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Document 61975CC0092

Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 5 février 1976.
Germaine van de Roy contre Commission des Communautés européennes.
Affaire 92-75.

Recueil de jurisprudence 1976 -00343

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1976:19

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 5 FÉVRIER 1976 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La requérante dans cette affaire cherche principalement à obtenir l'annulation d'une décision de la Commission la licenciant à la fin de sa période de stage en tant que fonctionnaire. Elle conclut également à ce que lui soit versés en outre ou à titre subsidiaire des dommages-intérêts.

La requérante est Madame Germaine Lambert, née van de Roy. Elle est belge. Elle a passé avec succès les épreuves du concours no COM/LA/90, qui s'est déroulé en 1973 pour créer une réserve de traducteurs pour la Commission. Par décision du 28 février 1974, elle a été nommée fonctionnaire-stagiaire à un poste de grade LA/8 à la division «traduction: langue néerlandaise» de la Commission, avec effet au 16 avril 1974.

Cette division fait partie de la direction D (traduction, documentation, reproduction, bibliothèque) de la direction générale IX (personnel et administration) de la Commission. Le chef de la division était, et, nous le croyons, est toujours M. Dallinga, tandis que le directeur de la direction IX-D était M. Ciancio. Cette direction comprenait également une division«Traduction (affaires générales)», dont le chef était M. Pignot

Lors de son entrée en fonctions, la requérante a été affectée à un groupe s'occupant d'aides au développement, de politique régionale et de transport Elle a été placée sous la supervision d'un réviseur, M. de Niel (également belge), qui occupait les fonctions de coordinateur de ce groupe. Il apparaît qu'au cours des premiers mois de sa période de stage, tout le travail de la requérante était révisé par M. de Niel qui, à chaque occasion, lui expliquait oralement les corrections qu'il avait faites. Par la suite, étant donné qu'il était impossible d'appliquer pour toujours une procédure qui prenait tellement de temps, les textes révisés de ses traductions lui ont été simplement retournés et c'est à elle qu'il incombait de demander des explications. Durant cette dernière période, il est parfois arrivé que ses traductions soient révisées par des personnes autres que M. de Niel. La requérante se plaint de ce qu'en raison de ce procédé il lui était difficile de se rendre compte de ses fautes, étant donné que de cette façon, les erreurs proprement dites, les imperfections de style et les préférences purement personnelles étaient toutes traitées sur le même pied. Elle affirme que ses difficultés étaient accrues par le fait que le néerlandais est une langue évoluant rapidement et que l'usage admis dans la partie de la Belgique d'expression néerlandaise n'est pas toujours celui qui est considéré comme correct aux Pays-Bas eux-mêmes. M. de Niel a cependant dit devant la Cour, lors de l'audience, qu'il estimait tout aussi acceptables les expressions employées dans le Nord et de bonnes expressions employées partout en Belgique.

D'après la requérante, en juin 1974, M. de Niel s'est déclaré satisfait de ses progrès. Il est clair toutefois qu'en novembre de cette même année, il en était arrivé à la conclusion qu'elle ne serait jamais une bonne traductrice.

L'article 34 du statut du personnel prévoit pour les fonctionnaires des catégories A, LA ou B, une période de stage de neuf mois. La période de stage de la requérante devait donc prendre fin le 15 janvier 1975.

Le paragraphe 2 de l'article 34 dispose:

«Un mois au plus tard avant l'expiration de la période de stage, le fonctionnaire-stagiaire fait l'objet d'un rapport sur ses aptitudes à s'acquitter des attributions que comportent ses fonctions, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service. Ce rapport est communiqué à l'intéressé qui peut formuler, par écrit, ses observations.

Le fonctionnaire-stagiaire qui n'a pas fait preuve de qualités suffisantes pour être titularisé est licencié».

Le rapport sur la requérante devait par conséquent être fait au plus tard le 15 décembre 1974.

En vertu des dispositions prises par la Commission en application du statut du personnel, le rapport de stage d'un fonctionnaire de la catégorie A ou LA doit être signé par le «directeur concerné». Cela signifie que le rapport sur la requérante devait être signé par M. Ciancio.

