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Document 61977CC0099
Opinion of Mr Advocate General Warner delivered on 27 April 1978. # Dr Denis D'Auria v Commission of the European Communities. # Case 99/77.
Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 27 avril 1978.
Dr Denis D'Auria contre Commission des Communautés européennes.
Affaire 99/77.
Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 27 avril 1978.
Dr Denis D'Auria contre Commission des Communautés européennes.
Affaire 99/77.
Recueil de jurisprudence 1978 -01267
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1978:92
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN-PIERRE WARNER,
PRÉSENTÉES LE 27 AVRIL 1978 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Dans cette affaire, le requérant conteste essentiellement la décision de la Commission tendant à lui retirer ses fonctions à l'issue de son stage de fonctionnaire.
Le requérant, le Dr D. A. P. D'Auria, est un ressortissant britannique. Il est né à Londres en 1946 et y a effectué sa scolarité. En 1968, il s'est inscrit au «Trinity College» de Dublin où, après avoir obtenu le diplôme de «Bachelor of Arts», section Histoire et Beaux-arts, il a étudié la médecine et a été nommé docteur en médecine. Lorsqu'en 1974, il s'était agi d'examiner ses mérites en vue d'un poste à la Commission, il avait reçu des certificats favorables de médecins et de chirurgiens éminents, sous l'autorité desquels il avait travaillé dans des hôpitaux à Dublin et à Cork.
Le poste en question était celui de chef des laboratoires du service médical du Centre commun de recherche à Ispra. A cet effet, il a eu une entrevue avec le Dr Vigan, le chef de ce service. Sur la recommandation de ce dernier, le Dr D'Auria a été reçu à ce poste qu'il a occupé à partir du 15 octobre 1974. Il a été engagé comme agent temporaire à la Commission, de grade A 6.
En mai 1975, le Dr Vigan a fait un rapport sur le Dr D'Auria, en application de l'article 14 du «Régime applicable aux autres agents des Communautés européennes» (ce rapport constitue l'annexe 1 du mémoire en défense). C'était un rapport favorable mais qui contenait des réserves. Ainsi, bien que le Dr Vigan estimât que «l'intelligence, l'adaptabilité et le jugement» du Dr D'Auria étaient «très bons», il a fait «une réserve quant à l'adaptabilité». Pareillement, alors qu'il jugeait «très bon l'esprit d'initiative» du Dr D'Auria, le Dr Vigan a relevé qu'il était «excellent quand il était constructif et réaliste». Le Dr Vigan a également observé que le Dr D'Auria avait «des difficultés d'ordre linguistique». (Sur ce point, il conviendrait de mentionner que, dans le curriculum vitae qu'il avait fourni à la Commission lors de sa demande d'engagement, le Dr D'Auria avait seulement prétendu «qu'outre l'anglais, ma langue maternelle, je connais l'italien, qui est la langue de mes ancêtres, de même que, dans une moindre mesure, le français». Pour autant qu'on puisse en juger sur la base des documents écrits, le Dr Vigan est de langue française, mais il a une bonne maîtrise de l'anglais et il communiquait normalement en anglais avec le Dr D'Auria. Le Dr Vigan terminait son rapport en formulant les «remarques générales» suivantes:
«Bonne formation professionnelle de base, à compléter nécessairement par une expérience pratique dans nos laboratoires.
Dans le futur, il doit s'efforcer d'obtenir une qualification officielle dans sa spécialité.
On attend de lui qu'il fasse un effort pour s'adapter à l'esprit et aux habitudes qui règnent dans la division et pour bien s'intégrer dans le groupe; cela pourrait être facilité s'il améliorait rapidement ses connaissances linguistiques.»
Il résulte d'un document beaucoup plus récent, en l'occurrence le rapport d'un collège médical auquel le cas du Dr D'Auria avait été soumis par la suite dans des circonstances sur lesquelles nous reviendrons, que, dans l'esprit du Dr Vigan, le Dr D'Auria aurait pu suivre un cours de biologie clinique à Pavie, ce qui lui aurait permis, pensait-il, et d'obtenir la qualification officielle qu'il souhaitait pour lui et d'améliorer ses connaissances d'italien (voir annexe 5 du mémoire en défense). Cependant, alors qu'il semble clair, sur la base de ce document, que le Dr Vigan pensait avoir exprimé son souhait au Dr D'Auria, il n'y a pas de preuves que le Dr D'Auria ait jamais «reçu le message», si nous pouvons nous exprimer ainsi. Dans ses propres remarques, jointes au rapport le concernant, il discutait uniquement, assez longuement certes, sur les difficultés qu'il rencontrerait à obtenir des qualifications de spécialiste au Royaume-Uni, suggérant que la qualification la plus appropriée qu'il pourrait recevoir serait un diplôme de la «Faculty of Community Medicine» du «Royal College of Physicians», récemment créée.
