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Document 62007FJ0113

Judgment of the Civil Service Tribunal (Second Chamber) of 14 April 2011.
Irmantas Šimonis v European Commission.
Public service - Officials.
Case F-113/07.

Court reports – Reports of Staff Cases

ECLI identifier: ECLI:EU:F:2011:44

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

14 avril 2011 (*)

«Fonction publique – Fonctionnaires – Transfert interinstitutionnel – Juriste linguiste – Substitution de motifs – Exigence d’une période d’ancienneté minimale»

Dans l’affaire F‑113/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Irmantas Šimonis, fonctionnaire de la Cour de justice de l’Union européenne, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me V. Vilkas, avocat,

partie requérante,

soutenu par

République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme E. Matulionytė, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes A. Steiblytė et K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. H. Tagaras, président, H. Kreppel et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier: M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 septembre 2009,

vu l’ordonnance de réouverture de la procédure orale du 7 septembre 2010,

à la suite de l’audience du 11 octobre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 octobre 2007, M. Šimonis demande à titre principal l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes par laquelle elle a écarté M. Šimonis de la procédure de sélection prévue par l’avis de vacance interinstitutionnel COM/2007/142 (ci-après l’«avis de vacance») en renonçant à demander son transfert à la Cour de justice de l’Union européenne, décision dont le requérant a pris connaissance le 8 mars 2007.

 Cadre juridique

2        L’article 7, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») prévoit:

«L’autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade.

Le fonctionnaire peut demander à être muté à l’intérieur de son institution.»

3        L’article 27, premier alinéa, du statut dispose:

«Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres [de l’Union européenne].»

4        L’article 29, paragraphe 1, du statut mentionne:

«En vue de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné:

a)      les possibilités de pourvoir l’emploi par voie de:

i)      mutation ou

ii)      nomination conformément à l’article 45 bis ou

iii)      promotion

au sein de l’institution;

b)      les demandes de transfert de fonctionnaires du même grade d’autres institutions et/ou les possibilités d’organiser un concours interne à l’institution ouvert uniquement aux fonctionnaires et aux agents temporaires visés à l’article 2 du régime applicable aux autres agents [de l’Union européenne];

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l’annexe III.

Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement.»

5        En 2005, les directeurs du personnel de toutes les institutions ont décidé que, par principe, les fonctionnaires exerçant des fonctions de juristes linguistes ne pourraient occuper d’autres fonctions avant que ne se soit écoulé un délai de trois ans à compter de leur entrée en service auprès des institutions (ci-après l’«accord interinstitutionnel de 2005»). À cet effet, le collège des chefs d’administration a approuvé le 4 août 2005 le contenu d’une clause à insérer dans les avis de concours et les avis de transfert à savoir:

«L’article 29, paragraphe 1, [sous] b), du statut [...] vise la possibilité qu’à tout moment de sa carrière, le fonctionnaire demande son transfert vers une autre institution ou agence. L’attention des candidats est toutefois attirée sur le fait que, compte tenu de l’intérêt du service, le transfert de fonctionnaires nouvellement recrutés, avant l’expiration d’un délai de trois années après leur entrée en service, n’est possible que dans des cas exceptionnels et pour des raisons dûment justifiées, chaque cas individuel étant soumis à l’accord de l’institution ou agence d’origine et de l’institution ou agence d’accueil.»

 Faits à l’origine du litige

6        Le requérant est entré au service de la Cour de justice, le 1er octobre 2003, en tant qu’agent temporaire exerçant les fonctions de juriste linguiste à l’unité de traduction de langue lituanienne.

7        Lauréat du concours général EPSO/LA/12/03, le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade AD 7, avec effet au 1er mai 2004, au poste de juriste linguiste à la Cour de justice. Depuis le 1er septembre 2006, il est classé au grade AD 8.

8        Le 16 janvier 2007, la Commission a publié l’avis de vacance afin de pourvoir un poste de juriste à la direction générale (DG) «Énergie et transports» (ci-après la «DG ‘Énergie’»). Au cours de l’audience qui s’est tenue le 22 septembre 2009, la Commission a précisé que cet appel à candidatures était basé sur l’article 29, paragraphe 1, sous a) et b), du statut.

9        Le 6 février 2007, le requérant a présenté sa candidature en réponse à l’avis de vacance susmentionné. Le 9 février suivant, il a été convoqué à un entretien avec le comité de sélection.

10      Le 12 février 2007, le chef de l’unité «Coordination Euratom, relations internationales» aurait appelé le requérant pour l’informer que sa candidature avait été retenue et que la DG «Énergie» allait engager la procédure en vue d’obtenir son transfert vers la Commission. Si l’existence de cet entretien téléphonique semble être contestée par la Commission, il ressort du dossier que la candidature du requérant avait été retenue par la DG «Énergie».

11      Le requérant soutient avoir été informé, le 8 mars 2007, par téléphone, de ce que, à la demande de la DG «Personnel et administration» (ci-après la «DG ‘Personnel’»), la DG «Énergie» avait retiré la demande de transfert le concernant introduite auprès de la Cour de justice au motif que tout nouveau fonctionnaire occupant des fonctions de juriste linguiste devait disposer d’au moins quatre années d’ancienneté depuis son entrée en service avant de pouvoir être recruté au sein du personnel de la Commission par voie de transfert interinstitutionnel (ci-après l’«exigence de quatre années d’ancienneté»).

12      Le 9 mars 2007, le requérant a envoyé un courriel à la DG «Personnel» afin d’obtenir la confirmation du motif ayant conduit la Commission à ne pas demander à la Cour de justice son transfert. Par courriel du même jour, M. Armani, chef d’unité de la DG «Personnel», responsable des questions de transferts interinstitutionnels, a répondu que la demande de transfert avait été retirée par la DG «Énergie» et a indiqué ne pas être informé d’une quelconque instruction donnée en ce sens par la DG «Personnel» à la DG «Énergie».

13      Par courriel du 9 mars 2007, le chef de l’unité «Coordination Euratom, relations internationales» de la DG «Énergie» a indiqué au requérant qu’il soutiendrait son transfert à la Commission.

