommandation entrée en vigueur le 1er décembre 1975, le refus d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE n'a été envisagé qu'eu égard à l'une des conditions qui y figurent, à savoir celle qui concerne les accords, décisions ou pratiques qui «contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique». Ce n'est donc que sur ce point qu'ils ont présenté leurs observations par écrit et verbalement lors de l'audition par la Commission. Or, dans la décision attaquée, il est également dit qu'une exemption ne peut pas être accordée parce que d'autres conditions de l'article 85, paragraphe 3, ne sont pas non plus satisfaites. Selon les requérants, la décision se fonde donc sur des objections sur lesquelles ils n'ont pas pu présenter leurs observations: cela constitue une violation des droits qui leur sont reconnus par les articles 2 et 4 du règlement no 99/63/CEE.

En réponse à ces considérations, la Commission fait valoir que dans la première communication des griefs en 1975, relative aux «mesures antérieures», il était également question d'une participation équitable des consommateurs aux profits enregistrés. Or, à cet égard, la deuxième communication des griefs ne constituait qu'une ampliation parce que la Commission n'avait pas abandonné les objections formulées auparavant. En outre, pour la Commission, il n'est pas seulement important que lors de l'audition qui a eu lieu en 1976, les requérants ont également fait état de leur point de vue sur la condition évoquée ci-dessus; la majorité des requérants ont de plus pris position sur toutes les conditions de l'article 85, paragraphe 3, dans leurs observations sur la première communication des griefs et lors de l'audition de l'année 1975, de même que des observations ont été faites sur toutes ces conditions lors de la notification de la recommandation. Il ne peut donc pas être question d'une limitation des droits de la défense.

Après cette discussion, on peut se demander s'il est effectivement nécessaire de faire figurer également des observations sur l'article 85, paragraphe 3, dans la communication des griefs, et en outre s'il est suffisant que seule la première communication de griefs traite d'une autre condition de l'article 85, paragraphe 3, et enfin s'il suffit que les requérants se soient d'eux-mêmes prononcés abondamment sur l'article 85, paragraphe 3, au début de la procédure et lors de la notification de la recommandation.

Néanmoins, comme il est incontesté que dans la deuxième communication des griefs la question de l'amélioration de la production ou de la distribution des produits, qui joue également un rôle dans la décision, a été évoquée, ces problèmes ne revêtent une importance que s'il s'avère que la partie de la décision afférente à l'article 85, paragraphe 3, doit être examinée et si le refus de l'exemption sur le fondement de la condition mentionnée ci-dessus ne peut pas être maintenu, c'est-à-dire si les autres conditions de l'article 85, paragraphe 3, qui n'ont pas été mentionnées dans la deuxième communication de griefs, revêtent effectivement de l'importance. Dans ces circonstances et eu égard au caractère déjà particulièrement étendu des éléments à la base du litige, il nous semble opportun d'écarter provisoirement l'objection formulée à cet égard et de l'examiner, le cas échéant, s'il s'avère nécessaire d'aborder le refus de l'exemption.

7. Violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

Dans leur réplique, certains requérants ont en outre soutenu que toutes les violations déjà examinées jusqu'à présent, qui concernent un déroulement prétendument irrégulier de la procédure administrative doivent également être considérées comme une violation des droits de la défense tels qu'ils découlent de l'article 6 de la Convention des droits de l'homme. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, cette disposition s'applique en cas de litige sur les droits ou obligations relevant du droit civil. Selon les requérants, l'application de l'article 85 du traité CEE fait partie de ce domaine. Ils estiment notamment qu'au titre de l'article 6 de la Convention des droits de l'homme, il convient d'exiger, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, que la procédure soit contradictoire à tous les stades et ils pensent qu'on doit en particulier considérer comme une violation le fait de ne pas donner suite à une demande d'audition de témoins à décharge, ce qui concerne spécialement le refus d'audition des associations désignées par les requérants.

Quant à cet argument, on peut d'abord se demander si, ayant été formulé hors délais en vertu de l'article 42 du règlement de procédure, il ne convient pas de l'ignorer sans plus. Néanmoins, nous n'aborderons pas cette question parce qu'on peut avoir des doutes sur le point de savoir s'il s'agit effectivement d'un moyen tout à fait nouveau, autonome (en réalité ce ne sont que des arguments figurant déjà dans les requêtes, qui sont mieux qualifiés du point de vue juridique), mais également parce que dans la jurisprudence il est arrivé que des moyens revêtant une importance particulière soient examinés d'office (ce qui prive l'article 42 du règlement de procédure d'une partie de sa signification).

Au reste, en ce qui concerne l'appréciation de cet argument, on peut se contenter des observations faites ci-dessus sur le caractère incomplet de la communication des griefs eu égard aux conditions d'exemption de l'article 85, paragraphe 3. En ce qui concerne le défaut d'audition des associations désignées par la FEDETAB, il suffit de rappeler que selon le courrier pertinent de la FEDETAB déjà mentionné on peut émettre des doutes sérieux sur le point de savoir s'il s'agissait réellement de la désignation de témoins à décharge pour certains faits. En outre, même si on suppose, ce que la Commission elle-même estime exact, que les institutions communautaires sont tenues de respecter des concepts communs relatifs aux droits fondamentaux et de tenir compte de la Convention des droits de l'homme, on ne doit pas méconnaître que l'article 6 de la Convention des droits de l'homme se borne à prévoir que «toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue, équitablement... par un tribunal indépendant». Il n'est donc pas possible d'en déduire certaines exigences eu égard à une procédure administrative qui relève de la compétence de la Commission; il ne nous semble pas non plus pertinent, ainsi qu'on a tenté de le faire à l'audience, de fonder là-dessus la thèse selon laquelle dans une telle procédure l'article 6 de la Convention des droits de l'homme doit être appliqué de façon d'autant plus stricte que la Commission ne constitue précisément pas une instance indépendante et impartiale. Mais comme il est apparu que la Commission n'a pas violé les règles de droit communautaire telles qu'elles sont établies dans les règlements nos 17 et 99/63/CEE et comme il n'a pas non plus été possible de prouver que ces dispositions n'étaient pas conformes à la Convention européenne des droits de l'homme ou qu'indépendamment de cela, la Commission avait violé la Convention des droits de l'homme, il ne reste en définitive qu'à constater ici également que de telles considérations sont inopérantes pour aboutir à l'annulation de la décision attaquée.

II — L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE

Nous abordons maintenant la question de savoir si l'organisation de la distribution des produits manufacturés du tabac en Belgique à l'aide de certains accords et à l'aide de décisions de la FEDETAB au cours de la période du 13 mars 1962 au 1er décembre 1975 ainsi que la recommandation, entrée en vigueur le 1er décembre 1975, relative à la vente de cigarettes sur le marché belge, est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

La multitude des arguments qui ont été avancés à cet égard nous suggèrent de tenter de les ordonner. C'est ainsi que nous analyserons d'abord les moyens qui concernent en particulier les «mesures antérieures». Ensuite, il conviendra d'évoquer les griefs spécifiques relatifs à la recommandation. Enfin, il faudra encore examiner les arguments qui s'appliquent grosso modo de la même façon aux deux catégories de mesures.

A — Les moyens spécifiques avancés relativement à la décision sur les «mesures antérieures»

1.

L'observation qui présente en premier lieu un intérêt à cet égard est celle de la requérante Heintz van Landewyck, selon laquelle elle a seulement signé la lettre du 23 décembre 1971 sur l'établissement de délais de paiement maxima à l'exclusion de tout autre accord ou mesure. De ce fait, selon elle, seule cette lettre lui est imputable; en outre, en ce qui concerne son entreprise, on ne peut pas parler d'accords en matière de concurrence ou de pratique concertée parce que, eu égard aux autres mesures visées dans la décision, elle ne s'est conformée au comportement d'autres fabricants qu'en raison de contraintes inhérentes au marché. Dans ce contexte, il faut également évoquer la thèse soutenue de façon générale par la FEDETAB selon laquelle ses membres ne sont responsables que des mesures et décisions qu'ils ont acceptées expressément. En outre, il convient également d'évoquer ici l'argumentation développée par AGROTAB dans sa demande en intervention et selon laquelle la requérante Weitab n'a pas signé la lettre du 23 décembre 1971 que nous venons d'évoquer mais qu'en revanche la Commission n'a pas étendu la procédure à trois autres sociétés qui l'avaient signée.

a)

En ce qui concerne d'abord l'argumentation de la requérante Heintz van Landewyck, il existe de bonnes raisons de douter que, abstraction faite de la lettre du 23 décembre 1971, elle n'a appliqué toutes les autres «mesures antérieures» que pour des raisons inhérentes aux contraintes du marché et qu'il est de ce fait erroné de parler à cet égard d'un comportement collectif et d'une pratique concertée. La Commission a soutenu en effet à ce sujet, ce que la requérante n'a contesté que de façon tout à fait globale

sans entrer dans les détails, que certains importateurs opérant sur le marché belge avaient effectivement commercialisé des produits manufacturés du tabac sans respecter les règles de distribution mises en cause par la Commission. En outre, il ne nous a pas été démontré en détail pourquoi précisément la requérante Heintz van Landewyck doit avoir été contrainte par les forces qui agissent sur le marché à adopter un comportement analogue à celui des fabricants belges. La mention d'une prétendue part de marché de 3 % (selon les évaluations de la Commission elle devait malgré tout se situer entre 5 et 6 %) peut difficilement être suffisante à cet égard.

Toutefois, il ne semble pas nécessaire d'approfondir cette analyse. En effet, depuis 1947, l'entreprise Heintz van Landewyck est membre de la FEDETAB et elle avait de ce fait accepté les «mesures antérieures». Selon l'article 9 des statuts de la FEDETAB, la qualité de membre implique l'adhésion à toutes les décisions prises en vertu des statuts ainsi que l'engagement de remplir les obligations qui y sont stipulées. En outre, tous les accords en cause dans ce contexte ont été conclus par la FEDETAB au nom des fabricants et il découle des formules utilisées à cet égard qu'il s'agit d'obligations incombant aux entreprises. Dans ces circonstances, il n'est effectivement pas possible de faire grief à la Commission d'avoir considéré que les fabricants étaient soumis à certaines obligations au titre des accords et décisions de la FEDETAB et d'avoir de ce fait imputé à la requérante Heintz van Landewyck un comportement illicite en matière de concurrence non seulement eu égard à la fixation de délais de paiement maxima mais également en ce qui concerne les autres «mesures antérieures».

b)

Ce faisant, nous avons pratiquement dit l'essentiel aussi sur la Aèse défendue de façon générale par la FEDETAB, selon laquelle les fabricants ne pouvaient répondre de mesures de la FEDETAB que s'ils les avaient acceptées expressément. Mais en outre, il importe également dans ce contexte (et cela prouve l'exactitude de l'opinion de la Commission selon laquelle toutes les «mesures antérieures» constituent un comportement collectif et une pratique concertée) que les entreprises n'aient aucunement pris leurs distances vis-à-vis des mesures de la FEDETAB ni montré leur réprobation par leur comportement, mais qu'elles les aient effectivement appliqué en pratique, pour le moins dans leurs grandes lignes.

c)

Quant à l'argumentation particulière développée par AGROTAB, il convient d'observer en outre que, eu égard à la lettre du 23 décembre 1971 relative aux délais de paiement maxima, la FEDETAB a elle-même déclaré qu'il s'agissait d'une mesure collective et que les plus grands fabricants n'avaient apposé leur signature sur la lettre que pour donner plus de poids à la mesure en question, bien que (c'est sans doute ainsi qu'on doit raisonner) cela ne fût pas absolument nécessaire. De plus, la Commission a exposé, sans être contestée, que la requérante Weitab avait bien signé la lettre mentionnée et que l'absence de la signature de BAT ne s'expliquait que parce qu'à l'époque celle-ci n'avait pas encore pris le contrôle de l'entreprise Odon Warland. Mais en ce qui concerne le fait, en soi sans importance maintenant, que la décision de la Commission n'a pas été adressée également aux sociétés Laurenz, Odon Warland et Tabalux qui avaient signé la lettre du 23 décembre 1971, il suffit sans doute d'expliquer que ces entreprises sont tombées sous le contrôle des groupes auxquels les requérants appartiennent également.

2.

