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Document 61975CC0104
Opinion of Mr Advocate General Mayras delivered on 17 March 1976. # Adriaan de Peijper, Managing Director of Centrafarm BV. # Reference for a preliminary ruling: Kantongerecht Rotterdam - Netherlands. # Case 104-75.
Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 17 mars 1976.
Adriaan de Peijper, directeur de la société Centrafarm BV.
Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Rotterdam - Pays-Bas.
Affaire 104-75.
Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 17 mars 1976.
Adriaan de Peijper, directeur de la société Centrafarm BV.
Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Rotterdam - Pays-Bas.
Affaire 104-75.
Recueil de jurisprudence 1976 -00613
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1976:43
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,
PRÉSENTÉES LE 17 MARS 1976
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Ce n'est pas la première fois que la société à responsabilité limitée néerlandaise Centrafarm BV, dont le siège est à Rotterdam, est attraite en justice. Vous-mêmes avez eu déjà l'occasion de connaître cette entreprise, par la voie de l'article 177, sur des questions touchant à la propriété industrielle et commerciale, dans les affaires 15 et 16-74 qui ont été réglées par vos arrêts du 31 octobre 1974 (Recueil p. 1147 et p. 1183).
Les questions préjudicielles qui vous sont soumises à présent trouvent leur origine dans le fait que son directeur, M. Adriaan de Peijper, a été cité devant la juridiction nationale à raison des agissements qui lui sont reprochés sur le terrain de la protection de la santé publique.
Voici, brièvement résumés, les faits à prendre en considération. En 1973, Centrafarm a acheté à un grossiste anglais, CHB (Aérosols Ltd), plusieurs lots de valium, dosé de 5 à 10 mg, conditionné en emballages de 500 comprimés; ce produit pharmaceutique, connu sous le nom générique de «diazépam», était importé par Centrafarm sous l'appellation d'origine «valium» et fabriqué par le laboratoire Hoffmann-La Roche.
A leur réception aux Pays-Bas, ces médicaments, prêts à être administrés sur prescription médicale, furent reconditionnés par Centrafarm en emballages standard portant la marque et un numéro de série de cette firme. Puis, Centrafarm livra en gros ces produits à divers pharmaciens, et notamment à la pharmacie de l'hôpital universitaire de Leyde.
Un produit analogue est officiellement vendu sous le nom de «valium» aux Pays-Bas par l'importateur exclusif de la société multinationale Hoffmann-La Roche, mais à un prix notablement plus élevé. Ce produit est, selon la législation néerlandaise, une préparation pharmaceutique. C'est aussi une spécialité pharmaceutique au sens de l'article 1 de la directive du Conseil no 65/65 du 26 janvier 1965 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant lesdites spécialités. Il faut présumer qu'aux Pays-Bas, comme ailleurs, le valium ne peut être délivré que sur prescription médicale.
Selon les indications du dossier et les explications qui vous ont été données au cours de la procédure orale, l'activité de Centrafarm consisterait donc à retirer les comprimés de valium de leur emballage primitif et à les reconditionner sous le contrôle d'un pharmacien qualifié, attaché à cette firme. Elle loge ces comprimés dans des emballages étiquetés à son nom, avec la mention générique «diazépam» et un numéro d'identification propre, avec la mention «produit d'origine».
Il ne semble pas en l'état de dossier que ces manipulations soient de nature à provoquer l'altération des composants du valium d'origine ni que, du point de vue thérapeutique, elles aient eu une quelconque incidence sur la qualité du produit. En tout cas, il est parfaitement possible d'identifier la provenance de chaque lot de «diazépam» écoulé par Centrafarm.
