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Document 61972CC0030
Opinion of Mr Advocate General Mayras delivered on 24 January 1973. # Commission of the European Communities v Italian Republic. # Premiums for grubbing fruit trees. # Case 30-72.
Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 24 janvier 1973.
Commission des Communautés européennes contre République italienne.
Primes à l'arrachage d'arbres fruitiers.
Affaire 30-72.
Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 24 janvier 1973.
Commission des Communautés européennes contre République italienne.
Primes à l'arrachage d'arbres fruitiers.
Affaire 30-72.
Recueil de jurisprudence 1973 -00161
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1973:7
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,
PRÉSENTÉES LE 24 JANVIER 1973
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Les problèmes juridiques posés par la présente affaire sont proches de ceux que nous avons eu l'occasion d'exposer voici peu de temps devant vous, à propos du recours de la Commission des Communautés européennes fondé sur le défaut d'exécution — ou le retard constaté dans l'application effective — par la République italienne, des régimes communautaires des primes d'abattage des vaches laitières et des primes à la non-commercialisation du lait et des produits laitiers.
Sont en cause aujourd'hui les mesures d'assainissement de la production fruitière dans la Communauté.
Dans ce secteur du marché commun agricole, l'équilibre entre l'offre et la demande devrait normalement résulter de la seule, fixation, à un niveau déterminé, des prix-de référence, de base et d'achat, étant admis que les États membres s'abstiennent de soutenir leurs marchés nationaux. En cas de surproduction accidentelle et temporaire, la réglementation en vigueur (notamment les articles 2 et 7 du règlement no 158/66 du Conseil) autorise la Commission à décider la non-commercialisation des produits de qualité inférieure aux normes fixées et, le cas échéant, à imposer des normes plus rigoureuses.
Mais, si ces mesures de stabilisation du marché, à court terme, se révèlent insuffisantes, il devient nécessaire de mettre en œuvre une politique à plus long terme, tendant à réduire le potentiel de production.
C'est ce que le Conseil fut conduit à décider à la fin de l'année 1969 pour les pommes et poires de table ainsi que pour les pêches. L'offre de ces fruits se révélait structurellement supérieure à la demande. Cette situation découlait du fait que, dans les années antérieures, des plantations importantes avaient été faites, tandis que subsistaient les vergers anciens. En outre, cette production surabondante était de qualité souvent insatisfaisante et témoignait, dans certains cas, d'une inadaptation des variétés aux exigences des consommateurs.
Suivant l'exemple de certains États, comme la Belgique et les Pays-Bas, le Conseil s'est donc efforcé d'inciter financièrement les exploitants à réduire les superficies plantées en instituant, à cette fin, un régime de primes d'arrachage par le règlement no 2517/69 du 9 décembre 1969, modifié ultérieurement par le règlement no 2475/70. Les modalités d'application en furent déterminées par les règlements nos 2637/69 et 2565/70 de la Commission.
Ce régime, dont la mise en œuvre incombait aux États membres, était schématiquement le suivant :
A la condition de s'engager à renoncer, pendant une période de cinq ans, à effectuer toute nouvelle plantation de ces arbres fruitiers, les producteurs qui procéderaient, avant le 1er mars 1973, à l'arrachage de leurs arbres avaient droit à l'attribution d'une prime dont le montant, variable en fonction du mode de plantation, était fixé à l'hectare de verger supprimé.
Les demandes d'octroi des primes pouvaient être valablement présentées jusqu'au 1er mars 1971.
Les autorités désignées par chaque État membre avaient le devoir d'instruire ces demandes, d'en vérifier les indications et, ayant enregistré l'engagement du producteur, d'en constater la recevabilité.
Elles avaient, en outre, l'obligation de contrôler la réalité des arrachages et, si ce contrôle était positif, de délivrer à l'exploitant une attestation sur la base de laquelle la prime lui serait alors payée par l'administration nationale. Le financement des primes incombait donc aux États membres, mais le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole devait rembourser à chacun d'eux, sur justification, la moitié des dépenses ainsi eneaeées.
Dans ses lignes générales, ce régime d'encouragement à la réduction de certaines productions fruitières procède donc de la même technique que celui que le Conseil avait instauré quelques semaines plus tôt en vue de résorber les excédents constatés dans la production laitière. Son application effective dépendait des mesures que les États membres devaient arrêter, tant sur le plan administratif que dans l'ordre budgétaire.
