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Document 61996TJ0146
Judgment of the Court of First Instance (Second Chamber) of 4 March 1998. # Maria da Graça De Abreu v Court of Justice of the European Communities. # Probationary officials - Appointment of a former member of the temporary staff - Maintenance of seniority in step - Principle of equality of treatment - Objection of illegality. # Case T-146/96.
Urteil des Gerichts erster Instanz (Zweite Kammer) vom 4. März 1998.
Maria da Graça De Abreu gegen Gerichtshof der Europäischen Gemeinschaften.
Beamte auf Probe - Ernennung eines ehemaligen Bediensteten auf Zeit - Aufrechterhaltung des Besoldungsdienstalters - Grundsatz der Gleichbehandlung - Einrede der Rechtswidrigkeit.
Rechtssache T-146/96.
Urteil des Gerichts erster Instanz (Zweite Kammer) vom 4. März 1998.
Maria da Graça De Abreu gegen Gerichtshof der Europäischen Gemeinschaften.
Beamte auf Probe - Ernennung eines ehemaligen Bediensteten auf Zeit - Aufrechterhaltung des Besoldungsdienstalters - Grundsatz der Gleichbehandlung - Einrede der Rechtswidrigkeit.
Rechtssache T-146/96.
Sammlung der Rechtsprechung – Öffentlicher Dienst 1998 I-A-00109; II-00281
ECLI identifier: ECLI:EU:T:1998:50
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
4 mars 1998 ( *1 )
«Fonctionnaires stagiaires — Nomination d'un ancien agent temporaire — Maintien de l'ancienneté d'échelon — Principe d'égalité de traitement — Exception d'illégalité»
Dans l'affaire T-146/96,
Maria da Graça De Abreu, fonctionnaire de la Cour de justice des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg, représentée par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,
partie requérante,
contre
Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. Timothy Millert, conseiller juridique pour les affaires administratives, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de ce dernier, au siège de la Cour de justice, Kirchberg,
partie défenderesse,
soutenue par
Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Diego Canga Fano et Mme Thérèse Blanchet, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,
partie intervenante,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Cour de justice, du 5 décembre 1995, nommant la requérante fonctionnaire en qualité de dactylographe, en ce qu'elle a fixé son classement au troisième échelon du grade C 4,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
composé de MM. A. Kalogeropoulos, président, C. W. Bellamy et J. Pirrang, juges,
greffier: M. A. Mair, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 27 novembre 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige et cadre juridique
1 |
Le 16 mai 1987, la requérante est entrée au service de l'institution défenderesse en tant qu'agent temporaire relevant de l'article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après «RAA») en qualité de dactylographe de grade C 4, échelon 3. Elle a été affectée au cabinet d'un juge sur la base du choix personnel de ce dernier. |
2 |
A la suite d'une demande du juge susmentionné, le président de l'institution défenderesse a, par décision du 15 juillet 1993, nommé la requérante au grade C 3, échelon 4. A ce titre, elle a toujours exercé ses fonctions de dactylographe en tant qu'agent temporaire au même cabinet. |
3 |
Lauréate du concours général EUR/C/22 organisé par l'institution défenderesse et le Parlement européen pour le recrutement de dactylographes (JO 1992, C 47 A), la requérante, après avoir été inscrite sur la liste de réserve établie le 30 septembre 1992, a été nommée fonctionnaire stagiaire par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») du 5 décembre 1995, notifiée à la requérante le 16 janvier 1996. Affectée à la direction de la traduction, la requérante a été simultanément mise à la disposition du cabinet du juge susmentionné où elle a travaillé jusqu'à présent. |
4 |
La décision de nomination a classé la requérante au grade C 4, échelon 3, et cela en application de l'article 32 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») qui dispose: «Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade. Toutefois, l'[AIPN] peut, pour tenir compte de la formation et de l'expérience professionnelle spécifique de l'intéressée, lui accorder une bonification d'ancienneté d'échelon dans ce grade; cette bonification ne peut excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades. [...]» C'est en application du deuxième alinéa dudit article 32 que la requérante s'est vu attribuer l'échelon 3. |
5 |
Contestant ce classement à l'échelon 3, la requérante a introduit une réclamation en date du 1er avril 1996. Elle a invoqué notamment l'article 8 du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 3947/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 404, p. 1, ci-après «règlement litigieux» ou «règlement»), qui a complété l'article 32 du statut d'un troisième alinéa libellé comme suit: «L'agent temporaire dont le classement a été fixé conformément aux critères de classement arrêtés par l'institution garde l'ancienneté d'échelon qu'il a acquise en qualité d'agent temporaire lorsqu'il a été nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de cette période.» Selon le troisième considérant du règlement, cette modification de l'article 32 du statut vise à «permettre le dépassement des limites de bonification d'ancienneté d'échelon prévues à l'article 32, deuxième alinéa, du statut, dans le cas du classement en échelon d'un agent temporaire nommé fonctionnaire stagiaire pour tenir compte de ses années de service en tant qu'agent temporaire». |
6 |
La requérante a considéré que cette disposition devait recevoir une interprétation téléologique et qu'elle obligeait l'AIPN à prendre en compte les années de service en tant qu'agent temporaire pour déterminer le classement en échelon du fonctionnaire lors de son recrutement. Elle a fait valoir que, en application de cette disposition, elle aurait dû être classée au grade C 4, échelon 7. |
7 |
Par décision du comité chargé des réclamations, du 10 juin 1996, notifiée à la requérante le 19 juin 1996, la réclamation a été rejetée au motif notamment que la requérante n'avait pas été nommée fonctionnaire «dans le même grade» à la suite immédiate de sa période de service en tant qu'agent temporaire et que l'article 32, troisième alinéa, du statut n'était donc pas applicable. Le comité a estimé que cette disposition, contrairement à la thèse de la requérante, ne pouvait pas recevoir une inteiprétation à l'encontre de son libellé clair et précis. |