14      Le 12 mars 2007, le requérant a envoyé un courriel à la DG «Personnel» afin d’obtenir des précisions quant à l’existence de restrictions administratives concernant le transfert de juristes linguistes vers des postes d’administrateur. Le même jour, M. Armani a répondu à ce courriel en réaffirmant que la DG «Personnel» n’avait donné aucune instruction à la DG «Énergie» en ce sens, mais que cette dernière avait, de sa propre initiative, retiré sa demande de transfert.

15      Le 20 mars 2007, le requérant a envoyé un courriel à la DG «Personnel» demandant à connaître les motifs du retrait de la demande de transfert.

16      Le 21 mars 2007, M. Armani a répondu au requérant qu’il considérait la discussion comme étant close. Le même jour, le requérant a envoyé un courriel au chef de l’unité «Ressources humaines» de la DG «Énergie» afin de demander des explications quant au retrait de la demande de transfert. Également ce même jour, le chef de l’unité «Ressources humaines» a informé le requérant que la DG «Énergie» ne pouvait qu’émettre le souhait de recruter un candidat, mais que la DG «Personnel» détermine la politique générale de recrutement et assure le respect du statut, ainsi que de toutes les décisions de l’institution relatives au recrutement du personnel externe.

17      Le 27 avril 2007, le requérant a introduit une réclamation auprès de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») lui demandant, d’une part, de retirer la décision par laquelle elle avait écarté de la procédure de sélection prévue par l’avis de vacance en renonçant à demander à la Cour de justice son transfert et, d’autre part, d’ordonner la poursuite de la procédure de recrutement.

18      Le 8 août 2007, la Commission a rejeté la réclamation du requérant. Pour justifier la décision d’écarter le requérant de la procédure de sélection prévue par l’avis de vacance, la Commission a avancé deux motifs, à savoir, d’une part, l’existence d’une pratique interne, fondée sur l’intérêt du service, selon laquelle les juristes linguistes ne peuvent prétendre à un poste d’administrateur après leur recrutement que dans un certain délai ayant été défini par l’institution qui serait, non pas de trois années comme décidé en 2005 (voir point 5 du présent arrêt), mais supérieur, ce qui, dans le contexte de la réclamation, revenait implicitement à confirmer l’existence de l’exigence de quatre années d’ancienneté et, d’autre part, la règle de priorité prévue à l’article 29, paragraphe 1, du statut, laquelle aurait finalement conduit à pourvoir le poste par «mutation interne».

19      Dans son mémoire en défense, la Commission a avancé un nouveau motif pour justifier le rejet de la candidature du requérant tenant à ce que, en tout état de cause, celui-ci ne justifiait pas de trois années d’ancienneté pour être transféré, alors que cela est requis par l’accord interinstitutionnel de 2005.

20      Enfin, au début de l’audience du 22 septembre 2009, la Commission a présenté un nouveau motif à la base du rejet de la candidature du requérant, tiré de ce que la DG «Personnel» a dû annuler la procédure de sélection pour irrégularité, car la DG «Énergie» n’aurait pas vérifié, avant de publier l’avis de vacance, si le poste pouvait être pourvu par voie de mutation interne. À la fin de cette audience, la Commission a finalement affirmé que la candidature du requérant aurait été rejetée, le poste ayant été pourvu par voie, non pas de mutation, mais de réaffectation.

21      Le 1er février 2009, le requérant a été transféré à la Commission auprès de la DG «Affaires économiques et financières» pour occuper un emploi d’administrateur.

 Conclusions des parties et procédure

22      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la «décision de la Commission[,] portée à la connaissance du requérant le 8 mars 2007[…], par laquelle la Commission a, au cours de la procédure de sélection pour pourvoir un poste faisant l’objet de l’avis de vacance […], renoncé à demander le transfert du requérant [vers] la Commission et l’a écarté de la procédure de sélection»;

–        annuler la décision de la Commission du 8 août 2007, rejetant la réclamation du requérant du 27 avril 2007;

–        condamner la Commission aux dépens, en raison, notamment, de son attitude frustratoire et vexatoire.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours comme en partie irrecevable;

–        rejeter la partie recevable du recours comme non fondée;

–        condamner le requérant aux dépens conformément aux dispositions de droit.

24      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du 30 juin 2008, la République de Lituanie a été admise à intervenir au soutien des conclusions du requérant.

25      La partie intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer illégale la «décision de la Commission[…], notifiée au requérant le 8 mars 2007, lui refusant son transfert vers un poste à la Commission et l’écartant de la procédure de sélection» relative à l’avis de vacance et annuler ladite décision en ce qu’elle viole le principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

26      Par ailleurs, la partie intervenante a estimé que la Commission devait fournir des données statistiques concernant les transferts de juristes linguistes pour établir l’absence de discrimination vis-à-vis des ressortissants des nouveaux États membres.

27      Le 22 septembre 2009, lors de l’audience, le requérant a présenté un nouveau chef de conclusions tendant à que la Commission soit condamnée à lui verser 1 000 euros pour compenser le dommage moral qu’il aurait subi suite à l’adoption de la décision par laquelle la Commission l’a écarté de la procédure de sélection prévue par l’avis de vacance en renonçant à demander à la Cour de justice son transfert.

28      Toujours lors de l’audience, la partie défenderesse a indiqué être prête à examiner la question du préjudice moral subi par le requérant à condition que celui-ci se désiste de son recours. En conséquence, les parties ont été invitées à une réunion informelle, en application de l’article 68 du règlement de procédure, afin d’entamer une tentative de règlement amiable du litige, laquelle a échoué.

29      Par lettre en date du 14 octobre 2009, la Commission a fait valoir que, le requérant ayant été transféré à la Commission à compter du 1er février 2009, le recours était devenu sans objet. Par conséquent, elle a demandé à ce que le Tribunal se prononce sur l’éventualité d’un non-lieu à statuer conformément à l’article 75 du règlement de procédure.

30      En raison de l’indisponibilité du juge exerçant initialement les fonctions de juge rapporteur au sein de la formation de jugement, lesdites fonctions ont été réattribuées, par décision du président du Tribunal du 2 juillet 2010, à M. S. Van Raepenbusch, M. H. Kreppel ayant été désigné pour compléter la formation de jugement.