Quoi qu'il en soit, peu de temps après, la Commission a publié un «avis de vacance/concours interne»(COM/476/75) relatif au poste du Dr D'Auria. A la suite de cet avis, le Dr D'Auria a posé sa candidature, subi les examens (qui étaient uniquement oraux) avec succès, obtenant 28 points sur 40.
Avant que le statut du Dr D'Auria ne soit passé de celui d'agent temporaire à celui de fonctionnaire stagiaire, à la suite du concours, le Dr Vigan lui avait adressé, le 29 janvier 1976, une longue lettre lui avouant son anxiété quant à la manière dont il s'adaptait à son travail (annexe 3 du mémoire en réplique).
Le Dr D'Auria a été nommé fonctionnaire stagiaire à compter du 1er mars 1976. Eu égard aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 34 du statut des fonctionnaires, cela signifiait que sa période de stage prendrait fin le 30 novembre 1976.
Ici il convient, à notre avis, de citer l'article 34 dont la teneur est la suivante:
«1. |
Tout fonctionnaire, à l'exception des fonctionnaires des grades A 1 et A 2, est tenu d'effectuer un stage avant de pouvoir être titularisé. Ce stage est d'une durée de neuf mois pour les fonctionnaires de catégorie A, du cadre linguistique et de la catégorie B, et de six mois pour les autres fonctionnaires. |
2. |
Un mois au plus tard avant l'expiration de la période de stage, le fonctionnaire stagiaire fait l'objet d'un rapport sur ses aptitudes à s'acquitter des attributions que comportent ses fonctions, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service. Ce rapport est communiqué à l'intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations. Le fonctionnaire stagiaire qui n'a pas fait preuve de qualités suffisantes pour être titularisé est licencié. En cas d'inaptitude manifeste du stagiaire, un rapport peut être établi à tout moment du stage. Ce rapport est communiqué à l'intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations. Sur la base de ce rapport, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de licencier le fonctionnaire stagiaire avant l'expiration de la période de stage, moyennant un préavis d'un mois, sans que la durée de service puisse dépasser la durée normale du stage. Sauf s'il a la possibilité de reprendre sans délai ses fonctions dans son administration d'origine, le fonctionnaire stagiaire licencié bénéficie d'une indemnité correspondant à deux mois de son traitement de base s'il a accompli au moins six mois de service et à un mois de son traitement de base s'il a accompli moins de six mois de service. Les dispositions du présent paragraphe ne s'appliquent pas au fonctionnaire qui démissionne avant l'expiration de son stage.» |
En mai 1976, le Dr Vigan a confié au Dr D'Auria la responsabilité d'une petite équipe que le Centre commun de recherche d'Ispra avait envoyée au Frioul pour participer aux opérations de sauvetage consécutives au tremblement de terre qui y était survenu. Il s'ensuivit un échange de mémorandums entre le Dr Vigan et le Dr D'Auria (annexes 5 et 7 du mémoire en réplique), le premier reprochant au second d'être rentré à Ispra sans l'avoir consulté et le second expliquant au premier, en termes vigoureux, la raison de son attitude.
Et ce ne fut pas le seul échange de mémorandums entre le Dr Vigan et le Dr D'Auria à cette époque (voir les annexes 6, 8, 9 et 10 du mémoire en réplique). Après avoir lu et relu ces mémorandums, nous avouons que nous trouvons surprenant que deux membres d'une profession libérale puissent s'être sentis contraints de se les adresser. Il n'est pas nécessaire toutefois de s'appesantir sur ces mémorandums. Nous partageons et l'avis de l'avocat du Dr D'Auria, pour qui ces mémorandums témoignent d'une incompatibilité d'humeur entre le Dr Vigan et le Dr D'Auria, et celui de l'avocat de la Commission, pour qui ils expriment l'incapacité du Dr D'Auria à s'adapter à l'esprit du Dr Vigan.