Ceci permettrait, en cas de nécessité, d'identifier également le responsable de la mise sur le marché et d'arrêter l'écoulement du médicament voire de confisquer tout lot suspect en cas d'accident thérapeutique, à moins bien sûr que l'altération du produit ne soit imputable au fabricant lui-même. C'est ainsi que, à la suite d'une enquête, l'inspecteur en chef de la santé publique des Pays-Bas a pu établir sans difficulté, d'après leur numéro de série, que les comprimés de diazépam en question avaient été fabriqués par un laboratoire du groupe Hoffmann-La Roche, situé à Welwyn Garden City en Angleterre.
Dans les premières affaires Centrafarm que nous avons rappelées, vous était posée la question de savoir si le fait de mettre en circulation des produits importés parallèlement et d'interférer ainsi dans le cheminement des produits d'origine est de nature à porter atteinte au droit du fabricant, titulaire de là marque, ou à celui de son importateur agréé de contrôler la distribution du produit. Dans l'affirmative, ces importations parallèles les empêcheraient de prendre des mesures de protection du public au cas où des vices de fabrication se révéleraient. Vous avez jugé, sur ce point, que la «protection du public contre les risques dus à des produits pharmaceutiques défectueux étant une préoccupation légitime, l'article 36 du traité autorise les États membres à déroger aux règles relatives à la libre circulation des marchandises pour des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux». Ce thème, auquel il avait été simplement préludé dans les affaires précitées, constitue, dans la présente affaire, le nœud du problème. Sur le terrain de la santé publique proprement dite, il s'agit aujourd'hui, pour vous, de décider dans quelle mesure le traité autorise les États membres à déroger aux règles relatives à la libre circulation des marchandises.
Les faits retenus à la charge du sieur De Peijper ont été qualifiés de la façon suivante par le procureur cantonal au regard de la réglementation néerlandaise: mise sur le marché d'un médicament importé parallèlement
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sans avoir l'agrément de l'inspecteur de la santé publique, |
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sans disposer d'un dossier comportant toutes les indications concernant la composition qualitative et quantitative et le mode de préparation de ce médicament, |
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sans disposer non plus d'un procès-verbal (appelé également protocole) d'où il résulte, sans l'ombre d'un doute possible, que le médicament importé a été effectivement préparé et contrôlé conformément aux indications portées à ce dossier. |
Ces infractions sont passibles, aux Pays-Bas, des peines prévues à l'article 26 de la loi sur l'approvisionnement en médicaments.
Sans nier la réalité de ces faits, le sieur De Peijper invoqua pour sa défense que son comportement n'était pas punissable en raison du fait que les dispositions internes auxquelles il ne se serait pas conformé constitueraient une «mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative» prohibée par l'article 30 du traité. Il ajouta qu'à supposer que ces dispositions fussent justifiées, selon les termes mêmes de l'article 36, «par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes», elles constituaient en réalité, toujours selon les termes de cet article, «un moyen de discrimination arbitraire et une restriction déguisée dans le commerce entre États membres». En conséquence, elles ne pourraient bénéficier de la dérogation prévue par l'article 36.
C'est dans ces conditions que le juge néerlandais vous saisit de deux questions. Ces deux questions tendent, en réalité, à vous faire apprécier la compatibilité de la réglementation nationale en cause avec le traité.
Vous vous refusez en principe (voir par exemple arrêt du 11 avril 1973, affaire 76-72, Recueil p. 457), dans le cadre d'une procédure de l'article 177 du traité, à qualifier une disposition de droit national au regard d'une règle communautaire; vous vous attachez cependant à fournir au juge qui vous saisit les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui pourraient lui être utiles dans l'appréciation des effets de cette disposition. De même, s'il ne vous appartient pas, dans le cadre de. l'article 177, de vous prononcer sur la compatibilité des dispositions d'une loi nationale avec le traité, vous vous reconnaissez, en revanche, compétents pour fournir à la juridiction nationale tous éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre de juger de cette compatibilité (arrêt du 17 février 1976, affaire 91-75, Miritz).