Toutefois, c'est M. Dallinga qui a préparé ce rapport. Il l'a fait le 8 novembre 1974, comme il l'a dit devant la Cour, à l'audience, lorsqu'il a expliqué pourquoi c'était cette date qui apparaissait en haut de la version définitive du rapport M. Dallinga a également affirmé a la Cour (et il n'y a aucune raison de mettre sa parole en doute) qu'il a eu alors deux réunions avec M. de Niel et les autres réviseurs et traducteurs chevronnés du groupe de M. de Niel, pour discuter du projet de rapport qu'il (M. Dallinga) avait préparé. A la suite de ces réunions, ce projet a été légèrement modifié et dactyographié à nouveau. La nouvelle version a été signée par M. Ciancio le 29 novembre 1974, devenant ainsi le rapport de stage de la requérante. Outre la signature de M. Ciancio, il porte les signatures de M. Pignot et de M. Dallinga en tant que «supérieurs hiérarchiques consultés».

Ainsi que vous le savez probablement. Messieurs, les dispositions prises par la Commission prévoient que le rapport de stage doit être fait sur un formulaire aux termes duquel, entre autres, certaines aptitudes particulières du stagiaire font l'objet d'une appréciation en fonction des critères: «très bon», «bon», et «insuffisant». Le rapport de la requérante estimait «bon» son sens de l'organisation, son sens de responsabilité, sa rapidité dans l'exécution du travail, ses relations dans le service, ses relations avec les tiers et sa ponctualité. Il qualifiait d'«insuffisant» ses connaissances par rapport à ce qui était nécessaire à l'emploi qu'elle exerçait, sa compréhension, sa faculté d'adaptation et son jugement, son initiative et la qualité de son travail. Pour toutes ces appréciations défavorables, une brève explication était donnée, conformément à ce qui était demandé.. Le rapport faisait ensuite observer de façon générale qu'elle n'avait pas atteint le niveau qu'on pouvait attendre ne serait-ce que d'un traducteur débutant et que son expérience préalable avait manifestement été insuffisante. Le rapport concluait en recommandant son licenciement à la fin de la période de stage.

Ainsi que l'exige l'article 34, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires, le rapport a été communiqué à la requérante le 2 décembre 1974.

Après un entretien avec M. Ciancio le 3 décembre, la requérante a apposé sa signature le 9 décembre sur la partie du formulaire réservée aux observations de l'intéressée. Elle déclarait ne pas être d'accord avec les remarques contenues dans le rapport Le même jour elle signait un mémorandum détaillé faisant état de ses commentaires relativement aux critiques qui lui avaient été adressées dans le rapport.

Il semble que le licenciement d'un traducteur à la fin de sa période de stage soit un événement rare à la Commission.

C'est peut-être pour cette raison que M. Ciancio a estimé souhaitable de demander à M. Dallinga d'établir un rapport plus complet sur le travail de la requérante, explicitant en particulier les erreurs qu'elle avait commises dans son travail. Ce rapport supplémentaire a été envoyé par M. Dallinga à M. Ciancio le 14 janvier 1975. Il était accompagné d'un document joint en annexe, reproduisant de nombreuses erreurs ou prétendues erreurs commises par la requérante dans son travail, choisies sur un échantillon de traductions effectuées par elle et groupées sous ces trois rubriques: A. exemples de connaissance insuffisante de la langue néerlandaise et de mauvais style — B. exemples de traductions partiellement ou totalement inexactes — et C. exemples de reproduction inexacte de titres de documents ou actes existants.

Il n'apparaît pas toutefois que ce rapport supplémentaire ait joué un rôle quelconque dans la décision de la Commission.

