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Document 61994TJ0056

Urteil des Gerichts erster Instanz (Vierte Kammer) vom 16. Oktober 1996.
Raffaele de Santis gegen Kommission der Europäischen Gemeinschaften.
Beamte - Stellenausschreibung - Ermessensmißbrauch.
Rechtssache T-56/94.

Sammlung der Rechtsprechung – Öffentlicher Dienst 1996 I-A-00473; II-01325

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1996:147

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 octobre 1996 ( *1 )

«Fonctionnaires — Avis de vacance — Détournement de procédure»

Dans l'affaire T-56/94,

Raffaele de Santis, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représenté par Mes Jean-Noël Louis, Véronique Leclercq, Gréta-Françoise Parmentier et Ariane Tornei, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 16 décembre 1993 portant publication d'un avis de vacance de l'emploi COM/144/93 de chef de l'unité 1 («produits laitiers») de la direction D («organisation des marchés des produits animaux») de la direction générale VI (Agriculture),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio Gonzalez, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 20 juin 1996,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1

Le requérant est entré au service de la Commission le 1er mai 1973. Il est actuellement administrateur principal, classé au grade A 4 et affecté à l'unité 1 («produits laitiers») de la direction D («organisation des marchés des produits animaux») de la direction générale VI (Agriculture) (ci-après «unité VI.D.1»). Depuis 1989, il est responsable du régime des échanges internes et externes du secteur, y compris la coordination des travaux concernant les produits laitiers couverts par les accords entre la Communauté et certains pays tiers et par l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après «accord GATT»). Il ressort de son dernier rapport de notation, couvrant la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993, que, entre le 1er juin 1991 et le 31 août 1992, il a remplacé le chef de l'unité VI.D.1, lors des absences de ce dernier.

2

Le 16 décembre 1993, la Commission a publié l'avis de vacance d'emploi COM/144/93 de chef de l'unité VI.D.1 (ci-après «avis de vacance litigieux»), au titre des articles 4 et 29, paragraphe 1, sous a), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»). L'avis de vacance litigieux précisait que le titulaire de l'emploi serait chargé de diriger et de coordonner les travaux de l'unité VI.D.1. En ce qui concerne les qualifications nécessaires, l'avis de vacance litigieux indiquait: «Formation agronomique et en économie agricole requise, connaissances approfondies et expérience confirmée de l'organisation commune de marché de produits laitiers. Capacités de gestion indispensables.»

3

Le 5 janvier 1994, le requérant a introduit, en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision de la Commission du 16 décembre 1993 portant publication de l'avis de vacance litigieux.

4

Le 13 janvier 1994, date d'expiration du délai d'enregistrement des candidatures, cinq candidatures avaient été enregistrées, parmi lesquelles ne figurait pas celle du requérant, en raison, selon lui, des qualifications exigées par l'avis de vacance litigieux. Après avoir fixé le niveau du poste au grade A 5/A 4, la Commission a nommé audit poste, par voie de mutation, M. J., fonctionnaire de grade A 4 en service auprès de la direction générale de l'agriculture.

5

Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 31 janvier 1994, le requérant a introduit, en vertu de l'article 91, paragraphe 4, du statut, un recours visant, d'une part, à constater l'illégalité de la décision de la Commission du 19 juillet 1988 concernant le pourvoi des emplois d'encadrement intermédiaire [COM (88) PV 928, ci-après «décision du 19 juillet 1988»] et, d'autre part, à annuler la décision de la Commission du 16 décembre 1993 portant publication de l'avis de vacance litigieux.

6

Par acte séparé enregistré au greffe le même jour, le requérant a également introduit, en vertu de la même disposition du statut, une demande de suspension de la procédure de pourvoi de cet emploi. Par ordonnance du 11 mars 1994 (T-56/94 R, RecFP p. II-267), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et a réservé les dépens.

7

En raison de la connexité du présent recours et des deux affaires Kratz/Commission (T-10/94) et Benecos/Commission (T-16/94), et en accord avec les parties, le Tribunal a rendu le 30 mai 1994 une ordonnance prononçant la suspension de la présente procédure jusqu'aux décisions dans les deux autres affaires.