8 |
Le 24 mai 1996, la requérante a été nommée fonctionnaire titulaire, avec effet au 1er juillet 1996, et classée au grade C 4, échelon 3. Le 18 juin 1996, elle a été détachée auprès du cabinet susmentionné, également avec effet au 1er juillet 1996, et classée au grade C 3, échelon 5. |
Procédure et conclusions des parties
9 |
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 septembre 1996, la requérante a introduit le présent recours. |
10 |
Par ordonnance du 4 décembre 1996, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis le Conseil de l'Union européenne à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse. Le 30 janvier 1997, le Conseil a déposé un mémoire en intervention, dans lequel il déclare soutenir les conclusions de la partie défenderesse. Par mémoire introduit le 18 mars 1997, la requérante a formulé ses observations sur ce mémoire en intervention. |
11 |
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois adopté des mesures d'organisation de la procédure, au titre de l'article 64 du règlement de procédure, consistant à demander aux parties de répondre par écrit, avant la date de l'audience, à certaines questions. Les parties ont déféré à cette invitation dans le délai imparti. |
12 |
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 27 novembre 1997. |
13 |
La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
|
14 |
La Cour de justice conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
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Sur la recevabilité du recours
15 |
La partie défenderesse rappelle que la requérante, après avoir été nommée fonctionnaire stagiaire puis titulaire au grade C 4, échelon 3, a été détachée au cabinet du juge susmentionné avec classement au grade C 3, échelon 5. Elle souligne que la nomination litigieuse n'a donc entraîné, à la date de l'introduction du présent recours, aucune baisse effective du salaire de la requérante étant donné qu'elle continuait de bénéficier de la rémunération afférente au grade C 3, échelon 5. La partie défenderesse soulève ainsi la question de savoir si la requérante dispose de l'intérêt à agir nécessaire à la recevabilité de son recours, c'est-à-dire d'un intérêt personnel à l'annulation de l'acte attaqué (voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moat/Commission, T-58/92, Rec. p. II-1443, point 31, et la jurisprudence citée). |
16 |
A cet égard, le Tribunal constate que l'acte attaqué par le présent recours, à savoir le classement en échelon de la requérante à l'occasion de sa nomination en tant que fonctionnaire, relève d'un domaine statutaire autre que le classement supérieur qu'elle a obtenu au titre de son activité dans le cabinet susmentionné sur la base d'un détachement réglé par l'article 37, sous a), deuxième tiret, du statut. Ce dernier régime, contrairement à celui du fonctionnaire affecté à un emploi permanent, présente une précarité en ce sens qu'il peut être mis fin au détachement à tout moment, à la demande de la personne auprès de laquelle le fonctionnaire détaché a été placé. La requérante est donc exposée au risque de se voir replacée, à tout moment, dans l'échelon contesté du grade C 4, auquel elle a été classée en tant que fonctionnaire. Il s'ensuit que ce classement fait grief à la requérante, de manière virtuelle et latente, même pendant la période de son détachement. |
17 |
Par conséquent, l'intérêt à agir de la requérante n'a pas disparu en raison du détachement en cause, de sorte que le présent recours doit être déclaré recevable. |
Sur la portée des conclusions du recours
18 |
Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la requérante rappelle que sa nomination au grade C 3 est intervenue à une date à laquelle elle était déjà inscrite sur la liste de réserve du concours EUR/C/22, de sorte qu'elle avait déjà vocation à être nommée fonctionnaire. La partie défenderesse se serait abstenue d'attirer l'attention sur les conséquences préjudiciables de cette «promotion», eu égard au texte de l'article 32, troisième alinéa, du statut et à l'interprétation du passage «dans le même grade» qu'elle ferait sienne en l'espèce. L'institution aurait donc commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité. La requérante déclare ne pas manquer, dans cette hypothèse, de demander l'indemnisation du préjudice qu'elle en subirait. |
19 |
A cet égard, le Tribunal constate que la requérante n'a pas demandé, dans les conclusions de son recours, la condamnation de la partie défenderesse à la réparation d'un tel préjudice. Dès lors, l'argumentation de la requérante doit être écartée comme irrecevable. |
20 |
Dans sa réplique, la requérante reproche à l'AIPN d'avoir adopté la décision attaquée sans tenir compte de ses années de service en tant qu'agent temporaire. L'AIPN aurait donc méconnu la ratio legis du règlement litigieux, telle qu'elle serait exprimée par son troisième considérant, ainsi que le principe d'égalité de traitement. Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la requérante considère encore que le législateur a ajouté à l'article 32 du statut le troisième alinéa litigieux pour permettre aux institutions de prendre en compte, lors de la nomination de fonctionnaires, leurs années de service en tant qu'agents temporaires. Il conviendrait d'inteipréter la nouvelle disposition à la lumière de ce raisonnement. De plus, l'interprétation de cette disposition devrait être conforme aux principes d'égalité de traitement et de non-discrimination. |
21 |
Le Tribunal constate, toutefois, que, dans sa requête, la requérante n'a soulevé aucun grief spécifique à l'encontre de l'institution défenderesse. Au contraire, elle a expressément relevé que l'article 8 du règlement ne permettait pas à l'AIPN de valoriser ses années d'ancienneté. Par conséquent, les reproches, faits à l'institution défenderesse pour la première fois postérieurement à la requête, d'avoir méconnu le troisième considérant du règlement litigieux et de ne pas avoir interprété la disposition attaquée à la lumière de sa ratio legis, devraient être déclarés tardifs, en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, s'ils étaient maintenus par la requérante. |