La Commission a décidé de licencier la requérante avec effet à dater du 7 janvier 1975. Il n'apparaît pas clairement quand cette décision a été précisément arrêtée. Le document formel qui la contient, et qui a été signé par le membre de la Commission responsable des questions du personnel, n'est pas daté. La requérante dit que, le 14 janvier 1975, elle ne savait toujours pas ce que serait la décision, que le 15 elle était en congé et que lorsqu'elle est arrivée au travail, le matin du 16, M. Dallinga l'a informée oralement de son licenciement qui lui a été confirmé, également oralement, par M. Ciancio. A 16 h 43 le même jour, un télex du membre de la Commission en question lui a été envoyé de Luxembourg (où il se trouvait vraisemblablement alors) l'informant de son licenciement à dater de ce jour. Un porteur a essayé vainement de lui remettre ce télex dans la soirée du 16 janvier. D'après sa propre relation des événements de cette soirée, cette tentative n'a pas réussi, principalement par suite de son propre comportement. En tout cas, le télex lui a finalement été remis par M. Dallinga le matin du 17 janvier. Il a été confirmé par une lettre recommandée du directeur général du personnel et de l'administration du 17 janvier portant le cachet de la poste du 20 et qu'elle a reçue le 21. Cette lettre contenait une copie de la décision formelle de licenciement la concernant.

Le 10 février 1975, la requérante a introduit une réclamation relative à son licenciement en application de l'article 90, paragraphe 2, du statut du personnel. Cette réclamation a été inscrite sur le registre du Secrétaire général de la Commission, le 12 février 1975, et a été expressément rejetée par décision de la Commission du 16 mai 1975, communiquée à la requérante le 2 juin 1975.

Le 11 août 1975, la requérante a introduit le présent recours, par lequel elle cherche à obtenir l'annulation de la décision de licenciement qui la frappe et, partant, l'annulation de la décision rejetant sa réclamation en application de l'article 90, paragraphe 2, et demande également à être indemnisée en raison du dommage que la précédente décision a causé à sa réputation. A titre subsidiaire, elle demande le paiement d'une somme égale à dix. mois de salaire.

Les moyens sur lesquels la requérante se fonde pour mettre en cause la validité de la décision de licenciement qui la concerne, se trouvent dans une version abrégée de sa réclamation du 10 février 1975, annexée à la requête. Dans ce résumé, elle expose ses moyens sous trois rubriques.

La première rubrique englobe deux moyens qui sont — on le comprend facilement — liés dans l'esprit de la requérante. En premier lieu, elle affirme que l'appréciation de ses connaissances de la langue néerlandaise est erronée. Deuxièmement, elle prétend que ceux qui ont porté cette appréciation n'étaient pas qualifiés pour le faire.

A l'appui de la première de ces deux affirmations, elle se réfère au fait qu'elle a écrit un livre en néerlandais «Jakko en Jamina» qui a été loué de façon générale par un nombre de critique éminents, y compris par le professeur Meyers de Bruxelles, en particulier pour le style et la précision de la langue. Elle a également présenté dans une annexe à la réplique un commentaire détaillé reprenant point par point l'annexe au rapport supplémentaire de M. Dallinga à M. Ciancio du 14 janvier 1975.

Si on fait pour l'instant abstraction du droit, il nous semble, avec tout le respect dû à la requérante, qu'il importe peu en l'espèce qu'elle ait écrit un livre à succès en néerlandais. L'art du romancier n'a rien en commun avec le genre d'aptitude professionnelle qui est demandé à un traducteur de documents communautaires. Tous deux bien sûr requièrent une maîtrise de la langue, mais d'un genre tout différent. Un romancier n'aurait pas de lecteurs s'il (elle) adoptait le style des documents communautaires relatifs aux aides au développement, à la politique régionale ou aux transports. A l'inverse, il ne serait pas souhaitable que les traducteurs appartenant au personnel d'une institution communautaire traduisent des documents de ce genre comme s'ils écrivaient un roman.

