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Document 61968CC0023
Opinion of Mr Advocate General Gand delivered on 29 January 1969. # Johannes Gerhardus Klomp v Inspektie der Belastingen. # Reference for a preliminary ruling: Gerechtshof 's-Gravenhage - Netherlands. # Case 23-68.
Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 29 janvier 1969.
Johannes Gerhardus Klomp contre Inspektie der Belastingen.
Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Gravenhage - Pays-Bas.
Affaire 23-68.
Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 29 janvier 1969.
Johannes Gerhardus Klomp contre Inspektie der Belastingen.
Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Gravenhage - Pays-Bas.
Affaire 23-68.
Recueil de jurisprudence 1969 -00043
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1969:2
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JOSEPH GAND,
PRÉSENTÉES LE 29 JANVIER 1969
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Il existe aux Pays-Bas depuis 1956 un régime d'assurance-vieillesse générale (AOW) applicable en principe à tous les résidents, financé par des cotisations assises sur le revenu des intéressés et recouvrées comme en matière fiscale. L'application de ce régime a déjà conduit des juridictions sociales de cet État à vous demander, dans les conditions prévues à l'article 177 du traité de Rome, d'interpréter certaines dispositions du règlement no 3 sur la sécurité sociale des travailleurs migrants (9-6-64, Nonnenmacher, Recueil, X-1964, p. 563).
C'est un problème d'un tout autre ordre que — toujours à propos de cette législation — pose la question dont vous saisit la cour d'appel de La Haye. Il s'agit de savoir si la disposition de l'article 11, b, du protocole C.E.C.A. sur les privilèges et immunités qui exonère les fonctionnaires de cette Communauté de tout impôt national sur les traitements et émoluments versés par celle-ci s'oppose à ce que la cotisation perçue au titre de l'AOW soit assise sur ces traitements et émoluments.
Rappelons brièvement les faits.
M. Klomp, fonctionnaire titulaire de la Haute Autorité, exerçant ses fonctions à Luxembourg, a été affecté à dater du 1er février 1959 au bureau de La Haye du service de presse et d'information des Communautés, et s'est installé dans cette ville. A la fin de 1961, l'administration fiscale lui a adressé un avis de cotisation à l'AOW pour l'année 1959, dans lequel il était tenu compte, pour le calcul de la cotisation, du traitement perçu par lui en qualité de fonctionnaire C.E.C.A.
N'ayant pu obtenir de l'administration compétente la modification de ces bases de calcul, M. Klomp forma devant la cour d'appel de La Haye un recours enregistré le 13 février 1963. Il y invoquait l'article 11, b, du protocole C.E.C.A. et soutenait qu'il n'était tenu au versement d'une cotisation à l'AOW qu'à concurrence des revenus perçus par lui aux Pays-Bas, à l'exclusion toutefois de ceux qui provenaient des fonctions par lui exercées pour le compte de la C.E.C.A. ce qui conduisait en fait à ramener à 0,00 fl. la cotisation contestée.
C'est dans ces conditions que, par lettre du 24 septembre 1968, le président de la chambre fiscale de la cour d'appel, agissant au nom de celle-ci, et «se fondant sur les dispositions ad hoc du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier», vous demande de dire si les termes de l'article 11, b, exonérant d'impôt national les traitements et émoluments versés par la Communauté «visent également la cotisation perçue sur ces revenus en vertu de la loi (néerlandaise) sur l'assurance-vieillesse générale».
I
Êtes-vous compétents pour répondre à cette question? C'est le premier problème qui se pose et que vous ne pouvez trancher par une référence aussi vague que celle de la cour d'appel que nous venons de citer.
Sur quel texte pouvez-vous vous appuyer?
