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Document 61969CC0035

Conclusions de l'avocat général Roemer présentées le 9 juin 1970.
Herta Lampe, veuve Fero Grosz, contre Commission des Communautés européennes.
Affaire 35-69.

Recueil de jurisprudence 1970 -00609

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1970:50

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. KARL ROEMER,

PRÉSENTÉES LE 9 JUIN 1970 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

L'affaire qui nous occupe aujourd'hui porte sur le droit à l'indemnité différentielle prévue par l'article 7 du statut des fonctionnaires et sur la légalité d'une décision de promotion. A propos des faits, il convient de faire les remarques suivantes.

La requérante, entrée au service de la Communauté de l'Euratom le 8 février 1960, occupe depuis le 25 mars 1962 un poste de deuxième secrétaire (classée en C 2) au secrétariat de la direction «gestion et droits individuels» de la direction générale personnel et administration. Dans la même direction, un poste de secrétaire de direction (de grade C 1) a été rendu vacant à compter du 18 novembre 1968; en effet la titulaire de ce poste (de nationalité italienne) qui, au demeurant, se trouvait déjà en vacances depuis le 23 octobre 1968 a obtenu un congé de convenance personnelle, conformément à l'article 40 du statut des fonctionnaires. C'est la raison pour laquelle le poste a fait l'objet d'un avis de vacance dans le Courrier du personnel du 14 novembre 1968, sous la référence COM/450; les candidatures devaient être adressées avant le 28 novembre 1968. Parmi les candidates à ce poste figurait entre autres la requérante dans la présente affaire. Toutefois, c'est une autre candidate (de nationalité italienne) qui occupait, elle aussi, un poste C 2 à la direction générale personnel et administration qui a été promue et nommée à ce poste. La décision en question, qui est entrée en vigueur avec effet à partir du 1er décembre 1968, a été notifiée à la candidate promue le 16 janvier 1969. La requérante n'a été informée de l'issue de la procédure visant à pourvoir le poste que le 23 janvier 1969; elle a alors appris que sa candidature n'avait pu être prise en considération.

Toutefois elle n'a pas voulu en rester là. Entre temps, le poste à pourvoir avait été transféré au cabinet d'un membre italien de la Commission, par décision du 20 décembre 1968 et également avec effet à partir du 1er décembre 1968. La requérante en conclut qu'en réalité c'est un poste autre que celui mis au concours qui a été pourvu et que la décision de promotion a été prise compte tenu des fonctions afférentes à un autre emploi. En outre, elle estime que depuis le 23 octobre 1968 déjà, elle exerce elle-même en fait les fonctions afférentes au poste déclaré vacant. Elle prétend qu'une connaissance de la langue française est parfaitement suffisante en l'occurrence et que le rejet de sa candidature, motif pris de ce qu'elle ne connaît pas l'italien, ne semble donc pas justifié. En conséquence, le 16 avril 1969, elle a adressé une réclamation au directeur général du personnel et de l'administration, conformément à l'article 90 du statut des fonctionnaires. Elle demandait l'annulation de la décision de promotion et exigeait en outre, conformément à l'article 7 du statut du personnel, le paiement d'une indemnité différentielle pour avoir exercé par intérim les fonctions afférentes au poste déclaré vacant, et cela, avec effet à partir du 24 janvier 1969, c'est-à-dire, si on prend comme date de référence le 23 octobre 1968, à compter du quatrième mois de son prétendu intérim dans le poste devenu vacant. La requérante n'a obtenu aucune réponse à sa réclamation. C'est la raison pour laquelle, le 4 août 1969, elle s'est finalement adressée à la Cour de justice pour faire aboutir sa demande.

Examinons donc comment il convient d'apprécier ses conclusions, que la Commission estime toutes mal fondées.