31      La composition de la formation de jugement ayant été modifiée après l’audience, la procédure orale été rouverte, conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement de procédure, par ordonnance du 7 septembre 2010.

32      Le 11 octobre 2010 s’est tenue une nouvelle audience.

 Sur l’objet du recours

33      Dans ses chefs de conclusions, tels que formulés dans la requête, le requérant demande, outre l’annulation de la décision, portée à sa connaissance le 8 mars 2007, par laquelle la Commission l’a écarté de la procédure de sélection prévue par l’avis de vacance en renonçant à demander à la Cour de justice son transfert, d’annuler la décision de la Commission du 8 août 2007, rejetant sa réclamation.

34      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’un recours formellement dirigé contre le rejet d’une réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsque le rejet de la réclamation est, comme tel, dépourvu de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8; arrêt du Tribunal de première instance du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T‑33/91, point 23; arrêt du Tribunal du 19 septembre 2007, Talvela/Commission, F‑43/06, point 36).

35      En effet, une décision de rejet, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint, et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, point 54). En effet, la qualité d’acte faisant grief ne saurait être reconnue à l’égard d’un acte purement confirmatif comme c’est le cas pour un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur faisant grief et qui ne s’est donc pas substitué à celui-ci.

36      Cependant, une décision explicite de rejet d’une réclamation, peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par le requérant. Tel est ainsi le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation du requérant en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire même le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, Voslamber/Commission, F‑86/08, points 29 et 30, et la jurisprudence citée).

37      En l’espèce, la décision de la Commission du 8 août 2007, rejetant la réclamation introduite par le requérant confirme le refus de la Commission de demander à la Cour de justice le transfert de ce dernier, tout en précisant les motifs de ce refus, ce qui n’avait pas été fait jusqu’alors. Dès lors, il y a lieu de considérer que le présent recours a pour effet de saisir le Tribunal de conclusions aux fins d’annulation de la décision, portée à sa connaissance le 8 mars 2007, par laquelle la Commission a écarté le requérant de la procédure de sélection prévue par l’avis de vacance en renonçant à demander à la Cour de justice son transfert, décision complétée par celle du 8 août 2007 (ci-après la «décision attaquée»).

 Sur la demande de non-lieu à statuer, la recevabilité du recours et la recevabilité des conclusions

 Arguments des parties

38      Premièrement, la Commission a fait valoir, lors de l’audience du 22 septembre 2009, que le recours était devenu sans objet, car le requérant a finalement été transféré à la Commission le 1er février 2009. En outre, elle a présenté par acte séparé, en date du 14 octobre 2009, une demande tendant à ce que le Tribunal se prononce sur cette question.

39      Deuxièmement, selon la Commission, le recours serait irrecevable, car l’acte attaqué, qui serait en réalité la décision de DG «Énergie» de ne pas demander à la DG «Personnel» le transfert du requérant à la Commission, constituerait un acte interne et préparatoire, seule la DG «Personnel» étant compétente pour arrêter une décision en matière de transfert.

40      Troisièmement, la Commission estime que le requérant n’aurait pas d’intérêt à agir pour trois raisons. Tout d’abord, l’exigence de quatre années d’ancienneté ne serait, en tout état de cause, plus applicable au requérant depuis le 1er mai 2008, date à laquelle ce dernier, recruté 1er mai 2004 par la Cour, remplit cette condition à compter du 1er mai 2008. Ensuite, le requérant n’aurait pas d’intérêt à agir contre la décision de rejet de sa candidature car le poste vacant a été pourvu avant l’introduction du présent recours. Enfin, le requérant n’aurait pas subi de préjudice étant donné que son grade serait resté le même s’il avait été transféré à la Commission et que, bien qu’il ait participé à un entretien en vue de pourvoir l’emploi vacant, il a continué à exercer ses fonctions de juriste linguiste au sein de la Cour de justice.

41      Quatrièmement, la Commission considère que les conclusions indemnitaires visant à la réparation du préjudice moral du requérant sont irrecevables, car ces dernières auraient dû être incluses dans la requête et non soulevées pour la première fois lors de l’audience du 22 septembre 2009.

42      Le requérant conclut au rejet de l’ensemble des exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission.

 Appréciation du Tribunal

43      En premier lieu, quant au prétendu non-lieu à statuer tiré du fait que le recours serait devenu sans objet, il suffit de constater que la circonstance que le requérant a été transféré à la Commission plus d’un an après le rejet de sa candidature ne fait pas disparaître rétroactivement les éventuelles conséquences négatives, d’ordre professionnel, notamment quant à ses perspectives de carrière, ou personnel, qu’a pu avoir, pour lui, le rejet de sa candidature (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, point 25). Partant, l’exception de non-lieu à statuer doit être rejetée.

44      En deuxième lieu, quant à la prétendue absence d’acte faisant grief, au motif que la décision attaquée serait un acte interne et préparatoire, il convient d’observer que le rejet d’une candidature, à la suite de l’ouverture d’une procédure de nomination ou de recrutement, constitue, par nature, un acte faisant grief (voir, en ce sens, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 17 octobre 2006, Bonnet/Cour de justice, T‑406/04, point 32).

45      Or, en l’espèce, il ressort du dossier que, en refusant de demander à la Cour de justice le transfert du requérant, la Commission a décidé de ne pas donner suite à la candidature du requérant et de nommer, à compter du 16 juin 2007, un autre candidat. Il s’ensuit que la décision attaquée constitue un acte faisant grief au requérant. Partant, l’exception d’irrecevabilité tirée de l’absence d’acte faisant grief doit être rejetée.

46      En troisième lieu, quant au prétendu défaut d’intérêt à agir, il convient d’observer, tout d’abord, que la circonstance que le requérant remplisse dorénavant l’exigence de quatre années d’ancienneté n’a pas pour effet de faire disparaître les conséquences négatives, d’ordre professionnel ou personnel, que la décision attaquée a pu avoir pour le requérant.

