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Document 61978CC0035

Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 14 novembre 1978.
N. G. J. Schouten BV contre Hoofdproduktschap voor Akkerbouwprodukten.
Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het Bedrijfsleven - Pays-Bas.
Affaire 35/78.

Recueil de jurisprudence 1978 -02543

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1978:203

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 14 NOVEMBRE 1978

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Nous ne reviendrons pas sur les faits qui sont à l'origine du litige au principal. Ils ont été clairement et complètement exposés dans le rapport d'audience.

I —

A l'encontre de la validité du règlement de la Commission no 1356/76 du 11 juin 1976, relatif aux montants compensatoires monétaires et aux montants différentiels applicables en fonction de l'évolution de la livre irlandaise et de la livre anglaise, la firme Schouten BV, requérante au principal, a fait valoir une série de griefs que le Collège van Beroep a repris dans quatre questions se recoupant partiellement.

Ce règlement serait contraire au règlement de base du Conseil no 974/71 du 12 mai 1971, relatif à certaines mesures de politique de conjoncture à prendre dans le secteur agricole à la suite de l'élargissement temporaire des marges de fluctuations des monnaies de certains États membres, tel que ce texte a été modifié en dernier lieu par le règlement no 557/76 du 15 mars 1976, en ce que, notamment, la Commission n'aurait pas été compétente pour l'adopter. Lorsque l'on est en présence, comme en l'espèce, d'une «absence d'avis» du comité de gestion, une interprétation correcte de l'article 26 du règlement du Conseil no 2727/75 du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, exigerait que la Commission communique au Conseil la mesure qu'elle a arrêtée, ce qu'elle n'aurait pas fait en l'espèce.

De surcroît, le règlement no 1356/76 serait contraire au texte du règlement no 1380/75 de la même Commission, du 29 mai 1975, portant modalités générales d'application des montants compensatoires monétaires.

Enfin, ce texte serait contraire à deux fondements du traité, le principe de la sécurité juridique (en raison du caractère abrupt de son adoption) et le principe de l'égalité juridique (le règlement incriminé concernant uniquement les livres irlandaise et anglaise).

II —

Nous commencerons par l'interprétation de l'article 26 du règlement no 2727/75 du Conseil. La portée de cette question (la quatrième) nous paraît dépasser de loin le cas d'espèce à trancher par le juge national, car il arrive fréquemment que les comités de gestion «n'émettent pas d'avis» (citons, à titre d'exemples, parmi bien d'autres, les règlements de la Commission no 722/75 du 19 mars 1975, no 1051/77 du 18 mai 1977, no 1123/77 du 27 mai 1977, no 2657/77 du 30 novembre 1977, etc.).

Nous avions dit, dans nos conclusions du 26 janvier 1978, sous l'affaire An Bord Bainne (arrêt du 23 février 1978, Recueil p. 498) que «du moment que le comité de gestion n'avait pas émis d'avis dans le délai imparti par son président, euphémisme consacré pour dire qu'une majorité suffisante ne s'était pas trouvée pour approuver le projet de la Commission, les mesures arrêtées par la Commission devaient être aussitôt communiquées par celle-ci au Conseil». En réalité, pas plus que l'article 26 du règlement no 2727/75, les termes de l'article 30 du règlement no 804/68, dont il s'agissait en l'espèce, n'imposent, à la différence, par exemple, de l'article 9, 4o), et de l'article 10, 4o), de la directive no 74/63 sur les aliments pour animaux, qu'en l'absence d'avis du comité permanent (qui joue le même rôle dans le processus des décisions que les comités de gestion) tout comme en cas d'avis non conforme la Commission soumette aussitôt au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. L'article 26 du règlement du Conseil no 2727/75, comme d'ailleurs les dispositions correspondantes des autres règlements portant organisation commune des marchés, ne prescrit la communication au Conseil des mesures décidées par la Commission que dans le seul cas où elles ne sont pas conformes à l'avis émis par le comité.

Nous ne percevons pas très exactement la raison d'être de cette différence, mais nous ne pouvons que donner acte de ce qu'une «absence d'avis» n'est pas, en ce domaine, assimilable à un avis négatif.