22 |
Or, la requérante a circonscrit, à l'audience, la portée de son recours en précisant qu'elle soulevait une exception d'illégalité dirigée contre le règlement litigieux pour autant que son article 8 énonce que seul un agent temporaire nommé fonctionnaire «dans son grade» peut bénéficier du maintien de son ancienneté d'échelon. L'illégalité de cette disposition résulterait, d'une part, de la violation du principe d'égalité de traitement et, d'autre part, de la violation des principes de la vocation à la carrière et de la bonne gestion. Par conséquent, la décision attaquée, prise en application de cette disposition illégale, devrait être annulée en ce qu'elle fixe le classement de la requérante au troisième échelon du grade C 4. |
23 |
Compte tenu de ces précisions, il y a lieu d'examiner, tout d'abord, si l'exception d'illégalité peut valablement être dirigée contre la condition d'application «dans le même grade» figurant dans la disposition litigieuse. Dans l'affirmative, il conviendra d'examiner, ensuite, si cette condition d'application enfreint les principes invoqués par la requérante. |
Sur l'exception d'illégalité dirigée contre l'article 8 du règlement litigieux et l'article 32, troisième alinéa, du statut
Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité
24 |
Dans la mesure où la requérante excipe de l'illégalité tant de l'article 8 du règlement litigieux et de l'article 32, troisième alinéa, du statut (ci-après «disposition litigieuse») que de «la décision attaquée prise en application de cette disposition», il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, l'exception d'illégalité, prévue à l'article 184 du traité, assure à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d'obtenir l'annulation d'une décision qui lui est adressée, la validité de l'acte réglementaire qui forme la base juridique de celle-ci (voir les arrêts de la Cour du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, Rec. p. 195, point 6, et du 11 juillet 1985, Salerno e.a./Commission et Conseil, 87/77, 130/77, 22/83, 9/84 et 10/84, Rec. p. 2523, point 36, ainsi que les arrêts du Tribunal du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, point 56, et du 27 octobre 1994, Chavane de Dalmassy e.a./Commission, T-64/92, RecFP p. II-723, point 41). |
25 |
II importe, toutefois, de constater que, en l'espèce, la disposition litigieuse objet de l'exception d'illégalité ne constitue pas formellement la base juridique de la décision attaquée. Cette dernière a plutôt été adoptée sur la base de l'article 32, deuxième alinéa, du statut, l'AIPN de l'institution défenderesse s'étant précisément abstenue d'appliquer à la situation de la requérante la disposition litigieuse dont elle réclame le bénéfice. Il apparaît donc que l'exception d'illégalité est dirigée, non pas contre l'acte réglementaire qui forme la base juridique directe de la décision faisant grief à la requérante, mais contre un seul élément («dans le même grade») de la disposition litigieuse, la requérante faisant valoir que c'est le seul fait de ne pas remplir cet élément qui l'exclut du bénéfice de cette disposition. |
26 |
Afin de déterminer si l'exception d'illégalité dirigée contre un tel élément d'application est couverte pas l'article 184 du traité, il y a lieu de rappeler que le texte même de l'article 184 du traité ouvre la voie de l'exception d'illégalité à toute partie à un litige «mettant en cause un règlement» («Rechtsstreit, bei dem es auf die Geltung einer Verordnung ankommt», «proceedings in which a regulation is at issue»). De plus, la Cour a déjà interprété l'article 184 du traité dans le sens d'une extension de son champ d'application aux actes qui n'ont pas la forme d'un règlement mais qui produisent des effets analogues, en soulignant la nécessité d'assurer un contrôle de légalité efficient (arrêt du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, points 39 à 41). |
27 |
Le Tribunal en conclut que l'exception d'illégalité peut être dirigée contre toute disposition réglementaire pertinente, dans le cas d'espèce, pour l'adoption de la décision administrative objet d'un recours en annulation. |
28 |
Cette conclusion n'est pas contredite par la jurisprudence citée ci-dessus au point 24. En effet, loin de vouloir juridiquement limiter l'exception d'illégalité, contrairement au libellé de l'article 184 du traité, aux seuls cas de figure dans lesquels un acte réglementaire sert formellement de base juridique à une décision administrative, cette jurisprudence s'explique par le fait que, dans chacune des affaires jugées, l'acte réglementaire objet de l'exception d'illégalité constituait effectivement la base de la décision attaquée. Or, il est évident que ces hypothèses entrent, en tout état de cause, dans le champ d'application de l'article 184 du traité. |
29 |
II y a lieu de constater ensuite que le critère «dans le même grade», mis en cause par l'exception d'illégalité, a joué un rôle dans l'adoption de la décision attaquée. S'il est vrai que cette décision repose sur la disposition de l'article 32, deuxième alinéa, du statut, il n'en demeure pas moins que la partie défenderesse a explicitement relevé, dans la motivation de la décision rejetant la réclamation de la requérante, que l'application du troisième alinéa de cet article se heurtait à l'élément «dans le même grade». Or, la décision de classement en échelon étant dépourvue de tout exposé des motifs, c'est la motivation de la décision portant rejet de la réclamation qui est censée coïncider avec la motivation de la décision de classement initiale (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C-l 15/92 P, Rec. p. I-6549, points 22 et 23). Par ailleurs, la partie défenderesse a confirmé, en réponse à une question du Tribunal, que la requérante, à défaut d'avoir été affectée au grade C 3 avant d'être nommée fonctionnaire, aurait été classée à l'échelon 7 du grade C 4. Il s'ensuit que la décision administrative attaquée repose essentiellement sur la considération selon laquelle seul l'élément d'application «dans le même grade» excluait la requérante du bénéfice de la disposition litigieuse. |
30 |