Ensuite, une série d'autres griefs qu'il convient d'analyser dans le contexte des «mesures antérieures» concerne les questions de savoir si on peut effectivement conclure à l'existence d'un accord, si la lettre de la FEDETAB du 21 décembre 1970 (Politique de distribution cigarettes — tabac à partir du 1er janvier 1971) contenait des règles obligatoires et ce que recouvre l'affirmation que certains accords n'ont pas été appliqueś. En outre, certaines lettres mentionnées dans la décision émanaient, semble-t-il, de l'association de grossistes FNCG, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas imputables aux fabricants.

a)

A cet égard, il faut d'abord relever l'observation selon laquelle l'accord-type conclu pour une année le 22 mai 1967 par la FEDETAB et la FNCG et imposant aux grossistes de respecter les prix fixés par les fabricants n'a jamais été appliqué et a été dénoncé par une décision de la FEDETAB de janvier 1968. L'affirmation selon laquelle l'avenant interprétatif du 5 octobre 1967, en vertu duquel les détaillants qui ne respectaient pas les prix indiqués sur les bandelettes ne pouvaient pas être approvisionnés par les grossistes n'a jamais été appliqué en pratique, entre également dans ce contexte. En outre, il faut mentionner ici l'observation selon laquelle l'accord-type que la FEDETAB a conclu le 30 juin 1972 avec la majorité des grossistes et qui leur impose de respecter les prix fixés par les fabricants et leur interdit d'approvisionner certains distributeurs, n'a jamais été appliqué et qu'il y avait déjà été mis fin en 1973. A cet égard, pour prouver que cet accord n'avait pas été suivi d'effets, AGROTAB a signalé que depuis 1972 l'association FNCG était déjà pour ainsi dire sur le point de disparaître.

Quant à cette argumentation et au renvoi important fait dans ce contexte par AGROTAB à la lettre de la FNCG du 8 mai 1970 susceptible de prouver, parce qu'elle évoque des accords antérieurs, que ceux-ci n'ont pas été appliqués, la Commission a souligné à bon droit que pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, il n'est pas décisif qu'un accord soit appliqué. Au regard de l'article 85 paragraphe 1, il suffit bien plus qu'un accord ait eu pour objet de restreindre le jeu de la concurrence et, si on se fonde sur le contenu des accords en cause, il ne peut exister aucun doute à ce sujet.

Pour la même raison, il n'est pas non plus décisif de savoir si des sanctions ont été infligées pour l'application des accords. Hormis le fait que lorsqu'il s'agit d'associations importantes une menace de sanctions peut déjà produire des effets, la Commission a pu mentionner cependant à cet égard une lettre de la FEDETAB du 3 octobre 1967 dans laquelle les grossistes ont été appelés à ne pas approvisionner certains distributeurs qui ne respectaient pas les prix et les marges bénéficiaires fixés. En outre, elle a également pu rappeler que dans un avenant interprétatif du 29 décembre 1970 entre la FEDETAB et la FNCG, celles-ci étaient convenues de contrôler strictement l'application des accords et de ne verser les ristournes de fin d'année qu'aux grossistes qui respectaient leurs obligations au titre de l'accord du 22 mai 1967.

En outre, la Commission souligne à bon droit que la durée de validité des accords n'importe pas en l'espèce, et cela parce que la décision se borne à constater que l'article 85, paragraphe 1, a été violé; elle ne prononce pas de sanctions pour lesquelles la durée et les effets des restrictions au jeu de la concurrence devraient être pris en compte.

b)

Ensuite, il convient d'examiner l'observation selon laquelle certaines lettres mentionnées dans la décision émanaient de la FNCG et, de ce fait, n'étaient pas imputables à la FEDETAB et à ses membres.

Il s'agit d'abord d'une lettre du 26 octobre 1967 communiquant que les fabricants de cigarettes n'approvisionneraient plus les grossistes livrant aux distributeurs qui accordaient des remises en fonction des quantités. Ensuite il s'agit d'une lettre du 8 mai 1970 qui rappelle l'obligation de respecter les prix fixés par les fabricants, de n'accorder qu'aux détaillants agréés par la FEDETAB les conditions prévues pour eux et de ne pas revendre à d'autres grossistes. En troisième lieu, il s'agit de la lettre du 22 mars 1972 dans laquelle il était question de l'interdiction de livrer des tabacs manufacturés à certains grossistes.

Mais, ici également, on peut se rallier à l'opinion de la Commission, à savoir que ces éléments sont sans importance pour apprécier la décision, en particulier parce que celle-ci ne considère pas les lettres mentionnées comme des actes autonomes, déterminants en matière de concurrence. En vérité, il ne faut pas méconnaître le fait que la lettre mentionnée en premier lieu se réfère à une action envisagée par les fabricants. Elle est liée à l'interdiction d'accorder des remises, imputable aux fabricants, et elle devait servir à faire respecter cette dernière. A cet égard, il importe également de relever la lettre de la FEDETAB du 3 octobre 1967 dans laquelle il est demandé aux grossistes de ne pas approvisionner certains distributeurs qui ne respectent pas les prix et les marges bénéficiaires fixés. La lettre mentionnée en deuxième lieu rappelle les obligations découlant d'un accord auquel les fabricants étaient parties, pour le moins par le truchement de la FEDETAB. En ce qui concerne la troisième lettre évoquée précédemment, ce qui importe d'abord c'est qu'elle renvoie à l'avenant interprétatif signé avec la FEDETAB le 29 décembre 1970 et visant à éviter un renforcement de l'influence du secteur alimentaire dans le domaine des tabacs manufacturés. D'autre part, il ne faut pas méconnaître le lien existant avec l'accord-type conclu le 30 juin 1972 entre la FEDETAB et la quasi-totalité des grossistes qui contient l'interdiction d'approvisionner certains distributeurs et qui peut parfaitement être considéré comme une conséquence de la lettre de la FNCG.

Dans le cadre de cette appréciation, il n'est effectivement pas possible de dire que dans la décision les fabricants se sont vu imputer à tort des actes qui émanaient en réalité de l'association de grossistes en cause.

c)

En ce qui concerne ensuite l'argument avancé par AGROTAB dans son mémoire exposant le bien-fondé de sa demande d'intervention, à savoir que la lettre de la FNCG du 26 octobre 1967 démontre précisément l'absence d'accord dans ce domaine, il faut certes admettre la possibilité d'en déduire que certains détaillants n'ont pas respecté l'interdiction d'accorder des remises et que certains grossistes n'ont pas respecté l'interdiction d'approvisionner opposable à ces détaillants. Toutefois, cela ne peut assurément pas servir à démontrer que la réglementation de la distribution n'a pas été largement mise en pratique. En outre, la décision attaquée, qui n'a été adressée qu'aux fabricants et à leur fédération, vise uniquement la pratique adoptée par ceux-ci. Or, il n'est pas possible de se fonder sur le fait que ces règles ont donné lieu à certains écarts aux échelons inférieurs pour en conclure qu'elles ont cessé d'être appliquées; on peut même supposer, précisément parce que la lettre mentionnée fait état de l'intention des fabricants de prendre des sanctions, que ceux-ci entendaient permettre au système de distribution de sortir pleinement ses effets. Ainsi, la lettre mentionnée devient en fait la preuve de l'exactitude de l'appréciation de la Commission.

d)

Enfin, dans ce contexte, il convient de faire encore les observations suivantes, eu égard à l'argumentation présentée par la requérante FEDETAB selon laquelle son document du 21 décembre 1970 sur la «Politique de distribution cigarettes — tabac à partir du 1er janvier 1971» n'a pas été considéré comme instrument de travail obligatoire, mais a été plutôt utilisé par chaque fabricant en fonction de sa politique de vente.

Les termes mêmes du document s'opposent manifestement à eux seuls à une telle interprétation. Si dans la première phrase du document il est dit: «Les fabricants de cigarettes, membres de FEDETAB, se sont engagés vis-à-vis des grossistes spécialisés en produits manufacturés du tabac à respecter les règles ci-après», cela signifie que les règles qui y figurent devaient constituer une ligne directrice déterminante. A cet égard, on peut également renvoyer aux mécanismes de contrôle décrits dans la décision et aux sanctions critiquées. Comme en outre il n'est pas contesté que le document a influencé largement le comportement des fabricants et qu'ils en ont grosso modo appliqué les règles, il est difficile de faire grief à la Commission d'avoir parlé de décision d'association d'entreprises et de pratique concertée, tombant par principe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1.

3.

Un autre ensemble de griefs qu'il convient d'analyser séparément, se rapporte pareillement pour l'essentiel à la partie de la décision concernant les «mesures antérieures» et vise l'appréciation qui y figure de l'interdiction d'accorder des remises, de la fixation de délais de paiement uniformes, de l'établissement d'un assortiment minimal et de l'interdiction d'approvisionnement de certains grossistes par d'autres grossistes.

a)

C'est ainsi que, eu égard à l'interdiction d'accorder des remises, il a été avancé que de telles pratiques ne sont possibles qu'en présence de marges bénéficiaires importantes qui font cependant défaut dans le commerce des tabacs manufacturés. En outre, selon cette argumentation, l'interdiction aurait été nécessaire pour protéger les distributeurs spécialisés dont l'existence aurait été mise en cause en l'absence d'une telle réglementation.

Nous estimons cependant, avec la Commission, que de telles raisons ne permettent pas d'établir que l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE a été appliqué à tort à des mesures dont il est difficile de contester le caractère par principe restrictif eu égard au jeu de la concurrence (ces mesures concernent la concurrence entre distributeurs au niveau des prix).

En fait, il ne faut pas oublier, d'une part, qu'il ne s'agissait pas uniquement de l'interdiction de remises importantes susceptibles d'être éventuellement qualifiées de concurrence déloyale, ruineuse, mais également de l'interdiction de toute remise. D'autre part, il n'a pas été démontré non plus que les marges bénéficiaires étaient si réduites à l'époque qu'il n'était même pas possible de supporter la charge de petites remises. A cet égard, il ne s'agit pas tant de se fonder sur les pratiques commerciales de gros distributeurs comme GB-Inno dont on a longuement parlé au cours de la procédure et qui, agissant tant en qualité de grossistes que de détaillants, peuvent cumuler les marges bénéficiaires afférentes à ces fonctions. Ce qui importe beaucoup plus c'est l'argument, qui n'a pas été contesté, présenté par l'intervenante Fédération nationale des négociants en journaux, publications, librairie et articles connexes, selon lequel les grossistes qui approvisionnent de tels détaillants se font effectivement concurrence par des remises de prix, encore à l'heure actuelle semble-t-il. Cela montre en outre qu'une telle pratique, en tout cas lorsqu'elle se maintient dans des limites appropriées, ne comporte aucunement le risque de voir disparaître les distributeurs spécialisés.

b)

En ce qui concerne la fixation de délais de paiement uniformes pour les clients des fabricants (voir lettre du 23 décembre 1971), il a ensuite été dit que cela était justifié du point de vue de la légitime défense. Il y a eu une action menée par de grands distributeurs ayant pour objectif l'octroi de délais de paiement plus longs et lorsque d'autres clients ont demandé à bénéficier des même avantages, il s'est avéré que cette pratique risquait d'avoir une telle incidence sur le prix que le marché aurait été nécessairement perturbé. Au demeurant, une argumentation analogue a été développée également en ce qui concerne l'obligation imposée a certains distributeurs d'offrir un assortiment minimal. Selon cette argumentation il importe de savoir en l'occurrence qu'à titre de représailles devant le refus d'allongement des délais de paiement, de grands distributeurs ont limité leur assortiment à moins de soixante marques, et cela en boycottant les requérants Weitab et Jubilé qu'ils estimaient être les plus vulnérables. Toujours selon cette argumentation, pour contrer cette action, ce qui doit également être considéré comme un acte de légitime défense, on a opposé des refus d'approvisionnement qui ne visaient donc que la suppression du boycottage et non pas le respect de l'engagement d'offrir un certain assortiment.

aa)

Eu égard à cette argumentation, il faut tout d'abord observer qu'il semble particulièrement douteux que du point de vue du droit de la concurrence il soit licite de réagir à une pression prétendument irrégulière de la part de gros clients par une violation des règles de concurrence. Il serait tout au plus possible d'envisager un tel procédé s'il n'existait aucun autre moyen, ce qui n'a cependant pas été démontré.

En outre, il n'est pas seulement important, comme la Commission l'a souligné à bon droit, que la lettre citée par la FEDETAB à la page 30 de sa requête puisse difficilement être considérée comme une preuve de l'existence d'une action commune de plusieurs gros distributeurs tendant au boycottage de deux fabricants, c'est-à-dire d'une mesure à laquelle les fabricants ne pouvaient faire face qu'en agissant de concert. De façon générale on doit également considérer comme improbable Te fait que tous les fabricants qui ont participé à cette action se trouvaient dans une position de faiblesse par rapport aux distributeurs en cause. En effet, un certain nombre d'entre eux font partie de groupes internationaux importants, alors que, d'autre part, GB-Inno par exemple, le plus important distributeur en cause, n'a Su'une part de 6 % environ du marché es cigarettes.