En l'espèce, l'obstacle au commerce entre les États membres découle essentiellement et directement d'une législation, assortie de sanctions pénales, qui est d'ordre public et donc applicable d'office sur l'initiative du ministère public, même sans constitution de partie civile; en conséquence, la non-application de cette législation ne pourrait tenir qu'au fait que l'ordre juridique interne doit céder le pas à l'ordre juridique communautaire. Il ne nous paraît pas possible, dans ces conditions, si vous voulez donner une réponse utile à la juridiction nationale, d'échapper à cet examen de «compatibilité» en disant, comme vous l'avez fait déjà, notamment dans l'arrêt du 26 février 1976, Tasca, qu'il appartient à cette juridiction de décider, en se fondant sur votre propre décision, si la réglementation nationale dont elle est appelée à connaître produit ou non des effets la rendant incompatible avec les dispositions communautaires en vigueur. Il nous semble d'autant plus difficile que vous vous dispensiez de qualifier cette réglementation et d'examiner sa compatibilité avec le traité (au moins dans les motifs de votre arrêt) que la solution qui en dépend concerne directement et individuellement, au plan pénal, le sieur De Peijper, au-delà de la portée générale qui s'attache bien sûr à votre réponse.
Certes, la voie normale pour apprécier la compatibilité d'une législation interne avec le traité est la procédure de l'article 169. Et la Commission, répondant à une demande écrite de votre part, nous a appris, à la fin des observations orales présentées par son agent, qu'elle venait effectivement d'ouvrir une telle procédure à l'encontre du régime néerlandais. Cependant, malgré cette connexité et le risque de confusion entre deux procédures qui répondent à des buts différents, nous ne vous proposerons certainement pas de surseoir à statuer comme nous l'avions fait dans l'affaire BRT (arrêt du 30 janvier 1974, Recueil p. 51), pour des raisons d'ailleurs différentes, fondées sur l'existence d'une disposition communautaire expresse.
C'est dans cet esprit qu'adoptant la démarche suivie par le rapport d'audience il nous faut, en premier lieu, analyser le régime néerlandais.
Nous procéderons ensuite à l'examen des directives communautaires prises dans le domaine pharmaceutique, puisque le gouvernement néerlandais et ceux des autres États membres qui ont présenté des observations dans cette affaire estiment que cette «législation communautaire» justifie la réglementation néerlandaise, si même elle ne l'impose.
Enfin, il nous faudra prendre position sur l'argument avancé par le gouvernement britannique relatif aux articles 85 et 86.
I — |
Nous commencerons donc par l'étude de la réglementation néerlandaise, sans dissimuler qu'une telle analyse est nécessairement incomplète et n'a qu'une portée relative dans le cadre de la procédure non contentieuse de l'article 177. La Commission s'est elle-même réservé le droit de faire des observations complémentaires si cela s'avérait nécessaire compte tenu de l'interprétation donnée à ces textes par le gouvernement néerlandais et compte tenu de la pratique administrative suivie par les autorités nationales. Ces dernières réserves ne pourront, semble-t-il, être entièrement levées qu'à l'occasion de la procédure de manquement qui vient d'être entamée par la Commission. De son côté, la défenderesse au principal affirme (mais nous lui en laissons la reponsabilité) que l'on ne peut pas dire des arrêtés d'exécution pris par le gouvernement néerlandais qu'ils brillent par leur clarté, qu'on les considère séparément ou conjointement, et qu'ils ne se laissent généralement interpréter qu'avec difficulté. C'est donc sous le bénéfice de ces observations préliminaires que nous procéderons à leur examen.