En conclusion, lorsque, à l'expiration de la période de stage du Dr D'Auria, il s'est agi pour le Dr Vigan d'établir le rapport concernant ce dernier (annexe 2 du mémoire en défense), le rapport a été défavorable. Nous pensons qu'il n'est pas nécessaire d'entrer dans les détails de ce rapport. Le Dr Vigan a proposé le licenciement du Dr D'Auria à l'issue de sa période de stage. Il a signé le rapport le 25 octobre 1976, après avoir au préalable consulté M. Baxter, le directeur du personnel de la Commission, quant à la forme de ce rapport. Le 19 novembre 1976, le Dr D'Auria y a joint ses propres remarques. Il s'agissait d'une critique de ce rapport, formulée en termes énergiques et point par point, déclarant, en conclusion, que «le rapport semble porter totalement à faux et être plus fondé sur des sentiments personnels que sur un jugement objectif».
Entre-temps, par mémorandum daté du 29 octobre 1976, envoyé au directeur général du personnel et de l'administration de la Commission et parvenu à la direction générale le 8 novembre 1976, le Dr D'Auria avait introduit, en application de l'article 90 du statut, une réclamation relative au rapport et avait demandé que soit adoptée une décision contraire à celle qui était proposée.
Le 19 novembre 1976, le Dr Vigan a adressé à la direction générale le rapport complété par les remarques du Dr D'Auria. Le rapport est parvenu à la direction le 26 novembre.
Le 8 décembre 1976, le Dr D'Auria a eu une entrevue avec M. Baxter, à Bruxelles. Les récits que les parties ont faits chacune par écrit de cette entrevue, à la demande de la Cour, ont été complétés par les déclarations orales de M. Baxter et du Dr D'Auria à l'audience publique. Cette entrevue avait un double but: M. Baxter espérait tout d'abord, pour reprendre sa propre expression, «se faire une idée» des raisons du conflit opposant le Dr D'Auria au Dr Vigan et il espérait également trouver la possibilité d'éviter un licenciement formel du Dr D'Auria.
Sur le premier point, la discussion semble avoir été brève. Le Dr D'Auria l'a décrite comme ayant été «réduite au minimum» et M. Baxter a déclaré, en effet, qu'elle n'avait fait que confirmer l'impression qu'il avait eue à la vue des dossiers, à savoir que les points de vue du Dr D'Auria et du Dr Vigan quant au fonctionnement du service médical à Ispra étaient inconciliables.
La conséquence de ce qui a été dit sur le second point a été résumée dans une note adressée par M. Baxter au Dr D'Auria le même jour (annexe 3 du mémoire en défense). En voici la teneur :
«Suite à la discussion que nous avons eue ce matin, je dois vous confirmer que votre dossier, y compris la proposition de ne pas maintenir plus avant votre fonction, est prêt maintenant à être adressé au président de la Commission pour qu'il prenne une décision.
Si cependant vous pouvez me faire parvenir vendredi 17 décembre au plus tard une lettre par laquelle vous donnez votre démission effective au 1er avril 1977 ou à une date antérieure, nous pouvons renoncer à la procédure mentionnée ci-dessus.
En acceptant votre lettre de démission, je vous aviserai également, par lettre séparée, de ce que tous les rapports faits sur vous par le Dr Vigan, postérieurs à celui de mai 1975, sont rapportés et détruits. En d'autres termes, les documents restant dans votre dossier personnel seront le rapport de mai 1975, votre lettre de démission de décembre 1976 et la lettre ultérieure de la Commission acceptant votre démission. Sur cette dernière lettre figurera l'expression d'usage de remerciement de la Commission pour vos services rendus. Il va sans dire que je ferai dépendre cette action de notre part du retrait simultané de la réclamation que, m'avez-vous dit, vous avez déposée en application de l'article 90 du statut.»
Le Dr D'Auria n'a pas répondu à cette proposition.
Le 14 décembre 1976, le directeur général du personnel et de l'administration a adressé au président de la Commission, autorité investie du pouvoir de nomination, une note proposant le licenciement du Dr D'Auria (annexe 4 du mémoire en défense). Le 20 décembre 1976, le président a décidé le licenciement du Dr D'Auria avec effet au 1er janvier 1977 (annexe de la requête).
Le 19 janvier 1977, par lettre destinée aux «membres de la Commission», le Dr D'Auria a renouvelé la réclamation qu'il avait adressée, dans son mémorandum du 29 octobre 1976, au directeur général du personnel et de l'administration (annexe de la requête).