La légitime défense peut donc difficilement justifier le comportement des requérants.

bb)

Quant à l'engagement d'offrir un certain assortiment minimal de cigarettes, il convient au demeurant de souligner que cela ne constituait nullement une simple réaction à un boycottage partiel pratiqué par de grands distributeurs. Si nous comprenons bien le document de la FEDETAB «Politique de distribution cigarettes — tabac à partir du 1er janvier 1971», l'offre d'un assortiment minimal revêtait plutôt un caractère général au sens d'une condition préalable pour l'octroi de certains avantages d'achat. Mais en tant que telle c'est en principe à bon droit que dans la décision elle a été considérée comme une restriction au jeu de la concurrence parce qu'elle est susceptible d'affecter la liberté de choix des distributeurs et parce qu'elle est également liée à une immobilisation de capital en ce qui concerne les marques dont la vente est faible. Il n'est pas non plus possible de justifier cet engagement en disant simplement qu'il visait à promouvoir la concurrence entre les marques, parce qu'on peut difficilement approuver un tel jeu de compensation entre les restrictions des possibilités de concurrence entre distributeurs et la stimulation de celle-ci au niveau des fabricants. On peut tout au plus se demander si à la lumière de ces usages commerciaux, qui existent en toute hypothèse, on peut parler d'une restriction sensible du jeu de la concurrence. Il conviendra de revenir sur ce point dans un contexte ultérieur.

c)

Enfin, eu égard à l'interdiction faite à certains grossistes d'approvisionner d'autres grossistes et qui est en cause dans la décision, certains requérants ont encore fait valoir qu'une telle obligation devait être qualifiée d'absurde. De toute façon, un grossiste ne s'approvisionne pas auprès d'un autre grossiste parce que la marge bénéficiaire qui lui revient dans ce cas est trop faible. En outre, hormis le fait que les magasins à grandes surfaces et les distributeurs similaires ne peuvent pas être considérés comme grossistes, il y a lieu d'observer que la demande émanant de grossistes du secteur alimentaire et de grossistes non spécialisés est trop importante pour pouvoir être satisfaite par des grossistes spécialisés sans risques financiers importants pour ces derniers.

Sur ce point non plus, il n'est pas possible de se rallier à l'opinion des requérants. Tout en faisant abstraction de ce que dans un cas d'application de l'article 85, comme nous l'avons déjà dit, à des mesures qui ont pour objet de restreindre le jeu de la concurrence, il n'est pas nécessaire d'envisager la question des effets sur le marché, il faut rappeler que les clauses en question ont semble-t-il été prévues pour les grossistes qui ne sont pas approvisionnés par les fabricants ou pour les distributeurs qui ne reçoivent que de faibles quantités. Dès lors que de tels grossistes voulaient continuer à participer activement à la vie des affaires, ils étaient effectivement contraints de recourir à d'autres grossistes pour leur approvisionnement. Il semble que de telles livraisons avaient d'ailleurs lieu occasionnellement, comme il découle des déclarations de la FNCG du 22 mars 1972. En outre, il faut rappeler ici qu'il a également été procédé à certains arrêts de livraison assortis d'effets vis-à-vis de grands ditributeurs qui en tant qu'opérateurs économiques (et la clause en question a été importante à cet égard) rassemblent dans leur chef les fonctions de grossiste et de détaillant (nous renvoyons à cet égard aux mesures d'octobre 1967, de mai 1970 et de mars 1971 décrites à la page 6 du mémoire de GB-Inno).

d)

A titre de conclusion provisoire, nous pouvons donc constater qu'aucun des griefs spécifiques examinés jusqu'à présent n'est susceptible de justifier l'annulation de la partie de la décision qui concerne les «mesures antérieures».

B — Nous abordons maintenant certains griefs spécifiques relatifs à l'article 2 de la décision attaquée, c'est-à-dire à la recommandation de la FEDETAB pour la distribution de cigarettes en Belgique.

1.

A cet égard, certains requérants ont critiqué le fait que la décision qualifiait la recommandation d'accord entre les entreprises qui l'avaient approuvée et qui avaient déclaré avoir l'intention de s'y conformer. Selon eux, il serait plus exact de ne désigner comme accords au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE que des contrats conclus au titre du droit national. Toutefois, il ne s'agit pas en l'espèce de tels accords car l'effet obligatoire leur fait défaut et rien n'est prévu pour assurer le respect des engagements pris. A cet égard, les requérants se fondent, entre autres, sur l'arrêt rendu dans l'affaire 48/69 (Imperial Chemical Industries Ltd/Commission, arrêt du 14 juillet 1972, Recueil 1972, p. 657), dans lequel il est dit:

«Attendu que si l'article 85 distingue la notion de ‘pratiques concertées’ de celle d'‘accords entre entreprises’ ou de ‘décisions d'associations d'entreprises’, c'est dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cet article une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles au risque de la concurrence».

Néanmoins, nous avons l'impression que précisément cet arrêt montre clairement que le point que nous envisageons maintenant constitue une querelle de qualification négligeable. Et cela, parce que la procédure a montré qu'on peut en toute hypothèse se fonder sur une pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, précisément sur une «coordination qui s'extériorise par le comportement des participants». En effet, il est tout à fait incontesté que les directives de distribution ont été non seulement élaborées en commun mais qu'elles ont été et sont également appliquées. A cet égard, nous renvoyons aux considérations de FEDETAB qui parle malgré tout d'une application souple. On peut également renvoyer sur ce point aux déclarations faites par la quasi-totalité des requérants lors de l'audience et selon lesquelles ils ont respecté les marges fixées dans la recommandation.

Mais en outre on peut également défendre le point de vue selon lequel la notion d'«accord» au sens de l'article 85, paragraphe 1, est plus large que celle de «contrat» en droit civil. A ce propos, il est intéressant de lire l'arrêt rendu dans l'affaire 44/69 (Buchler & Co./Commission, arrêt du 15 juillet 1970, Recueil 1970, p. 757) sur ce qu'on appelle les «gentlemen's agreements». La Cour les a effectivement considérés comme des «accords» parce que, selon elle, il suffit que différentes entreprises se soient engagées mutuellement à se comporter d'une certaine manière et que le document en cause constitue la fidèle expression de la volonté commune des membres de l'entente sur leur comportement dans le marché commun. Cela peut être transposé sans plus aux faits de l'espèce dans la mesure où, ainsi que nous l'avons déjà dit, les représentants des requérants ont participé à l'élaboration de la recommandation sur la distribution. Si ensuite ils déclarent encore expressément l'accepter et expriment leur intention de réaliser les termes de la recommandation, on peut sans doute conclure à l'existence d'une concordance des volontés mutuelles au sens de l'arrêt cité et de ce fait à celle d'un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1.

2.

En outre, le fait que dans la décision attaquée la recommandation a été désignée comme décision d'association d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, a été critiqué. A cet égard, l'intervenante AGROTAB a fait remarquer que la FEDETAB est une association sans but lucratif et qu'en tant que telle elle ne participe pas à la vie économique.

Mais ici également nous désirons nous rallier à l'opinion de la Commission en ce sens que ce dernier élément ne revêt aucune importance. Il n'importe pas seulement en l'occurrence que la FEDETAB jouisse de la personnalité morale, c'est-à-dire qu'elle puisse participer à la vie juridique. On peut également rappeler le fait déjà évoqué que les décisions de la FEDETAB sont obligatoires pour ses membres, ainsi qu'il découle des articles 8 et 9 de ses statuts. De plus, on doit avoir conscience de ce que dans une autre optique, l'article 85 pourrait sembler lacunaire: au lieu de se concerter, il suffirait que les entreprises suscitent une décision correspondante de l'association, décision qui a fréquemment le même poids, pour éluder l'application de l'article 85. C'est pourquoi la jurisprudence (affaire 71/74, Nederlandse Vereniging voor Fruit en Groentenimporthandel et Nederlandse Bond van Grossiers in Zuidvruchten en ander geimporteerd Fruit/Commission, arrêt du 15 mai 1975, Recueil 1975, p. 583) souligne particulièrement elle aussi le fait que l'article 85, paragraphe 1, s'applique également aux associations dans la mesure où leur activité propre ou celle des entreprises qui y adhèrent tend à produire les effets qu'il vise à réprimer.

En tant que telle, la décision de la FEDETAB, dont les effets devaient être encore renforcés du fait que certains fabricants avaient déclaré expressément l'accepter, revêt donc certainement une importance au regard du droit de la concurrence, c'est-à-dire qu'en tant que telle, elle tombe sous le coup de l'article 85, comme la Commission l'a admis.

3.

Il n'est pas non plus possible de faire valoir contre cette argumentation que la recommandation n'avait pas d'effet obligatoire et qu'en particulier au point 61 de la décision attaquée il est question, à tort, d'une réelle obligation qui découle de la recommandation pour toutes les entreprises du secteur en cause.

C'est à bon droit que dans ce contexte la Commission a rappelé que, selon la jurisprudence (affaire 8/72, Vereniging van Cementhandelaren/Commission, arrêt du 17 octobre 1972, Recueil 1972, p. 990) la fixation d'un prix indicatif constitue déjà une restriction au jeu de la concurrence du fait qu'il permet à tous les participants de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix suivie par leurs concurrents. De plus, se référant à l'arrêt dans l'affaire 73/74 (Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique et autres/Commission, arrêt du 26 novembre 1975, Recueil 1975, p. 1491), elle a fait observer qu'il doit en être de même pour les clauses relatives à d'autres conditions de vente dès lors que des éléments essentiels du prix sont fixés à titre indicatif, ce qui en l'espèce vise les ristournes accordées aux clients des fabricants. En outre, il ne faut pas oublier qu'un certain nombre de fabricants ont souscrit à la recommandation et que l'expression de la volonté sous cette forme implique pour le moins un certain caractère obligatoire.

Mais dans la mesure où au point 61 de la décision, il est question d'une obligation de tiers, cela ne désigne manifestement pas une obligation juridique d'autres entreprises du secteur mais uniquement une contrainte économique. En fait, il devrait être difficile d'en douter si on songe que sept entreprises qui ont souscrit à la recommandation contrôlent 80 % du total des ventes de cigarettes en Belgique et que, de ce fait, elles exercent certainement une influence importante sur le marché.

4.

Enfin, il faut encore analyser dans ce contexte l'objection selon laquelle la Commission a considéré à tort que la recommandation constituait une simple continuation du système de distribution en vigueur antérieurement, alors qu'en fait il existait des différences notables quant aux effets. C'est ainsi que la recommandation ne prévoit pas d'agrément exprès et particulier de distributeurs dans des catégories déterminées et qu'elle ne contient pas non plus de limitation d'accès au commerce de gros. Elle ne contient pas d'interdiction d'approvisionnements horizontaux et elle ne prévoit pas de mesures collectives, notamment en ce qui concerne l'application effective de délais de paiement. En outre, elle se borne à fixer des marges maximales et elle laisse aux fabricants toute liberté, eu égard à d'autres ristournes. Surtout, toujours selon l'objection soulevée, il est essentiel de noter qu'elle n'est applicable qu'aux relations entre fabricants et clients directs, c'est-à-dire qu'en ce qui concerne les conditions de revente, elle ne contient aucune règle pour les distributeurs et qu'il est de ce fait inexact de parler de restrictions verticales au jeu de la concurrence. Comme la Commission n'en a pas tenu compte, il convient de considérer que l'appréciation de la recommandation qui figure dans la décision est fondée sur des constatations de fait fausses et qu'elle est erronée.

Eu égard à cette objection, il convient d'abord d'observer qu'elle ne semble pas fondée en ce qu'elle fait valoir que la recommandation n'est applicable qu'aux relations entre les fabricants et leurs clients directs. Il nous semble que notamment aux pages 80 à 90 de la duplique, la Commission a montré de façon convaincante qu'il n'en est pas ainsi et que la recommandation vise bien plus aussi les relations entre grossistes et détaillants. A l'appui de ce point de vue, on peut, par exemple (la liste n'est pas exhaustive) renvoyer au fait que dans la notification de la recommandation il est égaleraeirat question de taux maxima pour les rislournes miermédiaires. Il est intéressant de noter ici que la recommandation fixe également des marges pour les détaillants qui, du point de vue du nombre, représentent la catégorie la plus importante de clients (plusieurs dizaines de milliers) et qu'elle souligne en même temps qu'ils sont presque tous approvisionnés directement par des grossistes. A cet égard, on peut également renvoyer à la réponse faite par FEDETAB le 29 juillet 1976 aux observations de Mestdagh et Huyghebaert, dans laquelle il est dit que pour l'approvisionnement de commerces d'alimentation par les grossistes, il convient d'appliquer le taux de 7,25 % normalement en vigueur pour les détaillants non spécialisés.

