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Document 61977CC0104

Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 23 février 1978.
Wolfgang Oehlschläger contre Hauptzollamt Emmerich.
Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne.
Affaire 104/77.

Recueil de jurisprudence 1978 -00791

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1978:37

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 23 FÉVRIER 1978

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La récupération et le recyclage des produits usagés, notamment des «vieux métaux», sont une des conséquences de la rareté de certaines matières premières. En particulier, la frabrication d'aluminium à partir de marchandises usagées et de déchets ou débris constitue une part non négligeable de la production de ce métal, environ le quart de cette production en Allemagne fédérale en 1970, année au cours de laquelle ont eu lieu les importations qui sont à l'origine de la présente demande le décision préjudicielle dont vous a saisis le Bundesfinanzhof, portant sur l'interprétation du chapitre 76 du tarif douanier commun et, plus précisément, sur le classement tarifaire de produits métalliques généralement désignés comme «pellets d'aluminium».

En août 1970, la société Oehlschläger a importé sur le territoire de la république fédérale d'Allemagne deux lots de ce produit, sous l'appellation «meulures et limailles d'aluminium».

Selon les données de fait qui ressortent du dossier douanier, le produit importé est obtenu, à partir de câbles d'aluminium usagés et de déchets de câbles, par traitement au moyen d'une installation de déchiquetage qui permet tout d'abord de réduire en tronçons d'environ 5 cm de long les matériaux en cause, après dissociation des particules de fer par des aimants. Les tronçons de câbles sont concassés en grains irréguliers par des ciseaux rotatifs, tandis que les isolants sont séparés des fils d'aluminium et réduits en petits morceaux. Les différents éléments du produit ainsi traité sont finalement séparés et isolés les uns des autres par courant d'air, en fonction de leur poids spécifique.

Les «pellets» obtenus grâce à ce traitement se présentent alors sous la forme de grains gris clair et brillants, à haute teneur d'aluminium, et ne contiennent d'autres matières qu'en très faible proportion.

Telles sont les constatations souveraines de fait qu'a retenues le Bundesfinanzhof et qui vous lient, quelles que soient les allégations divergentes soutenues, à la barre, par la requérante au principal.

Le litige trouve son origine dans le fait qu'après expertise de l'institut technique de contrôle et d'enseignement douaniers de Cologne, le Bureau central des douanes d'Emmerich a classé ce produit dans la sous-position 76.01 A, «aluminium brut», frappé d'un droit autonome de 10 %, alors que l'importateur estimait que la marchandise devait être classée dans la sous-position 76.01 B II, «débris d'aluminium», et, à ce titre, exemptée de droits.

Le service des douanes ayant maintenu sa décision, la firme Oehlschläger a saisi le Finanzgericht de Düsseldorf d'un recours que cette juridiction a rejeté le 3 septembre 1974. Contre ce jugement, la demanderesse s'est alors pourvue devant le Bundesfinanzhof qui vous pose les questions suivantes:

1.

La sous-position tarifaire 76.01 B du tarif douanier commun doit-elle être interprétée en ce sens qu'elle vise également une marchandise fabriquée à partir de fils d'aluminium coupés en morceaux, d'aspect gris clair et brillant, résultant du concassage de câbles d'aluminium usagés dans des installations de déchiquetage, après élimination de la majeure partie des matières isolantes?

2.

En cas de réponse négative à la première question, une telle marchandise doit-elle être classée dans la sous-position tarifaire 76.01 A?

En limitant ainsi le problème, le Bundesfinanzhof fait, à notre avis, une analyse exacte de l'économie générale du chapitre 76 (aluminium) dont les dispositions distinguent trois catégories de produits:

d'une part, le métal à l'état brut ainsi que les déchets et débris d'aluminium: position 76.01;

d'autre part, les demi-produits tels que fils, barres et profilés, tôles, planches, feuilles et bandes: positions 76.02 à 76.05;

enfin, les produits finis et autres ouvrages en aluminium: positions 76.06 à 76.16.

Contrairement au Finanzgericht de Düsseldorf, la haute juridiction fédérale écarte tout classement de la marchandise visée dans l'une des positions 76.02 à 76.16.