A la suite, semble-t-il, d'une intervention syndicale, la réclamation du Dr D'Auria a été transmise pour avis à un collège médical non officiel, formé de sept médecins au service de la Commission. Le collège s'est réuni deux fois. A chaque fois, le Dr D'Auria a été invité à se présenter, mais il ne l'a pas fait. Le 18 mars 1977, le collège a établi son rapport, défavorable au Dr D'Auria (voir annexe 5 du mémoire en défense).
Le 18 mars 1977 également, le Dr D'Auria a introduit une nouvelle réclamation en application de l'article 90, paragraphe 2, du statut, visant cette fois-ci la décision du président de la Commission du 20 décembre 1976 (annexe de la requête).
Les réclamations du Dr D'Auria n'ont reçu aucune réponse dans le délai de quatre mois visé à l'article 90, paragraphe 2, et le 1er août 1977 il a intenté la présente action. Ultérieurement, le 30 août 1977, la Commission lui a adressé une lettre contenant un rejet motivé de ses réclamations (annexe 6 du mémoire en défense).
Dans la présente action, les moyens avancés par le Dr D'Auria se regroupent sous deux rubriques: il y a, tout d'abord, les moyens qui visent la validité de son rapport de stage et ensuite ceux qui ont trait à la validité de la décision de le licencier.
Pour ce qui est de la validité du rapport de stage, le Dr D'Auria fait valoir deux moyens.
Le premier est que le Dr Vigan, un fonctionnaire de grade A 3, n'était pas autorisé à signer le rapport; celui-ci aurait dû l'être par un fonctionnaire de grade A 2.
Sur ce point, il nous semble que les avocats du Dr D'Auria ont été induits en erreur par une de nos déclarations dans l'affaire 92/75, Van de Roy/Commission, Recueil 1976, p. 353. Nous y disions qu'«en vertu des dispositions prises par la Commission en application du statut du personnel, le rapport de stage d'un fonctionnaire de la catégorie A ou LA doit être signé par le “directeur concerné”». Il s'agissait d'une conclusion tirée d'un formulaire établi par la Commission pour les rapports de stage et, en particulier, de la note 2 figurant au bas de la troisième page de ce formulaire, qui dispose de manière non équivoque que, dans le cas de «fonctionnaires stagiaires de la catégorie A et LA», le fonctionnaire «autorisé» à établir le rapport est le «directeur concerné». Nous avions supposé, à tort comme cela apparaît maintenant, que cette affirmation était justifiée en droit. En réalité, dans l'affaire Van de Roy, parmi les arguments qui nous avaient été soumis, ce point n'était pas contesté, de sorte qu'il n'avait pas fait l'objet d'un examen minutieux.
Il est vivement contesté ici.
Il est constant, comme cela est évident, que le statut lui-même ne détermine pas qui doit signer le rapport de stage. Il est également constant qu'aucune disposition n'a été adoptée sur ce point, en application de l'article 110 de ce statut. Si nous avons bien compris, l'argument avancé par le Dr D'Auria est, pour l'essentiel, que ces dispositions auraient dû être adoptées et qu'en leur absence la Commission est liée par la note en bas de page que nous avons mentionnée. La maxime «patere legem quam ipse fecisti» est citée à ce propos. A notre avis cependant, abstraction faite de ce qu'il semble quelque peu excessif d'assimiler une note en bas de page à une «lex», la Commission n'était aucunement obligée de réglementer la matière en appliquant l'article 110. Il lui était loisible de la traiter de manière administrative, conformément à ce qu'exige le bon sens.
C'est ce que la Commission a fait. Elle a distribué un «Guide à l'intention des notateurs des fonctionnaires stagiaires» à caractère non réglementaire. Une copie en a été adressée à la Cour, sur sa demande. Il est si peu réglementaire qu'il n'est pas signé par une autorité plus élevée que M. Baxter lui-même et qu'apparemment il n'existe qu'une version française. A la page 4, sous le titre «II — Commentaires sur le formulaire de stage et sur le notateur», on peut lire:
«1. Qui est “notateur”
Aucune réglementation spécifique n'existe à ce jour en ce domaine. Il est recommandé de s'inspirer dans toute la mesure du possible des directives arrêtées pour la notation périodique, à savoir:
— |
pour les fonctionnaires de la catégorie A et ceux relevant du cadre linguistique: par le directeur compétent Cou le conseiller principal). |
— |
pour les fonctionnaires des autres catégories …» |
Cela montre sans conteste qu'il n'existait aucune règle ferme et rigide. On nous a dit, au nom de la Commission, qu'en fait les rapports de stage sont normalement établis par un fonctionnaire de grade A 2, mais que, dans le cas de certains petits services détachés, dirigés par des fonctionnaires de grade A 3, ce sont eux, les seules personnes disposant d'une connaissance véritable des stagiaires concernés, qui rédigent ces rapports. Le service médical d'Ispra en est un exemple. On a cité un autre exemple, celui de la division de traduction à moyen et long terme, installée à Luxembourg.