1. Au sujet du droit à l'indemnité différentielle

Selon l'article 7 du statut des fonctionnaires, une indemnité différentielle ne peut être versée que si un fonctionnaire a été appelé à occuper par intérim un emploi d'une carrière supérieure à la carrière à laquelle il appartient. Dans ce cas, le fonctionnaire reçoit à compter du quatrième mois de son intérim une indemnité différentielle égale à la différence «entre la rémunération afférente à son grade et à son échelon et celle correspondant à l'échelon qu'il obtiendrait dans le grade s'il était nommé dans la carrière dans laquelle il assume l'intérim». La requérante estime que dans son cas ces conditions sont remplies, parce que, conformément aux instructions de son supérieur hiérarchique, depuis le 23 octobre 1968 (date à laquelle l'ancienne secrétaire de première classe de la direction «gestion et droits individuels» est partie en congé) elle exerce en fait les fonctions assumées par cette dernière. D'après ses calculs provisoires et si on prend comme date de référence le 24 janvier 1969, elle aurait donc droit au paiement de 25000 FB. C'est ce que conteste la Commission à l'aide de différents arguments. Elle fait remarquer que la requérante n'a pas été appelée par l'autorité investie du pouvoir de nomination à exercer les fonctions en question. En outre, on pourrait tout au plus dire qu'elle exerce certaines et non pas toutes les fonctions assumées par la précédente secrétaire de direction. De plus, il y a eu modification de l'organisation administrative, puisqu'à compter du 1er décembre 1968, le poste déclaré vacant a été transféré dans une autre unité administrative et partant, n'existait plus à la direction générale personnel et administration.

Il est facile à notre avis de montrer parmi les deux points de vue en présence dans cette controverse quel est celui auquel il convient de se rallier. Dans les conclusions que nous avons prononcées dans l'affaire 24-69, nous avions déjà souligné que pour que l'article 7 du statut des fonctionnaires soit applicable, il importait que le fonctionnaire ait été appelé par l'autorité investie du pouvoir de nomination à occuper par intérim les fonctions en question et nous avions dit que l'exercice de fait des fonctions d'une carrière supérieure, même sur instructions du supérieur hiérarchique direct, ne suffisait pas. Nous persistons toujours dans cette opinion, car elle seule nous semble de nature à garantir l'intégrité du pouvoir d'organisation de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Or, étant donné qu'il est incontestable qu'en l'espèce la requérante ne peut se référer à un acte de cette nature, le droit qu'elle fait valoir doit être rejeté déjà pour cette raison.

Toutefois, si nous faisons abstraction de ce principe, motif pris par exemple de ce que le fait qu'un supérieur hiérarchique confie à un fonctionnaire l'exercice de fonctions plus élevées entraîne pour le supérieur hiérarchique l'obligation de demander un mandat en ce sens de la part de l'autorité investie du pouvoir de nomination, conformément à l'article 7, et que l'inexécution de cette obligation ainsi que l'inexécution de la prescription potestative en question peut par conséquent conduire à une action en responsabilité (ce que la requérante a d'ailleurs effectivement rappelé), il nous faut néanmoins émettre un certain nombre de réserves. D'après ce que nous avons appris au cours de la procédure, il semble extrêmement douteux que toutes les fonctions assumées par la précédente secrétaire aient été confiées à la requérante. C'est ce que l'on peut déduire d'une note rédigée le 9 décembre 1968 par son supérieur hiérarchique, dans le cadre de la procédure de promotion, et dans laquelle il déclare, au sujet de la candidature de la requérante, qu'en dépit d'éminentes qualités, celle-ci ne peut être prise en considération pour le poste déclaré vacant, parce qu'elle ne connaît ni la langue ni la sténographie italiennes. C'est ce qui ressort également de l'aveu de la requérante elle-même, qu'après la cessation des fonctions de l'ancienne secrétaire de direction, un certain nombre de secrétaires intérimaires lui ont été adjointes, parmi lesquelles une pour le moins avait une connaissance approfondie de l'italien. Nous pouvons donc supposer qu'une partie du moins des travaux précédemment exécutés par la secrétaire de direction a été confiée à d'autres personnes.

Mais ce qui exclut de façon tout à fait certaine le recours à l'article 7 du statut des fonctionnaires, également par le biais d'une action en responsabilité, c'est finalement le fait que le poste devenu vacant a été transféré dans une autre unité administrative, le cabinet d'un membre italien de la Commission, par une décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination du 20 décembre 1968. En échange, selon les déclarations de la Commission, la direction «gestion et droits individuels» a obtenu de ce cabinet un poste B 3. Il en est donc résulté une modification substantielle de l'organisation administrative et pour cette raison du moins nous pouvons dire qu'il n'était pas possible objectivement d'appliquer l'article 7 du statut des fonctionnaires à partir de la date choisie comme date de référence par la requérante, le 24 janvier 1969. Il nous faut donc constater que la requérante ne peut en fait prétendre à l'octroi d'une indemnité différentielle tout d'abord parce qu'une condition essentielle exigée par l'article en question, c'est-à-dire l'exercice de fonctions d'une carrière supérieure, fait défaut, mais aussi pour les autres motifs invoqués.