Or si, dès l'exercice 1971, quatre des États membres avaient présenté au Fonds européen des demandes de remboursement partiel des primes par eux payées à leurs ressortissants, il s'avérait qu'en Italie aucune prime n'avait été réglée, bien que près de 20000 producteurs, pour une surface totale de quelque 40000 hectares, aient déposé des demandes avant la date limite du 1er mars 1971.
Seules, certaines dispositions administratives avaient été prises par le ministre de l'agriculture en vue de l'instruction de ces demandes. En revanche, aucune mesure financière n'avait été adoptée en vue de permettre le paiemenr des primes.
Pourtant, la Commission n'avait pas manqué, le 3 février 1971, d'attirer l'attention du gouvernement italien sur ce retard de nature à compromettre l'efficacité de la politique engagée par la Communauté et l'avait, dès ce moment, invité à adopter, dans le délai de deux mois, les mesures nationales indispensables.
Cette mise en garde étant demeurée sans réponse, la Commission se résolut à engager la procédure prévue par l'article 169 du traité de Rome. En conséquence, après avoir, le 2 juin 1971, expressément averti le gouvernement italien que le défaut d'application du régime des primes d'arrachage «s'analyse en une infraction à la réglementation communautaire en la matière et entraîne des préjudices graves pour la gestion du marché», elle lui demandait de lui faire connaître ses observations dans le délai d'un mois. Devant le silence persistant du gouvernement italien, la Commission ne put qu'émettre, le 14 octobre suivant, un avis motivé préalable, nécessaire à un recours en manquement d'État.
Il lui fallut attendre le 29 novembre 1971 pour obtenir du représentant permanent de l'Italie cette seule indication qu'un «schéma» de projet de loi, tendant à dégager les. ressources financières pour le paiement des primes d'arrachage, avait été, quelques semaines plus tôt, communiqué aux ministres intéressés et que celui-ci serait soumis «à très brève échéance» au Conseil des ministres.
Enfin, en réponse à des questions posées, un mois plus tard, par le directeur général de l'agriculture au sujet de l'état d'instruction des demandes de primes, des. superficies sur lesquelles les opérations d'arrachage auraient été exécutées et du contrôle de ces opérations, la délégation permanente de l'Italie se borna, le 25 mars 1972, à rappeler que les instructions de procédure avaient été depuis longtemps données, concernant l'acceptation des demandes et les vérifications préalables sur le terrain; que, toutefois, il n'avait pas été possible «d'assurer aucun engagement formel à l'égard des agriculteurs demandeurs, étant donné que la mesure nationale ouvrant les crédits nécessaires n'est pas encore parvenue au terme de la procédure législative».
A titre d'information étaient précisées le nombre des demandes reçues dans le délai prescrit, soit 19706, et les superficies de plantation vouées à l'arrachage, soit 40415 hectares.
Considérant dès lors que l'Italie ne s'était pas conformée à l'avis motivé et que le manquement était d'ores et déjà consommé, la Commission vous a saisis, le 8 juin dernier, d'un recours tendant à ce que vous disiez pour droit que la République italienne, n'ayant pas arrêté l'ensemble des dispositions permettant l'application effective, sur son territoire, du régime des primes d'arrachage de certains arbres fruitiers, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des règlements no 2517/69 du Conseil et no 2637/69 de la Commission.
La thèse de la Commission a été complètement analysée dans le rapport d'audience. Il nous paraît donc inutile de l'exposer à nouveau. Mais, observons qu'elle ne tend pas à démontrer que la République italienne aurait volontairement refusé de mettre en œuvre le régime des primes d'arrachage, ni même qu'elle se serait abstenue de prendre aucune des dispositions nécessaires à son application.
Ce dont la Commission fait grief a l'Italie, c'est de n'avoir pas arrêté, en temps utile, l'ensemble de ces dispositions, de telle sorte qu'objectivement l'application concrète des règlements communautaires n'a pu être assurée sur le territoire italien.
C'est pourquoi vous avez invité la requérante à spécifier, par écrit, avant l'audience, les mesures autres que le paiement des primes que l'État italien aurait dû prendre — et dans quel délai — pour satisfaire aux obligations qui lui incombaient.
Il convient donc, en premier lieu, de définir quelles étaient ces obligations imposées à chacun des États membres; en second lieu, d'apprécier, au regard de celles-ci, la nature et la portée réelle des mesures prises par les autorités italiennes; il faut enfin examiner si la carence de ces autorités à arrêter, dans les délais convenables, certaines des mesures qui eussent permis d'appliquer effectivement le régime des primes à l'arrachage des arbres fruitiers constitue, au sens de votre jurisprudence, le manquement visé par l'article 169 du traité.