D'un autre côté, toutefois, il convient de reconnaître qu'en ce qui concerne les rapports entre grossistes et détaillants, les effets de la recommandation ne sont manifestement pas aussi absolus que ceux du régime antérieur dans lequel il existait de réels accords entre fabricants et grossistes. C'est ainsi que s'explique également le fait que les grossistes ne respectent pas tous, semble-t-il, la recommandation. En toute hypothèse, il ne fait aucun doute (le représentant de la Fédération nationale des négociants en journaux, publications, librairie et articles connexes a, lui aussi, fait une déclaration en ce sens) que les grossistes se font effectivement concurrence lors de la fixation de leurs prix de vente.

Néanmoins, il faut croire que la Commission a parfaitement remarqué cette différence de même que toutes les autres particularités de la recommandation par rapport aux «mesures antérieures». En fait, il y a lieu de constater que la décision expose les «mesures antérieures» dans tous leurs détails, d'une part, et, séparément, le contenu de la recommandation. De la même façon, l'appréciation juridique est faite séparément. Or, si sur l'un ou l'autre point cette appréciation renvoie aux «mesures antérieures», il est difficile de soulever des objections à cet égard. Il n'importe pas seulement ici que lors de la notification de la recommandation, qui a été préparée après la communication des griefs sur les «mesures antérieures», les requérants ont déclaré que la recommandation était destinée à se substituer aux «mesures antérieures». Il est sans doute aussi incontestable que l'objet des mesures arrêtées est resté largement analogue et qu'elles ont eu des effets similaires sur le marché et les conditions de concurrence, précisément parce que les éléments essentiels en ont été maintenus et que, grosso modo, les requérants ont effectivement appliqué tant les «mesures antérieures» qu'également la recommandation.

Il est donc difficile d'adresser une critique pertinente à la décision relative à la recommandation FEDETAB au motif que celle-ci a été appréciée de façon inexacte par rapport aux «mesures antérieures».

C — Après cette analyse des griefs spécifiques relatifs à l'article 2 de la décision, qui n'a pas permis de donner raison aux requérants, il faut maintenant considérer l'objection qui, eu égard à l'article 85, paragraphe 1, vise la décision en son entier, c'est-à-dire qui est dirigée grosso modo tant contre la panie qui traite des «mesures antérieures» que contre celle qui examine la recommandation.

1.

Ce qui importe ici en premier lieu, c'est l'argumentation des requérants selon laquelle il faut considérer que l'objectif des mesures critiquées est le maintien de la distribution traditionnelle, avec un réseau dense, donnant également une chance aux petites marques peu connues qui contribuent à renforcer le jeu de la concurrence. Pour ce faire, il est indispensable qu'il existe des grossistes spécialisés qui ne pourraient pas subsister face à la concurrence d'autres distributeurs en gros, dont le chiffre d'affaires révèle une tendance ascendante, si leurs prestations n'étaient pas spécialement rémunérées par le maintien d'un certain niveau de prix. Eu égard à l'intérêt en jeu ici, toujours selon l'argumentation des requérants, il convient de renvoyer à la jurisprudence dans l'affaire 26/76 (Metro SB-Großmärkte GmbH & Co. KG/Commission, arrêt du 25 octobre 1977, Recueil 1977, p. 1899 et suivantes). Selon cet arrêt, la concurrence au niveau des prix n'a pas une priorité absolue. En particulier, une différenciation des fonctions du commerce de gros, d'une part, et du commerce de détail, d'autre part, est conforme au droit de la concurrence dès lors qu'elle dépend de critères purement objectifs. En outre, l'arrêt a souligné non seulement qu'un système de distribution sélectif est compatible avec l'article 85, paragraphe 1, mais également que le souci de maintenir un certain niveau de prix dans le commerce spécialisé et de maintenir cette voie de distribution ne constitue pas obligatoirement une infraction à l'article 85, paragraphe 1. Or, aux dires des requérants, lors de l'appréciation du système de distribution applicable en Belgique pour les produits manufacturés du tabac, la Commission n'a pas dûment tenu compte de ces éléments.

Eu égard à ces considérations, il convient d'abord de remarquer, selon nous, que la Commission ne critique pas la répartition des distributeurs en différentes catégories dès lors que celle-ci a lieu en fonction de critères objectifs, appliqués également, et qu'elle n'a pas non plus formulé d'objections sur la fixation de marges différentes. Il n'est donc pas exact qu'elle exige un système de concurrence dans les mêmes conditions entre grossistes spécialisés et autres grossistes, système qui aboutirait à la disparition du commerce de gros spécialisé, c'est-à-dire d'une voie de distribution traditionnelle dont dépendent en particulier les petits fabricants.

La décision vise principalement le fait que les fabricants les plus importants agissent de concert dans la poursuite de cet objectif et annulent toute concurrence entre eux à cet égard.

De ce fait, il est clair pour nous qu'en l'espèce, en particulier pour le dernier point de vue analysé, l'affaire 26/76 (affaire Metro) ne fournit aucun élément pour trancher dans le sens de la thèse soutenue par les requérants. Sans doute faut-il reconnaître que l'arrêt contient des considérations sur la compatibilité d'un système de distribution sélective avec l'article 85, paragraphe 1. Toutefois, il importe en premier lieu que celles-ci se rapportent à un système de distribution sélective pour des biens de consommation très complexes pour lesquels le choix de certains distributeurs se faisait selon des points de vue qualitatifs. On peut se demander à bon droit ici s'il est possible de transposer simplement cette situation à la distribution de produits du tabac qui ne présente pas de telles particularités et pour laquelle il n'existe en outre pas de sélection selon des points de vue qualitatifs.

En second lieu, ce qui importe c'est que dans l'affaire 26/76 (affaire Metro), il s'agissait d'un système de distribution individuel d'un fabricant. Il n'y avait pas d'accords horizontaux; bien plus, il existait une concurrence avec d'autres formes de distribution d'autres fabricants. A la différence de l'espèce, la liberté d'agir des distributeurs n'était pas non plus affectée, c'est-à-dire que dans le cadre du réseau de distribution sélective il n'existait pas de structure uniforme des prix mais au contraire une réelle concurrence à ce niveau. Il ne faut pas non plus méconnaître que la décision de la Commission en cause à l'époque se fondait largement sur l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE qui admet certaines restrictions au jeu de la concurrence dès lors qu'elles semblent nécessaires pour la réalisation de certains objectifs dignes de protection. A cet égard, l'arrêt enjoignait à la Commission de veiller à ce que la rigidité dans la structure des prix «ne soit pas renforcée», ce qui pourrait se produire dans l'hypothèse d'une multiplication de réseaux de distribution sélective pour la commercialisation d'un même produit». Il fallait manifestement entendre par là une uniformisation des conditions de concurrence entre différents fabricants telle qu'elle se présente sans aucun doute en l'espèce.

Au regard des particularités du cas d'espèce, il ne nous semble donc pas possible de défendre sur le fondement de l'arrêt rendu dans l'affaire Metro le point de vue selon lequel la Commission a parlé à tort d'une restriction au jeu de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1.

2.

Ces considérations entraînent la question suivante de savoir si lors de l'appréciation du système de distńbution des produits manufacturés du tabac en Belgique, la Commission a correctement et effectivement tenu compte à suffisance de toutes les circonstances essentielles et si elle a considéré ensuite à bon droit qu'il existait une restriction sensible du jeu de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1.

A cet égard, on sait que les requérants renvoient aux conditions particulières du jeu de la concurrence qui singularisent le marché des tabacs manufacturés. A leurs yeux, la perception d'un impôt proportionnel élevé calculé sur le prix de vente au détail fixé par le fabricant ou l'importateur est déterminant, le jeu de la concurrence «vers le bas» étant limité par un impôt minimal. En outre, la réglementation applicable en Belgique en matière de contrôle des prix ne permet pas sans plus de procéder à des augmentations et, pour les tabacs manufacturés, c'est la règle du prix fixe de l'article 58 de la loi belge du 3 juillet 1969 qui a déjà été évoquée dans l'affaire 13/77 (GB-Inno-BM/Vereniging van de Kleinhandelaars in Tabak, arrêt du 16 novembre 1977, Recueil 1977, p. 2115 et suiv.), qui est applicable. De plus, il faut prendre en considération le fait que, conformément au droit belge, il n'est pas possible d'obtenir différentes bandelettes fiscales pour une seule et même marque de cigarettes et que des dispositions de nature sanitaire ont également une incidence sur le jeu de la concurrence. De l'avis des requérants, la Commission n'en a pas tenu compte ou n'en a pas tenu compte de façon satisfaisante. Dans son appréciation du caractère sensible de la restriction du jeu de la concurrence, elle a en particulier omis de considérer que la marge à l'intérieur de laquelle la concurrence peut s'exercer est déjà substantiellement réduite par les réglementations mentionnées — certains estiment même qu'en pratique celles-ci excluent toute concurrence — et que les entreprises intéressées ont dû répliquer à des distorsions de concurrence imputables à l'État, qui excluent toute «workable competition», par des mesures destinées à régulariser le marché.

a)

Au début de l'examen de cet ensemble de points en litige qui, même si en principe il concerne l'ensemble des mesures sur l'organisation de la distribution des tabacs manufacturés, rend cependant nécessaires pour terminer certaines explications spécifiques eu égard aux «mesures antérieures», il nous semble opportun d'exposer brièvement comment, dans sa décision, la Commission a apprécié ces mesures eu égard au droit de la concurrence.

aa) Les «mesures antérieures»

La Commission voit d'abord dans le classement des distributeurs en catégories et l'attribution à ces derniers de certaines marges bénéficiaires une restriction de la concurrence entre fabricants dans le domaine des marges bénéficiaires qu'ils accordent. D'un autre côté, elle part également de l'idée qu'il y a limitation de la marge concurrentielle des grossistes parce que, comme les critères de classement ne tiennent pas compte des autres prestations et efforts individuels des distributeurs, la concurrence ne peut pas jouer dans le domaine des services rendus aux fabricants et parce que les grossistes ne sont pas en concurrence pour la fixation de leurs prix de revente.

L'obligation de respecter le montant fixé par les fabricants des prix de vente pratiqués par les grossistes et des prix de revente des détaillants constitue aux yeux de la Commission une nouvelle restriction de la concurrence au niveau des prix telle qu'elle aurait pu exister pour une seule et même marque.

Dans la mesure où une limitation quantitative de l'agrément de grossistes de certaines catégories avait été prévue, la Commission parle en outre d'une restriction de la possibilité d'accès au marché pour les grossistes non agréés.

Eu égard à l'interdiction faite aux grossistes agréés d'approvisionner d'autres grossistes et certains détaillants, la Commission estime que, ce faisant, on empêche ces intermédiaires de faire certaines opérations de vente et d'améliorer leur position sur le marché; en outre, on empêche les acheteurs d'acheter des quantités plus importantes et à de meilleures conditions.

En ce qui concerne la fixation de délais de paiement maxima pour les grossistes, la Commission souligne que cette pratique a eu des effets sur les marges bénéficiaires des fabricants et des distributeurs.

Quant à l'obligation imposée aux détaillants d'offrir un assortiment minimal, la Commission critique enfin le fait que cette mesure les a empêchés de pousser particulièrement à la vente d'une marque et qu'elle les a contraints d'offrir des marques qui se vendent difficilement, c'est-à-dire d'immobiliser de façon improductive leur fond de roulement.

bb) La Commission donne une appréciation analogue des mesures arrêtées dans la recommandation qui vont dans le même sens.

En ce qui concerne le classement des distributeurs en catégories et l'attribution à ces derniers de marges bénéficiaires, la Commission parle également d'une restriction du jeu de la concurrence tant entre fabricants qu'entre revendeurs. Dans la mesure où le nombre des marques offertes a une incidence sur le classement, c'est-à-dire dans la mesure où il existe une certaine obligation quant à la structure de l'assortiment, la Commission estime également, comme pour les «mesures antérieures», que cela constitue une restriction du jeu de la concurrence pour ces distributeurs.

En ce qui concerne la réglementation relative à la ristourne de fin d'année, la Commission estime que, dans ce domaine, il existe une restriction du jeu de la concurrence entre fabricants. En outre, elle souligne que, de ce fait, parce que la ristourne est fonction du chiffre d'affaires total avec tous les fabricants, les efforts d'un distributeur pour obtenir des avantages supplémentaires auprès d'un fabricant et la concentration des acheteurs sur un fabricant perdent leur signification, abstraction faite de ce que ce système grève les fabricants nouvellement arrivés sur le marché, c'est-à-dire qu'il rend plus difficile l'accès à celui-ci.