8

Le 17 mai 1995, le Tribunal a rendu deux arrêts dans les affaires Kratz/Commission (T-10/94, RecFP p. II-315), et Benecos/Commission (T-16/94, RecFP p. II-335), de sorte que la suspension de la présente procédure a pris fin. Par courrier du 26 mai 1995, le conseil du requérant a demandé à la Commission de lui préciser les mesures qu'elle comptait adopter dans la présente affaire, eu égard aux principes énoncés par le Tribunal dans les arrêts Kratz/Commission et Benecos/Commission, précités, sans cependant obtenir de réponse. Par courrier du 31 mai 1995, la Commission a fait savoir au Tribunal que, selon elle, les principes dégagés dans les arrêts invoqués ont implicitement rejeté la thèse du requérant selon laquelle l'avis de vacance litigieux aurait dû nécessairement viser un emploi du grade A 3. Elle a également affirmé que les autres moyens invoqués ne pouvaient être accueillis. Par courrier du 14 juin 1995, le requérant a informé le Tribunal qu'il maintenait son recours, la Commission ne lui ayant toujours pas précisé les mesures qu'elle comptait prendre après les arrêts du Tribunal susmentionnés.

9

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

10

La procédure orale s'est déroulée le 20 juin 1996. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal.

Conclusions des parties

11

Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

constater l'illégalité de la décision du 19 juillet 1988;

annuler la décision de la Commission portant publication de l'emploi COM/144/93 de chef de l'unité VI.D.1;

condamner la Commission aux dépens.

12

La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme non fondé;

statuer comme de droit sur les dépens.

Sur le fond

13

A l'appui de son recours, le requérant invoque deux moyens. Le premier est tiré de la violation des articles 5, 7, 29 et 45 du statut, ainsi que de son annexe I, et de l'illégalité de la décision du 19 juillet 1988. Le second est tiré d'un détournement de pouvoir et de la violation de l'article 27 du statut.

Premier moyen: violation des articles 5, 7, 29 et 45 du statut, ainsi que de son annexe I, et illégalité de la décision du 19 juillet 1988

Arguments des parties

14

En premier lieu, le requérant soutient que la décision du 19 juillet 1988 conduit l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») à ne pas respecter le principe de la correspondance entre l'emploi et le grade, énoncé aux articles 5 et 7 du statut, ainsi qu'en son annexe I, puisque cette décision lui permet de classer le niveau d'un emploi de chef de division aux grades A 3, A 4 et A 5, alors qu'il résulterait des dispositions statutaires évoquées qu'un tel emploi peut uniquement être pourvu au grade A 3.

15

En second lieu, le requérant reproche à la décision du 19 juillet 1988 d'autoriser l'AIPN à élaborer un avis de vacance qui n'indique pas le niveau exact de l'emploi à pourvoir, contrairement aux exigences de l'article 29, paragraphe 1, du statut. Une telle possibilité méconnaîtrait le rôle essentiel de l'avis de vacance, tel qu'il a été défini par la jurisprudence, à savoir informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible sur la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (arrêt de la Cour du 18 février 1982, Ruske/Commission, 67/81, Rec. p. 661, point 9). Dans la mesure où l'avis de vacance litigieux se fonde sur la décision du 19 juillet 1988, le requérant prétend qu'il est entaché de la même illégalité et doit dès lors être annulé.