Revenons au droit qui, sur ce point, est parfaitement clair. La Cour ne saurait substituer son appréciation de l'aptitude d'un fonctionnaire à effectuer certaines tâches particulières à celles de l'institution qui emploie. La compétence de la Cour en pareil cas se limite à l'examen des méthodes que l'institution a utilisées pour former sa décision et à l'examen de l'exactitude et de la pertinence des faits sur lesquels cette décision a été fondée. (Voir, par exemple, l'affaire 10-55, Mirossevich/Haute Autorité; Recueil 1955-56, p. 387) et affaire 29-70, Marcato/Commission (Recueil 1971, p. 248)). Nous n'oublions pas que dans l'affaire Mirossevich, la Cour a fait établir un rapport d'expert sur la qualité d'une traduction qui avait été faite par la requérante, mais elle l'a fait dans un but différent. Cette affaire a eu lieu à une époque où il n'existait pas encore de statut du personnel. La requérante avait été engagée en tant que traductrice par la Haute Autorité, conformément a un contrat aux termes duquel (selon ce qui a été constaté) elle devait effectuer une période de stage d'un mois. Pendant cette période, elle n'avait reçu que trois courtes traductions à faire. La question se posait de savoir si, ce faisant, elle avait eu une possibilité suffisante de montrer son aptitude. A l'appui de son assertion que tel avait été le cas, la Haute Autorité a invoqué, à titre de preuve, l'une de ses traductions — les deux autres ayant apparemment disparu. L'argument de la Haute Autorité était que cette traduction était si mauvaise qu'il était manifestement inutile de lui donner d'autres travaux. En demandant un rapport d'expertise, le but de la Cour était de savoir s'il en était bien ainsi.

En ce qui concerne la présente espèce, nous ne devons pas perdre de vue — à ce qu'il nous semble — le fait que ce n'est pas seulement la qualité du travail de la requérante qui a été qualifiée d'«insuffisant», mais également ses connaissances générales, sa compréhension, sa faculté d'adaptation, son jugement et son initiative. Il s'agit là d'un jugement de valeur complexe et la Cour a toujours estimé que de tels jugements échappaient au contrôle juridictionnel.

La mise en cause par la requérante de la compétence de ceux qui ont porté une appréciation à son égard peut se résumer de la façon suivante:

a)

M. Ciancio et M. Pignot ne connaissaient pas le néerlandais;

b)

M. Dallinga ne s'est nullement intéressé à son travail pendant les sept mois de sa période de stage;

c)

M. de Niel avait un parti pris contre elle;

d)

Les autres fonctionnaires consultés par M. Dallinga avaient vu très peu de son travail et l'un d'eux, lorsqu'il a révisé l'une de ses traductions, y a introduit certaines erreurs qui lui ont tout d'abord été reprochées.

Messieurs, si la requérante a raison, il semble en découler que personne n'était compétent pour rédiger ou pour signer le rapport la concernant.

A notre avis, il était parfaitement correct que M. Dallinga ait été choisi pour établir le projet de rapport relatif à la requérante et qu'il l'ait fait après consultation avec M. de Niel, qui était le mieux au courant de son travail, et avec les autres fonctionnaires supérieurs de sa division qui connaissaient un peu ce que faisait la requérante. Il n'y a aucune preuve que M. de Niel ait eu un parti pris contre elle. La seule preuve est qu'il avait une opinion négative en ce qui concerne ses aptitudes. De même, il n'y a aucune raison de penser que M. Dallinga ait, de façon quelconque, négligé de se tenir informé du travail de sa division, et en particulier des progrès de ses stagiaires.

M. Ciancio a signé le rapport parce que le règlement exigeait qu'il le signe. Mais ce fait ne peut avoir joué au détriment de la requérante: il ne peut avoir été qu'une garantie supplémentaire pour elle. La raison pour laquelle M. Pignot l'a également signé n'est pas donnée, mais nous ne voyons pas comment il aurait pu en résulter un tort quelconque pour la requérante.

Nous concluons que la requérante n'est pas fondée à obtenir gain de cause sur la base d'aucun des moyens qu'elle avance dans la première rubrique.

Dans la seconde rubrique, la requérante affirme que l'article 34 du statut du personnel a été violé dans son cas, parce qu'elle n'a pas bénéficié d'une période de stage de neuf mois pleins. Elle affirme que cette période a été réduite par ses vacances (une semaine en juillet et deux en août 1974), par des périodes durant lesquelles il n'y avait pas de travail (trois semaines en septembre et trois semaines en octobre 1974) et par des périodes pendant lesquelles, à ce qu'elle prétend, on lui a refusé du travail, bien qu'il y en ait eu (du 15 au 29 novembre, pendant les trois dernières semaines de décembre 1974 et du 3 au 15 janvier 1975). Elle affirme qu'en conséquence, la durée effective de sa période de stage a été de cinq mois seulement.