47      Ensuite, la circonstance que le poste vacant a finalement été pourvu avant l’introduction du présent recours ne prive pas le requérant d’un intérêt à demander qu’un jugement soit porté sur la légalité de la décision de ne pas le recruter, puisque, en vertu de l’article 266 TFUE, toute institution dont un acte est annulé a l’obligation d’adopter des mesures d’exécution appropriées. Certes, en cas d’annulation de la décision attaquée, l’intérêt des tiers et l’intérêt du service pourront être pris en compte afin d’apprécier si, en exécution de la chose jugée, il est nécessaire de rouvrir la procédure de sélection, mais cette appréciation, si elle devait avoir lieu, serait sans incidence sur l’intérêt à agir du requérant (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 octobre 2008, Tzirani/Commission, F‑46/07, point 38).

48      En outre, le requérant a bien un intérêt à agir même si le poste a déjà été pourvu, car, en cas d’annulation de la décision attaquée, il aura la possibilité d’introduire, dans un délai raisonnable, une demande visant à obtenir la réparation du préjudice, causé par la décision attaquée, qui n’aurait pas été compensé par les mesures d’exécution prises par l’administration (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 19 octobre 2006, Pessoa e Costa/Commission, T‑503/04, points 58 et 59; arrêt du Tribunal du 1er février 2007 Tsarnavas/Commission, F‑125/05, points 69 à 71 et 76 à 78).

49      Enfin, la circonstance que, si le transfert du requérant avait eu lieu, ce dernier serait intervenu à grade constant et donc sans changement de rémunération, ne permet pas d’affirmer que le requérant est dépourvu d’intérêt à agir puisque, à cette époque, sa volonté de travailler pour la Commission n’a pas été suivie d’effet.

50      Aucun des arguments de la Commission n’étant fondé, l’exception d’irrecevabilité tirée du défaut d’intérêt à agir doit être rejetée.

51      En dernier lieu, quant à la prétendue irrecevabilité des conclusions du requérant visant à obtenir l’indemnisation de son préjudice moral, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 35, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige et les conclusions des parties et ce, afin de permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense. Ainsi, tout nouveau chef de conclusions, introduit en cours d’instance, doit être déclaré irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 21 mars 1996, Chehab/Commission, T‑10/95, point 66, et la jurisprudence citée).

52      Par conséquent, les conclusions du requérant tendant à obtenir la réparation de son préjudice moral doivent être rejetées comme irrecevables.

53      Il résulte de tout ce qui précède que le recours est recevable uniquement en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les conclusions en annulation

54      Au soutien de ses conclusions, le requérant soulève huit moyens, tirés respectivement:

–        de la violation du statut;

–        de la violation du principe de confiance légitime;

–        de la méconnaissance de l’intérêt du service;

–        de l’excès de pouvoir, de la violation du principe de proportionnalité et du défaut de motivation;

–        de la violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité;

–        du non-respect de l’avis de vacance;

–        d’une discrimination en raison de la nationalité;

–        de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

55      La partie intervenante a, pour sa part, présenté uniquement des arguments au soutien du moyen tiré d’une discrimination en raison de la nationalité.

56      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord et conjointement, les moyens tirés de la violation du statut et du non-respect de l’avis de vacance.

 Arguments des parties

57      Premièrement, le requérant estime, en substance, que l’exigence de quatre années d’ancienneté serait contraire au statut car, depuis sa réforme en 2004, le statut aurait aboli toute distinction entre administrateurs et linguistes. Partant, la Commission ne pourrait pas adopter de règle, ou suivre une pratique, ayant pour effet, en imposant une restriction à la mobilité interinstitutionnelle des juristes linguistes, de réintroduire pareille distinction.

58      Deuxièmement, le requérant estime que la décision attaquée ne peut pas être fondée sur l’article 29 du statut, car une fois décidé dans l’avis de vacance que celui-ci était ouvert aux fonctionnaires des autres institutions, l’administration ne pourrait plus invoquer l’ordre de priorité, prévu audit article pour écarter une candidature.

59      Troisièmement, le requérant allègue que l’administration ne peut pas se retrancher derrière les trois années d’ancienneté requises par l’accord interinstitutionnel de 2005 afin de justifier la décision attaquée, car, à la date prévue pour son recrutement, il aurait satisfait à cette condition.

60      Quatrièmement, le requérant relève qu’aucun candidat en interne n’avait postulé à l’avis de vacance. Par conséquent, il n’était pas possible pour la DG «Personnel» d’annuler la procédure de sélection menée par la DG «Énergie», au motif que cette dernière n’aurait pas respecté l’ordre de priorité prévu à l’article 29 du statut.

61      Cinquièmement, le requérant estime, en substance, que l’administration ne pourrait pas exciper de nouveaux motifs en cours d’audience pour justifier la décision attaquée.

62      La Commission rétorque dans ses écrits que, à supposer que l’exigence de quatre années d’ancienneté ait été imposée en l’espèce, ce qui ne serait pas établi, la décision attaquée pouvait légalement se fonder sur celle-ci. En effet, la Commission rappelle que, dans l’intérêt du service, elle peut exiger de ses fonctionnaires qu’ils demeurent quatre ans en fonction avant de pouvoir être mutés, cette durée correspondant à la durée moyenne qu’un fonctionnaire passe dans un grade. Aussi, afin de concilier la vocation à la carrière des fonctionnaires déjà en activité au sein de l’institution et l’obligation d’assurer la nomination des meilleurs candidats aux postes vacants, l’administration se devait-elle d’appliquer ce même délai aux candidats à un transfert interinstitutionnel. En outre, pour justifier l’exigence de quatre années d’ancienneté, la Commission fait valoir, d’une part, que la finalité des concours organisés en vue de pourvoir spécifiquement des postes de juristes linguistes serait remise en cause si les lauréats de ces concours pouvaient changer de fonctions avant l’expiration d’un délai de quatre ans et, d’autre part, que, lesdits lauréats ayant été classés en application de l’article 13, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut au grade AD 7, l’exigence de quatre années d’ancienneté serait la contrepartie de ce classement plus avantageux.