16

Au stade de sa réplique, le requérant met en exergue les imprécisions de l'avis de vacance qui l'auraient conduit à ne pas poser sa candidature. Outre l'absence d'une indication précise du grade de l'emploi à pourvoir, il dénonce l'utilisation du terme «formation» qui n'indiquerait pas si un diplôme dans les disciplines répertoriées est requis ou si une expérience pratique peut suffire. Au surplus, il estime que l'exigence de «capacités de gestion» est incompréhensible, puisque chaque chef d'unité est supposé en disposer. Une capacité de cette nature, qui n'aurait jamais été précisée pour la vacance d'un tel poste, ne pourrait dès lors pas constituer une qualification spécifique requise. Par conséquent, cette mention obscure aurait contribué à l'imprécision de l'avis de vacance litigieux, qui aurait été telle que celui-ci ne permettait ni au requérant d'apprécier s'il y avait lieu de poser sa candidature, ni à l'AIPN de procéder à un examen comparatif pertinent des mérites des candidats, ni au juge communautaire d'exercer son contrôle juridictionnel.

17

La Commission considère que ce moyen ne peut pas être accueilli.

18

En premier lieu, elle allègue, en se référant à l'arrêt Kratz/Commission, précité (point 53), que la décision du 19 juillet 1988 ne méconnaît pas le principe de correspondance entre l'emploi et le grade, en ce qu'elle permet de classer le niveau d'un poste de chef d'unité au grade A 5 ou A 4, le Tribunal ayant estimé que l'article 7 du statut et son annexe I n'exigent pas que les postes de chef d'unité soient nécessairement pourvus au grade A 3.

19

En second lieu, la Commission rétorque que le requérant ne saurait se prévaloir de l'illégalité de la décision du 19 juillet 1988, en ce qu'elle permet de publier un avis de vacance d'un emploi de grade A 3, A 4 ou A 5, sans indication plus précise du grade requis. En l'espèce, la fixation ultérieure du niveau du poste litigieux au grade A 5/A 4 n'aurait en effet pas affecté le requérant dans sa position de candidat potentiel à l'emploi, puisqu'il était fonctionnaire de grade A 4. De plus, même si le niveau de l'emploi vacant avait été fixé au grade A 3, le requérant, du grade A 4, aurait tout de même pu être nommé à ce poste par voie de promotion.

20

Au stade de sa duplique, la Commission remarque que l'argumentation supplémentaire proposée par le requérant dans sa réplique pourrait constituer une modification du premier moyen et serait pour cette raison, à défaut d'un fait nouveau, irrecevable. Néanmoins, elle souligne á nouveau que toutes les qualifications requises dans l'avis de vacance litigieux étaient pertinentes par rapport à la nature de l'emploi vacant et qu'elles étaient suffisamment précises pour permettre à l'AIPN d'exercer son pouvoir d'appréciation dans la comparaison des titres des candidats.

21

Elle ajoute que l'exigence d'une «formation» agronomique et en économie agricole n'impose nullement aux candidats l'obligation de disposer d'un diplôme dans ces domaines. Par ailleurs, elle s'étonne que le requérant mette en cause la pertinence de l'exigence expresse d'une capacité de gestion, alors qu'elle doit nécessairement être présente dans le chef des candidats qui aspirent à assumer la responsabilité d'une unité et figure, par conséquent, presque toujours dans les avis de vacance d'emploi de chef d'unité, contrairement à ce qu'affirme le requérant.

Appréciation du Tribunal

22

En introduisant le présent recours sans avoir présenté sa candidature à la suite de la publication de l'avis de vacance litigieux, le requérant a considéré que celui-ci faisait obstacle au dépôt de sa candidature. Dans ce contexte, il convient d'apprécier la pertinence et le bien-fondé des moyens invoqués, ainsi que le requérant l'a précisé à l'audience.

23

Le requérant ne saurait d'abord se prévaloir de l'illégalité de la décision du 19 juillet 1988 en ce qu'elle violerait le principe de la correspondance entre l'emploi et le grade. En effet, il est fonctionnaire de grade A 4. Or, l'avis de vacance litigieux prévoyait le classement ultérieur du candidat nommé au grade A 3, A 4 ou A 5. Le requérant ne saurait dès lors prétendre avoir été victime d'une violation du principe susvisé, puisque l'annonce des grades requis ne l'empêchait pas de poser sa candidature (voir, dans le même sens, l'arrêt du Tribunal Benecos/Commission, précité, points 47 et 48). Comme il invoque la violation des autres dispositions citées dans le premier moyen uniquement pour étayer sa thèse relative à la prétendue illégalité de la décision du 19 juillet 1988, ledit moyen n'a pas non plus d'objet pour autant qu'il se rapporte à ces autres dispositions.