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II — |
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III — |
Il nous faut enfin examiner si la législation néerlandaise est, comme le soutiennent le procureur néerlandais et les agents du gouvernement britannique, conforme aux directives adoptées par les autorités communautaires, si même elle n'est pas impérativement imposée par ces directives. Il s'agit de la directive 65/65 adoptée le 26 janvier 1965 par le Conseil (JO no 22 du 9 février 1965, p. 369) et de la directive 75/319 du 20 mai 1975 (JO no L 147 du 9 juin 1975, p. 13). A cet égard, il n'est pas d'un grand secours de soutenir, comme le fait la Commission, que ces directives ne visent que les «spécialités pharmaceutiques» et qu'elles ne s'appliquent pas aux préparations pharmaceutiques sur lesquelles portent les questions posées. Il nous paraît en effet que le produit en cause devant le juge national est un «médicament préparé à l'avance, mis sur le marché sous une dénomination spéciale et sous un conditionnement particulier», c'est-à-dire une «spécialité pharmaceutique» au sens de l'article 1, 1), de la directive 65/65. D'ailleurs, ce juge parle indifféremment de «préparation» ou de «spécialité» pharmaceutique. Or, l'article 3 de la directive de 1965 édicte que: «aucune spécialité pharmaceutique ne peut être mise sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation n'ait été préalablement délivrée par l'autorité compétente de cet État membre». Les articles 3 et 4 de la directive 65/65 exigent du responsable de la mise en circulation de la spécialité pharmaceutique qu'il introduise une demande auprès de l'autorité compétente de l'État membre où le produit en cause est effectivement mis en circulation pour obtenir la délivrance de l'autorisation requise à cet effet, demande qui doit être accompagnée de renseignements et de documents spécifiant notamment la composition qualitative et quantitative et le mode de préparation du médicament. En vertu de la directive 75/318 (JO no L 147 du 9 juin 1975, p. 1, annexe, première partie, B), la description du mode de préparation doit comporter au minimum «l'évocation des diverses étapes de la fabrication permettant d'apprécier si les procédés employés pour la mise en forme pharmaceutique n'ont pas pu provoquer l'altération des composants». L'article 1 de la directive 75/319 stipule que «les États membres prennent toutes les dispositions utiles pour que les documents et les renseignements énumérés à l'article 4, 2e alinéa, de la directive soient établis par des experts possédant les qualifications déontologiques ou professionnelles nécessaires, avant d'être présentés aux autorités compétentes. Ces documents et renseignements sont signés par ces experts». Selon l'article 22 de la directive 75/319, en cas d'exportation de tout lot de médicament enregistré ou d'une spécialité autorisée, le fabricant doit faire accompagner, pour l'usage de l'importateur, le lot en question de documents concernant sa préparation et son contrôle. Il est également prévu des dispositions en matière d'étiquetage des spécialités pharmaceutiques. En contrepartie, des facilités sont accordées aux fabricants en vue de la reconnaissance mutuelle des autorisations. Cette mesure est de nature à permettre la libre circulation des médicaments pour le plus grand bénéfice de la santé publique, aussi longtemps que les pharmacopées des États membres ne seront pas harmonisées. Ainsi que l'ont souligné les avocats de la partie défenderesse au principal, les directives adoptées jusqu'à présent envisagent le cas d'un fabricant qui produit un médicament identique pour les différents États membres, préparé, composé et contrôlé selon des normes uniformes, ou le cas d'un importateur d'un médicament provenant de pays tiers, préparé dans ces conditions, qui, dans la commercialisation de ce produit dans les États membres, se heurte aux disparités de législation et qui, pour cette raison, doit présenter des demandes d'autorisation différentes auprès des autorités nationales de chaque pays. Il s'agit du fabricant qui, selon l'article 9 de la deuxième directive, est responsable de la mise sur le marché d'un médicament et qui, ayant obtenu l'autorisation à cet effet dans un État membre, désire procéder à la mise sur le marché dans cinq autres États