II convient encore d'examiner si l'exception d'illégalité dirigée, non pas contre une disposition réglementaire toute entière, mais contre un seul élément normatif spécifique peut amener le Tribunal à constater, en vertu de l'article 184 du traité, l'inapplicabilité d'une partie de la disposition litigieuse. A cet égard, il importe de rappeler que la Cour a déjà admis, dans d'autres domaines du droit, l'invalidité partielle d'actes normatifs ou individuels. |
31 |
Ainsi, la Cour a jugé, en matière préjudicielle, qu'un régime communautaire concernant l'octroi de certains avantages à des producteurs agricoles était invalide dans la mesure où il ne prévoyait pas l'attribution d'un tel avantage à une catégorie spécifique de producteurs (arrêt du 28 avril 1988, Mulder, 120/86, Rec. p. 2321, point 28). La Cour a donc constaté une invalidité partielle en ce que le législateur communautaire, en violation du principe de protection de la confiance légitime, avait exclu du bénéfice d'un régime une catégorie de personnes bien définie. |
32 |
Toujours en matière préjudicielle, la Cour a interprété une directive communautaire en ce sens qu'elle s'opposait à une disposition spécifique figurant dans un régime législatif national; elle a imposé à la juridiction nationale d'écarter cette disposition et relevé que la catégorie de personnes défavorisées par ladite disposition devait être traitée de la même façon et se voir appliquer le même régime que la catégorie favorisée, régime qui restait provisoirement le seul système de référence valable (arrêt du 13 décembre 1989, Ruzius-Wilbrink, C-102/88, Rec. p. 4311, points 17, 19 et 20; voir également l'arrêt du 24 février 1994, Roks e.a., C-343/92, Rec. p. I-571, points 18 à 21). La Cour a donc admis le principe de l'invalidité partielle d'une législation nationale complexe, tout en imposant aux autorités nationales d'appliquer, dans l'attente de mesures nationales conformes à la directive, cette législation tronquée de la disposition déclarée invalide. |
33 |
Enfin, à la suite d'un recours direct formé dans une affaire où la Commission avait accordé, au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, une exemption assortie de conditions et charges, la Cour a annulé la condition spécifique attaquée en jugeant que, «pour important que soit l'objet de cette partie de la décision, elle n'en est pas moins détachable, à titre provisoire, des autres dispositions, de sorte qu'une annulation partielle est possible et justifiée par la circonstance qu'il s'agit d'une décision favorable, dans son ensemble, aux intérêts des entreprises concernées» (arrêt du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint Association/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, points 16 et 21). Ainsi, la Cour a admis le principe d'une illégalité partielle d'un acte complexe, à condition que l'élément annulé soit détachable de l'acte en cause. |
34 |
A la lumière de cette jurisprudence, le Tribunal estime que rien ne s'oppose, en principe, à ce que l'inapplicabilité partielle d'un acte normatif puisse être prononcée en vertu de l'article 184 du traité. A cet égard, il n'y a pas lieu de faire une distinction entre le cas d'un régime normatif complexe, partiellement invalide en raison de l'illégalité d'une disposition particulière, et le cas d'une seule disposition normative, partiellement invalide en raison de l'illégalité d'un élément spécifique, à condition que cet élément puisse en être détaché. |
35 |
En l'espèce, le Tribunal constate que l'élément «dans le même grade» peut être séparé de l'ensemble du troisième alinéa de l'article 32 du statut, sans que cette disposition cesse d'être susceptible de produire des effets juridiques (voir, pour le principe, l'arrêt de la Cour du 28 juin 1972, Jamet/Commission, 37/71, Rec. p. 483, point 11). Il est vrai que, dans l'hypothèse où ledit élément normatif devrait être déclaré inapplicable, la conséquence automatique en serait que l'imputation de l'ancienneté d'échelon prévue par ce troisième alinéa trouverait pleinement application au cas de la requérante sans aucune possibilité pour l'AIPN de l'institution défenderesse de réexaminer la situation. Un tel résultat serait toutefois dans la logique de l'article 184 du traité qui a pour but de protéger le justiciable contre l'application d'un acte normatif illégal, étant entendu que les effets d'un arrêt qui constate l'inapplicabilité sont limités aux seules parties du litige et que cet arrêt ne met pas en cause l'acte lui-même, devenu inattaquable (arrêts de la Cour du 14 décembre 1962, Wöhrmann et Lütticke/Commission, 31/62 et 33/62, Rec. p 965 979 et du 21 février 1974, Kortner e.a./Conseil, Commission et Parlement, 15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, Rec. p. 177, points 36 et 37). |
36 |
II résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité soulevée en l'espèce et dirigée contre le seul élément «dans le même grade» doit être déclarée recevable. Par conséquent, il convient de procéder à l'examen du bien-fondé de cette exception, et cela tout d'abord au regard de la prétendue violation du principe d'égalité de traitement. |
Sur la violation du principe d'égalité de traitement
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
37 |
La requérante rappelle que, selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe d'égalité de traitement lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent lors de leur recrutement. |
38 |
A cet égard, la requérante souligne que, six ans après être entrée au service de l'institution défenderesse en tant qu'agent temporaire de grade C 4, elle a fait l'objet d'une nomination au grade supérieur en raison de hautes qualités de compétence, de rendement et de conduite dans le service. Seule cette «promotion» aurait eu pour conséquence de l'exclure du champ d'application de la disposition litigieuse, dans la mesure où elle n'a pas été nommée fonctionnaire stagiaire «dans le même grade». Par conséquent, cette disposition aurait pour effet de la pénaliser au seul motif qu'elle avait accepté d'être «promue» avant sa nomination en tant que fonctionnaire. Il s'agirait là d'une discrimination par rapport à ses collègues, non «promus», qui se trouvent pourtant dans une situation factuelle et juridique ne présentant pas de différences essentielles. Or, dans l'hypothèse où elle n'aurait pas été «promue» avant son recrutement en tant que fonctionnaire, elle aurait été nommée au grade C 4, échelon 7, avec ancienneté d'échelon fixée au 16 mai 1995. |