24

Ensuite, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'argument relatif à l'imprécision de l'avis de vacance litigieux constitue un moyen nouveau au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, il importe de relever que la prétendue imprécision de l'avis de vacance litigieux n'était pas de nature à faire obstacle au dépôt de la candidature du requérant. En effet, le fait même d'avoir considéré que les exigences imposées dans l'avis de vacance litigieux étaient imprécises implique que le requérant n'a pas pu déterminer avec certitude si l'avis de vacance litigieux ferait obstacle à sa candidature. Dans une telle situation, si le requérant s'était porté candidat, il aurait été en droit de contester l'éventuel rejet de sa candidature en excipant de l'imprécision de l'avis de vacance litigieux. Par conséquent, l'argument du requérant tiré de la prétendue imprécision de l'avis de vacance litigieux est sans objet.

25

Enfin, en tout état de cause, ni l'absence d'indication précise du niveau de l'emploi à pourvoir, ni l'utilisation du terme «formation», ni la condition relative aux «capacités de gestion» ne sont des exigences de l'avis de vacance litigieux qui étaient de nature à empêcher le requérant de se porter candidat. Ainsi, le requérant étant fonctionnaire de grade A 4 (voir ci-dessus point 23), les précisions de l'avis de vacance litigieux relatives au grade de l'emploi à pourvoir ne faisaient pas obstacle à sa candidature. En ce qui concerne le terme «formation», il signifiait, à première vue, que les fonctionnaires non titulaires d'un diplôme dans les disciplines répertoriées dans l'avis de vacance litigieux, mais en mesure de faire valoir une expérience pratique correspondante, étaient également autorisés à présenter leur candidature. Quant à l'exigence de capacités de gestion, elle n'excluait pas a priori la candidature d'un fonctionnaire ayant déjà occupé le poste de chef d'unité en cause, en remplacement de ce dernier lors de ses absences.

26

Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen ne saurait être accueilli.

Second moyen: détournement de pouvoir et violation de l'article 27 du statut

Arguments des parties

27

En imposant aux candidats des qualifications imprécises dans le seul but de nommer un candidat choisi à l'avance, à savoir M. J., l'avis de vacance litigieux démontrerait, d'une part, l'existence d'un détournement de pouvoir et, d'autre part, la violation de l'article 27 du statut.

28

Il y aurait eu un détournement de pouvoir dans la mesure où les fonctionnaires de formation juridique auraient été privés du droit de se porter candidat, puisque l'avis de vacance litigieux exigeait une formation agronomique et en économie agricole.

29

Or, le titulaire antérieur du poste à pourvoir, qui aurait toujours exercé ses fonctions à la plus grande satisfaction de sa hiérarchie, aurait possédé une formation juridique. En outre, une formation juridique serait nécessaire pour exercer la fonction de chef de l'unité VI.D.1, qui exige des connaissances spécifiques telles qu'une connaissance approfondie des «produits laitiers», du régime des échanges internes et externes du secteur en la matière, des accords conclus entre la Communauté et certains pays tiers, de l'accord GATT, ainsi que la capacité de rédiger des rapports relatifs au secteur des produits laitiers à l'occasion des prochaines adhésions de pays tiers à la Communauté.

30

Le nom du fonctionnaire finalement nommé à ce poste aurait été déjà «annoncé» dans une publication de la presse spécialisée le 21 décembre 1993, six jours à peine après la publication de l'avis de vacance litigieux. Cette annonce confirmerait que ce fonctionnaire était un candidat choisi à l'avance. Elle ne saurait être qualifiée de rumeur, puisque l'information circulait déjà avec insistance avant l'expiration de la date limite pour le dépôt des candidatures.