membres au moins. Dans ce cas, l'État membre qui, sur la base des renseignements exigés par la directive 75/318 du 20 mai 1975, a accordé la première autorisation transmet, à la demande du fabricant, au Comité des spécialités pharmaceutiques créé au plan communautaire un dossier comprenant copie de cette première autorisation ainsi que les renseignements et documents énumérés à l'article 4, 2e alinéa, de la directive 65/65. Ce comité transmet sans délai ce dossier aux autorités compétentes des autres États membres et cette transmission vaut introduction d'une demande d'autorisation de mise sur le marché auprès desdites autorités. Ainsi, la tâche de ce comité est d'assurer la coopération des autorités compétentes lors de l'instruction des demandes d'autorisation de mise sur le marché, afin d'éviter, dans la mesure du possible, des décisions divergentes sur ces autorisations qui demeurent pour l'instant exclusivement nationales (réponse du 30 octobre 1975 à question écrite, JO no C 272 du 28 novembre 1975, p. 11). Sur la base de l'article 100, le rapprochement des législations vise à supprimer les entraves aux échanges qui sont la résultante commune des disparités des réglementations nationales des divers États membres. L'harmonisation n'entend porter remède qu'aux «disparités de certaines dispositions nationales … relatives aux médicaments qui ont pour effet d'entraver les échanges des spécialités pharmaceutiques au sein de la Communauté». Il ne tend à libérer de ces entraves les échanges de produits pharmaceutiques au sein de la Communauté que dans la mesure où cette libération ne découlerait pas déjà de l'application des articles 9 à 37 du traité qui s'appliquent aux mesures en vigueur dans les États, pris individuellement. Mais la compétence résiduelle, d'ailleurs importante, laissée aux États membres par l'article 36 en matière de santé publique, ne saurait être élargie par la voie de directives adoptées au titré du rapprochement des législations (article 100). Les directives adoptées en application de cet article ne peuvent, tout comme en matière d'ordre public ou d'égalité des rémunérations, que coordonner les mesures existant dans les États membres; elles ne sauraient affecter la portée de l'article 36. |
IV — |
En dernier lieu, et subsidiairement à nos yeux, le gouvernement britannique fait observer que la solution des questions posées par le juge néerlandais devrait être recherchée non pas dans le cadre des articles 30 à 36 du traité, mais dans le cadre des articles 85 et 86. Certes, dans la mesure où les discriminations ou distorsions constatées seraient délibérément provoquées par un fabricant un tel comportement pourrait faire l'objet d'une procédure de l'article 86. Différents indices pourraient laisser présumer que tel est bien le cas. Au Royaume-Uni, la «Monopolies Commission» a enjoint, au début de l'année 1973, au groupe Hoffmann-La Roche d'abaisser de 50 à 60 % le prix de vente de ses tranquillisants au Service national de santé et de rembourser les bénéfices excessifs réalisés dans le passé par cette firme (JO no C 73 du 13 septembre 1973, p. 36). Le 30 janvier 1976, le Kammergericht de Berlin a enjoint à ce groupe de réduire de 28 % le prix du valium. Quant aux Pays-Bas, le Service du contrôle économique, à la suite d'une enquête effectuée auprès de l'établissement néerlandais de Hoffmann-La Roche, a informé la direction de cet établissement, ainsi que le groupe suisse, qu'il serait fait application de la réglementation néerlandaise en matière de concurrence si Hoffmann-La Roche n'abaissait pas à un niveau satisfaisant, sauf raison valable, le prix du librium et du valium vendus aux Pays-Bas. Il semble que, depuis lors, ce service n'ait pas donné suite à son propos de faire application de cette réglementation (réponses du 25 janvier 1974 à deux questions parlementaires, annexes au compte-rendu des débats de la IIe Chambre des Pays-Bas, session 1973-1974, no 1561 et 1580). Cependant, la Société royale néerlandaise pour la promotion de la pharmacie a mis en garde ceux de ses membres qui s'approvisionnent à bon compte par voie d'importation parallèle, notamment au Royaume-Uni, en médicaments dont il existe aux Pays-Bas des présentations analogues, enregistrées comme médicaments conditionnés, et qui ne répercutent pas cet avantage à leurs