Nous ajouterons qu'il nous paraît invraisemblable que le Conseil n'ait pas eu connaissance des mesures décidées par la Commission avant leur publication au Journal officiel le 12 juin 1976 ou avant leur entrée en vigueur le 14 juin alors que l'organisme d'intervention néerlandais et les opérateurs économiques étaient eux-mêmes déjà au courant de ces mesures, ainsi qu'en témoignent la circulaire du 10 juin 1976 et la réclamation déposée le 11 juin par la requérante au principal, donc avant même que le règlement ne fût formellement arrêté ce même jour par la Commission. Nous sommes persuadé qu'en fait le Conseil était au courant dès le 9 juin du résultat du vote du «comité de gestion horizontal».

De même, il nous paraît improbable que le Conseil n'ait pas été mis au courant de la mesure relative aux montants compensatoires monétaires applicables en fonction de l'évolution du franc français, mesure arrêtée par le règlement no 283/78 de la Commission du 10 février 1978, bien que, dans ce cas également, les comités de gestion concernés n'aient «pas émis d'avis dans le délai imparti par leurs présidents».

Quoi qu'il en soit, même dans le cas où le comité émet un avis défavorable, la Commission peut arrêter des mesures qui sont immédiatement applicables: elle reprend son entier pouvoir de décision. Le seul moyen de lui faire échec, en dehors du cas où elle décide elle-même de différer l'application des mesures qu'elle a décidées, c'est que le Conseil prenne une décision différente dans le délai d'un mois à compter de la communication qui lui a été faite. Il doit en aller ainsi a fortiori en l'absence d'avis du comité.

Il est donc possible de transposer exactement ce que vous avez jugé dans votre arrêt du 23 février 1978 précité (attendus nos 32 et 33, Recueil p. 514-515) à propos du montant des aides accordées pour le stockage privé du beurre: aux termes de l'article 6, 1o) et 2o), du règlement no 974/71, les modalités d'application de ce règlement et notamment la fixation des montants compensatoires monétaires sont arrêtées selon la procédure dite des comités de gestion; cette procédure «confère à la Commission un pouvoir réglementaire» l'habilitant à arrêter des mesures normatives pouvant comporter d'autres dérogations aux règlements relatifs à la politique agricole commune. Le règlement no 1356/76 se rapportant précisément au régime des montants compensatoires monétaires, le moyen d'incompétence soulevé en l'espèce est dénué de fondement juridique.

III —

Il convient à présent d'examiner les griefs formulés à l'encontre des dispositions de fond du règlement de la Commission.

Ces griefs, ainsi que les questions posées par le Collège, concernent non pas la périodicité des modifications des montants compensatoires, mais l'absence de prise en considération de l'écart des taux de change pourtant constaté au cours de la période de référence définie à l'article 2 du règlement no 1380/75, donc la «neutralisation» d'une période au cours de laquelle l'écart, de l'avis de la Commission, n'était pas «représentatif». La Commission ne pouvait déroger aux modalités qu'elle avait elle-même arrêtées de la façon abrupte dont elle l'a fait, violant ainsi le principe de la sécurité juridique et celui de l'égalité juridique.

Rappelons que l'article 2, paragraphe 1 b), du règlement no 974/71 du Conseil stipule que les montants compensatoires monétaires, pour les États membres à monnaie flottante, doivent être calculés compte tenu des cours de change au comptant constatés par rapport aux monnaies du «serpent» au cours d'une période à déterminer.

Selon les considérants du règlement no 1380/75, «cette période doit être suffisamment représentative pour le développement des cours, tout en permettant de suivre ces cours dans la fixation des montants le plus rapidement possible». Les articles 2 et 3 du règlement no 1380/75 précisent que les cours de change au comptant jugés les plus représentatifs pour les monnaies «flottantes» vis-à-vis des monnaies du «serpent» sont ceux qui résultent de la moyenne des cours constatés sur les marchés des changes officiels du mercredi d'une semaine au mardi de la semaine suivante. Nulle part n'est indiqué à partir de quel moment s'appliquent les montants compensatoires monétaires ainsi calculés. Toutefois, la pratique constante de la Commission consiste à procéder à la fixation avec effet à partir du lundi qui suit le mardi par lequel se termine la période de référence. Les montants ainsi fixés sont valables jusqu'à nouvelle modification. Par conséquent, ce régime accuse déjà un certain retard par rapport à la réalité économique.