Enfin, quant à la fixation de délais de paiement maxima, la Commission constate que cette pratique empêche le jeu de la concurrence dans ce domaine de la même façon que la mesure correspondante du système antérieur.

b)

En outre, comme les requérants estiment que pour apprécier ces restrictions au jeu de la concurrence certaines réglementations et pratiques étatiques qui ont une incidence sur le marché sont déterminantes (à cet égard les fabricants parlent de contraintes auxquelles les opérateurs du marché sont soumis), et comme la Commission ne l'a pas non plus contesté en principe, il semble opportun de les exposer en détail au préalable et de tenter d'évaluer leurs effets sur le fondement des éléments qui sont apparus au cours de la procédure.

aa) Le système fiscal belge

En ce qui concerne les tabacs manufacturés, le système fiscal belge se caractérise par un droit d'accise proportionnel élevé calculé sur le prix de vente au détail fixé par le fabricant ou l'importateur qui sont redevables de l'impôt. Comme nous l'avons appris à l'audience, il en a toujours été ainsi. Ce système n'a pas non plus été modifié à la suite de la directive du Conseil du 19 décembre 1972 concernant les impôts autres que les taxes sur le chiffre d'affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés (Journal officiel no L 303, du 31 décembre 1972, p. 1). Selon cette directive, au cours de la première étape d'harmonisation, le montant de l'élément spécifique ne doit pas être inférieur à 5 %, obligation que la Belgique a respectée; au cours de la deuxième étape d'harmonisation, c'est le même pourcentage qui est applicable, mais il doit inclure la taxe sur la valeur ajoutée. Il ne semble pas non plus qu'à bref délai il se produira une modification plus importante du rapport entre l'élément proportionnel et l'élément spécifique de l'impôt frappant les tabacs en faveur de ce dernier élément. A cet égard, nous renvoyons à la directive 77/805 qui a marqué le début de la deuxième étape d'harmonisation le 1er juillet 1978 ainsi qu'aux considérations émises à l'audience sur le développement que connaîtra probablement à l'avenir cette question.

L'effet décisif d'un tel système d'imposition est que toute modification de facteurs de coûts autres que l'impôt de consommation et la taxe sur la valeur ajoutée, qui est également proportionnelle, se répercute sur le prix de vente au détail de façon amplifiée; ainsi, comme les requérants l'ont déclaré, la valeur de toute action concurrentielle est-elle multipliée. A cet égard, on parle en général d'un «multiplicateur». Selon le système belge, celui-ci se situe entre 4 et 5 et, ainsi qu'il a été montré, il n'a nullement eu tendance à diminuer entre 1972 et 1978, ce qui aurait été conforme à l'objectif de l'harmonisation, mais plutôt à augmenter. Les requérants, mais aussi la Commission au cours de l'audience, ont démontré de façon convaincante comment cela se traduit dans le détail de la réalité économique en se fondant sur des exemples chiffrés. C'est ainsi que l'augmentation d'un facteur de coût, de la partie revenant au fabricant ou de la marge bénéficiaire, aboutit à une augmentation disproportionnée du prix de vente au détail ce qui, en cas d'une différenciation des marges bénéficiaires et d'une différenciation correspondante des prix de vente au détail, aboutit à avantager très fortement sur le plan de la concurrence des formes de distribution peu coûteuses. En revanche, une diminution dans les facteurs de coût entraîne une diminution disproportionnée du prix de vente au détail parce que le montant correspondant auquel le fabricant ou le distributeur renonce est également amplifié par le truchement de la fiscalité. On peut ainsi parler d'un effet de distorsion de la concurrence au détriment de produits dont le coût est élevé (nouvelles marques, petites marques de petits fabricants) et au détriment de formes de distribution coûteuses. Les considérants de la directive 72/464 le reconnaissent d'ailleurs expressément: aux termes de ceux-ci, les impôts sur la consommation de tabacs manufacturés en vigueur ne sont pas neutres du point de vue concurrentiel, ils sont susceptibles de fausser les conditions du jeu de la concurrence tant au niveau national qu'au niveau communautaire. C'est également en ce sens que se prononce le Comité économique et social dans son avis sur la proposition d'une cinquième directive du Conseil sur les impôts autres que les taxes sur le chiffre d'affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés (Journal officiel no C 204, du 30 août 1976, p. 1). En outre, la distorsion du jeu de la concurrence est amplifiée d'une certaine manière en ce que l'article 10 de la directive 72/464 prévoit l'introduction d'une accise minimum (ce qui a été fait en Belgique) dont le montant ne peut pas être supérieur à 90 % du montant cumulé de l'accise proportionnelle et de l'accise spécifique sur les cigarettes les plus demandées. En effet, cela exclut manifestement que l'effet de multiplicateur «vers le bas» joue pleinement en faveur de produits bon marché.

Dans une telle situation, il est en pratique interdit aux fabricants — et cela eu égard aux stocks des distributeurs — de baisser les prix. En effet, du fait que les distributeurs ne renonceront pas à leur marge bénéficiaire, leurs stocks devraient être dégrevés de façon dispror portionnée, à concurrence d'un multiple du montant du profit auquel le fabricant renonce, et cela aux frais du fabricant, ou ce dernier devrait reprendre les marchandises pour le remboursement des charges fiscales et l'apposition de nouvelles bandelettes, solution qui est exclue parce qu'elle se révèle trop coûteuse.

Dans une telle situation où les produits devant supporter des coûts élevés n'ont que des chances très réduites d'accéder au marché à cause de l'effet de renchérissement du multiplicateur, il existe manifestement aussi une autre conséquence, à savoir un effet de nivellement ou de compression dans le domaine de la part qui revient au fabricant et des coûts de distribution. C'est ce que démontre le fait que 80 % des cigarettes vendues en Belgique appartiennent à la catégorie de prix des cigarettes les plus demandées ou à une catégorie inférieure; à une certaine époque, le prix de ces cigarettes était de 41 francs belges alors que les cigarettes les moins chères coûtaient 38 francs belges. A cet égard, on peut également renvoyer à un tableau figurant à la page 81 de la duplique de la Commission selon lequel, si on fait abstraction du Luxembourg, la part du prix de vente des cigarettes dont dispose l'industrie et la distribution est en Belgique la plus basse de tous les États membres. En outre, on peut également renvoyer dans ce contexte à des extraits d'un rapport de la «Price Commission» anglaise qui figurent à la page 18 de la réplique dans l'affaire 215/78 et selon lesquels l'effet de multiplicateur d'une accise proportionnelle élevée (dans le rapport il n'était question que d'une accise de 30 %) entraîne la nécessité de maintenir les coûts à un niveau aussi bas que possible.

Sur la base de ces considérations, on peut sans doute admettre qu'un système d'impôts de consommation dans lequel la part de l'accise proportionnelle est très élevée limite de façon notable la marge de concurrence des opérateurs sur le marché et que ce système est également lié à des distorsions de concurrence dont on ne peut certainement pas faire abstraction lors de l'application de l'article 85, paragraphe 1.

bb) Les mesures de contrôle des prix en Belgique

L'arrêté ministériel du 22 décembre 1971 prévoit que toute hausse de prix doit être communiquée au ministre des affaires économiques deux mois avant la date envisagée pour son application. A la suite de cette notification, le ministre émet une recommandation dont l'effet est d'obliger à ajourner l'augmentation de prix dès lors qu'elle excède le niveau préconisé dans la recommandation. Eu égard à cette réglementation qui a incontestablement l'effet d'un frein et eu égard à l'appréciation de son incidence, deux circonstances revêtent une importance particulière dans le secteur des tabacs. Il semble que la réglementation soit appliquée de façon minutieuse et stricte parce qu'elle influence l'index des prix qui joue un rôle important dans de nombreux secteurs. Dans le secteur des tabacs, le ministre des finances participe, lui aussi, aux négociations et dans ce cadre il exerce une influence relativement décisive parce que, le cas échéant, il est nécessaire de créer de nouvelles bandelettes et de fixer un nouvel impôt minimum, mais également parce que les rentrées fiscales peuvent en être affectées. Ce faisant, et particulièrement au cours des dernières années dans lesquelles il y a eu une augmentation notable des impôts, le ministre des finances veille à assurer la part du fisc à une augmentation des prix, le cas échéant, aux frais des autres intéressés. De plus, il tentera également d'empêcher des augmentations de prix trop fortes parce qu'elles peuvent avoir pour effet une baisse partielle de la consommation et, de ce fait, des pertes de rentrées fiscales.

Ces circonstances impliquent que tous les éléments du prix, y compris les différentes marges bénéficiaires, doivent être examinés soigneusement. C'est ainsi qu'il découle de documents qui nous ont été communiqués (une lettre et une décision de la commission des prix de 1976) qu'une augmentation très précise de la marge bénéficiaire, même plus précisément de la marge des grossistes, a été acceptée. En outre, il a été montré que dans une augmentation de prix de 5 francs en 1977, la plus grande part a été réservée à l'État et que seule une fraction réduite a été octroyée aux détaillants. Il est également intéressant de noter qu'en 1978 l'autorité compétente en matière de prix est restée nettement en deçà du niveau demandé par les intéressés (au lieu des 28 francs demandés, les fabricants n'ont obtenu que 20 francs et le secteur de la distribution n'a obtenu que 8 francs au lieu de 12), ce qui a entraîné une diminution des marges bénéficiaires en pourcentage.

Les particularités qui viennent d'être exposées relativement à la pratique du contrôle des prix, en particulier la participation du ministre des finances, ont également pour effet que l'administration attache de l'importance à des négociations collectives avec des fédérations, c'est-à-dire à une certaine concertation, même si, en soi, des notifications individuelles par des entreprises isolées et des mesures de prix individuelles sont possibles. Dans ce contexte, l'exemple présenté par la requérante BAT relatif à l'introduction d'une nouvelle marque à un certain prix réduit, est significatif: il montre qu'après une augmentation générale des prix en 1977, le fabricant n'a, semble-t-il, pu maintenir le prix souhaité moins élevé qu'en insistant particulièrement et seulement durant un bref délai (pour le détail nous renvoyons aux explications fournies à l'audience).

On peut donc constater que l'application pratique des mesures de contrôle des prix favorise une action commune lors de la fixation des prix et de leurs éléments constitutifs. D'autre part, comme l'application de la réglementation implique une compression notable de la part revenant aux fabricants et des marges bénéficiaires (parce que, par exemple, en 1979, il a fallu faire face à des réductions de vente dues à des augmentations fiscales), on peut également dire qu'elle contribue à limiter de façon notable la marge dans laquelle la concurrence peut s'établir.

ce) La politique fiscale belge

Dans ce contexte, les requérants ont ajouté également des considérations particulières sur la politique fiscale belge. L'impôt sur les tabacs constitue une source importante de rentrées fiscales; du fait que celui-ci est prévu au budget, son montant doit être prévisible avec une assez grande certitude. Enfin, il existe une tendance à l'augmentation des rentrées fiscales, ce que démontre le fait qu'en dix ans, l'impôt a quintuplé.

Effectivement, il est incontestable (ce que laissait déjà entendre le point traité précédemment sur le contrôle des prix) que la politique fiscale contribue aussi à limiter la marge d'action des entreprises. A cet égard, nous rappelons encore une fois ce qui a été dit sur les efforts de la requérante BAT pour maintenir un certain niveau de prix pour une marque nouvellement introduite sur le marché. A cet égard, il est également intéressant de noter les explications données par le gouvernement belge dans une procédure introduite contre lui au titre de l'article 169 du traité CEE. Selon ses dires, on peut estimer que dans une situation qui impliquerait une diminution du prix de vente au détail (par exemple en raison d'efforts particuliers du point de vue concurrentiel de la part des distributeurs qui s'occupent spécialement d'une marque et se voient accorder des avantages de ce fait), le ministre des finances n'accepterait pas une baisse consécutive des rentrées fiscales au titre de l'accise sur les tabacs et chercherait une compensation, dans un impôt spécifique élevé par exemple.

Selon nous, il est tout à fait clair que de telles perspectives paralysent les efforts de concurrence et qu'il convient d'en tenir compte lors de l'application de l'article 85.

dd) La réglementation des prìx fixes en Belgique

En vertu de l'article 58 du code belge de la taxe sur la valeur ajoutée qui est entré en vigueur le 1er janvier 1971 et que nous connaissons déjà depuis l'affaire 13/77, il existe une obligation de respecter le prix fixé sur les bandelettes fiscales.