39 |
La requérante souligne que, depuis son entrée en service, elle exerce les mêmes fonctions, et cela aussi bien en tant qu'agent temporaire de grade C 4 et de grade C 3 que depuis sa nomination en tant que fonctionnaire. S'il est donc vrai qu'elle a été recrutée en tant que fonctionnaire pour un emploi qu'elle n'a jamais occupé, à savoir un emploi affecté à la direction de la traduction, il serait également vrai qu'elle a été détachée, le jour de sa nomination, à l'emploi qu'elle occupe depuis près de neuf ans en tant qu'agent temporaire. En tout état de cause, la disposition litigieuse ne prévoirait pas qu'un fonctiomiaire ne garde son ancienneté d'échelon que pour autant qu'il soit nommé dans l'emploi qu'il occupait en tant qu'agent temporaire. |
40 |
Dans la mesure où le Conseil, partie intervenante, se réfère à l'historique du règlement litigieux et indique que la Commission, dans sa proposition de règlement, justifiait la disposition litigieuse par la nécessité de permettre «un dépassement limité» des bonifications prévues jusqu'alors, la requérante rétorque que le texte clair du troisième considérant du règlement litigieux contredit le caractère prétendument limité de cette disposition. En effet, la volonté du législateur viserait, de toute évidence, à bonifier sans limites les aimées d'ancienneté d'échelon acquises par l'agent temporaire nommé fonctionnaire. |
41 |
En outre, la disposition litigieuse ne limiterait en aucune manière la prise en compte de l'ancienneté d'échelon acquise. Le seul fait d'avoir été agent temporaire pendant presque neuf ans n'exclurait donc pas l'application de cette disposition lorsque les autres conditions d'application sont réunies. Du reste, ladite disposition ne ferait aucune différence entre les agents temporaires suivant qu'ils relèvent de l'article 2, sous a), sous b), sous c) ou sous d), du RAA. La requérante précise qu'elle ne prétend pas à être privilégiée du fait de sa nomination antérieure au grade C 3. Elle demanderait seulement à bénéficier des mêmes conditions de recrutement que ses collègues agents temporaires, qui ont vu leur ancienneté pleinement bonifiée du seul fait qu'ils n'avaient pas été «promus». En l'espèce, deux autres agents temporaires de l'institution défenderesse auraient réussi le même concours EUR/C/22 que la requérante. Par décision du 5 décembre 1995, ils auraient également été recrutés en tant que fonctionnaires stagiaires. |
42 |
A cet égard, la requérante précise que ces deux collègues ont été engagés, le 1er mars 1992, en tant qu'agents temporaires de grade C 4, échelon 3. Ils auraient été nommés fonctionnaires stagiaires au grade C 4 et classés à l'échelon 4. La requérante relève qu'elle a été recrutée, en tant que fonctionnaire stagiaire, le même jour que ses collègues. Or, bien que justifiant d'une ancienneté de service de presque neuf ans en tant qu'agent temporaire alors que ses collègues ne justifiaient que d'une ancienneté de quatre ans, elle aurait été recrutée au grade C 4, échelon 3, ce qui constituerait une discrimination par rapport à ses deux collègues. |
43 |
La partie défenderesse estime que l'argumentation de la requérante est fondée suide fausses prémisses. En effet, sa nomination comme agent temporaire au grade C 3 n'aurait pas constitué une promotion au sens du statut. Elle n'aurait résulté d'aucun examen comparatif des mérites de différents candidats promouvables, mais aurait été décidée, à la suite d'une demande du juge pour lequel la requérante avait travaillé, sur la seule base de son ancienneté. La partie défenderesse en conclut que la requérante ne peut pas prétendre à être privilégiée en grade par rapport à d'autres fonctionnaires et notamment à d'autres lauréats du concours EUR/C/22. Elle ne pourrait pas non plus prétendre que ces derniers sont moins méritants qu'elle-même. |
44 |
Selon la partie défenderesse, c'est à tort que la requérante affirme avoir été recrutée en tant que fonctionnaire à l'emploi qu'elle occupait précédemment en tant qu'agent temporaire. En réalité, elle aurait été nommée fonctionnaire dans un emploi affecté à la direction de la traduction, sa présence dans le cabinet en cause résultant d'un détachement de cette direction. Par conséquent, la requérante ne pourrait pas prétendre à la continuité d'un même emploi avant et après sa nomination comme fonctionnaire. |
45 |
La partie défenderesse relève que l'argumentation développée par la requérante ne lui permet pas de voir avec quelle catégorie de personnel la requérante prétend être dans une situation factuelle et juridique ne présentant pas de différences essentielles. Dans ce contexte, elle souligne qu'un agent temporaire relevant de l'article 2, sous c), du RAA, tel que la requérante, ne doit réussir aucun concours ni épreuve de recrutement. En revanche, de très nombreux candidats se présenteraient à des concours généraux des institutions communautaires sans les réussir. L'ancienneté de la requérante n'aurait pas été acquise en tant que lauréate d'un tel concours, mais en tant qu'agent temporaire relevant de l'article 2, sous c), du RAA. Elle ne pourrait donc pas prétendre être dans une situation identique à celle des autres lauréats du concours. |
46 |
La partie défenderesse souligne que les contrats d'agent temporaire relevant de l'article 2, sous a), sous b), et sous d), du RAA sont subordonnés à certaines limitations quant à leur durée, alors que l'engagement d'un agent temporaire visé à l'article 2, sous c), du RAA, tel que la requérante, ne peut être que de durée indéterminée. Par conséquent, ce dernier agent temporaire pourrait acquérir de l'ancienneté pendant une durée illimitée. Si son ancienneté pouvait être intégralement prise en compte le jour de sa réussite à un concours, le report d'ancienneté pourrait être excessivement important, ce qui fausserait la carrière des autres lauréats du concours. Ainsi, il serait aberrant, par rapport, notamment, aux autres lauréats du concours EUR/C/22, que l'intégralité de l'ancienneté acquise par la requérante en vertu de l'article 2, sous c), du RAA puisse être prise en compte lors de sa nomination en tant que lauréate dudit concours. Selon la partie défenderesse, la condition qui limite le bénéfice de la disposition litigieuse au cas où l'agent temporaire est nommé fonctionnaire «dans le même grade» qu'il occupait en tant qu'agent temporaire tend donc à protéger l'égalité de traitement des différentes catégories de fonctionnaires. |