Des règlements nos 2517 et 2637/69, tels qu'ils ont été modifiés en 1970, découlent, pour les États membres, deux sortes d'obligations :
— |
Les premières consistent à instituer une procédure administrative, au demeurant assez simple, comportant d'abord des mesures d'instruction préalables à l'arrachage, prévues par les articles 4 et 5 du règlement d'application no 2637/69. Ces mesures sont les suivantes :
Ces vérifications préliminaires étant laites, il appartient à l'autorité nationale compétente de constater la recevabilité de la demande. Notons à cet égard que cette autorité n'a reçu des règlements communautaires aucun pouvoir d'appréciation; elle a compétence liée en ce sens qu'elle doit légalement déclarer recevable toute demande qui remplit les conditions fixées par ces règlements. Dans une seconde phase, après la réalisation des arrachages, il appartient aux fonctionnaires nationaux d'en constater la réalité et d'attester l'époque à laquelle l'arrachage a été exécuté. La présentation, par le producteur, de cette attestation constitue la preuve nécessaire et suffisante pour obtenir, conformément à l'article 3 du règlement no 2517/69, le paiement de la prime. |
— |
La deuxième catégorie d'obligations imposées aux États membres consiste à assurer le paiement des primes, ce qui implique, dans l'ordre interne, que des crédits ouverts au budget soient affectés à cette opération. |
Ce résultat pourrait être atteint par une habilitation générale donnée par le Parlement au pouvoir exécutif en vue de permettre à l'administration de disposer, au cours de chaque exercice budgétaire, de crédits susceptibles d'être affectés à la mise en œuvre des actions décidées par les institutions communautaires. En Italie, nous le savons, une intervention particulière du législateur est requise chaque fois que l'application d'un texte communautaire exige de recourir aux derniers publics.
Observons enfin que le régime des primes à l'arrachage des arbres fruitiers a été instauré à titre temporaire, l'opération d'assainissement de la production fruitière devant être réalisée en trois années, puisque la date limite des arrachages a été fixée au 1er mars 1973. Quant aux demandes de primes, elles pouvaient être valablement déposées jusqu'au 1er mars 1971.
Dès lors, bien qu'aucun délai strict n'ait été imparti aux autorités nationales pour prendre chacune les mesures que nécessitait la mise en application des règlements, il est raisonnable de penser que ces mesures devaient intervenir en temps utile pour que l'opération puisse se dérouler conformément aux vues de la Commission.
Or, d'une part, le règlement de base et le premier règlement d'application étant entrés en vigueur le 1er janvier 1970, ils étaient, dès cette date, obligatoires pour chaque État membre.
D'autre part, la période normale des arrachages d'arbres se situe d'octobre à mars, entre la fin de la récolte et la reprise de la végétation. Les États membres disposaient donc d'un délai de huit à neuf mois pour prendre les dispositions utiles, afin que les arrachages puissent commencer effectivement dès l'automne de 1970.
Telles étaient donc les mesures d'application exigées des autorités nationales et les limites de temps dans lesquelles celles-ci devaient les prendre, remarque étant faite que les producteurs qui auraient procédé à des arrachages dès les mois d'octobre ou de novembre 1970 avaient, dès cette époque, en vertu même de l'effet direct des règlements, un droit subjectif à obtenir le paiement de la prime.
Il s'agit maintenant de vérifier si les mesures prises par les autorités italiennes étaient de nature à permettre la mise en œuvre effective du régime des primes dans les conditions que nous venons d'exposer.
Il ressort, à cet égard, des documents versés au dossier que, dès le 14 février 1970, le ministre de l'agriculture et des forêts, informant les autorités locales de la publication du règlement no 2517/69 et déclarant qu'il se réservait de donner, dès que possible, les instructions appropriées pour l'octroi de la prime, prenait une première mesure, purement conservatoire, en interdisant à ces autorités d'attribuer des subventions pour des dépenses relatives à l'aménagement des pommeraies, des plantations de poiriers et de pêchers. Il s'agissait donc seulement de mettre obstacle, pour l'avenir, à l'extension de ces plantations et non de permettre la réduction des superficies plantées.
En revanche, par circulaire du 12 mai 1970, le ministre a donné aux inspections provinciales des instructions précises pour la réception des demandes de primes, la vérification des indications qu'elles comportaient, le contrôle des arrachages et l'attribution des primes. Les modèles d'imprimés à utiliser étaient joints à cette circulaire.