31

Au stade de la réplique, le requérant réfute l'allégation de la Commission selon laquelle la création d'une unité juridique au sein de la DG VI aurait conduit l'AIPN à définir à nouveau le poste litigieux. Ainsi que cela ressortirait en effet de l'organigramme de la DG VI établi en 1978, un tel service aurait déjà existé à cette époque. Au surplus, la Commission n'aurait pas expliqué les nouveaux procédés technologiques qui rendraient nécessaires la formation agronomique et en économie agricole du chef de l'unité VI.D.l. En tout état de cause, cette explication serait uniquement valable si le candidat nommé venait de terminer récemment, avant sa nomination, une telle formation. A défaut, il ne pourrait pas avoir connaissance des derniers développements technologiques. Or, le fonctionnaire nommé, M. J., aurait achevé de telles études dans les années 70, soit plus de dix ans avant la publication de l'avis de vacance litigieux. D'ailleurs, la Commission n'aurait pas développé le même raisonnement en réponse à une question parlementaire ayant trait à la présente affaire.

32

Quant à la violation de l'article 27 du statut, elle résulterait du comportement de la Commission, qui aurait tellement restreint le champ de recherche des candidats au poste de chef de l'unité VI.D.1 qu'elle ne pouvait plus nommer le fonctionnaire possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité.

33

La Commission répond que ce moyen non plus n'est pas fondé. Une décision ne serait entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du Tribunal du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T-80/92, Rec. p. II-1465, point 70, et du 8 juin 1995, Allo/Commission, T-496/93, RecFP p. II-405, point 53). En outre, en matière de détermination des qualifications requises pour un emploi vacant, l'AIPN disposerait d'un large pouvoir d'appréciation. Le contrôle juridictionnel devrait dès lors se limiter à examiner si l'institution défenderesse n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation ou fait preuve d'un détournement de pouvoir.

34

Dans un tel contexte, la condition d'une formation agronomique et en économie agricole aurait été entièrement justifiée au vu des exigences structurelles du secteur concerné. A ce propos, la Commission se réfère à l'évolution technologique constante permettant de produire une gamme de produits à base de lait toujours plus variée et plus complexe, à l'importance croissante des aspects économiques et financiers du secteur, compte tenu de la discipline budgétaire, ainsi qu'à la création d'une cellule juridique au sein de la DG VI. Même si la Commission reconnaît qu'un service juridique existait déjà au sein de la DG VI depuis 1978, elle insiste sur le fait que, depuis la nomination du titulaire antérieur de l'emploi litigieux, les effectifs de ce service ont été considérablement renforcés, de sorte que, actuellement, deux juristes suivent à temps plein les problèmes juridiques du secteur laitier. L'argument garderait dès lors toute sa pertinence, la problématique juridique des produits laitiers devant être suivie d'une manière constante. Le fait que le titulaire antérieur du poste vacant ait été de formation juridique n'aurait pas été de nature à remettre en cause les raisons objectives précitées pour lesquelles l'AIPN avait modifié le profil du chef d'unité en question. La Commission remarque que l'avis de vacance litigieux exigeait uniquement une formation agronomique et en économie agricole et non pas des diplômes dans ces matières, de sorte que le requérant aurait pu faire valoir la formation acquise dans les domaines visés.

35

Ensuite, l'article publié dans la presse spécialisée avant que la procédure de nomination n'ait abouti n'aurait rapporté qu'une rumeur. Il n'établirait dès lors pas que le fonctionnaire avait déjà été choisi à l'avance et, par conséquent, ne constituerait pas la preuve d'un détournement de pouvoir.

36

Enfin, aucune contradiction n'existerait entre les arguments avancés par la Commission dans les actes de la présente procédure et ses observations en réponse à une question parlementaire ayant trait à la présente affaire. En effet, la réponse à la question parlementaire aurait précisé que les qualifications exigées par l'avis de vacance litigieux reflétaient la situation existant au moment de la publication de ce dernier, situation qui pouvait se différencier de la situation existant en 1981 à l'occasion de la précédente vacance du poste de chef de l'unité VI.D.1.