Les faits de la cause illustrent à quel point cette pratique est sage. S'appuyant sur le fait que le service médical d'Ispra relève administrativement de la direction générale du personnel et de l'administration, l'avocat du Dr D'Auria a déclaré que le rapport relatif à ce dernier aurait dû être signé par M. Baxter. Toutefois, M. Baxter n'avait jamais rencontré le Dr D'Auria avant leur entrevue du 8 décembre 1976. Comment aurait-il pu faire un rapport sur lui?
En conclusion, nous sommes d'avis que le premier moyen avancé par le Dr D'Auria devrait être rejeté. Mais nous souhaitons que la Commission modifie la note en bas de page qui a donné lieu à de si nombreux malentendus.
Le second moyen que fait valoir le Dr D'Auria quant à la validité de son rapport de stage est qu'il était fondé sur des erreurs matérielles de fait. Celles-ci sont énoncées en trois points.
Le premier a trait à l'épisode du retour du Dr D'Auria du Frioul à Ispra sans autorisation expresse du Dr Vigan. Toutefois, cet épisode n'est pas mentionné dans le rapport et il n'existe aucune indication établissant que le Dr Vigan n'a pas accepté l'explication fournie par le Dr D'Auria sur cette question.
Sous le second point, il est dit que le Dr Vigan s'est trompé quant à l'étendue et à la variété des activités de recherche du Dr D'Auria. Aucun détail cependant n'est fourni quant à cette allégation.
En troisième lieu, différentes allégations renvoyant à la teneur des réclamations introduites par le Dr D'Auria en application de l'article 90, paragraphe 2, du statut, portaient sur certaines contradictions de la part du Dr Vigan, notamment une contradiction entre le contenu des rapports qu'il a rédigés sur le Dr D'Auria respectivement en mai 1975 et en octobre 1976. Mais, à notre avis, on ne peut pas conclure de ce que le jugement qu'un homme porte sur un jeune collègue a évolué durant la période en question, qu'il a commis une erreur de fait sur ce collègue. Pour le reste, les allégations faites par le Dr D'Auria sous ce point se bornent, après examen, à affirmer que le jugement que le Dr Vigan avait porté sur lui était faux, de sorte qu'il devait avoir été fondé sur des faits faux ou incomplets.
En conséquence, nous rejetterons ce second moyen.
Quant à la question de la validité de la décision du 20 décembre 1976, le Dr D'Auria a formulé quatre moyens.
Le premier est que la décision était hors délai. Vous vous souvenez, Messieurs, que le stage du Dr D'Auria avait commencé le 1er mars 1976, de sorte qu'étant de neuf mois, il expirait le 30 novembre 1976. Le moyen invoqué est qu'aucune décision arrêtant son licenciement ne pouvait validement être prise après cette dernière date.
A première vue, il s'agit d'une prétention étonnante, parce qu'il existe au moins deux décisions de votre Cour qui déclarent qu'une autorité investie du pouvoir de nomination a droit à un délai raisonnable après la fin du stage d'un fonctionnaire pour décider de le titulariser ou de le licencier. Il s'agit des décisions dans l'affaire 52/70, Nagels/Commission, Recueil 1971, p. 365 (attendus 22 et 23 de l'arrêt) et dans les affaires 10 et 47/72, Di Pillo/Commission, Recueil 1973, p. 763, (attendus 8 à 10 de l'arrêt).
