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Document 62016TO0017(02)

Order of the General Court (First Chamber) of 31 May 2017.
MS v European Commission.
Action for damages — Decision of the Commission to put an end to a ‘letter of agreement and membership of Team Europe’ — Contractual liability — No arbitration clause — Manifest inadmissibility.
Case T-17/16.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:379

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

31 mai 2017 (*)

« Recours en indemnité – Décision de la Commission de mettre fin à une “lettre d’entente et d’adhésion au Team Europe” – Responsabilité contractuelle – Absence de clause compromissoire – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑17/16,

MS, représenté initialement par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, puis par Me Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes I. Martínez del Peral, C. Ehrbar et A.-C. Simon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à faire condamner la Commission au versement de dommages et intérêts à la suite de sa décision du 10 avril 2013 par laquelle celle-ci a décidé de mettre fin à la collaboration du requérant au réseau de conférenciers Team Europe,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, MS, a été membre du réseau Team Europe entre le 20 juillet 2011 et le 10 avril 2013, date à laquelle la Commission européenne a décidé de mettre fin à sa collaboration par téléphone et, ensuite, par courrier.

2        Team Europe est un réseau local de communication dont la tâche principale est d’assister les représentations de la Commission dans leur communication sur les politiques européennes au niveau local et dont les membres agissent en tant que conférenciers, modérateurs, animateurs d’événements et experts en communication.

3        Ces conférenciers sont liés à la Commission par une « lettre d’entente et d’adhésion au Team Europe ». Cette lettre prévoit la possibilité pour chaque partie de renoncer, à tout moment, à cette entente par écrit, sans autre condition. Les membres du réseau Team Europe ne sont pas rémunérés par la Commission. Celle-ci met en revanche, en fonction du budget disponible, gratuitement à leur disposition un service de soutien (réunions de coordination, séminaires de formation, plateforme Internet de communication, outils de communication) pour les aider dans leurs tâches de conférenciers. La lettre d’entente et d’adhésion au Team Europe dispose, en outre, que les membres du réseau Team Europe agissent sur une base volontaire, mais qu’ils peuvent accepter le remboursement de leurs frais ou une compensation raisonnable de la part des organisateurs des manifestations auxquelles ils participent.

4        La lettre d’entente et d’adhésion au Team Europe liant les parties au présent litige a été signée à Paris, le 8 juillet 2011 (ci-après la « lettre d’entente »), par le chef de la représentation en France de la Commission et à Montpellier, le 20 juillet 2011, par le requérant. En vertu de cette lettre, l’adhésion du requérant au réseau Team Europe devait expirer le 30 juin 2014.

5        Le 10 avril 2013, le chef de la représentation de la Commission a contacté le requérant par téléphone après avoir reçu une plainte concernant son comportement, émanant de femmes ayant participé à une conférence ou à un atelier du réseau Team Europe. À la suite de cette conversation, il a informé par courrier le requérant qu’il mettait fin à sa collaboration au réseau Team Europe, avec effet immédiat, conformément aux dispositions de la lettre d’entente.

6        Le requérant n’a pas formé de recours en annulation dans les délais impartis devant le Tribunal de l’Union européenne. En revanche, le 6 juin 2013, il a introduit auprès du Médiateur européen une plainte contre la décision de la Commission de mettre fin à sa collaboration au sein du réseau Team Europe, visant à obtenir l’annulation de cette décision, à ce qu’il soit réintégré au sein dudit réseau et à ce qu’il reçoive une lettre d’excuse officielle.

7        Par décision du 19 novembre 2015, le Médiateur a clôturé son enquête sur la plainte introduite par le requérant. Dans sa décision, le Médiateur a conclu, notamment, à un cas de mauvaise administration, au motif que la Commission n’avait pas entendu le requérant de manière adéquate ni procédé à une évaluation suffisamment approfondie du cas d’espèce avant de prendre la décision de mettre fin à leur collaboration. La Commission n’a adopté aucune mesure à l’égard du requérant après l’introduction de sa plainte ni après la décision du Médiateur.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 janvier 2016, le requérant a introduit une demande de pouvoir bénéficier d’une aide juridictionnelle.

9        Par ordonnance du 3 mai 2016, le président du Tribunal a admis le requérant au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juillet 2016, le requérant a introduit le présent recours.

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        reconnaître la responsabilité non contractuelle de la Commission ;

–        condamner la Commission à la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi en raison de son comportement fautif, évalué à 20 000 euros ;

–        enjoindre à la Commission de publier une lettre d’excuses à son égard et de le réintégrer au sein du réseau Team Europe ; 

–        demander la production des documents, déclarés confidentiels par la Commission, sur lesquels celle-ci a fondé sa décision mettant fin à sa collaboration au réseau Team Europe ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      Par acte séparé, déposé le 6 octobre 2016, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal et demandé la condamnation du requérant aux dépens.