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L'article 31 du traite ne peut à lui seul fonder votre compétence. Sans doute dispose-t-il que vous assurez le respect du droit dans l'interprétation et l'application du traité, ce qui, en vertu de l'article 84, doit s'entendre également des protocoles annexés. Mais ce texte, que reproduit à peu de chose près l'article 164 du traité de Rome, ne constitue qu'une déclaration de principe, très générale, qui n'acquiert de valeur et de portée que dans la mesure où les articles suivants énoncent de façon précise les diverses catégories de recours ouverts devant vous. |
— |
Il faut écarter également, comme vous le propose le gouvernement des Pays-Bas, l'article 41. La compétence exclusive que vous attribue cet article pour statuer à titre préjudiciel ne concerne en effet que la validité des délibérations de la Haute Autorité et du Conseil dans le cas où un litige porté devant un tribunal national mettrait en cause cette validité; elle ne peut être étendue aux dispositions du protocole sur les privilèges et immunités. |
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On peut en revanche songer à s'appuyer sur l'article 16 de ce dernier texte qui prévoit que toute contestation portant sur l'interprétation ou l'application du protocole sera soumise à la Cour. |
Sans doute a-t-on pu se demander — aucune procédure de renvoi à titre préjudiciel n'étant organisée — en quelle forme et par qui la question pouvait être portée devant vous. Votre arrêt Humblet (16 décembre 1960, Recueil, VI-1960, p. 1131) admet qu'elle peut l'être par le fonctionnaire intéressé et sans qu'il ait épuisé la voie judiciaire nationale. En fait, M. Humblet avait à la fois saisi la cour d'appel de Liège d'une réclamation contre l'imposition dont il était l'objet et votre Cour d'une demande tendant à la fois à l'interprétation de l'article 11, b, du protocole et à l'annulation de la cotisation litigieuse. Si, comme vous l'avez dit, il ne vous appartenait pas de donner suite à la dernière partie de sa demande, laquelle relevait du seul juge national, votre compétence, quant à l'interprétation du protocole, était exclusive; la juridiction nationale, seule habilitée à annuler l'imposition, n'aurait pu, à défaut d'une initiative des parties, que renvoyer celles-ci à se pourvoir devant vous pour obtenir l'interprétation du texte communautaire, ou vous saisir elle-même par un renvoi préjudiciel. Aussi pensons-nous avec M. l'avocat général Lagrange (Humblet, Recueil, VI-1960, p. 1172) que l'absence de procédure expressément prévue n'aurait pu faire obstacle à un renvoi prononcé même d'office, que justifiait le caractère exclusif de votre compétence.
Mais aujourd'hui, la difficulté se trouve déplacée.
En effet, la cotisation est due au titre de 1959; elle a été réclamée en 1961 à M. Klomp, lequel a saisi la cour d'appel en février 1963. Ce n'est que le 24 septembre 1968 que cette juridiction vous a demandé d'interpréter l'article 11, b, du protocole C.E.C.A. Or, cet accord a été dans sa totalité abrogé à compter du 1er juillet 1967 par l'article 28 du traité du 8 avril 1965 et remplacé à compter de la même date par un protocole unique sur les privilèges et immunités des Communautés qui se substitue aux trois protocoles C.E.C.A., C.E.E. et C.E.E.A. Le laconisme de la lettre qui vous saisit ne permet pas de voir si la cour d'appel a eu conscience des questions que posait la succession dans le temps de ces différents textes et auxquelles vous ne pouvez échapper.
Une distinction doit d'ailleurs être faite suivant qu'il s'agit de dispositions de fond ou au contraire de règles de compétence ou de procédure.
D'une part, l'abrogation à compter du 1er juillet 1967 de l'article 11, b, du protocole C.E.C.A. — dont la substance se trouve d'ailleurs reprise par l'article 13 du protocole de 1965 — ne fait pas obstacle à ce que la situation du requérant en ce qui concerne une cotisation perçue au titre de 1959, son droit éventuel à une exonération, continue à être appréciée au regard des dispositions en vigueur à cette dernière date, c'est-à-dire de l'ancien protocole. C'est là un principe communément admis dans le droit des États membres.
La solution est moins claire en ce qui concerne la compétence d'interprétation que vous teniez de l'article 16 du protocole C.E.C.A., car l'application de cet article paraît écartée par l'article 30 du traité de 1965. Ce dernier article est ainsi rédigé :
«Les dispositions des traités instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique relatives à la compétence de la Cour de justice et à l'exercice de cette compétence sont applicables aux dispositions du présent traité et du protocole y annexé, à l'exception de celles qui revêtent la forme de modifications d'articles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, pour lesquelles demeurent applicables les dispositions du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier.»
Ainsi, les seules règles anciennes de compétence qui sont maintenues sont celles du traité C.E.C.A. et non celles spéciales au protocole.