L'avocat du Dr D'Auria a prétendu cependant que cette jurisprudence ne faisait plus autorité parce que les événements qu'elle concernait avaient eu lieu avant que l'article 34 du statut n'eût été amendé par le règlement du Conseil (Euratom, CECA, CEE) no 1473/72 du 30 juin 1972. Par ce règlement, (1) le pouvoir d'une autorité investie du pouvoir de nomination de prolonger le stage d'un fonctionnaire «dans des cas exceptionnels» a été aboli et (2) l'alinéa en application duquel un rapport peut être établi sur un stagiaire avant l'échéance normale «en cas d'inaptitude manifeste» de ce dernier a été introduit. Vous vous souvenez, Messieurs, que la dernière phrase de cet alinéa dispose que, sur la base de ce rapport, «l'autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de licencier le fonctionnaire stagiaire avant l'expiration de la période de stage, moyennant un préavis d'un mois»; il ajoute que «la durée de service [ne peut pas] dépasser la durée normale du stage».
C'est sur la base de ces deux amendements que l'avocat du Dr D'Auria a prétendu que le règlement no 1473/72 avait renversé le droit tel qu'il avait été fixé dans les arrêts Nagels et Di Pillo.
A notre avis, tel n'a pas été le cas. Bien que le premier amendement ait aboli le pouvoir d'une autorité investie du pouvoir de nomination de prolonger la durée de la période de stage, il n'a pas réduit le pouvoir discrétionnaire de cette dernière de décider du destin du stagiaire, soit durant cette période, soit dans un délai raisonnable à compter de son achèvement. Le second amendement a introduit un élément de flexibilité manifestement raisonnable, mais c'est un élément qui, par la nature des choses, ne peut être appliqué que dans des cas rares. Il est clair que le dernier membre de la dernière phrase de cet amendement signifie uniquement que l'exigence d'un préavis d'un mois ne peut pas, en soi, conduire à prolonger la période de stage.
Les faits de la présente cause illustrent avec éclat les absurdités auxquelles on pourrait aboutir en faisant droit aux prétentions du Dr D'Auria. Le rapport de stage du Dr D'Auria a été signé par le Dr Vigan le 25 octobre 1976, c'est-à-dire largement dans le délai établi par l'article 34, paragraphe 2. Il n'y a toutefois pas de délai fixé en ce qui concerne l'exercice par le stagiaire concerné du droit que lui confère cette même disposition de formuler par écrit ses observations sur le rapport. Il est arrivé, dans la présente affaire, que le Dr D'Auria a usé de ce droit le 19 novembre 1976. Mais rien dans le statut ne l'empêchait de différer ces observations jusqu'au 1er décembre 1976, date à laquelle, conformément à l'argument qu'il a avancé, il serait devenu impossible à l'autorité investie du pouvoir de nomination de le licencier. En fait, son rapport, complété de ses observations qui, d'après le statut, en constituaient une partie essentielle, est parvenu à Bruxelles le 26 novembre 1976. Le Dr D'Auria a rencontré M. Baxter le 8 décembre. La proposition de le licencier a été adressée au président de la Commission le 14 décembre et la décision de ce dernier a été signée le 20 décembre. Il est manifeste que ces événements n'auraient pas pu, sans injustice envers le Dr D'Auria, se succéder à un rythme beaucoup plus rapide.
Dans l'argumentation développée sur ce point, l'affaire Van der Roy a été citée de nouveau. L'avocat du Dr D'Auria a prétendu que cette affaire était différente parce que la Cour n'y mentionnait que la date de la notification de la décision (attendus 12 et 13 de l'arrêt) et non la date de la décision elle-même. Soit. Nous ne pensons pas qu'il faille l'autorité de l'affaire Van der Roy pour rejeter le moyen avancé par le Dr D'Auria et que nous examinons actuellement. Comme nous l'avons démontré, il existe de nombreuses autres raisons pour agir ainsi. Mais nous ne pouvons pas nous abstenir de souligner que, dans l'affaire Van der Roy, la date de la décision n'a jamais été indiquée à la Cour, si bien que la distinction entre la date de la décision et celle de sa signification, formulée en apparence dans l'arrêt, ne peut pas être considérée comme ayant eu la moindre importance.
Nous rejetterons donc le premier moyen dont se prévaut le Dr D'Auria sur la seconde partie de l'affaire.
Son second moyen, relatif à cette partie de l'affaire, est que la décision était nulle pour avoir été arrêtée sans que le comité des rapports eût été appelé à donner son avis conformément à l'article 9, paragraphe 5, du statut. La réponse est qu'aucun comité des rapports n'a jamais été constitué au sein de la Commission, ce qui rend l'article 9, paragraphe 5, inapplicable. Dans l'affaire Nagels (déjà citée), à l'occasion de laquelle un point identique avait été soulevé, la Cour a déclaré que:
«l'institution d'un comité des rapports prévu à l'article 9 du statut n'étant pas obligatoire, on ne saurait faire grief à la Commission de n'avoir pas encore fait usage de sa faculté d'instituer ce comité» (attendu 21 de l'arrêt).