2 Au sujet de la demande d'annulation de la décision de promotion

Quant à la décision par laquelle un poste de secrétaire de direction devenu vacant le 14 novembre 1968 a été pourvu par voie de promotion, selon les explications données par la Commission, elle a été adoptée en fonction de l'avis de vacance publié le 18 novembre 1968, de même que c'est en fonction de cet avis que la candidature de la requérante a été rejetée. Aux termes de celui-ci, il importait essentiellement de connaître les sténographies italienne et française et de pouvoir dactylographier des textes dans ces deux langues. La requérante a avoué qu'en ce qui concerne l'italien, elle ne satisfaisait pas à ces conditions. D'autre part, elle n'a pas allégué non plus que sa collègue qui a bénéficié de la promotion ne possédait pas les aptitudes en question. De ce point de vue, la requérante ne pourrait donc soulever aucune objection à l'encontre de la décision de promotion.

En fait son argumentation se présente sous un jour différent. Elle fait valoir essentiellement qu'en réalité la connaissance du français (qu'elle possédait) était suffisante pour occuper le poste déclaré vacant et qu'il n'y avait pas lieu d'exiger d'autres conditions. Ses critiques portent donc au fond sur les conditions exigées par l'avis de vacance. Quant à savoir si elle est encore en droit de le faire à l'occasion de l'action qu'elle intente contre la décision de promotion, basée sur l'avis de vacance, alors qu'elle n'a présenté aucune réclamation ni formé aucun recours contre celui-ci, dans le délai imparti à cet effet, c'est là une question qui peut pour l'instant rester ouverte. En effet, si nous examinons la situation plus en détail, nous voyons que les critiques visant l'avis de vacance ne sont pas fondées. La fixation des conditions requises pour la nomination à un poste s'effectue dans le cadre d'un pouvoir souverain d'organisation qui s'inspire de l'intérêt du service et dont l'exercice ne peut être attaqué que par le moyen de détournement de pouvoir. Or, nous ne voyons aucun indice permettant de constater un tel détournement de pouvoir. En effet, même si dans la pratique adoptée par la Commission, le français est devenu la langue de travail principale, lorsqu'il s'agit de recruter la secrétaire d'un haut fonctionnaire, il semble légitime d'attacher de l'importance à ce qu'elle soit de même langue maternelle (en l'espèce l'italien). Cela, non seulement parce qu'il est plus facile ainsi d'exécuter des travaux préparatoires ou de rédiger des notes internes, mais aussi parce qu'il est parfois nécessaire du point de vue du service de lire des textes dans une certaine langue officielle. Nous pouvons admettre sans plus que cela est vrai aussi pour le directeur de la «gestion et droits individuels», c'est-à-dire pour un fonctionnaire qui a affaire avec des personnes et des matières de tous les pays de la Communauté. Le fait d'exiger de sa secrétaire la connaissance de la langue et de la sténographie italiennes ne représente certes pas une condition abusive ou anormale. Or, avec cette constatation et avec celle déjà faite que la requérante ne satisfaisait pas aux conditions établies, nous avons dit au fond tout ce qui était nécessaire pour apprécier sa demande d'annulation de la décision de promotion attaquée. En effet, s'il est bien établi que c'est à juste titre qu'elle a été éliminée lorsqu'il a été pourvu au poste déclaré vacant, elle ne peut avoir aucun intérêt à ce que nous examinions si la décision de promotion est conforme pour le reste aux dispositions du statut des fonctionnaires. Toutefois, pour être complet, nous examinerons également ses autres griefs. Nous pourrons être très bref, dans la mesure où la requérante fait valoir que le rejet de sa candidature n'était pas motivé et dans la mesure où elle allègue que la décision de promotion n'a pas été affichée immédiatement, contrairement à ce que prévoit l'article 25 du statut des fonctionnaires. L'affichage immédiat a pour but d'informer les fonctionnaires intéressés auxquels on veut éventuellement donner la possibilité d'intenter une action; mais s'il n'a pas lieu, la légalité de l'acte en question n'en est pas affectée. Pour ce qui est d'autre part de l'obligation de motiver, la Cour a déjà constaté à plusieurs reprises, au sujet précisément des décisions de promotion, qu'une motivation à l'égard des candidats évincés n'était pas nécessaire. Ces deux griefs sont donc certes sans intérêt pour ce qui est du bien-fondé du recours.