Surtout, elles ne sont maintenues que pour les dispositions du nouveau traité et du protocole «qui revêtent la forme de modifications d'articles du traité instituant la C.E.C.A.» C'est le cas, par exemple, de l'article 8 qui modifie certaines dispositions de l'article 28, alinéas 3 et 4, du texte ancien sur le mode de calcul de la majorité au sein du Conseil. De même, il complète les articles 20, alinéa 3, et 28, alinéa 5, du statut de la Cour C.E.C.A. — qui est maintenu dans son ensemble — en stipulant que l'approbation par le Conseil de certains règlements annexes de procédure établis par vous devra désormais être donnée à l'unanimité. Au contraire, le protocole C.E.C.A. sur les privilèges et immunités est abrogé dans son entier, même si, comme nous l'avons dit, la disposition litigieuse de l'article 11, b, est reprise substantiellement à l'article 13 du protocole unique.
Le traité de 1965 qui abroge le protocole C.E.C.A. ne comporte aucune disposition de droit transitoire, au moins sur le point qui nous occupe. De tels problèmes se posent souvent dans le droit des États membres auquel on peut songer à se reporter. D'une façon générale, et sauf disposition expresse, les lois de compétence et de procédure s'appliquent immédiatement; par suite, dès qu'une loi de cet ordre se trouve abrogée par une autre loi, il n'est plus possible d'appliquer la loi ancienne pour trancher des différends, même si ceux-ci sont relatifs à des faits ou des rapports de droit nés sous l'empire de cette loi ancienne. Cette règle qu'expose la Commission et qu'elle appuie d'une analyse de la doctrine et de la jurisprudence nous paraît exacte. Toutefois, elle comporte des tempéraments plus ou moins larges, autrefois rattachés à la doctrine des droits acquis et qui se justifient sans doute essentiellement par le souci de la sécurité juridique; c'est ainsi qu'une instance commencée dans le cadre d'une loi donnée peut être continuée, même si une loi nouvelle en exclut la possibilité. Cela vous permettrait sans doute de vous prononcer aujourd'hui sur une demande d'interprétation au titre de l'article 16 présentée avant le 1er juillet 1967, mais tel n'est pas le cas de la présente affaire, puisque la cour de La Haye ne vous a saisis que le 24 septembre 1968.
Si l'on écarte ainsi les dispositions tant du traité C.E.C.A. (art. 31-41) que du protocole C.E.C.A. (art. 16), on a le choix entre deux solutions: ou affirmer qu'il ne vous appartient plus d'interpréter ce protocole, ou fonder votre compétence sur un autre texte qui ne pourrait, dans ce domaine particulier, être que l'article 177 du traité C.E.E. (art. 150 du traité Euratom).
La première solution nous paraît à la fois peu opportune et, pour autant qu'on puisse s'en rendre compte, peu conforme à l'intention des auteurs du traité de fusion. Ceux-ci ont expressément admis votre compétence pour interpréter le protocole nouveau; on ne voit pas pourquoi ils auraient entendu en même temps en écarter le principe pour les cas où vous seriez encore saisis dans l'avenir de questions relatives au protocole ancien, même si la combinaison des articles 28 et 30 du traité devait exclure l'application du texte sur lequel se fondait antérieurement votre pouvoir.
A compter du traité de 1965, ce sont les règles de l'article 177 — ou celles identiques de l'article 150 du traité Euratom — qui fixent les conditions d'interprétation du protocole unique, comme ces deux articles le faisaient respectivement pour les protocoles C.E.E. et C.E.E.A. Si l'on considère que la disposition litigieuse a en substance le même contenu que l'article 13 du protocole de 1965, lequel reproduit exactement l'article 12 du protocole C.E.E., il n'est pas déraisonnable d'estimer que son interprétation relève du même juge et doit se faire dans les mêmes formes. Cette solution, pour hardie qu'elle puisse paraître, a du moins l'avantage de combler un vide juridique dans une hypothèse que les auteurs du traité de 1965 pouvaient raisonnablement ne pas prévoir et qui ne risque plus de se reproduire.
Cela dit, si l'on fonde, comme nous vous le proposons, votre compétence sur l'article 177, il faut faire deux remarques.