Ces instructions étaient complètes; elles étaient également prises en temps utile. Mais elles n'étaient pas exécutoires, car la circulaire précisait, in fine, qu'«en attendant que soit prise la mesure législative qui affectera les crédits nécessaires pour la réalisation des mesures prévues», les services provinciaux devaient, tout en donnant la publicité requise à la circulaire, se borner à recevoir les demandes présentées par les exploitants agricoles intéressés.
Le gouvernement paralysait ainsi l'application effective du régime des primes en la liant à l'intervention d'un acte législatif dont il est constant que le projet n'avait pas même été élaboré à l'époque. Puis, sous la pression, non seulement de certains exploitants, demandeurs de primes, mais aussi d'associations et de collectivités locales, le ministre de l'agriculture publia, le 16 novembre 1970, une nouvelle circulaire habilitant ses inspecteurs provinciaux à effectuer les vérifications préalables sur le terrain. Mais là se sont bornées les instructions du ministre susceptibles de recevoir immédiatement application, celui-ci invoquant encore une fois le défaut d'intervention d'une loi dont il n'était pas possible, disait-il, de prévoir quand elle serait adoptée. Il concluait ainsi à l'impossibilité, pour les inspections, de prendre des engagements formels relatifs à l'octroi des primes. Non seulement le paiement de celles-ci était-il renvoyé «sine die», mais l'administration ne pouvait pas constater les arrachages ni, par suite, en attester la réalité et la date.
Tout au plus les inspecteurs étaient-ils autorisés, par cette nouvelle circulaire, à délivrer, s'ils le jugeaient opportun, des autorisations provisoires d'arrachage.
La procédure administrative faisait ainsi un pas en avant; mais, si certains producteurs pouvaient — à condition d'en avoir reçu l'autorisation — commencer les opérations d'arrachage, ils n'étaient nullement assurés de percevoir leur prime. On conçoit dès lors que l'application effective des règlements communautaires ne fut pas concrètement possible.
En outre, le ministre introduisait un élément de pouvoir discrétionnaire non prévu par les règlements communautaires, en faisant dépendre l'autorisation d'arrachage d'une appréciation d'opportunité de la part de ses services.
Enfin, en tout état de cause, la date même de cette circulaire — 26 novembre 1970 — était en elle-même déjà tardive, puisque la période propice aux arrachages pour l'hiver 1970-1971 était entamée depuis près de deux mois.
Quant à la procédure législative qui, en l'état du droit public italien, doit être suivie pour ouvrir les crédits nécessaires au paiement des primes, elle n'était pas encore engagée à cette époque puisque, le 29 novembre 1971, après même l'expiration du délai imparti par l'avis motivé émis par la Commission, celle-ci fut informée qu'un «schéma» de projet de loi avait été élaboré et communiqué aux ministres intéressés. En mars 1972, cet avant-projet se trouvait encore au stade des délibérations interministérielles; il n'avait pas été présenté au Parlement. C'est plus tardivement qu'il a été soumis aux assemblées législatives. Le représentant du gouvernement italien a pu toutefois, à l'audience du 10 janvier dernier, vous apprendre que la commission de l'agriculture du Sénat avait, le même jour, émis un avis favorable à son adoption.
Si donc on peut aujourd'hui entrevoir l'adoption prochaine de ce texte, force est de constater qu'à l'époque où le terme fixé par l'avis motivé a expiré et même à la date de saisine de votre Cour par la Commission, l'Italie n'avait pas mis en vigueur l'ensemble des dispositions nécessaires à l'application du régime des primes d'arrachage; elle n'avait pas doté son administration des moyens d'assurer leur paiement.
Or, le gouvernement eût-il arrêté toutes les mesures administratives de nature à permettre aux exploitants de procéder aux arrachages que le défaut du paiement des primes eût, à lui seul, constitué un manquement aux obligations de l'Italie. Car c'est, en quelque sorte, une obligation de résultat qu'impose le droit communautaire aux États membres.
Il nous suffira, pour établir en l'espèce ce manquement, de rappeler brièvement les données de votre jurisprudence.
En premier lieu, il convient de se placer, pour apprécier l'existence d'un manquement d'État, à la date d'introduction du recours. Il vous appartient alors de dire si le manquement a été commis, sans avoir à examiner si, postérieurement à cette date, l'État en cause a pris les mesures nécessaires pour mettre fin à l'infraction. C'est ce que vous avez décidé notamment par vos arrêts du 19 décembre 1961 (affaire 7-61, Commission contre République italienne, Recueil, p. 653) et 13 juillet 1972 (affaire 48-71, Commission contre République italienne).
