Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 61963CC0093

Conclusions de l'avocat général Lagrange présentées le 17 juin 1964.
Simone Van Nuffel, épouse Minot contre Commission de la Communauté européenne de l'énergie atomique.
Affaire 93-63.

édition spéciale anglaise 1964 00959

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1964:48

Conclusions de l'avocat général

M. MAURICE LAGRANGE

17 juin 1964

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Les conclusions du recours de la dame Van Nuffel-Minot sont de deux ordres: les unes visent la régularité de la situation administrative qui a été la sienne sous l'empire du contrat d'emploi par lequel elle a été liée à l'administration (Commission de l'Euratom) jusqu'à son licenciement et se traduisent par une demande d'indemnité de 516.000 FB à raison de la privation prétendue des avantages attachés aux fonctions qu'elle a exercées du 1er janvier 1959 au 31 août 1963; les secondes tendent à l'annulation de la décision de non-intégration et de licenciement prise sur la base de l'article 102 du statut et à l'allocation de dommages-intérêts en conséquence. Notons que, contrairement à ce qui se fait habituellement, nous ne sommes pas ici en présence d'un avis défavorable émis par la commission d'intégration et qui lie l'autorité investie du pouvoir de nomination d'après l'article 102, mais d'une décision prise par la Commission exécutive de l'Euratom elle-même, sur la base d'un rapport défavorable de la commission d'intégration.

A — Conclusions relatives à l'exécution du contrat

1.

Recevabilité. La Commission défenderesse s'attache, dans de longs développements, à contester la recevabilité de ces conclusions en prétendant qu'elles sont tardives.

Nous ne pouvons que nous référer, à cet égard, aux considérations que nous avons nous-mêmes développées à l'occasion de l'affaire no 69-63, dame Marcillat-Capitaine et à l'arrêt du 9 juin 1964, d'où résulte que le délai de recours de l'article 91 du statut ne peut courir à l'encontre des diverses décisions intervenues sous le régime contractuel antérieur au statut, avant que celui-ci ait été appliqué, c'est-à-dire tant que la titularisation n'a pas été prononcée au titre de l'article 102. Le délai, en l'espèce, n'a donc pas couru. Il est, d'ailleurs, sans doute inutile de se prononcer sur ce point, si l'on admet, comme nous le croyons, que les conclusions de la requête ne peuvent être accueillies au fond.

2.

Au fond, toute l'argumentation de la requérante consiste à prétendre qu'elle a exercé en fait, au moins depuis le 1er janvier 1959, des fonctions d'une nature et d'une importance supérieures à celles qui correspondaient à la catégorie et au grade qui lui étaient attribuées dans la hiérarchie.

Messieurs, nous sommes ici sur le terrain contractuel, où le juge dispose de larges pouvoirs d'appréciation. Il est certain que le contrat demeure le fondement juridique des relations entre les parties. A cet égard, c'est bien le contrat (du type dit «de Bruxelles») des 28 juin-1er juillet 1958, correspondant par analogie à un emploi de la catégorie C de la grille C.E.C.A. et par lequel la requéante est entrée au service de la Commission Euratom, qui est à la base de ces relations. Par la suite, la situation de l'intéressée a été améliorée, et, en particulier, elle fut classée, à compter du 1er janvier 1960, toujours par analogie avec la grille C.E.C.A., au grade 9, échelon 3, de la catégorie B.

Il faudrait, à notre avis, pour justifier l'existence d'une «faute contractuelle» de nature à entraîner une indemnité, qu'il fût établi que la réalité des fonctions confiées à la requérante ressortissait à une catégorie supérieure. Or, il ne semble pas que tel soit le cas: d'après les explications précises données par la défenderesse, Mme Minot s'est vu confier assez vite des fonctions de rédaction, et non pas seulement d'exécution, qui justifiaient son classement en catégorie B; en revanche, il ne s'agissait pas de fonctions de «conception» ressortissant à la catégorie A.

Un doute, à vrai dire, existe du fait que, dans le rapport «provisoire» d'intégration, en date du 17 avril 1962, figure la mention, sous la plume et la signature du directeur général : «il s'agit d'une activité A», argument invoqué par la requérante et sur lequel la Commission s'abstient de s'expliquer. Il nous paraît difficile, cependant, d'opposer cette simple mention, non explicitée, aux précisions fournies dans les mémoires de la Commission quant à la nature réelle des activités de la requérante. Il est vraisemblable que l'intéressée, dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées, faisait preuve de qualités supérieurs à celles qui sont strictement exigées des agents de la catégorie B, ce qui pouvait autoriser certaines perspectives d'accès ultérieur à un emploi de la catégorie A; mais il n'est pas vraiment établi que la requérante ait exercé, en fait, des fonctions ressortissant par leur nature à la catégorie A, alors que, comme vous le savez, elle ne jouissait d'aucun des titres normalement exigés pour l'accès aux emplois de cette catégorie.

Quant au classement dans les grades à l'intérieur des catégories, nous pensons que, pendant la période contractuelle pré-statutaire et en l'absence de toute «job description» précise, un tel classement ne relevait que du point de l'administration.

B — Conclusions relatives au refus d'intégration

Trois griefs sont allégués, l'un relatif à l'irrégularité de la procédure d'intégration, l'autre concernant les motifs, le troisième ayant trait au délai de préavis.

1.

En ce qui concerne la procédure, la requérante allègue le retard avec lequel la Commission a présenté son rapport défavorable, le 9 juillet 1963, après avoir décidé le 4 juillet précédent d'en référer à la Commission Euratom, alors que le rapport d'intégration, dressé le 17 avril 1962, lui était très favorable et que la commission d'intégration elle-même, sur la base de ce rapport, avait émis un avis favorable le 25 juillet 1962.

A cela, il convient de répondre que le premier avis ne pouvait lier l'autorité investie du pouvoir de nomination, qui, en effet, ne peut être liée que par un avis défavorable émis par la commission d'intégration. Il n'y avait donc aucun droit acquis de fait du premier avis, tant que l'autorité investie du pouvoir de nomination n'avait pas statué. Quant au retard, il est imputable, vous le savez, à l'intéressée elle-même qui n'a jamais été en état de fournir les pièces qui lui étaient demandées pour compléter son dossier.

2.

En ce qui concerne les motifs, nous ne pouvons que constater :

1o

que l'inexactitude matérielle des faits invoqués par la Commission n'est pas établie (c'est, au contraire, hélas, leur exactitude matérielle qui est établie);

2o

que ces faits sont de nature à justifier légalement l'appréciation de la Commission quant au refus d'intégration: cela n'est que trop évident.

3.

En ce qui concerne le délai de préavis, il a été fait régulièrement application en l'espèce, comme dans d'autres affaires dont vous avez déjà eu ou avez à connaître, du contrat (un mois de préavis) et de l'article 102 du statut (deux mois de traitement). La requérante ne saurait prétendre à une indemnité supérieure, dès lors que la décision de non-intégration n'est pas annulée.

Nous concluons :

au rejet de la requête,

et à ce que les dépens soient supportés par la requérante, à l'exception de ceux exposés par la Commission de la Communauté européenne de l'énergie atomique, qui doivent demeurer à la charge de celle-ci conformément à l'article 70 du règlement de procédure.

Top