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Nous noterons d'abord, à titre de simple indication, que c'est bien dans cette voie que l'affaire a été engagée dès l'origine. La procédure adoptée pour l'instruction a été celle de l'article 20 du statut de la Cour C.E.E. ; la lettre de saisine a été communiquée aux États membres et à la Commission; cette dernière, comme le gouvernement des Pays-Bas, a présenté des observations écrites et orales, alors que, dans l'affaire Humblet, la Haute Autorité était restée entièrement étrangère au litige. |
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Par ailleurs, l'article 16 du protocole C.E.C.A. et l'article 177 du traité C.E.E. ne sont pas conçus en termes identiques et les pouvoirs qu'ils vous confèrent ne sont pas absolument les mêmes. Le premier de ces textes vous donnait compétence exclusive pour vous prononcer sur toute contestation portant sur l'interprétation ou l'application du protocole; aussi, tout en refusant dans l'affaire Humblet d'annuler l'imposition mise à la charge du requérant, le dispositif de votre arrêt affirme cependant l'irrégularité de cette imposition. Les termes de l'article 177, qui n'excluent pas d'ailleurs le droit pour la cour d'appel de La Haye de se prononcer elle-même sur le sens du texte communautaire, vous ont toujours conduits à donner une interprétation assez générale et abstraite. |
II
C'est compte tenu de ces diverses précisions que nous en venons maintenant à la question posée par le juge néerlandais.
On vous demande de dire si les termes de l'article 11, b, exonérant d'impôt national les traitements et émoluments versés par la Communauté visent également les cotisations perçues sur ces revenus en vertu de l'AOW.
Il ne vous est pas possible de répondre à la question telle qu'elle est libellée, directement axée sur une loi nationale. Tout ce que vous pouvez interpréter, c'est la notion d'impôt national employée par le texte litigieux, en recherchant si elle englobe des cotisations de sécurité sociale imposées par un État membre à un fonctionnaire de la Communauté. Encore faut-il préciser, comme l'a rappelé la Commission lors des débats oraux, que l'exonération dont il est question à l'article 11 est une règle de droit communautaire dont le contenu doit être apprécié d'après ce droit et non d'après le droit néerlandais, même si on est nécessairement conduit à prendre l'AOW comme exemple dans l'étude à laquelle il faut se livrer.
Il a été suffisamment question de cette loi au cours des débats pour que nous soyons très brefs sur ses caractéristiques principales. C'est une assurance générale qui s'étend à toutes les personnes âgées de 15 à 65 ans résidant aux Pays-Bas, la retraite étant accordée à toutes les personnes qui, ayant été assurées, ont atteint l'âge de 65 ans. Son financement repose sur des cotisations payées par chaque assuré et calculées en fonction du revenu dont l'assuré a bénéficié au cours d'une année civile dans la limite d'un certain maximum. Ces cotisations sont versées à un fond de vieillesse géré par la Sociale Verzekeringsbank, laquelle verse les pensions; elles sont perçues et recouvrées par le service des impôts.
Certains de ces éléments peuvent apparaître comme caractéristiques d'un régime de prélèvement fiscal: affiliation de plein droit à un régime institué par la loi — obligation de verser une cotisation, laquelle sert, il est vrai, à financer une contre-prestation définie — enfin, mode de perception de cette cotisation qui fait très largement appel au personnel des impôts et à des procédés de technique fiscale.
Sous la réserve importante que le régime ainsi décrit s'applique à l'ensemble de la population, ces éléments se retrouvent dans la législation d'autres pays, et il n'est pas niable que la sécurité sociale tend de plus en plus à se fiscaliser. Cependant, sur le plan des droits nationaux, ni la doctrine, ni la jurisprudence ne paraissent admettre une véritable assimilation; tout au plus emploie-t-on souvent le ternie de «parafiscalité» qui souligne les ressemblances et les dissemblances qui existent entre ces deux notions.
Si l'on se place maintenant sur le plan des rapports internationaux, on constatera que souvent les accords relatifs aux privilèges et immunités reconnus aux organisations internationales envisagent séparément l'exemption d'impôts nationaux et la non-applicabilité des régimes de sécurité sociale, distinction qui montre que, dans la pratique et le vocabulaire international, la cotisation à la sécurité sociale n'est pas couverte par l'exemption classique de l'impôt.