63      Quand bien même l’exigence de quatre années d’ancienneté aurait été appliquée en l’espèce, cette dernière ne serait pas, selon la Commission, contraire à l’avis de vacance, car un tel avis ne serait pas exhaustif. L’AIPN aurait ainsi la possibilité de rejeter une candidature pour d’autres conditions que celles figurant dans l’avis de vacance, tenant, notamment, à l’intérêt du service et ceci d’autant plus que, en l’espèce, l’avis de vacance n’aurait pas été établi par la direction générale compétente pour décider du recrutement. De plus, selon la Commission, les conditions de recrutement des fonctionnaires exerçant des fonctions de juriste linguiste recrutés au grade AD 7 étant différentes de celles des autres administrateurs, il lui serait légalement possible de traiter différemment les uns et les autres.

64      Lors de la seconde audience, la Commission a précisé que l’exigence de quatre années d’ancienneté ne constituait pas une règle de caractère contraignant, mais une simple ligne directrice appliquée au cas par cas.

65      Deuxièmement, la Commission affirme que, indépendamment de l’existence d’une pratique interne, la décision attaquée serait justifiée par l’ordre de priorité prévu à l’article 29, paragraphe 1, du statut. En effet, lorsqu’un candidat interne à l’institution remplit les conditions requises par un avis de vacance, l’administration devrait le recruter par priorité. En outre, si, en l’espèce, la DG «Énergie» était bien compétente pour publier l’avis de vacance et pour mener la sélection, la DG «Personnel» aurait été seule compétente pour recruter un candidat par voie d’un transfert interinstitutionnel. Par conséquent, il aurait appartenu à cette dernière direction générale de vérifier la possibilité de pourvoir le poste en cause par la voie d’une mutation ou d’une promotion avant de procéder au recrutement d’un candidat provenant d’une autre institution. Étant donné que, selon une jurisprudence constante, l’AIPN n’est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement, la Commission estime que, indépendamment de l’état d’avancement de la procédure de sélection menée par la DG «Énergie» et du stade auquel est parvenu le requérant, la candidature de celui-ci pouvait valablement être rejetée par la DG «Personnel».

66      Troisièmement, la Commission soutient, dans son mémoire en défense, que, en tout état de cause, elle était tenue de rejeter la candidature du requérant, car ce dernier ne disposait pas, à la date du rejet de sa candidature, de trois années d’ancienneté depuis son recrutement, comme exigé par l’accord interinstitutionnel de 2005.

67      Quatrièmement, la Commission a fait valoir, au début de la première audience, que la DG «Personnel» a dû annuler la procédure de sélection après avoir constaté que la procédure de sélection était entachée d’une irrégularité, la DG «Énergie» n’ayant pas vérifié, préalablement à la publication de l’avis de vacance, si le poste pouvait être pourvu en interne.

68      Cinquièmement, lors de cette même audience, la Commission a également souligné que la candidature du requérant avait été rejetée, non pas, comme elle l’avait précédemment indiqué, en raison de l’ordre de priorité prévu à l’article 29, paragraphe 1, du statut, mais parce qu’elle avait finalement décidé de pourvoir le poste litigieux par la voie d’une réaffectation, au titre de l’article 7 du statut.

 Appréciation du Tribunal

69      Il y a lieu de comprendre les moyens tirés de la violation du statut et de l’avis de vacance, compte tenu des arguments avancés à leur appui, comme tendant à contester le bien-fondé des motifs invoqués par la Commission pour justifier la décision attaquée.

70      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il est nécessaire pour qu’une décision soit légale que celle-ci soit fondée à tout le moins sur un motif suffisant pour en justifier l’adoption (voir, en ce sens, arrêt Bonnet/Cour de justice, précité, point 104; arrêt du Tribunal du 22 mai 2007, López Teruel/OHMI, F‑97/06, point 69).

71      Il s’ensuit qu’il convient d’examiner chacun des motifs avancés par l’administration afin de déterminer si, à tout le moins, l’un d’entre eux permet, en particulier au regard du statut et de l’avis de vacance, de justifier la décision attaquée.

72      Dans le rejet de la réclamation, l’administration a avancé deux motifs pour justifier la décision attaquée, tirés, d’une part, de l’exigence de quatre années d’ancienneté et, d’autre part, de l’ordre de priorité prévu à l’article 29 du statut.

73      S’agissant du premier motif, tiré de l’exigence de quatre années d’ancienneté, et à supposer que l’administration ait érigé en règle interne cette condition, comme cela semble ressortir de ses écrits, il doit être constaté que cette règle n’a pas été formalisée dans une décision interne ni, a fortiori, publiée. Or, le principe de sécurité juridique dès lors qu’il requiert de l’administration qu’elle mette les intéressés en mesure de connaître, avec exactitude, l’étendue des obligations qui pèsent sur eux ou des droits dont ils disposent (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 juin 2007, ROM-projecten, C‑158/06, point 25; du 11 décembre 2007, Skoma-Lux, C‑161/06, point 28 et du 10 mars 2009, Heinrich, C‑345/06, point 44), commande qu’une règle qui, comme en l’espèce, détermine des droits et des obligations pour les membres de son personnel, fasse l’objet d’une mesure de publicité adéquate selon les modalités et les formes qu’il appartient à l’administration de déterminer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, Wenig/Commission, F‑80/08, point 90).

74      Notamment, s’agissant des règles concernant le recrutement des fonctionnaires, l’AIPN est tenue d’indiquer d’une façon aussi exacte que possible dans l’avis de vacance, les conditions requises pour occuper le poste concerné, afin de mettre les personnes intéressées en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour elles de faire acte de candidature (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, point 40; arrêt du Tribunal de première instance du 2 octobre 1996, Vecchi/Commission, T‑356/94, point 50). Certes, l’AIPN ne saurait être tenue de rappeler les conditions expressément prévues par le statut, puisque les candidats sont présumés en avoir connaissance, mais un avis de vacance serait privé de son objet, qui est d’informer les candidats sur les conditions à remplir pour occuper un poste, si l’administration pouvait écarter un candidat pour un motif ne figurant pas expressément dans ledit avis ou dans le statut, ou n’ayant pas fait l’objet d’une publication.