Manifestement, cela signifie que, pour un distributeur qui fait des efforts particuliers pour une marque, il est non seulement difficile mais impossible de recourir à une réduction du prix de vente au détail. La réglementation a donc pour conséquence d'exclure la concurrence pour une seule et même marque au niveau du commerce de détail et il n'est pas non plus possible d'éluder cette conséquence en distribuant par exemple des cigarettes gratuitement ainsi que la Commission l'estime à tort, puisque l'article 5 du règlement annexé à l'arrêté ministériel du 22 janvier 1948 ne vise en réalité que les cessions préférentielles au personnel des fabricants et importateurs. Il faut plutôt en tenir compte lors de l'examen du comportement concurrentiel des opérateurs sur le marché des produits manufacturés du tabac.

Selon nous, il n'est pas possible d'objecter à cela l'arrêt rendu dans l'affaire 13/77 (Recueil 1977, p. 2115 et suiv.) dans lequel l'article 58 mentionné a été examiné sous l'angle de la restriction du commerce entre États membres. En effet, l'arrêt se borne à déclarer que la juridiction de renvoi doit rechercher si une réglementation qui impose un prix fixe de vente au détail est compatible avec le droit communautaire et elle doit constater, en particulier «compte tenu des entraves de caractère fiscal affectant le secteur des produits en cause, si un tel régime de prix imposés est en lui-même apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les importations des États membres». Par conséquent, il n'est nullement possible de supposer (ce que nous avons tenté de mettre en évidence dans nos conclusions dans l'affaire citée) que l'article 58 en cause ne puisse pas être appliqué comme étant incompatible avec le droit communautaire.

Dans ce contexte, il serait d'ailleurs possible d'ajouter, et cela pour le cas où on se fonderait sur l'inapplicabilité de l'article 58 ou si on estimait cependant possible que, par des efforts particuliers, les distributeurs puissent aboutir indirectement à la fixation de prix de vente au détail moins élevés, que, même dans ce cas, il semble difficile d'envisager une concurrence notable dans le domaine des prix de vente au détail d'une seule et même marque. En conséquence, il n'est pas possible de nier que les fabricants n'ont guère de propension à reverser au fisc des impôts sur l'assiette d'un prix plus élevé que celui payé par le consommateur, c'est-à-dire que lorsque le prix pratiqué est inférieur au prix figurant sur la bandelette ils tenteront de procéder à une harmonisation générale des prix vers le bas, ce qui est également un objectif de la transparence du marché. En outre, il convient de rappeler les considérations relatives à la politique fiscale émise précédemment, à savoir que dans un tel cas le fisc s'efforcera de compenser la perte de rentrées fiscales de sorte que des efforts de concurrence éventuels n'entraînerait un avantage pour les consommateurs que durant une courte période.

ee) L'interdiction de fournir des bandelettes fiscales différentes pour une seule et même marque de cigarettes

Au cours de la procédure, il a en outre été exposé (à cet égard nous renvoyons à une lettre du ministre des finances belge du 25 juin 1979 et à la réponse du gouvernement belge à une demande d'informations de la Cour de justice) que les fabricants et importateurs n'ont pas le droit de commercialiser des cigarettes de la même marque, de la même qualité et conditionnées de la même façon à des prix indiqués sur les bandelettes, différents, c'est-à-dire que, hormis le cas déjà évoqué de l'approvisionnement préférentiel du personnel des fabricants et importateurs, on applique le principe de l'égalité des charges fiscales. Il semble qu'un motif important à l'appui de ce principe soit qu'en cas contraire il n'est pas possible de prévoir avec une certitude suffisante le montant des rentrées fiscales. A cet effet, depuis l'adoption de la directive du Conseil 72/464 — et comme nous devons le reconnaître, avec des raisons plausibles — le gouvernement belge se fonde sur l'article 4 de celle-ci selon lequel l'accise proportionnelle est calculée sur le prix maximum de vente au détail dont on peut sans doute admettre qu'il n'en existe qu'un.

Cela aussi constitue certainement une limitation des possibilités de concurrence dont il convient de tenir compte. En réalité, les opérateurs qui participent à la distribution à la suite des fabricants (par exemple les entreprises ayant des coûts de distribution réduits) ne sont ainsi pas en mesure de faire état sur une bandelette spéciale de leur renonciation à une partie de la marge bénéficiaire, renonciation qu'on peut envisager en cas d'efforts de vente particuliers, et de la répercuter sur le consommateur.

ff) Dispositions de droit sanitaire

Enfin, il faut encore analyser certaines contraintes évoquées par les requérants et qui, selon eux, découlent de dispositions de droit sanitaire en vigueur en Belgique. A cet égard, on a évoqué l'obligation de munir les paquets de cigarettes d'inscriptions indiquant les effets nocifs du tabac, laquelle est susceptible de réduire les ventes ainsi que certaines mesures relatives en particulier à la publicité qui, selon les requérants, est un domaine essentiel de la concurrence sur le marché des cigarettes.

Toutefois, à cet égard, il nous semble que ces mesures ne peuvent pas entrer sérieusement en ligne de compte pour apprécier l'affaire du point de vue du droit de la concurrence.

En effet, on peut d'abord avoir des doutes sérieux quant au point de savoir si l'obligation d'apposer certaines mentions sur les paquets de cigarettes réduit les ventes de façon notable (abstraction faite de ce que cette obligation vaut pour tous les produits de la même façon), c'est-à-dire qu'elle a une incidence déterminante sur les conditions du marché en diminuant la propension à l'achat.

Mais, en ce qui concerne d'autres dispositions, en particulier la limitation de la publicité, il n'a pas été possible de prouver que des mesures étatiques à cet effet existaient au cours de la période antérieure à l'adoption de la décision attaquée. Il est difficile de considérer comme telle l'autolimitation des entreprises en ce sens évoquée dans la réplique des requérants et qui, au reste, selon les déclarations demeurées incontestées de la Commission, même si elle avait été acceptée par le ministre, n'excluait pas la publicité. Toutefois, il faut certainement ignorer en l'espèce les réglementations entrées en vigueur après cette époque, à savoir une loi du 24 janvier 1977 à la suite de laquelle le ministre peut arrêter des mesures restrictives, et en particulier les règlements de décembre 1979 et de mars 1980 évoqués à l'audience dont seul le dernier a trait à la publicité.

c)

Si, à la suite de tout ce qui précède, nous envisageons la question de savoir si l'appréciation que la Commission a portée sur le régime belge de distribution des produits manufacturés du tabac du point de vue du droit de la concurrence est fondée ou si elle peut être mise en cause, nous pouvons faire différentes considérations.

aa)

Tout d'abord les requérants ont fait valoir que la décision contenait certaines erreurs et ils ont tenté de prouver que la Commission s'était fondée pour partie sur des faits et des circonstances erronés qui avaient eu une incidence sur son appréciation.

C'est ainsi par exemple qu'au point 1 de la décision, il est dit que la vente de cigarettes augmente régulièrement alors qu'en réalité une amélioration des ventes n'a été relevée que de 1967 à 1973 et que depuis lors on est en présence d'une récession, ce qui peut être prouvé par des statistiques. Le point 11 de la décision déclare qu'en Belgique les tabacs manufacturés sont soumis à un droit «ad valorem» qui tient lieu de la taxe sur la valeur ajoutée alors qu'en vérité la taxe sur la valeur ajoutée s'ajoute aux droits de consommation. En outre, le point 88 souligne que le secteur du tabac n'est pas le seul à être très lourdement taxé. Manifestement, ce qui selon les requérants ressort d'ailleurs clairement de la procédure contentieuse, ces termes visent l'imposition des produits pétroliers, de l'alcool et d'autres boissons alcoolisées, mais il n'a pas été tenu compte de ce que ces produits ne sont soumis qu'à un droit spécifique dont l'application n'a pas d'effet multiplicateur. Surtout — et cela se réfère aux considérations du point 81 de la décision — les requérants estiment que les grossistes peuvent parfaitement se faire mutuellement concurrence dans le domaine des services rendus aux fabricants parce que ceux-ci peuvent y réagir par des avantages autres que ceux des marges bénéficiaires (uniformisées).

Au sujet de cette argumentation, il convient sans doute de concéder que pour apprécier les conditions du marché et la situation de la concurrence, il est naturellement important de savoir si on est en présence d'un marché en expansion, comme la Commissioni l'estime de façon générale eu égard à la consommation de cigarettes, ou si le chiffre d'affaires total diminue et si, de ce fait, le maintien ou l'accroissement des parts de marché est rendu plus difficile. En outre, pour apprécier la situation concurrentielle (et cela concerne le dernier point avancé par les requérants) il est important de savoir si, outre les marges bénéficiaires, les fabricants accordent d'autres avantages pour lesquels la concurrence existe parce que la restriction du jeu de la concurrence ne les affecte pas. Tel est le cas, ainsi qu'il a été souligné devant nous, et, à cet égard, on a indiqué par exemple la fréquence et la rapidité des livraisons, les actions de promotion sur le marché liées à des primes spéciales, l'aide accordée pour l'installation et la publicité, la mise à disposition d'échantillons gratuits ainsi que les conseils juridiques et l'assistance en cas de difficultés passagères. C'est pourquoi, selon les requérants, et à cet égard nous rappelons encore une fois l'argumentation de la Fédération des négociants en journaux, la concurrence entre grossistes, également entre ceux qui appartiennent à une même catégorie, est tout à fait active au niveau de la fixation des prix de vente, de l'octroi de crédits, de la fréquence des livraisons, de la composition de l'assortiment, des conseils, entre autres pour la comptabilité, ou de la reprise de marchandises non vendues. C'est ce que montrent — à leur avis — les modifications notables, précisément dans l'évolution du chiffre d'affaires, qui se sont produites chez les grossistes, ce qui ressort également de certaines considérations contenues dans les observations sur la première communication des griefs.

En outre, on ne peut pas nier que c'est à bon droit que les requérants ont critiqué les constatations afférentes à la fiscalité des produits manufacturés du tabac figurant dans la décision. Il en est d'abord ainsi du point 88 de la décision. Si, comme il semble en découler, la Commission considère comme comparable la fiscalité de l'alcool et du pétrole brut et celle des produits manufacturés du tabac, elle n'a manifestement pas perçu la différence essentielle entre les accises spécifiques et les accises proportionnelles (ces dernières ne frappent que les tabacs), c'est-à-dire qu'elle a méconnu l'effet multiplicateur qui fausse effectivement de façon sensible les conditions de concurrence. Il en va de même pour le point 11 de la décision. Il ressort des termes de celui-ci que la Commission n'a pas considéré, semble-t-il, que la taxe sur la valeur ajoutée s'ajoute à l'impôt de consommation et qu'il en résulte une amplification de l'effet multiplicateur parce que la taxe sur la valeur ajoutée est, elle aussi, proportionnelle.

Selon nous, ces éléments revêtent assurément une certaine importance pour apprécier la décision même si, pris isolément, ils semblent difficilement susceptibles de mettre la décision sérieusement en cause.

bb)

Ensuite, les requérants font aussi valoir que lors de l'examen de leur cas, la Commission n'a pas tenu compte de particularités du marché belge des tabacs qui conduisent nécessairement à constater que la concurrence au niveau des marges bénéficiaires est pratiquement exclue en raison des réglementations exposées précédemment ou, pour le moins, que la marge de concurrence est si réduite que les mesures contestées ne peuvent pas être considérées comme des restrictions sensibles du jeu de la concurrence. Les requérants soulignent que lors de l'appréciation des mesures eu égard au droit de la concurrence, la Commission s'est par principe fondée sur un point de vue erroné; en effet, il n'est pas possible de concilier avec la jurisprudence existante la constatation figurant au point 88 de la décision dans les termes suivants:

«Si des dispositions nationales d'ordre législatif ou réglementaire ont éventuellement pour effet de restreindre la concurrence, les effets des restrictions de concurrence d'ordre privé qui viennent s'y ajouter ne peuvent manquer d'être encore plus sensibles».

De plus, les requérants soulignent qu'il n'est pas soutenable de se fonder sur des formulations de l'arrêt rendu dans l'affaire 13/77, comme la Commission le fait au point 83 de sa décision, où il est question du système belge de prix imposés, pour expliquer que l'article 85, paragraphe 1, reste applicable lorsqu'une restriction de la concurrence est favorisée par une disposition législative nationale.

A cet égard, il convient selon nous de faire dans le détail les observations suivantes.