En second lieu, le fait que les autorités d'un État membre s'abstiennent de prendre les mesures nécessaires à la mise en application d'un règlement communautaire, obligatoire pour cet État et, par ailleurs, d'application directe, c'est-à-dire créant des droits subjectifs au profit des particuliers, est de nature à constituer un manquement au sens de l'article 169 du traité (arrêt du 17 février 1970, affaire 31-69, Commission contre République italienne. Recueil p. 33).
L'application matérielle, effective, des textes communautaires incombe aux États; non seulement l'inexécution mais l'exécution tardive des obligations qu'ils créent, à la charge des États, doit être qualifiée de manquement.
En l'espèce, nous l'avons vu, faction communautaire d'assainissement de la production fruitière, prévue pour une période de trois ans et définie par les textes dès le début de 1970, aurait dû commencer à recevoir application dès le début de l'automne suivant. Il est constant qu'il n'en a rien été en Italie; les instructions données aux services compétents leur ont seulement permis de recevoir les demandes, à partir de mai 1970, puis d'en opérer la vérification et d'autoriser, mais à titre provisoire, les arrachages d'arbres et sans prendre aucun engagement quant à l'attribution des primes.
Enfin, les obligations découlant du traité — ou du droit communautaire dérivé — incombent aux États en tant que tels; leur responsabilité est engagée, sur le fondement de l'article 169, quel que soit l'organe de l'État dont l'inaction est à l'origine du manquement, même s'il s'agit d'une institution constitutionnellement indépendante comme le Parlement (arrêt du 5 mai 1970, Commission contre royaume de Belgique, affaire 37-69, Recueil p. 244 — arrêt du 18 novembre 1970, affaire 8-70, Commission contre République italienne, Recueil p. 967).
La carence du Parlement ne peut donc être utilement invoquée comme «cas de force majeure» pour justifier la non-application d'une obligation communautaire.
Or, sans conclure formellement au rejet du recours de la Commission, le gouvernement défendeur n'en invoque pas moins, pour se justifier, l'impossibilité dans laquelle le Parlement, comme lui-même, se seraient trouvés de faire aboutir la procédure législative tendant à l'ouverture des crédits nécessaires au paiement des primes, en raison de la crise politique grave qui a affecté le fonctionnement des organes constitutionnels italiens, entré la fin de l'année 1971 et les premiers mois de 1972.
Après l'élection du chef de l'État, la dissolution anticipée du Parlement et le recours nécessaire à de nouvelles élections législatives auraient constitué un obstacle dirimant au dépôt et à l'examen du projet de loi dont le schéma n'avait été élaboré qu'en novembre 1971.
Un tel argument ne saurait être retenu. Vous avez déjà écarté un moyen analogue dans l'affaire 8-70, Commission contre Italie, en jugeant qu'un État membre ne peut invoquer, pour sa justification, des empêchements — tels qu'en l'espèce une crise ministérielle — qui n'ont surgi qu'à une époque largement postérieure à celle où les obligations dont le manquement lui est reproché sont nées.
Les règlements communautaires relatifs aux primes d'arrachage sont entrés en vigueur, nous l'avons dit, le 1er janvier 1970. Or, les empêchements invoqués ne sont apparus, aux dires mêmes du gouvernement défendeur, qu'à l'automne de 1971, soit plus de 18 mois après. Quelles qu'aient été, pendant cette période, les difficultés alléguées de dégager les moyens financiers nécessaires en présence des lourdes charges imposées à l'État pour adapter les structures économiques et sociales du pays, il est impossible d'admettre que ces difficultés puissent justifier le retard si prolongé apporté à l'élaboration, au dépôt et à l'adoption du projet de loi.
Quoi qu'il en soit d'ailleurs, le manquement d'État est une notion objective. Il vous suffit d'en constater l'existence qui découle, en l'espèce, du fait qu'à la date où le recours de la Commission a été introduit, il est constant que le régime des primes d'arrachage des arbres fruitiers n'avait pas fait l'objet d'une application effective en raison, notamment, du défaut du texte législatif de nature à doter l'administration des moyens financiers nécessaires.
Nous concluons donc à ce que vous disiez pour droit qu'en n'ayant pas arrêté l'ensemble des dispositions permettant l'application effective, sur son territoire, du régime de primes à l'arrachage d'arbres fruitiers, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des règlements no 2517/69 et no 2637/69.
Nous concluons également à ce que la partie défenderesse soit condamnée aux dépens.