L'avocat du Dr D'Auria a prétendu que le recours, dans cet attendu, au terme «encore» signifiait que, dans l'esprit de la Cour, une époque viendrait où chaque institution se trouverait tenue de constituer un comité des rapports et qu'en 1976, cette époque était arrivée. Nous ne pensons pas qu'il en soit ainsi. Les termes «éventuellement» figurant au paragraphe 1, littera a, de l'article 9 («if required» dans la version anglaise) indiquent clairement que c'est à chaque institution de décider discrétionnairement quand, à supposer qu'elle le décide jamais, il peut devenir opportun d'instituer un comité des rapports.
Le troisième moyen est que la décision du 20 décembre 1976 était nulle parce qu'elle était fondée sur un rapport de stage non valable. Si nous avons raison d'estimer que la contestation de la validité du rapport de stage du Dr D'Auria doit être rejetée, ce moyen doit être rejeté en même temps.
D'après le dernier moyen, la décision constituerait un détournement de pouvoir dans la mesure où elle a été prise parce que la tentative de M. Baxter de persuader le Dr D'Auria de démissionner avait échoué. Si, d'après cette argumentation, le but poursuivi par la Commission avait été un but légal, cette tentative n'aurait pas été nécessaire. Le but véritable que poursuivait la Commission en cherchant à persuader le Dr D'Auria de démissionner était prétendument triple, à savoir:
1) |
surmonter la difficulté résultant de ce que son rapport de stage avait été signé par une personne qui n'y était pas autorisée, |
2) |
surmonter la difficulté résultant de ce que le délai durant lequel il était permis à la Commission de le licencier était expiré et |
3) |
faire l'économie des deux mois de traitement de base auxquels il avait droit en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 34, paragraphe 2. |
En fait, il n'existe pas la moindre raison de penser que la Commission ait jamais douté de ce que le Dr Vigan avait compétence pour signer le rapport de stage du Dr D'Auria ou qu'elle ait douté du pouvoir de l'autorité investie du pouvoir de nomination de le licencier dans un délai raisonnable à compter de l'expiration de sa période de stage. De surcroît, si le Dr D'Auria avait accepté l'offre de M. Baxter, il aurait pu obtenir non pas deux mensualités du traitement de base, mais trois mensualités du traitement intégral et des allocations.
On peut douter de la correction de l'offre de M. Baxter (en particulier dans la mesure où cette offre envisageait de soustraire certains documents du dossier personnel du Dr D'Auria et de fournir un document pouvant induire en erreur un employeur éventuel du Dr D'Auria), mais il n'existe, à notre avis, aucun doute sur les motifs qui l'animent en l'occurrence. Dans la lettre de la Commission du 30 août 1977, ils étaient expliqués en ces termes:
«En ce qui concerne la lettre du 8 décembre 1976 qui vous a été adressée par le directeur du personnel, la Commission ne peut pas accepter l'argument selon lequel elle prouve le moindre détournement de pouvoir. Comme cela ressort clairement de son texte, cette lettre a été écrite pour confirmer ce qui avait été dit au cours de la discussion confidentielle durant laquelle il avait été recherché un moyen d'éviter votre licenciement à l'issue de votre période de stage; il s'agissait de votre démission qui, tandis qu'elle aurait, bien sûr, eu pour effet de vous retirer votre droit à certains avantages pécuniaires, aurait garanti, d'un autre côté, qu'aucun effet défavorable ne s'ensuive quant à votre réputation professionnelle. Vous n'avez été soumis à aucune pression morale ou d'une autre nature. Entre vous et le directeur du personnel une idée a été examinée que vous étiez libre d'accepter ou de rejeter.»
Nous ne pouvons pas non plus discerner comment un but illégal quelconque qui pourrait avoir inspiré l'offre de M. Baxter pourrait logiquement être attribué au président de la Commission au point d'entacher sa décision d'un détournement de pouvoir.
C'est pourquoi nous rejetterons également ce dernier moyen.
Pour conclure, nous estimons que ce recours doit être rejeté, chacune des parties supportant ses propres dépens.
( 1 ) Traduit de l'anglais.