47 |
Dans la mesure où la requérante développe une comparaison entre son cas et le cas de deux autres lauréats du concours EUR/C/22, la partie défenderesse estime que le classement au grade C 4, échelon 4, des deux collègues de la requérante représente une application correcte de l'article 32 du stamt. Tous les deux auraient été nommés fonctionnaires dans le même grade (C 4) à la suite immédiate de leur période de service en tant qu'agents temporaires. La requérante, en revanche, n'aurait pas été dans la même situation que ses deux collègues parce qu'elle aurait été nommée fonctionnaire dans un grade différent (C 4) que celui qu'elle occupait immédiatement auparavant en tant qu'agent temporaire (C 3). Cette difference de grade refléterait la réalité que la requérante avait été agent temporaire beaucoup plus longtemps que les deux autres personnes en question. Il y aurait donc une difference de situation qui justifie une différence de traitement. |
48 |
La partie défenderesse considère que la fonction même de la disposition litigieuse est de mettre une limite au report d'ancienneté permis à l'agent temporaire qui vient d'être nommé fonctionnaire. Les plus graves distorsions en résulteraient, et avec elles les plus sérieuses injustices vis-à-vis des autres fonctionnaires, si les agents temporaires ayant joui de contrats à durée indéterminée pouvaient reporter une ancienneté d'échelon d'une durée extrêmement longue. Si la condition d'application «dans le même grade» disparaissait, une ancienneté d'échelon illimitée devrait être reportée dans tous les cas où un agent temporaire devient fonctionnaire, et cela même en cas de changement de catégorie. |
49 |
Dans ce contexte, la partie défenderesse expose les hypothèses suivantes, qui démontrent, à son avis, que l'argumentation de la requérante aboutirait à des résultats exorbitants et injustes:
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50 |
Le Conseil, partie intervenante, se range à l'argumentation développée par la partie défenderesse. Se référant à l'historique du règlement litigieux, il précise que, dans sa proposition du 11 janvier 1989, transmise par lettre du 17 janvier 1989, la Commission expliquait les motifs de sa proposition d'ajout d'un troisième alinéa à l'article 32 du statut par la nécessité de permettre un «dépassement limité» des bonifications prévues au deuxième alinéa dudit article 32, compte tenu de la situation découlant de certains arrêts de la Cour de justice. Selon le Conseil, il s'agissait d'améliorer, de manière volontairement limitée, la situation des agents temporaires nommés fonctionnaires à la suite notamment de l'arrêt de la Cour du 19 avril 1988, Sperber/Cour de justice (37/87, Rec. p. 1943). Le législateur aurait dû trouver le point d'équilibre entre les différents intérêts en cause. |
51 |
Le Conseil souligne qu'un agent temporaire engagé pour une durée indéterminée peut, sans examen comparatif des mérites, mais sur simple demande du membre de l'institution pour lequel il travaille, bénéficier d'un passage à un grade supérieur, ce qui ne correspond pas à l'évolution normale des carrières de fonctionnaires. Si cette personne, lors de sa nomination en tant que fonctionnaire dans un grade inférieur, devait automatiquement bénéficier du maximum d'ancienneté d'échelon dans ce grade inférieur au motif qu'elle avait un grade supérieur lorsqu'elle était agent temporaire, il en résulterait une inégalité de traitement flagrante par rapport aux autres nouveaux fonctionnaires, dont les années d'expérience et la valeur professionnelle pourraient être supérieures, mais qui resteraient néanmoins soumis aux limites de bonification d'ancienneté d'échelon prévues par l'article 32, deuxième alinéa. |
52 |
A l'audience, les parties défenderesse et intervenante ont déclaré que la disposition litigieuse avait, en réalité, été conçue et adoptée pour remédier à la situation qui faisait l'objet de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Sperber/Cour de justice, précité. Dans cette affaire, M. Sperber, lauréat d'un concours général, n'aurait pas été immédiatement nommé fonctionnaire stagiaire, faute de moyens budgétaires, mais aurait été engagé comme agent temporaire. En cette qualité, il aurait passé plusieurs années et acquis l'échelon 4 dans son grade. Or, lors de sa nomination comme fonctionnaire, M. Sperber aurait été déclassé d'un échelon, étant donné que la bonification d'ancienneté d'échelon n'aurait pas pu dépasser l'échelon 3 prévu à l'article 32, deuxième alinéa. Les parties défenderesse et intervenante ont souligné que le législateur avait entendu rectifier ce cas de figure spécifique en adoptant la disposition litigieuse. |
Appréciation du Tribunal
53 |
II convient de rappeler, à titre liminaire, qu'il y a violation du principe d'égalité de traitement lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différence essentielle, se voient appliquer un traitement différent (arrêt du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T-100/92, RecFP p. II-275, point 50). Ce principe exige, dès lors, que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu'une telle différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêts de la Cour du 9 novembre 1995, Francovich, C-479/93, Rec. p. I-3843, point 23, et du Tribunal du 21 février 1995] Campo Ebro e.a./Conseil, T-472/93, Rec. p. II-421, point 82). |
54 |
Dans ce contexte, les parties défenderesse et intervenante ont souligné le caractère unique de la situation dans laquelle la requérante était placée lors de sa nomination en tant que fonctionnaire. Cette singularité, résultant de son affectation à un grade supérieur, exclurait toute comparaison soit avec la situation des autres lauréats du concours EUR/C/22 soit avec celle d'autres agents temporaires nommés fonctionnaires précisément «dans le même grade». La requérante considère, en revanche, que l'application dudit élément constitue, dans les circonstances particulières de sa situation, un obstacle arbitraire qui l'exclut sans justification valable du bénéfice de la disposition litigieuse. |