Comme la Commission, nous estimons que cette position est juridiquement correcte en tant qu'elle élimine tout classement dans les catégories de produits demi-finis ou finis en aluminium, y compris ceux que vise la position 76.16 sous la dénomination «autres ouvrages en aluminium» qui ne peut, dans le contexte du chapitre 76 et selon ses propres termes, ne concerner que des marchandises fabriquées en aluminium, ce qui implique que celui-ci, matériau de base, ait fait l'objet d'une transformation ou d'une ouvraison en un produit ne relevant pas d'une autre position du tarif douanier commun. Cette interprétation est, au surplus, confirmée par les notes explicatives concernant cette position 76.16 de la nomenclature du conseil de coopération douanière, qui précisent que le classement dans la position précitée est lié à l'existence d'un procédé, de traitement ou de transformation de l'aluminium brut, quelle que soit, par ailleurs, la nature de ce traitement.

La véritable — et seule — question qu'il vous appartient de trancher est donc de savoir si les produits en cause, fabriqués à partir de câbles d'aluminium usagés, qui ne peuvent incontestablement être qualifiés que de débris puisqu'ils ne correspondent plus à leur destination originaire, peuvent encore être classés dans la sous-position 76.01 B II après le recyclage qu'ils ont subi ou si ce recyclage les apparente à l'aluminium brut.

Dans cette perspective, il s'agit tout d'abord de rechercher les éléments de la définition du terme débris au sens du tarif douanier commun.

Sur un plan général, ce terme s'applique aux déchets de métal pratiquement dépourvus de valeur, parce que provenant d'objets en métal défectueux, usagés ou irréparables, ne pouvant plus être affectés à leur destination initiale. Dans la mesure où ces débris ont conservé une valeur résiduelle, celle-ci réside dans le matériau métallique lui-même, à condition que le métal en question puisse être «récupéré» aux fins d'un nouvel emploi.

C'est d'ailleurs à cette possibilité de récupération du métal que se réfère la note 6 de la section XV du tarif douanier commun, aux termes de laquelle:

«L'expression “déchets ou débris de métaux ou d'ouvrages en métaux” s'entend de déchets ou débris uniquement propres à la récupération du métal ou à la préparation de produits ou compositions chimiques.»

Si l'accent est mis exclusivement par cette note sur la destination de la marchandise et ne se réfère pas aux caractéristiques qualitatives objectives qui se dégagent du texte même de la disposition, encore convient-il de rappeler que, selon votre jurisprudence, s'il est vrai que le tarif douanier comporte, dans certains cas, des références à des procédés de fabrication ou à la destination des marchandises, «il prend recours, en général et de préférence, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, à des critères de classification fondés sur les caractéristiques et propriétés objectives des produits, susceptibles d'être vérifiées au moment du dédouanement» (arrêt du 16 décembre 1976, Industrimetall Luma, affaire 38/76, Recueil p. 2027).

C'est pourquoi, il nous paraît, comme à la Commission, impossible de ne retenir de la définition des débris ou déchets métalliques que le seul critère de la destination de ces débris, «uniquement propres à la récupération du métal».

Ce critère ne se suffit pas à lui-même; il constitue une simple indication. Pour être classée dans la position afférente aux débris et déchets, encore faut-il que la marchandise présente également les caractéristiques objectives et extérieures de «débris» ou de «déchets».

Dès lors et sans même qu'il soit besoin de se référer aux Notes explicatives de la nomenclature de Bruxelles relatives à la position 73.03 (vieux ouvrages en fonte, fer ou acier devenus inutilisables pour leur destination première par suite de bris, de découpage ou d'usure ainsi que leurs débris), il est clair que de vieux câbles d'aluminium ou des déchets de tels câbles doivent être classés en tant que débris.

En revanche, il est tout aussi évident que, lors de son dédouanement, la marchandise importée résultant d'un traitement antérieur complexe, tendant à la récupération de l'aluminium et à l'élimination des autres matériaux tels que fer ou isolants, ne peut être traitée de la même manière, car il s'agit alors d'un produit nouveau, différent des câbles usés et qui ne correspond plus aux caractéristiques objectives des «débris».