13      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, déposées au greffe du Tribunal le 21 novembre 2016, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 En droit

14      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

15      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

16      La Commission, premièrement, fait valoir que, le litige étant de nature contractuelle, le Tribunal est incompétent pour en connaître. Deuxièmement et à titre subsidiaire, elle soutient que, quand bien même le recours serait considéré comme étant un recours mettant en cause sa responsabilité extra ou non contractuelle, il devrait être rejeté comme irrecevable au motif qu’il constitue un détournement de procédure. Selon la Commission, le recours en responsabilité aurait le même objet et le même effet qu’un recours en annulation, qui n’a, en l’espèce, pas été introduit par le requérant dans le délai imparti.

17      Le requérant soutient que le recours est manifestement de nature non contractuelle et, à ce titre, recevable.

18      Par son recours, le requérant vise à engager la responsabilité non contractuelle de la Commission, au sens de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

19      Le requérant considère que la Commission ne l’a pas régulièrement informé des allégations et des éléments de preuve avancés à son égard et ne lui a pas donné l’opportunité de formuler utilement ses observations à ce sujet avant l’adoption de la décision d’éviction, ce qui constitue une violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des principes généraux de bonne administration et du respect des droits de la défense ainsi que de l’article 16 du code européen de bonne conduite administrative (ci-après le « Code »).

20      En outre, le requérant soutient que la Commission a violé les principes de diligence et de la présomption d’innocence, consacrés aux articles 41 et 48 de la Charte ainsi qu’aux articles 8, 9 et 11 du Code, en ce qu’elle a fondé sa décision sur des accusations dont elle n’a pas vérifié l’authenticité et la fiabilité et sans prendre en considération le point de vue et les preuves que le requérant aurait pu fournir.

21      Selon le requérant, la Commission n’a pas motivé sa décision à suffisance de droit, en violation de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte et de l’article 18 du Code, et s’est limitée à des allégations vagues quant à son comportement. La décision adoptée serait manifestement non fondée et disproportionnée compte tenu du fait que les allégations concernant sa conduite seraient inexactes.

22      En ce qui concerne la nature du préjudice invoqué, le requérant soutient qu’il est d’ordre moral et consiste, notamment, en une atteinte à son honneur, à sa dignité et à sa réputation. Ce préjudice ne résulterait pas d’une violation contractuelle quelconque, mais du comportement fautif de la Commission.

23      Le requérant soutient que, dans les observations que la Commission a transmises au Médiateur dans le cadre de l’examen de sa plainte, celle-ci a indiqué que « les membres de la Team Europe n’avaient pas de relation contractuelle avec [elle] ».

24      Enfin, s’agissant des rapports juridiques entre les parties au litige, le requérant considère que la qualification juridique de la lettre d’entente n’est pas claire, en ce que celle-ci n’apparaît pas comme définissant le cadre juridique contraignant des relations entre les parties. Le requérant estime, en tout état de cause, que la qualification juridique de la lettre d’entente n’est pas indispensable pour l’issue du litige. En effet, à supposer même que la relation entre les parties soit de nature contractuelle (quod non), ce serait à bon droit que le requérant invoquerait la responsabilité non contractuelle de la Commission, compte tenu des circonstances et de l’objet du présent litige. L’illégalité du comportement reproché à la Commission ne dépendrait aucunement de l’interprétation de la lettre d’entente, en raison du fait que les obligations dont le requérant alléguerait la violation ne seraient pas liées à celle-ci.

25      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la question principale aux fins de déterminer la recevabilité du présent recours est celle de savoir s’il s’agit d’un recours en responsabilité contractuelle ou en responsabilité non contractuelle.

26      Le traité FUE prévoit une répartition des compétences entre les juridictions de l’Union et les juridictions nationales en ce qui concerne les actions en justice dirigées contre l’Union par lesquelles la responsabilité de celle-ci pour répondre d’un dommage est mise en cause.

27      S’agissant de la responsabilité non contractuelle de l’Union, de tels litiges relèvent de la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne. L’article 268 TFUE, lu en combinaison avec l’article 256, paragraphe 1, TFUE, prévoit que le Tribunal est compétent pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages visés à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, lequel a pour objet la responsabilité non contractuelle de l’Union. Selon une jurisprudence constante, cette compétence est exclusive (voir arrêt du 10 juillet 2014, /Cour des comptesNikolaou, C‑220/13 P, EU:C:2014:2057, point 52).

28      En revanche, s’agissant de la responsabilité contractuelle de l’Union, de tels litiges relèvent, en l’absence d’une clause compromissoire, de la compétence des juridictions nationales, eu égard aux articles 272 et 274 TFUE (voir arrêts du 29 juillet 2010, Hanssens-Ensch, C‑377/09, EU:C:2010:459, points 18 et 19 et jurisprudence citée, et du 18 avril 2013, LuxembourgSystran et SystranCommission/, C‑103/11 P, EU:C:2013:245, points 58 et 59).