Messieurs, il ne fait aucun doute qu'un stagiaire est fondé, en droit, à exiger qu'on lui donne la possibilité de montrer ses aptitudes. C'est ce qui a été décidé dans l'affaire Mirossevich et c'est ce qui ressort également implicitement de l'arrêt de la Cour dans l'affaire 52-70, Nagels / Commission (Recueil 1971, p. 369 à 372). Mais, à notre avis, il n'est pas exact, en droit, que l'article 34 confère à un stagiaire un droit à neuf mois pleins au cours desquels il pourrait faire ses preuves. Non seulement cette disposition prévoit que le rapport de stage doit être effectué «un mois au plus tard avant l'expiration de la période de stage», ce qui est incompatible avec l'existence d'un tel droit, mais encore, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 34, paragraphe 2, en cas d'inaptitude manifeste du stagiaire, un rapport peut être établi à tout moment du stage, sur la base duquel l'autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de. licencier le fonctionnaire avant l'expiration de la période de stage.

Il s'ensuit que la seule question qui se pose, est de savoir si la requérante a eu une possibilité suffisante de montrer ses aptitudes.

A ce propos, il est clair qu'elle ne saurait formuler aucun grief au sujet de ses propres vacances qui, soit dit en passant, ont dû comprendre un certain nombre de jours durant les trois dernières semaines de décembre 1974 au cours desqu'elles, selon ses dires, on a refusé de lui donner du travail.

Nous pensons qu'il ne faut pas tenir compte de ce qui s'est passé après le 29 novembre 1974, date à laquelle son rapport de stage a été signé, car après cette date, les dés étaient jetés en ce qui concerne le contenu de ce rapport. Ses seules possibilités d'influencer la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination, basée sur ce rapport, étaient les commentaires écrits qu'elle était autorisée à y apposer.

Il reste donc les périodes se situant durant les mois de septembre, octobre et novembre 1974, au cours desquelles elle se plaint d'être restée sans travail. MM. Dallinga et de Niel ont expliqué à l'audience que, étant donné qu'il est impossible de confier à des débutants des travaux difficiles ou urgents, il est des moments où il est impossible de trouver du travail adéquat pour un stagiaire. Durant de telles périodes, on attend des stagiaires qu'ils effectuent certaines lectures pour améliorer leurs connaissances terminologiques. MM. Dallinga et de Niel ont reconnu que, pour cette raison, la requérante est restée sans travail durant certaines périodes. Ils ont cependant estimé qu'elle avait exagéré la durée de celles-ci.

En réponse à une question qui lui a été posée par la Cour, la Commission a produit un tableau indiquant le nombre de pages traduites par mois par la requérante. Les chiffres figurant sur ce tableau pour les mois de septembre, octobre et novembre 1974 ne montrent pas de différences significatives par rapport à ceux des premiers mois de son stage. Il ressort également de ce tableau qu'au cours de la période allant d'avril à novembre 1974 inclus, la requérante a traduit un total de 294 pages.

Dans ces conditions, il nous semble que la requérante a suffisamment eu l'occasion de prouver sa valeur. Les faits sous-jacents à cette affaire sont bien différents de ceux qui étaient à l'origine de l'affaire Mirossevich.

Dans la troisième rubrique, la requérante regroupe un certain nombre de griefs dont nous dirons tout de suite que, ni individuellement, ni ensemble, ils ne réussissent à notre avis à motiver une annulation de la décision de licenciement qui la frappe.

En premier lieu, elle se réfère à l'incident auquel nous avons déjà fait allusion: un réviseur a été à l'origine de certaines erreurs dans l'une de ses traductions. Étant donné qu'ainsi qu'elle l'affirme elle-même, M. de Niel a reconnu qu'elle n'était pas responsable de ces erreurs, lorsqu'elle le lui a fait remarquer, nous ne pensons pas que cet incident ait une importance quelconque.