Appréciation du Tribunal

37

Il ressort d'une jurisprudence constante que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise et se réfère à l'usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir, à titre d'exemples, arrêts du Tribunal du 2 février 1995, Frederiksen/Parlement, T-106/92, RecFP p. II-99, point 47, du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T-562/93, RecFP p. II-737, point 62, Allo/Commission, précité, point 53, et, en dernier lieu, du 11 juin 1996, Correia/Commission, T-118/95, RecFP p. II-835, point 25).

38

Selon le requérant, le détournement de pouvoir consiste en l'espèce en certaines exigences particulières imposées dans l'avis de vacance litigieux, dans le seul but de pouvoir nommer un candidat choisi à l'avance, à savoir M. J.

39

Le Tribunal considère que les raisons retenues par la Commission pour justifier l'exigence d'une formation agronomique et en économie agricole dans le chef du futur chef de l'unité VI.D. 1 contredisent l'existence d'un détournement de pouvoir. En effet, le requérant n'a pas contesté que le secteur des produits laitiers a connu une évolution technologique constante. Dans un tel environnement, la Commission a donc raisonnablement pu considérer qu'un fonctionnaire ayant reçu une formation agronomique et en économie agricole, même si elle n'avait pas été achevée à une date récente, était plus apte à faire face à cette évolution technologique en tant que chef de l'unité VI.D.1 qu'un fonctionnaire de formation juridique. En outre, la Commission pouvait invoquer l'accroissement des effectifs du service juridique de la DG VI durant l'exercice des fonctions du précédent chef de l'unité VI.D. 1. Deux juristes suivaient ainsi à temps plein les problèmes juridiques rencontrés dans le secteur laitier, de sorte qu'il n'était plus nécessaire que le chef d'unité fût un juriste.

40

Aucune contradiction n'existe entre les explications fournies par la Commission à l'occasion de la présente procédure et sa réponse à une question parlementaire ayant trait à cette affaire. Au contraire, dans cette réponse, la Commission a également souligné que la situation au moment de la publication de l'avis de vacance litigieux se différenciait de la situation régnant en 1981, au moment de la dernière vacance du poste de chef de l'unité VI.D. 1, ce qui correspond aux explications fournies par la Commission dans ses mémoires.

41

Enfin, l'annonce par la presse spécialisée de la nomination imminente de M. J. en tant que chef de l'unité VI.D.l ne constitue pas non plus un indice objectif et pertinent susceptible de démontrer l'existence d'un détournement de pouvoir. En effet, il ressort des termes mêmes de cet article («Tipped to be the new head of the milk division is [Mr. J.], currently head of the milk quota administration») que cette prétendue annonce rapportait une simple rumeur. En outre, une prévision de la presse spécialisée qui se révèle ensuite exacte ne peut en aucun cas constituer l'indication d'un détournement de pouvoir.

42

Il ne saurait dès lors être déduit des éléments qui précèdent que le choix du fonctionnaire à nommer au poste de chef de l'unité VI.D.l avait déjà été arrêté avant le déclenchement de la procédure de pourvoi de l'emploi et que, par conséquent, l'avis de vacance litigieux avait été élaboré pour correspondre aux caractéristiques dudit fonctionnaire.

43

Il ressort de tout ce qui précède qu'aucun détournement de pouvoir n'a été établi.

44

En ce qui concerne la prétendue violation de l'article 27 du statut, le Tribunal observe que, à défaut d'un détournement de pouvoir, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir restreint le champ de recherche des candidats au poste de chef de l'unité VI.D.l. Par suite, l'argument du requérant tiré de l'article 27 n'a plus d'objet et doit être rejeté. En tout état de cause, il convient de souligner que le requérant n'a pas apporté d'éléments supplémentaires susceptibles d'étayer cet argument.

45

Il s'ensuit que le second moyen doit également être rejeté.

46

Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

47

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens, chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

 

Lenaerts

Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 octobre 1996.

Le greffier

H. Jung

Le président

K. Lenaerts


( *1 ) Langue de procédure: te français.

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