Le second paragraphe de l'article 6 du règlement no 974/71 habilite la Commission, en sa qualité d'organe «législatif» et dans le cadre de la procédure du comité de gestion, à adopter des modalités d'application, notamment en matière de fixation des montants compensatoires.

Il comporte cependant la réserve que ces modalités d'application ne couvrent pas le cas visé à l'article 3 du règlement no 974/71, c'est-à-dire l'hypothèse où l'écart entre, d'une part, le taux de change résultant du taux représentatif de la monnaie considérée par rapport au taux central de chacune des monnaies dans le «serpent» et, d'autre part, les cours de change officiels au comptant de cette monnaie par rapport à chacune des monnaies qui sont dans le «serpent» (cet écart étant toutefois diminué de 1,50 point) s'éloigne de 1 point au moins du pourcentage retenu pour la fixation précédente; en ce cas, les montants compensatoires sont modifiés par la Commission en fonction de la modification de l'écart. Lorsqu'il est fait application de cette disposition, la Commission n'adopte pas, à proprement parler, de modalités d'application et elle statue sans faire appel au comité de gestion. Par contre, lorsqu'elle décide de ne pas modifier les montants compensatoires ou lorsque ces montants sont déterminés autrement qu'ils n'auraient dû l'être en vertu de l'article 3, la disposition du paragraphe 1 de l'article 6, qui ne prévoit aucune exception, doit jouer et la Commission doit prendre l'avis du comité de gestion.

En l'espèce, la Commission a non pas introduit de nouveaux montants ou augmenté les anciens, mais a décidé de ne pas les déterminer tels qu'ils auraient dû l'être en principe en fonction de l'évolution des livres irlandaise et anglaise et de reconduire purement et simplement les montants antérieurement fixés.

Il n'est guère contestable que le règlement no 1356/76 constituait, au moins matériellement, une dérogation aux dispositions combinées de l'article 1, paragraphe 1 bis, deuxième alinéa, de l'article 2, paragraphe 1 b), deuxième tiret, de l'article 2 bis du règlement no 974/71 du Conseil ainsi que de l'article 2 du règlement no 1380/75 de la Commission.

Mais, à notre avis, cette dérogation était couverte par le paragraphe 1 de l'article 6 qui prévoit que les modalités d'application du règlement no 974/71, qui pourraient comporter d'autres dérogations aux règlements relatifs à la politique agricole commune, donc aussi aux dispositions de ce règlement et à celles du règlement no 1380/75 que nous venons de citer, sont arrêtées selon la procédure des comités de gestion. Par l'effet du règlement no 2746/72 du Conseil du 19 décembre 1972, fondé sur les articles 28, 43 et 235 du traité, et non plus sur l'article 103 comme le règlement originaire no 974/71, le système des montants compensatoires monétaires a été en effet intégré de façon permanente dans la politique agricole commune.

Au cours de la période de référence visée à l'article 2 du règlement no 1380/75, qui s'étendait du mercredi 2 juin au mardi 8 juin 1976, les livres anglaise et irlandaise ont subi des mouvements spéculatifs exceptionnels pour les raisons très particulières exposées par la Commission. Dès le mardi 8, dernier jour de la période de référence, la livre s'était ressaisie et cette amélioration s'est maintenue les jours suivants, de façon que l'écart enregistré pendant la période précitée s'est trouvé éliminé. La Commission a considéré que les cours constatés pendant la période en cause ne pouvaient être jugés suffisamment représentatifs et elle a décidé, le vendredi 11 juin, après le vote du mercredi 9 du comité de gestion horizontal, de reconduire, à partir du lundi 14 juin, les montants compensatoires applicables au 7 juin précédent.

Ce n'est pas la première ni la dernière fois que la Commission a été amenée à adopter une telle dérogation. Elle avait déjà eu à résoudre certaines difficultés liées à l'absence de cotation de la lire italienne à Rome et à Milan ou à l'existence de cours jugés peu représentatifs. Elle a ainsi adopté, dans les mêmes conditions que le règlement litigieux, son règlement no 271/76 du 6 février 1976, modifiant les montants compensatoires monétaires à la suite de l'évolution des taux de change de la lire italienne, dont nous extrayons le considérant suivant:

«Il paraît opportun de calculer les cours de change au comptant de la lire italienne vis-à-vis de chacune des monnaies des États membres maintenues entre elles dans un écart instantané maximal au comptant de 2,25 % à partir des cotations de la lire italienne sur les places boursières de ces États membres … Il paraît approprié de se baser, pour la première fixation des montants compensatoires monétaires, sur une période de référence plus longue que celle normalement retenue en vertu de l'article 2 du règlement no 1380/75».