D'autre part, si les règles relatives a l'exonération des impôts nationaux sont en substance identiques dans le protocole C.E.C.A., dans les protocoles C.E.E. et C.E.E.A. et dans le protocole de 1965, ces trois derniers textes comportent un article (14 des protocoles C.E.E. et Euratom, 15 du protocole unique) qui ne figure pas dans le protocole litigieux, et qui porte sur le régime des prestations sociales applicables aux fonctionnaires des Communautés. Comme le fait remarquer la Commission, si ces protocoles peuvent être invoqués pour refuser aux États membres le droit d'exiger une cotisation de sécurité sociale de ces fonctionnaires, ce ne peut être que sur la base de la disposition qui a trait au régime de la sécurité sociale, et non sur celle de la disposition qui assure l'immunité fiscale des traitements. Mais alors, le texte du protocole C.E.C.A. relatif à cette dernière immunité ne peut guère recevoir une autre interprétation que celle qui est valable pour les protocoles plus récents.
Il nous paraît résulter de tout cela que les impôts nationaux visés à l'article 11, b, du protocole C.E.C.A. n'englobent pas les cotisations de sécurité sociale imposées par un État membre à un fonctionnaire de cette Communauté. La circonstance que les traitements perçus de celle-ci ne peuvent faire l'objet d'impôts ne suffit pas par ailleurs à conférer un caractère fiscal à la cotisation assise sur la base de ces revenus (32-67, Van Leeuwen, 8 février 1968, Recueil, XIV-1968, p. 64).
III
Vous répondez ainsi à la seule question qui vous ait été posée par la cour d'appel de La Haye. Cela n'exclut pas que le fonctionnaire des Communautés puisse être affilié obligatoirement dans un État membre à un régime national de sécurité sociale qui lui assure des prestations analogues à celles que lui accorde son statut. Vous savez que sur le plan néerlandais un arrêté ministériel du 17 janvier 1967, qui a effet à compter du 1er janvier 1965, a placé en dehors des dispositions de l'AOW les fonctionnaires des trois Communautés, faisant ainsi application de l'article 6, paragraphe 3, b, de la loi qui prévoit qu'il peut être dérogé aux dispositions de celle-ci à l'égard des personnes auxquelles s'applique un régime correspondant d'une organisation de droit international. Depuis cette date, les fonctionnaires des Communautés ne sont plus affiliés à l'AOW, n'y cotisent plus et n'y acquièrent donc plus de droit à pension.
Mais la Commission n'a pas manque de se demander si, même en l'absence d'une disposition des protocoles pouvant être interprétée comme s'y opposant, ou d'une dérogation législative, une telle affiliation est admissible.
On peut en effet se poser la question, mais il faudrait, pour être autorisé à la résoudre dans la présente affaire, que la cour d'appel vous en ait saisis, ce qui aurait mis à même les diverses personnes publiques visées à l'article 20 du statut C.E.E. de vous fournir leurs observations sur ce point.
Toutefois, en raison des développements auxquels la question a donné lieu dans la procédure écrite et à la barre, nous rappellerons que la pratique internationale tend de plus en plus à considérer que l'existence d'un régime de sécurité sociale — que l'organisation internationale est toujours libre d'instituer en faveur de ses agents — exclut l'application obligatoire d'un régime national de même nature. C'est ce qui est admis pour l'O.N.U., alors que la question n'est pas abordée par l'accord passé avec les États-Unis sur les privilèges et immunités de l'organisation. C'est ce qui est expressément prévu par un accord entre le Conseil fédéral suisse et l'O.I.T. Dans un domaine un peu différent, l'article 33 de la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques exempte l'agent diplomatique des dispositions de sécurité sociale qui peuvent être en vigueur dans l'État accréditaire.
Vous savez que l'article 14 du protocole C.E.E. charge le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, de fixer le régime des prestations sociales applicables aux fonctionnaires de la Communauté, et l'on pourrait peut-être en déduire que cet accord des États membres exclut l'application concurrente et obligatoire d'une législation nationale. Mais il n'existe rien de tel à l'article 14 dans le protocole C.E.C.A. Faut-il admettre alors qu'il s'agit d'un principe applicable même en l'absence de texte? Quels que soient les arguments de droit ou d'équité que l'on puisse invoquer en ce sens, la question, pour la raison que nous avons indiquée, nous paraît devoir rester ouverte.
Nous concluons en définitive à ce qu'il soit répondu à la cour d'appel de La Haye que les termes «tout impôt sur les traitements et émoluments versés par la Communauté», figurant à l'article 11, b, du protocole du 18 avril 1951 sur les privilèges et immunités de la C.E.C.A., ne visent pas les cotisations de sécurité sociale imposées par un État membre à un fonctionnaire de cette Communauté.
Il appartiendra à la Cour de La Haye de statuer sur les dépens de la présente instance.