Il est vrai qu'à la lecture des motifs de la décision, on n'a pas seulement l'impression que les investigations de la Commission ont été insuffisantes: en effet, au point 88 de la décision il n'est question que du niveau de la charge fiscale et du régime de notification des augmentations des marges bénéficiaires et des prix de revente mais non pas d'autres particularités du marché belge des tabacs qui ont été évoquées ci-dessus et qui revêtent également de l'importance. C'est à bon droit qu'au vu des motifs de la décision on peut se demander si la Commission a pour le moins examiné quelle marge de concurrence il reste aux opérateurs économiques en vertu des particularités du marché belge qui ont été exposées. A cet égard, la formule utilisée, à savoir «si des dispositions nationales d'ordre législatif ou réglementaire ont éventuellement pour effet de restreindre la concurrence... » est significative. Ce comportement de la Commission s'explique par la thèse défendue dans la suite de la phrase selon laquelle, lorsque la marge de concurrence est limitée par des mesures étatiques, «les effets des restrictions de concurrence d'ordre privé qui viennent s'y ajouter ne peuvent manquer d'être encore plus sensibles», c'est-à-dire qu'en toute hypothèse elles tombent, semble-t-il, sous le coup de l'article 85, paragraphe 1. On peut voir là une erreur grave. En effet, selon la jurisprudence (affaire 26/76, Metro SB-Großmärkte GmbH & Co. KG/Commission, arrêt du 25 octobre 1977, Recueil 1977, p. 1875 et suiv.), l'article 85 suppose l'existence d'une concurrence efficace («workable competition»). Si certaines réglementations limitent de façon notable la marge à l'intérieur de laquelle la concurrence peut jouer, il convient donc de rechercher exactement dans quelle mesure et s'il reste néanmoins une marge pour l'exercice d'une concurrence efficace qui peut être restreinte de façon sensible par des mesures d'ordre privé.

Il faut également critiquer la conception de principe sur laquelle la Commission semble s'être fondée quant à la question de la restriction sensible du jeu de la concurrence. A cet égard, nous rappellerons les termes du point 88 de la décision déjà cités et selon lesquels «si des dispositions nationales d'ordre législatif ou réglementaire ont pour effet de restreindre la concurrence, les effets des restrictions de concurrence d'ordre privé qui viennent s'y ajouter ne peuvent manquer d'être encore plus sensibles». De plus, nous rappellerons les déclarations faites par la Commission dans son mémoire en défense, à savoir que, selon la jurisprudence, la position des intéressés sur le marché, c'est-à-dire leur part de marché, est déterminante. Mais, selon la Commission, il importe en l'occurrence que les membres de la FEDETAB, dont la quasi-totalité des fabricants belges fait partie, disposent d'une part très importante sur le marché (dix marques des requérants constituent deux tiers des ventes en Belgique) et il importe également que la plupart des fabricants belges soient sous le contrôle de multinationales et que sept requérants appartiennent à quatre grands groupes internationaux.

Pour leur défense, les requérants recourent à la jurisprudence connue dans les affaires du sucre (affaire 40 etc/73, Coöperatieve Vereniging «Suiker Unie» et autres/Commission, arrêt du 16 décembre 1975, Recueil 1975, p. 1912 et suiv.). Dans ces affaires, il s'agissait, entre autres, du cloisonnement du marché italien du sucre, d'une pratique concertée tendant à contrôler les livraisons de sucre à destination de l'Italie. Il a été constaté à ce sujet que l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, qui contenait une réglementation des quotas, ne laissait qu'une marge restreinte au jeu de la concurrence.

De plus, l'attention a été attirée sur le fait que des réglementations italiennes et des mesures prises par les autorités italiennes s'y étaient ajoutées et avaient eu pour effet de restreindre le jeu de la concurrence. En conséquence, le domaine d'application des règles de concurrence était restreint de façon si fondamentale que les comportements contestés par la Commission ne pouvaient pas restreindre le jeu de la concurrence de façon sensible.

Sans doute faut-il concéder que cette jurisprudence ne peut pas être simplement transposée à l'espèce. Toutefois, il est possible d'en déduire une idée essentielle sur l'appréciation en droit de violations du principe de libre concurrence dans des cas comme celui de l'espèce. Selon cet arrêt, la position sur le marché n'est pas, à elle seule, décisive; en effet, les fabricants de sucre italiens disposaient d'une part de marché importante et les parties à l'accord réalisaient les trois quarts des importations italiennes. L'élément déterminant est qu'il faut rechercher soigneusement quelle est la marge de concurrence laissée par les réglementatations étatiques et qu'une restriction sensible du jeu de la concurrence s'apprécie en fonction de cette constatation.

En l'espèce, cela n'a pas été fait de façon satisfaisante. D'autre part, d'après tout ce que nous avons entendu, il n'est pas exclu que les particularités du marché belge aboutissent à une restriction tout à fait notable de la marge de concurrence, également pour les fabricants des secteurs en cause dans la décision. Pour cette raison, notamment parce que les constatations nécessaires manquantes ne peuvent être faites a posteriori que de façon incomplète au cours de la procédure contentieuse, dans laquelle de nombreux points sont en outre restés contestés, il y a lieu de reconnaître comme justifié le grief soulevé par les requérants, à savoir que la décision de la Commission est entachée d'un vice grave parce que certaines investigations sur la question de savoir si les mesures contestées ont eu pour effet d'affecter de façon sensible le jeu de la concurrence n'ont pas été faites ou pour le moins n'ont pas été faites avec le soin requis à cet effet.

Dans ce contexte, on peut en outre reprocher à la Commission (et cela renvoie au point 83 de la décision attaquée) d'avoir utilisé à tort, pour fonder sa décision, la considération figurant dans l'arrêt rendu dans l'affaire 13/77 (Recueil 1977, p. 2141 et suiv.) selon laquelle l'article 86 s'applique même dans le cas où un abus est favorisé par une disposition législative nationale. A cet égard, la Commission a déclaré que les requérants n'avaient aucunement prouvé que les éléments visés par la recommandation FEDETAB avaient été établis par une réglementation étatique ou que les réglementations belges décrites favorisaient les différentes restrictions de la concurrence litigieuses. Mais, de l'avis de la Commission, même s'il en était ainsi, un tel effet favorisant les abus ne peut pas exclure l'application de l'article 85 en raison des constatations contenues dans l'arrêt Inno.

Selon nous, on peut déjà formuler des doutes sérieux sur le point de savoir si l'idée exprimée dans l'arrêt Inno eu égard à l'article 86 peut être simplement transposée à l'article 85. Quoi qu'il en soit en effet, il ne faut pas méconnaître que, pour l'application de l'article 86, le caractère sensible ne joue pas ou ne joue pas de la même façon que pour l'article 85 parce qu'en présence d'une position dominante la concurrence est déjà pratiquement exclue. Mais ce qui est encore plus important, c'est que les requérants ne font pas du tout valoir que les mesures nationales favorisent ainsi un abus. Ils se prévalent plutôt du fait que les dispositions belges en cause, notamment l'impôt proportionnel élevé accompagné de son effet multiplicateur qui, depuis 1973, peut même s'appuyer sur le droit communautaire (la directive no 72/464) aboutissent à une distorsion grave des conditions de concurrence. Certaines dispositions nationales sur le respect des prix figurant sur les bandelettes et sur l'interdiction de prévoir différentes bandelettes pour une seule marque, visent déjà à y remédier de sorte qu'elles doivent également être considérées comme une conséquence de la distorsion de concurrence causée par l'impôt proportionnel. L'objectif essentiel des mesures contestées par la Commission est d'ailleurs de provoquer un effet contraire, de réduire la distorsion existant dans les différences de coûts et de faire en sorte que les rémunérations des distributeurs soient dans une certaine mesure forfaitaires.

A notre avis, il est difficile de ne pas admettre le bien-fondé de telles réflexions comme également du point de vue des requérants selon lequel lorsqu'en droit communautaire il existe un conflit entre le droit de la concurrence, d'une part, et la politique fiscale, d'autre part, il convient, lors de l'application des règles du droit de la concurrence qui ne priment pas d'autres domaines du traité, de considérer si, et dans quelles proportions, les mesures susceptibles d'être qualifiées d'infractions aux règles de concurrence ne visaient qu'à contrecarrer des distorsions de concurrence résultant du droit fiscal. Il est parfaitement possible de se fonder sur ce raisonnement pour soutenir que ces considérations sont importantes lors de l'examen du caractère sensible de restrictions au jeu de la concurrence et qu'il faut faire grief à la Commission de ne pas en avoir tenu compte.

A la suite de ces considérations, il est facile de tirer la conclusion, qui ne peut naturellement pas encore être considérée comme définitive eu égard à la décision sur les «mesures antérieures», comme nous allons le montrer aussitôt, que l'appréciation de la Commission sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, au régime belge de distribution des produits manufacturés du tabac doit être considérée comme contestable.

cc)

En conséquence, il n'est à vrai dire plus nécessaire d'analyser les objections spécifiques formulées par les requérants sur l'appréciation des différents éléments du régime. Mais si néanmoins on le fait contrairement à l'opinion de la Commission, à savoir que le régime doit être considéré dans son ensemble, parce qu'on ne peut pas supposer sans plus que certaines parties du régime ne seraient aucunement maintenues en cas d'illégalité de certains éléments constitutifs au regard du droit de la concurrence, il convient encore de faire les observations suivantes.

— La fixation de délais de paiement maxima

A cet égard, les requérants contestent tout d'abord le fait que les délais de paiement sont de plus en plus réduits et jamais supérieurs à quinze jours comme il est dit dans la décision. Selon eux, l'application des délais de paiement est en fait souple, non uniforme (certains requérants prétendent pratiquer en principe le paiement au comptant), c'est-à-dire que dans ce domaine la concurrence joue pleinement. Ensuite, eu égard à la rotation rapide des stocks de cigarettes et au fait qu'en Belgique le prix de celles-ci est constitué à concurrence de plus de 70 % d'impôts dont les fabricants et importateurs doivent faire l'avance, le souci commun d'éviter des délais de paiement trop longs, sur lesquels insistaient en particulier les gros clients, doit être considéré, en premier lieu, comme étant destiné à lutter contre les excès de concurrence et comme témoignant des dangers liés à de telles pratiques, notamment en raison des intérêts bancaires considérablement plus élevés.

A cet égard, il n'est sans doute pas nécessaire d'examiner plus avant les déclarations de la Commission sur Yap-

Íüication de ces mesures. En effet, ce que es requérants ont exposé quant au rait que la part fiscale du prix ne constitue pas un élément réel de concurrence et ce qu'ils ont exposé, en donnant des exemples chiffrés, sur les effets de délais de paiement plus longs sur le prix de vente au détail nous semble convaincant. On peut donc supposer que l'effort des fabricants dans ce domaine vise surtout à éliminer les distorsions de concurrence et qu'en conséquence les mesures sur les élais de paiement ne doivent pour le moins pas être considérées comme affectant cle façon sensible le jeu de la concurrence dans la mesure où on ne peut pas parler d'une concurrence digne de protection.

— L'offre d'un assortiment minimal comme condition de l'octroi de certains avantages

Sur ce point, la réflexion des requérants selon laquelle cette mesure vise à promouvoir la concurrence entre fabricants, c'est-à-dire entre différentes marques, et selon laquelle de ce fait les petites marques qui, dans le cas contraire, devraient disparaître du marché en raison des coûts de distribution, ont une chance d'être commercialisées, n'est certainement pas très importante au regard de l'appréciation sous l'angle du droit de la concurrence. En revanche, il faut considérer que l'obligation (indirecte) d'offrir un certain assortiment au niveau du commerce de détail ne joue un rôle que pour une petite fraction des distributeurs, 2000 sur 80000 points de vente environ. Un autre élément intéressant est que d'après les observations du représentant de la Fédération des négociants en journaux, tous les commerçants de cette branche qui réalisent 60 % environ des ventes de cigarettes en Belgique ont de toute façon plus de soixante marques en stock pour répondre aux demandes de leurs clients et que, si on considère le volume de leurs ventes, les gros clients des fabricants arrivent facilement à quatre-vingt-dix marques environ, ainsi qu'il découle des déclarations de Mestdagh et Huyghebaert. Comme en outre le stockage de quelques marques moins vendues et plus ifficiles à vendre n'exige guère une immobilisation notable de capital et comme il n'empêche guère de pousser à la vente d'une ou de quelques marques (à cet égard il faut relever qu'en Belgique, dix-sept marques ont une part de marché de 70 % environ et que trente marques approximativement couvrent la quasi-totalité de la consommation), on est tout à fait en droit de penser que sur ce point non plus, on ne peut pas dire que le jeu de la concurrence est affecté de façon sensible.