55 |
Compte tenu de ces arguments, il convient de déterminer quels sont les paramètres de comparaison pertinents pour répondre à la question de savoir si l'application du critère «dans le même grade» constitue, dans le cas spécifique de la requérante, une violation du principe d'égalité de traitement. A cet effet, il importe de tenir compte du libellé et de la finalité de la disposition litigieuse ainsi que de sa place dans l'économie du statut. |
56 |
II convient de rappeler, en premier lieu, que la disposition litigieuse fait partie de l'article 32 du statut, qui régit le classement en échelon des fonctionnaires lors de leur nomination. Pour les fonctionnaires recrutés dont l'AIPN considère qu'ils ne disposent ni d'une formation ni d'une expérience professionnelle spécifique, le classement est effectué au premier échelon de leur grade (article 32, premier alinéa). Pour tenir compte d'une telle formation et/ou expérience, l'AIPN «peut» accorder à l'intéressé une bonification d'ancienneté d'échelon, et cela selon les différents grades jusqu'à 48 ou 72 mois au maximum, c'est-à-dire jusqu'au troisième ou quatrième échelon du grade en cause (article 32, deuxième alinéa). |
57 |
C'est dans ce contexte que la disposition litigieuse prévoit qu'un agent temporaire nommé fonctionnaire garde, de plein droit, l'ancienneté d'échelon acquise en qualité d'agent temporaire, à condition qu'il soit nommé fonctionnaire dans le même grade à la suite immédiate de la période d'agent temporaire. |
58 |
Ainsi qu'il ressort du troisième considérant du règlement litigieux, la disposition litigieuse vise à permettre le dépassement des limites de bonification prévues à l'article 32, deuxième alinéa, pour tenir compte des années de service que le nouveau fonctionnaire a accumulées en tant qu'agent temporaire. Il est vrai que la proposition d'ajout de cette disposition, présentée par la Commission, fait état d'un «dépassement limité» des bonifications en cause. Toutefois, en dehors du critère litigieux «dans le même grade», de telles limites ne se manifestent, dans le texte même de la disposition litigieuse, ni par une différenciation entre les catégories d'agents temporaires visés, ni par la fixation d'un nombre maximal d'échelons susceptibles d'être reportés dans un grade donné, ni par des exigences quant à une certaine continuité entre les services accomplis en tant qu'agent temporaire et les activités exercées en tant que fonctionnaire. |
59 |
Dans ce contexte, il y a lieu de préciser, premièrement, que toutes les catégories d'agents temporaires énumérées à l'article 2, sous a), sous b), sous c) et sous d), du RAA entrent dans le champ d'application de la disposition litigieuse. Le libellé de cette disposition ne permet donc pas d'introduire une différenciation entre les diverses catégories d'agents temporaires. Il n'autorise notamment pas un traitement défavorable du seul groupe des agents temporaires relevant de l'article 2, sous c), du RAA. Il s'ensuit que la requérante ne peut pas faire l'objet d'un traitement particulier pour la seule raison qu'elle appartenait, à l'époque en question, à ce groupe d'agents. |
60 |
Il convient de rappeler, deuxièmement, que la disposition litigieuse ne fixe aucune limite maximale pour le report, à l'intérieur de chaque grade, de l'ancienneté d'échelon acquise. Ainsi, du seul fait de sa longue ancienneté d'échelon acquise en tant qu'agent temporaire, le nouveau fonctionnaire peut se voir classer, sans limite temporelle, à un échelon supérieur de son grade. |
61 |
En raison de ce choix législatif délibéré, toutes les allégations des parties défenderesse et intervenante, selon lesquelles le report automatique d'une ancienneté trop importante constituerait un avantage excessif injustifié pour les anciens agents temporaires par rapport aux fonctionnaires nommés dont l'expérience professionnelle acquise en dehors des Communautés ne pourrait être prise en compte qu'au titre de l'article 32, deuxième alinéa, doivent être rejetées comme dénuées de pertinence. |
62 |
Troisièmement, la disposition litigieuse n'exige pas que le report de l'ancienneté d'échelon acquise par un agent temporaire doive refléter une expérience professionnelle particulièrement utile pour l'emploi de fonctionnaire qu'il va occuper. Il s'avère donc que le législateur a voulu admettre une pleine imputabilité de l'ancienneté d'échelon même dans les cas où les activités en cause présentent des différences manifestes. |
63 |
Dans la mesure enfin où les parties défenderesse et intervenante renvoient à l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Sperber/Cour de justice, précité aux points 50 et 52, pour faire valoir que le législateur a envisagé le cas de figure spécifique de cette affaire, à savoir celui d'un lauréat d'un concours général qui, avant d'être nommé fonctionnaire, a été employé pendant une certaine période comme agent temporaire, le Tribunal constate que rien dans le texte de la disposition litigieuse ne permet de limiter son bénéfice aux seuls agents temporaires qui ont déjà réussi un concours général au moment de leur engagement. |
64 |
Il résulte de ce qui précède que la requérante, si elle ne se heurtait pas au seul élément «dans le même grade», entrerait dans le champ d'application de la disposition litigieuse et bénéficierait donc, de plein droit, du report intégral de son ancienneté d'échelon acquise en tant qu'agent temporaire. Le Tribunal en conclut qu'il faut comparer le cas de figure représenté par la situation concrète de la requérante - qui, affectée à un grade supérieur, n'occupait pas «le même grade» lors de sa nomination — avec le cas de figure d'un agent dans la même situation que la requérante, avec la seule différence qu'il satisfaisait au critère «dans le même grade» lors de sa nomination, afin de déterminer si ce critère justifie objectivement que la requérante soit exclue du bénéfice de la disposition litigieuse. |
65 |
Il est vrai que, comme les parties défenderesse et intervenante l'ont relevé, le critère «dans le même grade» pourrait avoir pour effet, en tout état de cause, d'exclure du champ d'application de la disposition litigieuse les cas d'un changement de catégorie. Ce raisonnement est toutefois dénué de pertinence pour le cas d'espèce, dans lequel il ne s'agit que d'une différence de grade, à l'intérieur d'une même catégorie. |