75      En l’espèce, ni le statut, ni l’avis de concours auquel le requérant a été reçu afin d’exercer les fonctions de juriste linguiste, ni l’avis de vacance ne font état de ce que les administrateurs exerçant les fonctions de juriste linguiste doivent satisfaire à l’exigence de quatre années d’ancienneté depuis leur premier recrutement pour pouvoir être affectés à d’autres fonctions. Partant, l’exigence de quatre années d’ancienneté, laquelle, de surcroît, n’a fait l’objet d’aucune publicité, ne pouvait être opposée au requérant afin d’écarter sa candidature.

76      À considérer que, comme l’a affirmé la Commission lors de la seconde audience, une ancienneté de quatre années ne serait pas systématiquement exigée, il convient de relever que, ainsi formulé, le motif avancé par l’administration pour justifier la décision attaquée n’est en tout état de cause pas susceptible de la fonder puisque la Commission reste en défaut d’expliquer pourquoi, dans le cas du requérant, elle a décidé de faire application de ladite exigence et d’écarter sa candidature. En effet, puisque la Commission n’était pas tenue, en vertu d’une norme de portée générale, d’écarter le requérant de la procédure de sélection, il lui appartenait d’apprécier, au vu des circonstances particulières de l’espèce, si elle devait ou non le faire. Ainsi, en ne procédant pas à un examen particulier du cas du requérant, elle a cru, à tort, qu’elle pouvait adopter la décision attaquée en application d’une position de principe.

77      À supposer même que cette application eut résulté de la prise en compte de l’intérêt du service, l’exigence de quatre années d’ancienneté ne serait toujours pas susceptible de justifier la décision attaquée. En effet, il doit être rappelé que, si, s’agissant notamment d’apprécier l’intérêt du service, l’administration dispose d’un large pouvoir, celle-ci n’en est pas moins tenue pour adopter une décision individuelle de procéder à une appréciation concrète des circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1988, Stahlwerke Peine-Salzgitter et Hoogovens Groep/Commission, 33/86, 44/86, 110/86, 226/86 et 285/86, point 27; arrêt du Tribunal de première instance du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, T‑17/95, point 21). Ainsi, en matière de recrutement, l’administration ne saurait se borner à invoquer l’intérêt du service, ou même l’équité, pour adopter une décision sans expliquer pourquoi les spécificités du poste à pouvoir justifiaient son adoption.

78      Or, en l’espèce, la Commission fait valoir, pour justifier l’adoption de la décision attaquée, qu’elle devait favoriser la mobilité interne de ses fonctionnaires, qu’il était nécessaire de tenir compte des spécificités des concours organisés pour le recrutement des juristes linguistes et que ces derniers bénéficiaient d’un classement en grade plus avantageux, sans expliquer pourquoi l’intérêt du service commandait que le poste en cause ne puisse être pourvu par un juriste linguiste recruté depuis moins de quatre ans au lieu simplement de trois ans comme le prévoit l’accord interinstitutionnel de 2005.

79      En outre, il doit être constaté que l’intérêt du service, tel que le présente la Commission, à savoir la nécessité de concilier la vocation à la carrière des fonctionnaires déjà en activité au sein de l’institution et l’obligation d’assurer la nomination des meilleurs candidats aux postes vacants, était déjà connu par l’AIPN avant la publication de l’avis de vacance. Partant, eu égard à la jurisprudence précitée aux points 73 et 74 du présent arrêt concernant les indications devant figurer dans l’avis de vacance, rien n’empêchait l’administration de faire état de l’exigence de quatre années d’ancienneté dès la publication dudit avis plutôt qu’au seul vu de la candidature du requérant (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Economidis/Commission, F‑122/05, point 94).

80      Il s’ensuit que le premier motif avancé par la Commission ne peut, à suffisance de droit, fonder la décision attaquée.

81      En ce qui concerne le deuxième motif mis en avant par la Commission dans le rejet de la réclamation, à savoir l’ordre de priorité établi par l’article 29, paragraphe 1, du statut, il convient de rappeler que ledit article énumère les phases successives qui doivent être suivies lorsqu’il y a lieu de pourvoir un poste vacant dans une institution. En vertu de cette disposition, l’AIPN, lorsqu’elle entend pourvoir un poste, doit examiner, par ordre de préférence, en premier lieu, les possibilités de promotion et de mutation au sein de l’institution où la vacance s’est produite, en deuxième lieu, les possibilités d’organisation de concours internes à cette institution et, en troisième lieu, les demandes de transfert de fonctionnaires d’autres institutions, avant d’ouvrir la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves (voir arrêts de la Cour du 5 décembre 1974, Van Belle/Conseil, 176/73, points 5 et 6, et du 18 mars 1999, Carbajo Ferrero/Parlement, C‑304/97 P, point 29).

82      Certes, l’AIPN n’est pas tenue d’une manière absolue de procéder par priorité à une promotion ou à une mutation, même en présence de candidatures valables de fonctionnaires remplissant toutes les exigences et conditions requises par l’avis de vacance. Néanmoins, avant d’élargir son choix en organisant un concours interne ou en examinant les possibilités de transfert interinstitutionnel, il lui incombe d’examiner si les possibilités existantes sont susceptibles d’aboutir à la nomination d’une personne possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité (arrêt du Tribunal de première instance du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, point 98).

83      En l’espèce, la DG «Énergie» qui, comme l’a reconnu la Commission lors de l’audience du 22 septembre, était compétente pour opérer un tel choix, a décidé d’ouvrir l’avis de vacance aux fonctionnaires de la Commission, ainsi qu’à ceux des autres institutions. Eu égard à l’ordre de préférence susmentionné et à la présomption de légalité attachée aux actes adoptés par l’administration, à l’encontre de laquelle la Commission n’apporte aucun élément concret susceptible de la renverser, il doit en être déduit que la DG «Énergie», en l’espèce, après avoir examiné les possibilités de promotion et de mutation au sein de l’institution, a décidé d’élargir ses possibilités de choix et donc de retenir la candidature du requérant. Par conséquent, l’AIPN ne pouvait pas rejeter la candidature du requérant, en prétextant uniquement de l’ordre de priorité prévu à l’article 29 du statut, sans procéder au retrait de l’avis de vacance. Or, il ne ressort pas du dossier que l’administration aurait procédé à un tel retrait sachant, en outre, qu’en vertu du parallélisme des compétences, dès lors que la DG «Énergie» était compétente pour établir l’avis de vacance, un tel retrait n’aurait pu intervenir qu’à l’initiative de celle-ci.