— Les ristournes de fin d'année

Quant à cette question, nous estimons sans doute ne pas devoir attacher une grande importance à l'argument des requérants selon lequel, sur le marché des cigarettes, il est normal qu'un distributeur ne concentre pas son activité sur un fabricant et qu'en conséquence on ne prévoit pas de rabais individuels liés aux quantités achetées. Toutefois, on ne peut pas méconnaître la remarque sur le niveau relativement bas de cette ristourne qui semble tout au plus ne pouvoir s'élever qu'à une fraction d'un pour cent du chiffre d'affaires. Dans cette situation, il est effectivement difficile de supposer que par là même on rend plus difficile l'accès au marché des nouveaux opérateurs appliquant leur politique propre en matière de rabais. De plus, il faut sans doute admettre qu'on devrait plutôt redouter une telle conséquence si la ristourne était fonction des quantités achetées respectivement auprès de chaque fabricant. Comme en outre, ainsi que nous l'avons vu, il n'est pas exclu que les fabricants accordent une rémunération particulière pour certaines prestations, il est également douteux à cet égard que le jeu de la concurrence soit affecté de façon sensible.

3.

Eu égard aux conditions de l'application de l'article 85, paragraphe 1, les requérants ont pour l'essentiel formulé leurs griefs sur l'appréciation du régime belge de distribution des produits manufacturés du tabac tant à l'encontre des «mesures antérieures» qu'à l'encontre de la recommandation dans la mesure où les recours ne font pas état d'une limitation expresse à la partie de la décision concernant la recommandation. Toutefois, il convient encore de faire quelques observations supplémentaires sur la question de savoir si l'appréciation portée jusqu'à présent suffit effectivement pour annuler non seulement l'article 2 de la décision, mais également son article 1er, parce que le régime de distribution mis en place par la recommandation s'écarte d'une certaine façon du régime antérieurement applicable, d'une part, et parce que le droit belge dont il a fallu parler amplement a fait l'objet de certaines modifications, d'autre part.

Nous nous bornons à rappeler que les «mesures antérieures» ne prévoyaient pas seulement un classement des distributeurs dans diverses catégories avec l'attribution de marges bénéficiaires différentes, l'établissement de délais de paiement maxima pour les grossistes ainsi que l'obligation d'offrir un assortiment minimal de cigarettes. Elles visaient également, ce qui n'était plus le cas après l'adoption de la recommandation, le respect par les grossistes et certains détaillants des prix de vente fixés par les fabricants, une limitation de l'agrément de grossistes de certaines catégories ainsi que l'interdiction faite aux grossistes agréés d'approvisionner les grossistes et certains détaillants. En outre, comme la décision attaquée se rapporte à une période antérieure à 1962 pour autant qu'il s'agit des «mesures antérieures», il ne faut pas oublier que la réglementation belge des prix imposés (article 58 du code de la taxe sur la valeur ajoutée) est entrée en vigueur le 1er janvier 1971 et que la réglementation communautaire (directive no 72/464) qui a admis une accise proportionnelle élevée, n'a été applicable qu'à partir de 1973, alors que les dispositions sur le contrôle des prix existaient, semble-t-il, dès avant l'arrêté ministériel du 22 décembre 1971, précisément depuis octobre 1959,

a)

Toutefois, si vous nous permettez d'anticiper sur le résultat de nos réflexions, il nous semble que ces circonstances n'appellent pas une appréciation fondamentalement différente de la panie de la décision qui se rapporte aux «mesures antérieures».

En effet, ce qui importe c'est que la marge de concurrence sur le marché belge des produits manufacturés du tabac a toujours été considérablement limitée et que les distorsions de concurrence en question ne sont pas apparues seulement à une date récente.

Cela est principalement dû à l'accise proportionnelle élevée qui, ainsi que nous l'avons entendu à l'audience, a toujours existé en Belgique. La politique fiscale qui vise à procurer des rentrées importantes sur la base de la consommation de tabacs et pour laquelle les prévisions de ces rentrées doivent être aussi exactes que possible joue également un rôle à cet égard. Par contre, le fait que l'accise proportionnelle élevée était couverte par le droit communautaire depuis 1973 ne devrait pas être déterminant parce qu'elle n'était certainement pas contestable au regard du droit communautaire avant le début des efforts d'harmonisation. Il faut également reconnaître que l'objectif que la réglementation des prix imposés de 1971 vise à réaliser, et qui est d'endiguer les distorsions du jeu de la concurrence provoquées par l'impôt proportionnel devait auparavant faire nécessairement l'objet de réglementations d'ordre privé dont il convient de dire en outre qu'elles ne pouvaient pas avoir la même efficacité que des mesures étatiques assorties de sanctions.

Abstraction faite des erreurs que les requérants ont relevées dans la décision et qui, de toute façon, concernent pour partie aussi les «mesures antérieures», la Commission est critiquée principalement parce qu'elle s'est fondée sur une conception erronée pour apprécier si le jeu de la concurrence était affecté de façon sensible. La preuve en est fournie par le point 88 de la décision. Selon les termes de celui-ci, c'est à bon droit qu'on peut faire grief à la Commission de ne pas avoir examiné précisément quelle marge de concurrence les mesures nationales laissent au marché des produits manufacturés du tabac en Belgique et si on peut malgré tout dire que les mesures contestées avaient des effets sensibles. Mais cela vaut de la même manière tant pour la recommandation que pour les éléments essentiels des «mesures antérieures».

En conséquence, pour le moins en ce que la recommandation et les «mesures antérieures» se recouvrent essentiellement, il nous semble soutenable de dire que l'article 1er de la décision de la Commission peut également être critiqué pour les raisons évoquées ci-avant (en ce qui concerne les délais de paiement et l'obligation d'offrir un certain assortiment on peut de toute façon renvoyer aux considérations particulières émises à cet égard).

b)

Mais si, bien que l'investigation insuffisante de la Commission eu égard au caractère sensible de la restriction du jeu de la concurrence se rapporte manifestement à l'ensemble des éléments à apprécier, on estimait que le raisonnement suivi ne justifie pas en tout cas une critique de l'appréciation sous l'angle du droit de la concurrence de la partie relative aux «mesures antérieures» concernant la limitation quantitative de l'agrément de grossistes de certaines catégories et l'interdiction imposée aux grossistes de revendre à d'autres distributeurs, il faudrait encore examiner si l'autre condition de l'article 85, à savoir le caractère susceptible d'affecter le commerce entre États membres, qui doit également pouvoir être qualifié de sensible, est remplie (voir par exemple l'arrêt dans l'affaire 28/77, Tepea BV/Commission, arrêt du 20 juin 1978, Recueil 1978, p. 1391).

A cet égard, la décision (point 91) renvoie d'abord au fait que le plus important fabricant de cigarettes luxembourgeois, la requérante Heintz van Landewyck, figure parmi les membres de la FEDETAB et que toutes ses ventes à destination de la Belgique étaient soumises aux restrictions de concurrence mentionnées dans la décision. En outre, elle souligne qu'une part importante des importations belges de cigarettes et de cigares est le fait de fabricants appartenant à la FEDETAB; par là même, la distribution des produits importés est soumise aux mêmes conditions restrictives au regard de la concurrence que celles de leurs propres produits fabriqués en Belgique. De plus, selon la décision, il faut considérer que les importateurs et fabricants qui n'avaient pas souscrit aux règles de distribution contestées étaient cependant soumis aux restrictions qu'elles contenaient s'ils revendaient à des distributeurs qui respectaient ces mêmes règles; compte tenu de la forte position sur le marché des membres de la FEDETAB et des membres de la fédération de grossistes, c'était la règle générale, estime la décision.

Selon nous, à supposer que les deux clauses mentionnées doivent être considérées comme des restrictions sensibles du jeu de la concurrence, il est extrêmement douteux que ce raisonnement suffise pour estimer qu'elles étaient aussi susceptibles d'affecter le commerce entre États membres de façon sensible. Au cours de la procédure, rien n'a été porté à notre connaissance à ce sujet et la décision ne contient pas non plus d'éléments suffisants tendant à démontrer en détail quelle était l'importance de la pratique contestée relative à l'agrément limité de distributeurs de certaines catégories et quelle était la portée de l'interdiction aite aux grossistes agréés d'approvisionner certains distributeurs. Or, pour reconnaître l'existence de la condition de l'article 85, paragraphe 1, susmentionnée, il serait cependant nécessaire que si les conditions de vente avaient été aménagées de façon différente, c'est-à-dire en cas d'un agrément illimité des grossistes et de suppression de l'interdiction de livraison horizontale, les courants commerciaux au-delà des frontières se soient développés différemment, et cela, dans une mesure sensible.

Si on estime donc que les considérations critiques émises précédemment quant au caractère sensible de la restriction du jeu de la concurrence ne peuvent pas s'appliquer à l'ensemble des mesures dites «antérieures», il conviendrait cependant de considérer les objections soulevées par les requérants à l'encontre de la décision de la Commission comme justifiées parce qu'il n'existe pas d'éléments suffisants pour affecter de façon sensible le commerce entre États membres.

4.

Partant, les griefs formulés quant à l'application de l'article 85, paragraphe 1, au régime belge de distribution des produits manufacturés du tabac doivent être considérés comme fondés tant en ce qu'ils visent les mesures dites «antérieures» qu'en ce qu'ils visent la recommandation du 1er janvier 1975, avec la conséquence que la décision (le refus d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, est soumis à la condition que l'article 85, paragraphe 1, soit pour le moins applicable) doit être annulée dans son ensemble, pour les raisons précédemment développées.

III — Les autres éléments à l'origine du litige

Comme vous vous en souvenez, le litige dépassait largement les points traités jusqu'à présent. C'est ainsi que, de façon tout à fait générale, c'est-à-dire eu égard à l'ensemble des mesures contestées par la Commission et en se référant à de nombreux points de vue, on a discuté de la question de savoir si on pouvait effectivement se fonder sur une restriction sensible des échanges. En outre, il a été objecté que lors de l'application de l'article 85, paragraphe 1, au marché belge, la Commission n'a pas tenu compte du principe de l'égalité de traitement des entreprises du secteur public et du secteur privé parce qu'elle n'a pas agi en temps utile et avec une efficacité suffisante contre les obstacles graves mis à l'activité commerciale de fabricants étrangers dans les pays à monopole, la France et l'Italie. De même, selon les requérants, elle n'a pas tenu compte (cela concerne également l'application de l'article 85, paragraphe 1) de la loi belge du 27 juillet 1%! sur la résiliation unilatérale de contrats de vente exclusive qui a pour objet de protéger les concessionnaires et qui est compatible avec le traité CEE. En outre, elle n'a pas nom plus tenu compte de ce que le régime de distribution qu'elle contestait était lié à des garanties pour les fabricants dont la disparition devrait avoir des conséquences négatives sur l'organisation commune âes marchés dans le secteur du tabac brut, parce qu'il en résulterait nécessairement une baisse âes prix du tabac brut, un renforcement des interventions et une augmentation des exportations avec l'aide de restitutions.

Enfin, il a encore été objecté que la Commission avait refusé, à tort, une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3. A cet égard, en ce qui concerne les mesures «antérieures», on a fait valoir que la Commission n'avait nullement examiné la possibilité d'une exemption parce qu'elle avait méconnu le fait qu'une lettre de la FEDETAB de janvier 1971 devait en réalité être considérée comme une notification et que les mesures en cause n'étaient pas soumises à l'obligation de notification. Eu égard à la recommandation du 1er janvier 1975, il a encore été objecté que la communication des griefs n'avait pas évoqué toutes les conditions énoncées au paragraphe 3, que la Commission avait considéré, à tort, qu'elles n'étaient pas remplies et qu'à l'égard de certaines d'entre elles elle n'avait pas donné de motifs suffisants, notamment parce qu'elle n'avait pas analysé tous les arguments présentés par les requérants.

Néanmoins, eu égard à l'étendue âes analyses que nous avons faites jusqu'à présent et au résultat auquel nous avons abouti en ce qui concerne l'application de l'article 85, paragraphe 1, nous nous interdirons d'examiner encore toutes ces questions qui, selon nous, ne présentent plias d'importance.

IV — Après ces considérations, nous vous proposons finalement de statuer comme suit.

Il devrait être fait droit aux recours et, en conséquence, la décision attaquée devrait être annulée dans son ensemble.

Les dépens, y compris les frais de la procédure en référé dans laquelle il a également été fait droit aux prétentions des requérants, devraient en principe être mis à la charge de la Commission. En outre, il conviendrait de déclarer que les intervenants qui ont soutenu les prétentions de la Commission doivent supporter leurs propres frais, ainsi qu'une partie des frais occasionnés aux requérants du fait de l'intervention.


( 1 ) Traduit de l'allemand.

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