Le 26 mars 1976, la Commission a adopté le règlement no 688/76, modifiant les montants compensatoires monétaires, qui contient le considérant suivant:

«Compte tenu, notamment, des mouvements spéculatifs qui ont eu lieu sur les marchés de change dans la période du 15 au 19 mars 1976, les cours constatés pendant cette période ne peuvent être considérés comme représentatifs de la valeur réelle de la lire italienne; par ailleurs, les cours de celle-ci se sont améliorés depuis lors; il paraît dès lors approprié de se baser, pour le calcul des montants compensatoires monétaires valables en Italie à partir du 29 mars 1976, sur la moyenne des cours constatés aux bourses de Rome et de Milan les 22, 23 et 24 mars 1976 …»

Cette fois encore, le règlement a été adopté sur avis conforme des comités de gestion concernés.

Le 10 février 1978, par règlement no 283/78, la Commission a considéré que, depuis le 1er février précédent, le franc français avait subi des mouvements spéculatifs et elle a, en conséquence, prorogé le «gel» des montants compensatoires au-delà du 13 février.

Le 7 mars 1978, enfin, par règlement no 478/78, la Commission a été amenée, sur avis conforme des comités de gestion, à généraliser cette solution à l'ensemble des monnaies flottantes de la Communauté. En raison des mouvements exceptionnels et vraisemblablement temporaires des monnaies flottantes et qui ne semblaient pas refléter la situation réelle des évolutions économiques, la Commission a considéré qu'il était approprié, afin d'éviter des perturbations des marchés agricoles, de stipuler que, pour les fixations des montants compensatoires à effectuer au cours du mois de mars 1978, la période de référence s'étende sur trois semaines, débutant un mercredi et se terminant le mardi précédant la fixation, les montants continuant de prendre effet le lundi de la semaine suivant le mardi par lequel se terminait la période de référence et étant valables jusqu'à leur modification. Toutefois, en raison de la longueur de la période de référence à prendre en considération et du nombre des monnaies concernées, ce régime ne devait être appliqué pour la première fois que pour les montants valables à partir du 13 mars 1978.

Personne jusqu'ici n'a mis en cause, nous paraît-il, le bien-fondé de ces mesures. Tout comme le règlement no 1356/76, elles constituent toutes des dérogations à l'article 2 du règlement no 1380/75, elles ont toutes été prises sur la base de l'article 6 du règlement no 974/71 et selon la procédure des comités de gestion.

Si le règlement litigieux n'avait pas prévu cette «dérogation à la dérogation» à la politique agricole commune que constituent l'octroi (ou la perception) de montants compensatoires et le réajustement automatique de ces montants, des opérations spéculatives effectuées pour le motif de profiter des «nouveaux montants futurs» risquaient de se produire pour les produits en cause, conduisant à des détournements de trafics et à des ventes au-dessous du prix d'intervention. La Commission a donc eu raison de retenir comme critère la constance d'un écart s'éloignant de plus d'un point par rapport au pourcentage retenu pour la fixation précédente.

Dans l'esprit des auteurs du règlement no 974/71, les montants doivent être limités à ce qui est strictement nécessaire pour empêcher que les échanges auxquels s'applique le cours du change effectif puissent se développer à un prix en monnaie nationale inférieur au prix d'intervention ou d'achat prévus par la réglementation communautaire en fonction de la parité officielle et pour prévenir une désorganisation du système d'intervention communautaire et des mouvements anormaux de prix compromettant le développement normal de la conjoncture dans le domaine agricole.

Vous avez jugé, le 13 mars 1976, dans les affaires jointes Lesieur et autres (Recueil p. 408) que «l'instauration du système des montants compensatoires monétaires ne vise pas une protection supplémentaire des niveaux de prix communautaires, mais le maintien de prix uniques», et que «l'octroi ou la perception de montants compensatoires n'est admissible au regard d'un produit déterminé que si, à leur défaut, les échanges de ce produit devaient être perturbés».