84      En défense, la Commission fait néanmoins valoir que, si la DG «Énergie» était compétente pour publier l’avis de vacance et pour mener la sélection, il appartenait à la DG «Personnel», en tant qu’AIPN compétente pour procéder au pourvoi d’un poste par la voie de transfert interinstitutionnel, de vérifier, avant de procéder au recrutement d’un candidat provenant d’une autre institution, il n’y avait pas, au sein de l’institution, un fonctionnaire en activité ayant les aptitudes ou les qualifications pour occuper le poste en cause en l’espèce. Partant, indépendamment du choix opéré par la DG «Énergie» d’ouvrir le concours aux candidats des autres institutions, la DG «Personnel» aurait eu le droit, selon la Commission, de rejeter la candidature du requérant afin de favoriser la mobilité interne de l’un de ses fonctionnaires.

85      Cependant, il ressort de la décision C/2006/2318, du 10 avril 2006, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN, publiée aux Informations administratives n° 38‑2006 du 25 juillet 2006 – laquelle était applicable au moment où l’avis de vacance a été publié – qu’il appartient à chaque directeur général de rédiger les avis de vacances pour les postes à pourvoir au sein de sa direction générale. Par suite, il peut en être déduit, compte tenu, par ailleurs, de ce que lesdits avis doivent préciser la nature des conditions requises pour occuper le poste concerné, que chaque directeur général est également compétent pour apprécier si la mutation en interne d’un agent au poste vacant est, de prime abord, susceptible d’aboutir à la nomination d’une personne possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité.

86      En conséquence, le fait que la décision C/2006/2318, précitée, indique également que la DG «Personnel» est compétente en matière de transfert interinstitutionnel peut être compris comme donnant compétence à cette direction générale pour vérifier que le candidat retenu à l’issue de la procédure de sélection remplit les conditions exigées pour un transfert interinstitutionnel, et non pour décider si un poste pouvait effectivement être pourvu autrement que par la voie du transfert interinstitutionnel, notamment par mutation interne.

87      Lors de l’audience du 11 octobre 2010, la Commission a expressément confirmé cette répartition des compétences entre la DG «Énergie» et la DG «Personnel», puisqu’elle a indiqué, qu’aux termes de la décision C/2006/2318, susmentionnée, il revenait à la DG «Énergie» de décider s’il convenait d’ouvrir la vacance à l’ensemble des candidatures internes et externes, la DG «Personnel» n’intervenant qu’au stade de la demande de transfert.

88      Partant, il convient de considérer que, en l’espèce, la DG «Personnel» n’était pas compétente pour remettre en cause l’appréciation opérée par la DG «Énergie», au terme de laquelle elle a considéré que le poste n’était effectivement pas susceptible d’être pourvu par la voie d’une mutation interne et qu’il convenait de prendre finalement en considération la candidature d’un fonctionnaire en provenance d’une autre institution.

89      Au demeurant, il ressort des précisions apportées par la Commission lors de la première audience qu’aucun candidat travaillant au sein de la Commission n’avait postulé pour occuper ledit poste par voie de mutation interne.

90      La Commission fait également valoir, en substance, que, si la DG «Personnel» n’est pas compétente pour remettre en cause une décision de la DG «Énergie», elle n’est pas tenue de donner suite à une procédure de sélection. Toutefois, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si l’AIPN n’est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement menée par un jury, elle ne peut le faire que pour des raisons objectives (voir notamment arrêt de la Cour du 9 février 1984, Kohler/Cour des comptes, 316/82 et 40/83, point 22; arrêts du Tribunal de première instance du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T‑35/96, point 60, et du 17 février 1998, Maccaferri/Commission, T‑56/96, point 33) et suffisantes, pour contrebalancer l’expectative de la personne concernée à être nommé au poste auquel elle s’est portée candidate, laquelle expectative varie selon le stade de la procédure de sélection auquel ladite personne est parvenue (voir arrêt du Tribunal de première instance du 27 novembre 2003, Bories e.a./Commission, T‑331/00 et T‑115/01, point 173). En outre, ces raisons devaient être impossibles à déceler préalablement à la rédaction de l’avis de vacance pour une administration normalement diligente puisque, comme il a été rappelé, il ne serait pas satisfait aux dispositions du statut et, en particulier, au principe d’objectivité, si l’administration se prévalait de certaines conditions, qui seraient requises selon elle pour occuper l’emploi en cause, postérieurement à la publication de l’avis, au vu des candidats qui se sont présentés (voir points 73 et 74 du présent arrêt).

91      En l’espèce, il ressort des documents communiqués par la Commission que le requérant avait été informé par la DG «Énergie» de ce qu’il avait été retenu comme étant le meilleur candidat pour le poste. Partant, l’expectative du requérant à être nommé était grande. Or, comme il a déjà été constaté au point 77 du présent arrêt, la Commission, pour affirmer que la DG «Personnel» pouvait écarter la candidature du requérant, se borne à invoquer, de façon générale, la nécessité de favoriser la mobilité interne de ses fonctionnaires par voie de mutation, sans expliquer pourquoi, en l’espèce, ce motif exigeait de ne pas donner suite à la procédure de sélection menée par la DG «Énergie». En outre, comme il a déjà été constaté au point 78 du présent arrêt, la raison avancée par l’administration était connue de celle-ci préalablement à la publication de l’avis de vacance.

92      L’explication mise en avant par la Commission n’étant pas de nature à constituer une raison objective et suffisante pour contrebalancer l’expectative du requérant à être nommé au poste et n’étant, non plus, pas fondée sur un élément impossible à déceler avant la publication de l’avis de vacance, la Commission ne saurait invoquer l’ordre de priorité établi par l’article 29, paragraphe 1, du statut pour justifier l’adoption de la décision attaquée. Par conséquent, le deuxième motif avancé par la Commission ne peut légalement fonder la décision attaquée.