Deuxièmement, elle se réfère au fait qu'à la mi-novembre de l'année 1974, il lui a été demandé de traduire d'urgence un texte allemand dont elle dit qu'il était partiellement inintelligible et dont l'auteur lui a affirmé, lorsqu'elle lui a téléphoné, qu'il n'était pas prêt pour la traduction. Elle se plaint du temps trop court qui lui a été imparti pour relire la traduction qu'elle avait faite de ce texte après qu'il ait été dactylographié. Mais il nous semble que c'est le genre d'incident qui doit inévitablement faire partie, de temps à autre, de la vie de tout traducteur.

Troisièmement, elle se plaint de ce qu'il lui a été impossible de vérifier les corrections que M. de Niel avait faites de certaines traductions effectuées par elle entre les 29 novembre et 3 décembre 1974. Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, nous ne pensons pas qu'un tel incident susceptible de s'être produit après le 29 novembre 1974 puisse avoir de l'importance.

En dernier lieu, elle affirme que les explications justifiant les appréciations défavorables dans son rapport étaient si brèves et exprimées en termes si généraux qu'il était difficile de les commenter. Mais, Messieurs, c'est dans la nature de telles explications d'être succinctes et rédigées en termes généraux.

Il s'ensuit, à notre avis, que l'action en annulation de la décision de licenciement introduite par la requérante doit nécessairement échouer.

Il en va par conséquent de même de son action en dommages-intérêts. Comme nous l'avons mentionné, celle-ci a trait au préjudice qui a été prétendument porté à sa réputation du fait de son licenciement. Elle fait valoir à cet égard qu'étant donné que des fonctionnaires-stagiaires sont rarement licenciés, les personnes de son entourage peuvent être amenées à lui porter une moindre estime. Cela se peut, mais elle ne serait fondée à des dommages-intérêts pour ce préjudice que s'il était le résultat d'un acte illégal de la part de la Commission, ce qui, si nous ne nous abusons pas, n'est pas le cas.

A l'appui de sa demande subsidiaire visant le versement d'une somme égale à dix mois de salaire, la requérante fait valoir qu'il ne saurait y avoir eu de vide juridique dans sa situation au cours de la période allant du 15 janvier (date à laquelle a expiré sa période de stage) au 21 janvier 1975 (date à laquelle, selon elle, elle a eu véritablement notification de son licenciement), et qu'à dater du 15 janvier elle a donc dû nécessairement être employée en vertu d'un contrat implicite de durée indéterminée que la Commission a rompu unilatéralement en la licenciant.

Il nous semble, Messieurs, et cela même en supposant en faveur de la requérante qu'elle a raison de dire qu'elle n'avait pas été correctement informée de la décision de la Commission avant le 21 janvier 1975, que cet argument est non seulement fantaisiste, mais encore contraire à la jurisprudence en la matière.

Le point de départ est, bien entendu, qu'actuellement le lien égal entre un fonctionnaire et l'institution qui l'emploie est statutaire et non contractuel (voir par exemple l'affaire 28-74, Gillet/Commission, Recueil 1975, p. 472).

Dans l'affaire 52-70, Nagels/Commission — Recueil 1971, p. 372) et dans les affaires 10 et 47-72 (Di Pillo/Commission — Recueil 1973, p. 770), la Cour a affirmé qu'une institution dispose d'une période raisonnable à l'issue de la période de stage d'un fonctionnaire pour décider de le titulariser ou de le licencier. Dans l'affaire Nagels, un délai de 16 jours a été jugé raisonnable. Dans l'affaire Di Pillo, un délai d'environ 7 semaines après que le rapport de stage eut été effectué, a été estimé satisfaisant. Nous n'oublions pas que, dans ce dernier cas, des dommages-intérêts ont été attribués au requérant, mais la raison en était que le rapport de stage avait été établi avec un retard de plus de trois mois. La Commission s'était en l'occurrence rendue coupable d'une violation du statut

Nous observerons enfin que la requérante en l'espèce avait droit, en application de l'article 34, paragraphe 2, à une compensation égale à deux mois de traitement de base, compensation qu'elle a reçue comme il se devait.

Nous concluons en conséquence au rejet du recours, chaque partie supportant ses propres dépens.


( 1 ) Traduit de l'anglais.

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