clients; le Service du contrôle économique a été amené à renforcer sa surveillance à cet égard. Au niveau communautaire, il ressort des réponses fournies par la Commission à différentes questions écrites posées par des membres du Parlement européen qu'elle a décidé en 1973 de procéder, sur la base du règlement no 17/62, à une enquête dans le secteur de la pharmacie, plus particulièrement en ce qui concerne le valium et le librium vendu par le groupe Hoffmann-La Roche, en raison des disparités notables de prix pratiqués pour ces produits au Royaume-Uni et dans les autres États membres (JO no C 68 du 21 août 1973, p. 18; JO no C 19 du 27 janvier 1975, p. 24; JO no C 242 du 22 octobre 1975, p. 16; JO no C 1 du 5 janvier 1976, p. 14; voir également le compte-rendu des débats oraux du Parlement européen lors de la séance du 13 octobre 1975, JO no 195, Annexe, p. 10). En février 1976, enfin, en réponse à la question écrite no 657/75, la Commission a confirmé qu'elle menait trois enquêtes dans ce secteur au titre de l'application des règles de concurrence du traité. En d'autres termes, comme l'ont dit les avocats de la défenderesse au principal, la vraie question pourrait être de savoir si le fait, pour un État membre, d'agencer et d'appliquer sa réglementation de façon à permettre à un fabricant d'abuser des disparités existant dans les différents États membres en matière d'autorisations pharmaceutiques, dans un but purement commercial n'ayant rien à voir avec l'article 36, si même il ne lui est pas contraire, constitue une mesure prohibée par l'article 30, ou, si l'on préfère, de savoir si, à la faveur des dispositions internes, il ne s'est pas créé aux Pays-Bas un monopole à l'importation au profit d'un fabricant étranger et de son distributeur exclusif, monopole relevant de l'article 86. Il est certes regrettable que, pour faire exactement la part des responsabilités respectives, les procédures ouvertes par la Commission au titre du règlement no 17, de même que celle qu'elle a entamée au titre de l'article 169, n'aient pas encore abouti, situation qui était déjà celle de l'affaire du sucre et de l'affaire BRT/Sabam. Mais, même si une violation de l'article 86 par une entreprise devait se surajouter à une violation, par les Pays-Bas, de l'article 36, il n'en résulterait nullement que l'une serait exclusive de l'autre: les deux peuvent se cumuler, encore que l'on risquerait de se retrouver dans la même situation que dans les affaires du sucre où les importateurs italiens et les raffineurs européens ont été victimes de la réglementation italienne en matière d'adjudications à l'importation. |
C'est au bénéfice de ces observations et sous les réserves que nous avons faites que nous concluons à ce que vous disiez pour droit que:
1) |
l'article 36 ne justifie pas une réglementation d'un État qui subordonne l'octroi, à l'importateur parallèle d'un médicament d'un autre État, de l'autorisation de mettre ce médicament sur le marché dans cet État à la preuve, par cet importateur, que le médicament importé est conforme au médicament, identique à tous égards, déjà autorisé dans cet État si cette preuve ne peut être rapportée par l'importateur qu'avec le consentement discrétionnaire du fabricant ou de son importateur officiel; |
2) |
si la réglementation d'un État membre part de la présomption qu'un médicament, autorisé sous des formes différentes dans cet État et dans d'autres États membres, n'est pas identique selon l'État pour lequel il est fabriqué, et si elle rend plus difficile, pour l'importateur parallèle d'une forme de ce médicament régulièrement mise sur le marché d'un autre État membre que pour l'importateur directement approvisionné par le fabricant en médicaments sous la forme autorisée dans l'État de cette réglementation, la preuve du contraire ou de ce que le médicament, sous la forme importée parallèlement, ne présente que des différences qui sont sans aucune incidence thérapeutique par rapport à la forme autorisée de ce médicament, cette réglementation constitue une mesure d'effet équivalent qui n'est pas justifiée par l'article 36. Il appartient à la Commission de veiller à l'établissement de critères objectifs qui permettent de s'assurer que ces différences ont une incidence thérapeutique et qu'elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre États. |