93      S’agissant des motifs avancés par la Commission en cours de procédure, il doit être rappelé que l’administration ne peut pas substituer ou ajouter un motif à une décision en cours de procédure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, Angulo Sánchez/Conseil, F‑67/09, point 71), sauf s’il s’avère qu’elle est en situation de compétence liée, de sorte que l’annulation éventuelle de la décision litigieuse ne pourrait avoir pour effet que d’obliger l’administration à reprendre une nouvelle décision, identique quant au fond, à la décision annulée.

94      En l’espèce, la Commission a présenté, en cours de procédure, un troisième motif, tiré de ce que le requérant ne remplissait pas la condition des trois années d’ancienneté depuis son premier recrutement, requise par l’accord interinstitutionnel de 2005, pour être transféré. Si ce motif s’attache précisément à l’exercice par l’administration d’une compétence liée, il ressort de la clause ayant été approuvée le 4 août 2005, que la condition des trois années d’ancienneté doit s’apprécier à la date à laquelle le transfert d’un fonctionnaire s’opère. Or, en l’espèce, il ressort d’un document interne adressé à la DG «Personnel» par la DG «Énergie» que cette dernière souhaitait recruter le candidat à compter du 1er mai 2007. En conséquence, à la date de sa prise de fonctions au sein de la DG «Énergie», le requérant aurait détenu les trois années d’ancienneté requises par l’accord interinstitutionnel de 2005. Il s’ensuit que le troisième motif avancé par la Commission ne saurait non plus valablement justifier la décision attaquée.

95      Les quatrième et cinquième motifs, également avancés par l’administration en cours de procédure pour fonder la décision attaquée et résumés respectivement aux points 67 et 68 du présent arrêt, ne tendent pas à démontrer que l’administration aurait été en situation de compétence liée, puisque, au contraire, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’affectation du personnel en vue des missions qui lui sont confiées (voir notamment arrêts de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, point 17, et du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, point 11; arrêt du Tribunal de première instance du 7 février 2007, Caló/Commission, T‑118/04 et T‑134/04, point 99). Partant, avancés en cours de procédure, les quatrième et cinquième motifs ne sauraient valablement fonder la décision attaquée.

96      En tout état de cause, les quatrième et cinquième motifs ne résistent pas à un examen au fond. D’une part, le quatrième motif constitue une variante du deuxième motif, dès lors que, selon la Commission, la DG «Personnel» aurait décidé, non pas de ne pas donner suite à la procédure de sélection, mais d’annuler cette dernière au motif que la DG «Énergie» n’aurait pas formellement vérifié, préalablement à la publication de l’avis de vacance, si le poste pouvait être pourvu en interne. Or, la Commission n’apporte aucun élément permettant d’établir que, malgré la présomption de légalité attachée aux actes adoptés par de l’administration, la DG «Énergie» n’avait pas vérifié, préalablement à la publication de l’avis de vacance, que le poste ne pouvait pas être pourvu par voie interne, et ceci d’autant plus qu’aucun candidat n’a présenté sa candidature au poste, suite à la publication de l’avis de vacance. En outre, si, comme le prétend la Commission, l’administration avait souhaité annuler la procédure de sélection, il lui incombait de retirer l’avis de vacance (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 18 février 1993, Mc Avoy/Parlement, T‑45/91, point 51). Or, aucun élément avancé par la Commission ne permet d’établir que l’avis de vacance a bien été retiré. Enfin, comme il a été rappelé au point 83 du présent arrêt, en vertu du parallélisme des compétences, seule la DG «Énergie» aurait été compétente pour opérer ledit retrait. La véracité des suppositions sur lesquelles repose le quatrième motif est d’autant plus douteuse que, comme il a été relevé précédemment, aucun candidat travaillant au sein de la Commission n’a postulé à l’avis de vacance pour occuper le poste par voie de mutation interne.

97      D’autre part, quant au cinquième motif avancé par la Commission pour justifier la décision attaquée et tiré de ce que le poste aurait été pourvu par voie de réaffectation et non par voie de mutation, il suffit de rappeler que, comme il a été constaté au point 90 du présent arrêt, si l’AIPN n’est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement, elle ne peut le faire que pour des raisons objectives et suffisantes, lesquelles n’ont pas été fournies en l’espèce par la Commission. En conséquence, cette dernière ne saurait écarter la candidature du requérant au motif qu’elle a finalement préféré pourvoir le poste par voie de réaffectation.

98      Il convient encore d’ajouter que la variabilité des motifs avancés par la Commission pour justifier la décision attaquée rend particulièrement regrettable le comportement du chef d’unité de la DG «Personnel» en charge des questions interinstitutionnelles, celui-ci ayant, en dépit des interrogations pleinement justifiées du requérant, considéré la discussion avec ce dernier comme étant close (voir point 18 ci-dessus).

99      Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des motifs avancés par la Commission ne saurait valablement fonder, au regard du statut et de l’avis de vacance, la décision attaquée, laquelle doit, par conséquent, être annulée sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens invoqués par le requérant à l’appui de ses conclusions en annulation.

 Sur les dépens

100    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

101    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la Commission est la partie qui succombe. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé à ce que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la Commission aux dépens exposés par le requérant.

102    Enfin, en application de l’article 89, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République de Lituanie, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)      La décision par laquelle la Commission européenne a écarté M. Šimonis de la procédure de sélection prévue par l’avis de vacance COM/2007/142 en renonçant à demander à la Cour de justice de l’Union européenne son transfert est annulée.

2)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et ceux du requérant.

3)      La République de Lituanie supporte ses propres dépens.

Tagaras

Kreppel

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 avril 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Tagaras

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu et font, en principe, l’objet d’une publication, par ordre chronologique, au Recueil de la jurisprudence de la Cour de justiceet du Tribunal ou au Recueil de jurisprudence‑ Fonction publique, selon le cas.


* Langue de procédure: le lituanien.

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