66 |
Il s'avère donc que la disposition litigieuse, tout en instaurant un système de bonification assez généreux (voir ci-dessus points 59 à 63), admet au bénéfice de ce système le seul agent temporaire qui, indépendamment de ses mérites, se trouve, de manière fortuite, dans la situation de pouvoir présenter sa candidature à un concours pour le recrutement de fonctionnaires du grade qui correspond précisément à celui qui, à ce moment-là, est le sien. C'est ainsi que les deux agents, dont la situation a été décrite ci-dessus (points 42 et 47), ont bénéficié de l'application de la disposition litigieuse, bien que leur ancienneté de service n'ait été que de quatre ans, c'est-à-dire moins de la moitié de celle dont justifiait la requérante. |
67 |
En ce qui concerne la requérante, il importe de rappeler que, avant d'être nommée fonctionnaire, elle a exercé, au cours de ses presque neuf années de service, essentiellement les mêmes activités de secrétariat et de dactylographie. Ce faisant, elle a acquis des expériences professionnelles homogènes. Ainsi qu'il ressort du dossier, même l'affectation de la requérante au grade C 3, qui a eu pour conséquence de l'évincer du champ d'application du règlement litigieux, a été motivée par la longue ancienneté de la requérante. |
68 |
En outre, le fait pour la requérante de ne pas avoir été nommée «dans le même grade» repose sur les circonstances fortuites que, d'une part, le concours EUR/C/22 a porté précisément sur le recrutement de dactylographes de grade C 4 et non pas de grade C 3 et, d'autre part, le classement de la requérante au grade C 3, avant sa nomination en tant que fonctionnaire stagiaire de grade C 4, a été possible, à cette époque précise, sur le plan administratif et budgétaire. |
69 |
Dans ces circonstances, le Tribunal estime que, en ce qui concerne la situation spécifique de la requérante — qui remplit toutes les autres conditions d'application de la disposition litigieuse, qui est lauréate d'un concours général externe, qui, en tant qu'ancien agent temporaire, a été classée, à l'intérieur d'une même catégorie, au grade immédiatement supérieur à celui de sa nomination comme fonctionnaire et qui, au cours de sa période de service comme agent temporaire, a toujours accompli les mêmes tâches de secrétariat et de dactylographie —, les parties défenderesse et intervenante n'ont pas pu établir une raison objective de nature à justifier la différence de traitement dont se plaint la requérante. |
70 |
Il faut notamment rejeter l'argumentation de la partie défenderesse selon laquelle le fait pour la requérante de ne pas satisfaire au critère «dans le même grade» reflète la réalité que la requérante a été agent temporaire trop longtemps. En effet, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus (point 60), la seule durée d'une ancienneté d'échelon n'est pas, en tant que telle, de nature à exclure l'intéressé du champ d'application de la disposition litigieuse, puisque le bénéfice de celle-ci peut s'étendre, en tout état de cause, jusqu'au dernier échelon de chaque grade. |
71 |
Dès lors, l'application du critère «dans le même grade» au cas de figure de la requérante reviendrait à lui opposer, en raison de la seule circonstance que le concours dont elle a été lauréate a été organisé en vue du recrutement d'agents au grade C 4 et non au grade C 3, un obstacle purement fortuit par rapport au cas de figure d'un agent temporaire placé dans la même situation sans pour autant avoir été classé à un grade supérieur. Il convient donc de constater que cet élément de la disposition litigieuse, en ce qu'il couvre la situation exceptionnelle de la requérante telle qu'elle a été décrite ci-dessus aux points 67 à 69, enfreint le principe d'égalité de traitement. |
72 |
II s'ensuit que l'article 32, troisième alinéa, du statut, pour autant qu'il contient l'élément d'application «dans le même grade», doit être déclaré inapplicable au cas d'espèce. Dans la mesure où la partie défenderesse a fait valoir qu'une telle inapplicabilité pourrait provoquer des distorsions graves dans l'application du statut allant bien au-delà du cas d'espèce, il y a lieu de rappeler que les effets juridiques du présent arrêt, en ce qu'il fait application de l'article 184 du traité, sont limités aux parties au litige (voir ci-dessus point 35). |
73 |
Ce résultat, limité au cas spécifique de la requérante, ne saurait être considéré comme une atteinte démesurée au pouvoir discrétionnaire dont le législateur communautaire jouit dans la détermination du principe, de la portée et des modalités du report de l'ancienneté d'échelon acquise par les agents temporaires devenus fonctionnaires. En effet, à la seule exception du cas de figure de la requérante, ce pouvoir législatif reste intact, alors que la requérante, à défaut de pouvoir soulever une exception d'illégalité contre l'élément «dans le même grade», n'aurait aucune faculté de soumettre au contrôle du juge communautaire la légalité de la décision administrative de classement en échelon qui lui fait grief. |
74 |
Le grief tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement étant fondé, il y a lieu d'annuler la décision attaquée sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par la requérante et tiré d'une violation des principes de vocation à la carrière et de bonne gestion. |
Sur les dépens
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Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens; si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. Les parties défenderesse et intervenante ayant succombé en l'essentiel de leurs conclusions et moyens, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens. Quant à la répartition des dépens, le Tribunal estime équitable que la partie intervenante supporte les dépens qu'elle a causés à la requérante du fait de son intervention. |
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (deuxième chambre) déclare et arrête: |
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Kalogeropoulos Bellamy Pirrung Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mars 1998. Le greffier H. Jung Le président A. Kalogeropoulos |
( *1 ) Langue de procédure: le français.