29      Afin de déterminer quelle est la juridiction compétente pour connaître d’une action en justice particulière dirigée contre l’Union afin que celle-ci réponde d’un dommage, il convient donc d’examiner si cette action a pour objet la responsabilité contractuelle de l’Union ou la responsabilité non contractuelle de celle-ci (arrêts du 29 juillet 2010, Hanssens-Ensch, C‑377/09, EU:C:2010:459, point 20, et du 18 avril 2013, LuxembourgSystran et SystranCommission/, C‑103/11 P, EU:C:2013:245, point 61).

30      Pour ce faire, le Tribunal ne saurait se fonder simplement sur les normes alléguées par les parties. Il doit vérifier, de manière objective et globale, au regard d’une analyse des différents éléments du dossier, s’il existe entre les parties un véritable contexte contractuel, lié à l’objet du litige, dont l’examen approfondi se révèle indispensable pour trancher ledit litige (arrêt du 18 avril 2013, LuxembourgSystran et SystranCommission/, C‑103/11 P, EU:C:2013:245, points 63 à 66).

31      S’il ressort de l’analyse liminaire desdits éléments qu’il est nécessaire d’interpréter le contenu d’un contrat conclu entre les parties en cause pour établir le bien‑fondé des prétentions du requérant, les juridictions de l’Union sont tenues d’arrêter à ce stade leur examen du litige. Elles doivent se déclarer incompétentes pour statuer sur celui‑ci, en l’absence de clause compromissoire dans lesdits contrats. Dans une telle circonstance, l’examen du recours en indemnité dirigé contre l’Union impliquerait l’appréciation de droits et d’obligations de nature contractuelle qui ne saurait échapper, en vertu de l’article 274 TFUE, à la compétence des juridictions nationales (arrêt du 18 avril 2013, LuxembourgSystran et SystranCommission/, C‑103/11 P, EU:C:2013:245, point 67).

32      Par le présent recours, le requérant soutient que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Commission doit être constaté du fait que le comportement fautif de cette dernière a eu pour effet de mettre fin à sa collaboration au sein du réseau Team Europe, de manière non justifiée et en violation des principes généraux de bonne administration et de respect des droits de la défense.

33      Le requérant vise à obtenir, notamment, une réparation pécuniaire d’un montant de 20 000 euros et une injonction à l’encontre de la Commission de publier une lettre d’excuses et de le réintégrer au sein du réseau Team Europe.

34      Or, la lettre d’entente détermine les obligations respectives des parties, la durée de la coopération ainsi que les modalités pour mettre fin à la coopération. Le point 5 de cette lettre prévoit que « [l]’une ou l’autre partie peut volontairement renoncer à [l’]entente Team Europe à tout moment par écrit » et que « [t]oute résiliation libérera les parties de tous les droits et devoirs établis dans cette lettre. »

35      De plus, bien que le requérant s’interroge sur les fondements de la décision de la Commission de mettre fin à sa collaboration au réseau Team Europe, il n’a pas fait valoir d’autres actes dont la Commission serait l’auteur hormis la cessation de la lettre d’entente.

36      Le Tribunal estime que le comportement reproché en l’espèce par le requérant à la Commission a un lien direct avec le rapport contractuel existant entre les parties.

37      Dès lors, il convient de constater que la demande en réparation du requérant est liée à l’interprétation de la lettre d’entente. En l’espèce, cet accord fait donc partie intégrante des éléments devant être examinés dans le cadre de l’appréciation de la responsabilité de la Commission.

38      En effet, la lettre d’entente détermine les conditions de rupture du contrat, confère au litige une nature contractuelle et détermine par conséquent le bien-fondé des prétentions du requérant ainsi que l’illégalité et la responsabilité éventuelle du comportement reproché à la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 20 mai 2009, /CommissionGuigard, C‑214/08 P, non publié, EU:C:2009:330, points 35 à 38, et du 18 avril 2013, LuxembourgSystran et SystranCommission/, C‑103/11 P, EU:C:2013:245, points 81 à 83).

39      L’objet du recours consiste donc, en réalité, en une demande de dommages et intérêts de nature contractuelle.

40      De plus, il convient de relever que, en l’espèce, la lettre d’entente ne contient aucune clause compromissoire désignant le Tribunal pour statuer sur le présent litige. En l’absence d’une telle clause, le présent litige échappe à la compétence du Tribunal, telle qu’elle est définie aux articles 268, 272, 274 et 340 TFUE.

41      Il convient de conclure que le recours en indemnité est manifestement irrecevable et doit être rejeté.

42      Par conséquent, le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable, sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande de production de documents présentée par le requérant.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MS est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 31 mai 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

I. Pelikánová


*      Langue de procédure : le français.

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