Dans ces conditions, seul reste en fin de compte le moyen de détournement de pouvoir que la requérante fait valoir, motif pris de ce que la promotion a été décidée en réalité pour un poste autre que le poste déclaré vacant et compte tenu d'autres exigences. La requérante part en l'occurrence de l'idée que le transfert au cabinet d'un membre italien de la Commission du poste déclaré vacant avait été décidé avant que ne soit arrêtée la décision de promotion. Nous devons avouer qu'il était réellement possible de penser ainsi, car la décision de promotion n'a été signée que le 16 janvier 1969, alors que le poste avait été transféré dès le 20 décembre 1968. Toutefois la Commission a démontré au cours de la procédure que cette impression n'était pas justifiée. Il ressort des documents qu'elle a fournis que la procédure de promotion, avec le concours des différents services compétents, était terminée dès le 20 décembre 1968 et que la décision du directeur général du personnel et de l'administration, compétent en la matière, a été prise à cette date. Ce qui semble important surtout, c'est que la proposition de promotion du directeur «gestion et droits individuels», à laquelle se ralliait la décision en question, a été faite dès le 9 décembre 1968. Nous pouvons donc supposer qu'une décision a été prise concernant l'occupation du poste avant que celui-ci ne soit transféré dans une autre unité administrative et que cette décision a été prise compte tenu uniquement des conditions exigées dans l'avis de vacance.

En outre, nous pensons pouvoir même aller jusqu'à dire qu'il est sans importance d'élucider complètement le dernier point, c'est-à-dire l'ordre dans lequel se sont succédé les décisions. Étant donné la nature du poste à pourvoir et les conditions exigées dans l'avis de vacance, il est possible de parler sans plus d'une interchangeabilité des postes, telle qu'elle s'est effectivement produite. Par conséquent, même si, lorsqu'il s'est agi de pourvoir le poste, son transfert dans une autre unité administrative avait déjà été envisagé, il ne serait pas possible de dire que les critères d'appréciation établis dans l'avis de vacance ont été modifiés de ce fait. Dans ces conditions, le grief de détournement de pouvoir est, lui aussi, sans consistance et il nous reste à constater que la décision de promotion attaquée ne peut être annulée à aucun point de vue.

3.

Il convient de dire encore un mot au sujet de la liquidation des dépens. Comme vous le savez, la requérante estime que même en cas de rejet de toutes ses demandes, la Commission devrait être condamnée à supporter une partie tout au moins des frais exposés par elle au cours de la présente procédure, parce qu'en raison de la date à laquelle a été notifiée la décision de promotion, il était possible de penser que celle-ci avait été décidée après que le poste ait été transféré dans une autre unité administrative. Mais sur ce point non plus nous ne pouvons suivre la requérante. En effet, il n'est pas possible d'admettre que la demande visant à l'annulation de la décision de promotion ait eu pour seule cause cette circonstance. D'après l'ensemble de l'argumentation exposée par la requérante, nous devons plutôt penser que celle-ci aurait également intenté son recours en annulation, même si l'ordre chronologique suivant lequel se sont effectivement succédé les décisions n'avait pas soulevé de problèmes. Nous nous bornerons à rappeler à ce propos les objections qu'elle a formulées à propos du contenu de l'avis de vacance. Par conséquent, nous ne voyons aucune raison d'appliquer l'article 69, paragraphe 3, de notre règlement de procédure.

4.

En résumé, il nous reste donc à conclure que le recours doit être rejeté comme non fondé, tant en ce qui concerne le droit au paiement d'une indemnité différentielle qu'en ce qui concerne également la demande d'annulation de la décision de promotion. Conformément aux dispositions générales de l'article 70 de notre règlement de procédure, chaque partie devra supporter les frais qu'elle aura exposés.


( 1 ) Traduit de l'allemand.

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