Il n'est donc plus possible de classer ce produit dans la sous-position 76.01 B II. Ainsi convient-il de répondre par la négative à la première question du Bundesfinanzhof.

Faut-il, dès lors, retenir le classement dans la sous-position 76.01 A (aluminium brut)?

Nous avons vu que, dans l'économie du chapitre 76 du tarif douanier, dont le plan est identique à celui des autres chapitres de la section XV (métaux et produits métalliques), l'expression «aluminium brut» désigne le métal en tant que tel, non encore soumis à traitement, c'est-à-dire la matière première de base à partir de laquelle les produits fabriqués sont classés sous différentes positions ou sous-positions tarifaires.

Mais le tarif douanier ne définit pas la composition physique et chimique de l'aluminium brut.

Il faut donc se référer à la terminologie technique et scientifique qui distingue, selon leur degré de pureté, quatre sortes d'aluminium:

l'Al 99,

l'Al 99,6

l'Al 99,8 et

l'Al 99,9

Il s'agit donc de savoir si, en fait, le taux de pureté des grains d'aluminium obtenus à partir de câbles usés grâce au traitement que nous avons décrit est assimilable à celui d'une des sortes d'aluminium susmentionnées.

Selon le jugement du Finanzgericht de Düsseldorf, la composition chimique de ces grains «correspond approximativement à la sorte d'aluminium la moins pure, l'Al 99 H», c'est-à-dire à l'aluminium de fonderie à 99 % obtenu à partir de bauxite par coulée de cuves d'électrolyse.

A défaut de toute autre précision fournie par le libellé de la sous-position 76.01 A, il convient de tenir compte de la règle générale no 2 b pour l'interprétation de la nomenclature douanière:

«Toute mention d'une matière dans une position déterminée du tarif douanier se rapporte à cette matière soit à l'état pur, soit mélangée ou bien associée à d'autres matières.»

Par application de cette règle, dès lors que, dans la composition du produit en cause, l'aluminium constitue, à 99 %, l'élément caractéristique du mélange, ce produit ne peut, en l'absence de toute autre disposition spécifique, être classé que comme aluminium brut dans la sous-position 76.01 A.

Il importe donc peu que la marchandise importée doive, comme le soutient la requérante au principal, subir un traitement complémentaire de recyclage avant d'être utilisée en tant qu'aluminium de récupération.

Au surplus, les notes explicatives relatives à la position 76.01 de la Nomenclature du conseil de coopération douanière précisent-elles que la position «aluminium brut» couvre également les «grenailles d'aluminium», forme sous laquelle se présente, comme nous l'avons dit, la marchandise litigieuse. Cette précision est indépendante du procédé technique auquel ont été soumis les câbles d'aluminium usagés. Elle caractérise la forme granuleuse du produit obtenu à la suite de l'opération de déchiquetage et de concassage, sans qu'il soit besoin de prendre en considération ce traitement lui-même.

Enfin, cette interprétation a été confirmée par une fiche de classement du comité de la nomenclature du tarif douanier commun en date du 18 mai 1972.

Bien que cette fiche de classement, publiée postérieurement aux faits de la cause, ne leur soit pas directement applicable, il nous paraît qu'elle fait une interprétation exacte de la sous-position 76.01 A du tarif douanier en ce que le comité a lui-même admis que du traitement auquel a été soumis l'aluminium usagé est résulté un produit nouveau assimilable à l'aluminium brut par sa forme granuleuse ainsi que par sa destination.

Nous concluons à ce que vous disiez pour droit:

1.

Que la sous-position tarifaire 76.01 B du tarif douanier commun ne peut être interprétée en ce sens qu'elle viserait également une marchandise fabriquée à partir de fils d'aluminium coupés en morceaux, d'aspect gris clair et brillant, résultant du concassage de câbles d'aluminium usagés dans des installations dites de déchiquetage, après élimination de la majeure partie des matières isolantes;

2.

Qu'une telle marchandise, en raison tant de sa composition chimique que de sa forme granuleuse et de sa destination, doit être classée dans la sous-position tarifaire 76.01 A, comme assimilable à l'aluminium brut.

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