La dérogation instituée par le règlement no 1356/76 est donc légalement justifiée.

IV —

Dans ces conditions, nous pourrons être bref quant à la violation des «fondements» du traité dont se prévaut la requérante au principal.

Celle-ci expose que, les montants compensatoires monétaires ne pouvant être préfixés, le système n'offre pas de garanties aux opérateurs économiques contre les fluctuations des cours de change en dehors des dispositions de l'article 3; elle aurait pris ses dispositions sur la base des chiffres prévisibles en cas d'application normale du régime.

Elle explique que le prix d'achat des céréales qu'elle exporte au Royaume-Uni est souvent supérieur au prix d'intervention et qu'elle se fait payer en livres anglaises par crédit documentaire en anticipant sur la date à laquelle la marchandise est importée ou livrée; elle revend à concurrence du montant du prix d'intervention les livres ainsi acquises avant d'exporter effectivement au Royaume-Uni. Le règlement incriminé aurait modifié rétroactivement et de manière imprévisible les conditions financières sur la base desquelles elle avait contracté ses engagements commerciaux.

Mais «aucune disposition du règlement no 974/71 ne confère aux exportateurs un droit au maintien d'une méthode de calcul déterminée des montants compensatoires … en vertu de l'article 1 de ce règlement, le droit de bénéficier d'un montant compensatoire ou l'obligation de le payer ne naissent que par la réalisation de l'exportation et seulement à partir du moment où celle-ci a lieu» (arrêt du 15 février 1978, Bauche, Recueil p. 400). Cette règle est répétée à l'article 8 du règlement no 1380/75. Il s'agirait donc tout au plus d'une atteinte à la confiance légitime (simple expectative) et non d'une violation de la sécurité juridique (droit acquis).

Mais, l'obligation de «limiter les montants compensatoires à ce qui est strictement nécessaire» pour compenser l'incidence des mesures monétaires ne doit pas être appréciée par rapport à la situation particulière d'un groupe déterminé d'opérateurs ou d'un opérateur déterminé. Une telle évaluation, étant donné «la multiplicité et la complexité des situations économiques, serait non seulement irréalisable, mais constituerait en outre une source perpétuelle d'insécurité juridique» (arrêt du 24 octobre 1973, Balkan, Recueil p. 1112; arrêt du 12 novembre 1974, Roquette, Recueil p. 1229 et 1230). Comme nous le disions dans nos conclusions sous l'affaire Union Malt (arrêt du 26 janvier 1978, Recueil p. 58) au Recueil 1978, page 93, ce sont les clauses contractuelles qui doivent se conformer à la réglementation et non l'inverse. On ne saurait déduire des arrangements pris par un opérateur déterminé une interprétation de la réglementation communautaire ou une appréciation de sa validité qui soit obligatoirement conforme à ses arrangements.

En arrêtant le règlement incriminé, la Commission a tenu compte d'un intérêt public péremptoire. Exiger d'elle qu'elle commence par prendre un règlement «général» dérogeant au règlement no 1380/75 et, ensuite seulement, à un règlement «concret» d'application de ce règlement dérogatoire l'empêcherait de réagir avec la rapidité nécessaire en présence de variations de cours particulièrement aberrantes dans le cas des monnaies flottantes et la condamnerait à ne pouvoir fermer les portes de l'écurie qu'après que les chevaux sont partis.

Quant à la violation de l'«égalité juridique», la Commission fait à bon endroit observer qu'il eût été erroné d'inclure les monnaies flottantes autres que les livres anglaise et irlandaise dans le champ d'application du règlement no 1356/76. Le règlement no 283/78 a de même tenu compte de la situation spécifique du franc français. En matière de «modification» des montants compensatoires, une telle «discrimination» devrait être opérée aux termes mêmes de l'article 5 du règlement no 1380/75 au cas où la condition de l'article 3 du règlement no 974/71 ne serait remplie que pour la livre irlandaise ou la livre anglaise: les montants compensatoires applicables dans les États membres concernés sont alors modifiés en fonction de l'écart constaté pour chacune des deux monnaies.

Dans toutes ces conditions, nous concluons à, ce que vous disiez pour droit que l'examen des questions n'a pas révélé d'éléments susceptibles d'affecter la validité du règlement no 1356/76.

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