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Document 61993TJ0536

Urteil des Gerichts erster Instanz (Vierte Kammer) vom 27. Oktober 1994.
Hartwig Benzler gegen Kommission der Europäischen Gemeinschaften.
Beamte - Ruhegehalt - Berichtigungskoeffizient - Änderung der Hauptstadt.
Rechtssache T-536/93.

Sammlung der Rechtsprechung – Öffentlicher Dienst 1994 I-A-00245; II-00777

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1994:264

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

27 octobre 1994 ( *1 )

«Fonctionnaires — Pension — Coefficient correcteur — Changement de capitale»

Dans l'affaire T-536/93,

Hartwig Benzler, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Munich (Allemagne), représenté par Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Joseph Griesmar, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation du bulletin de pension du requérant afférent au mois de janvier 1993, pour autant que celui-ci fait application d'un coefficient correcteur calculé par référence au coût de la vie à Bonn,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. C. P. Briët, président, A. Saggio et C. W. Bellamy, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 14 juillet 1994,

rend le présent

Arrêt

Les faits à l'origine du recours

1

Le requérant est un ancien fonctionnaire de la Commission qui a été admis à la retraite avec effet au 31 décembre 1992.

2

En application de l'article 82, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), les pensions des anciens fonctionnaires sont affectées du coefficient correcteur fixé pour le pays où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence.

3

Dans son premier bulletin de pension, afférent au mois de janvier 1993, dont l'intéressé affirme avoir reçu communication fin janvier 1993, la Commission a liquidé la pension du requérant en faisant application du coefficient correcteur 96,1. Il s'agissait du coefficient correcteur pour l'Allemagne (sauf Berlin et Munich), fixé par l'article 6, paragraphe 2, du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 3761/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, adaptant, à compter du 1er juillet 1992, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 383, p. 1, ci-après «règlement no 3761/92»). Ce règlement fixait encore un coefficient correcteur spécifique pour Berlin (107,1) et pour Munich (106,0).

4

Une note sous l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92 précise que le coefficient correcteur pour l'Allemagne (sauf Berlin et Munich) est fixé «sans préjudice des décisions que le Conseil est appelé à prendre suite à la proposition de la Commission du 10 septembre 1991 [SEC(91) 1612 final]». Il convient d'observer que, dans ce projet de règlement, la Commission avait proposé que le coefficient correcteur général pour l'Allemagne soit fixé sur la base du niveau du coût de la vie à Berlin, suite au fait que cette ville était devenue la nouvelle capitale du pays réunifié, le 3 octobre 1990.

5

Le requérant estimant qu'aurait dû être appliqué à sa pension, soit le coefficient correcteur prévu pour Berlin, la nouvelle capitale de l'Allemagne depuis le 3 octobre 1990, soit le coefficient correcteur pour Munich, lieu de sa résidence, a introduit, en avril 1993, une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut à l'encontre de son bulletin de pension de janvier 1993.

6

La Commission a rejeté cette réclamation par décision du 26 juillet 1993. La décision de rejet a été notifiée au requérant par lettre du 3 août 1993, qui lui est parvenue le 10 août 1993.

La procédure

7

C'est dans ces circonstances que le requérant a introduit le présent recours par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 1993.

8

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Par lettres du greffier du 26 mai 1994, le Tribunal a toutefois posé quelques questions écrites aux parties et au Conseil. Le requérant, la Commission et le Conseil ont répondu à ces questions par lettres datées respectivement du 13, du 16 et du 27 juin 1994.

9

Les parties ont été entendues en leur plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 14 juillet 1994.

Conclusions des parties

10

Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

déclarer le recours recevable et fondé;

annuler la fiche de janvier 1993 contenant le décompte de droits à pension du requérant, dans la mesure où celle-ci fait apparaître, comme référence pour le calcul du coefficient correcteur, la ville de Bonn et non celle de Berlin ou de Munich;

obliger la Commission à prendre toutes les mesures nécessaires que comporte l'exécution de l'arrêt, sans attendre une réglementation nouvelle du Conseil;

condamner la Commission à l'ensemble des dépens.

11

La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours;

statuer comme de droit sur les dépens.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

12

La Commission estime, dans son mémoire en défense, que le recours est irrecevable du fait que le bulletin de pension attaqué ne traduit pas un acte faisant grief, affectant de manière définitive la situation juridique du requérant (arrêts de la Cour du 28 mai 1970, Richez-Parise e.a./Commission, 19/69, 20/69, 25/69 et 30/69, Rec. p. 325, 336, et du 9 juillet 1970, Fiehn/Commission, 23/69, Rec. p. 547, 557). A cet égard, la Commission fait valoir que le règlement no 3761/92 sur la base duquel le bulletin de pension litigieux a été établi, n'a fixé qu'à titre provisoire le coefficient correcteur contesté et que, dès lors, la liquidation du traitement, traduite dans le bulletin en cause, n'a également qu'un caractère provisoire.

13

Dans sa réplique, le requérant rappelle la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, selon laquelle l'acte faisant grief, susceptible de faire l'objet d'une réclamation et, le cas échéant, d'un recours, est celui qui est de nature à affecter une situation juridique déterminée (arrêts de la Cour du 1er juillet 1964, Pistoj/Commission, 26/63, Rec. p. 673, 695, et du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, 401; arrêt du Tribunal du 3 avril 1990, Pfloeschner/Commission, T-135/89, Rec. p. II-153, II-158; ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, II-255). Il estime que le fait qu'un acte est susceptible d'être remplacé par un autre n'empêche pas que le premier acte puisse faire grief durant sa période d'existence. Le requérant fait remarquer que le coefficient correcteur de 96,1, fixé à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92, s'applique pleinement depuis l'entrée en vigueur de celui-ci, soit depuis le 1er juillet 1992, et que la réserve faite par le Conseil dans le règlement no 3761/92 n'a donc pas eu pour objet ou effet de suspendre l'application du mécanisme des coefficients correcteurs pour les rémunérations ou pensions à payer en Allemagne. Le requérant estime, dès lors, que le bulletin de pension litigieux, qui ne précise nullement qu'il ne constituerait qu'un acte provisoire et qui a été établi en exécution du règlement no 3761/92, est un acte faisant grief qui est susceptible d'être attaqué devant le Tribunal.

14

Dans sa duplique, la Commission rétorque qu'il ne suffit pas que l'acte soit un acte de nature à affecter une situation juridique déterminée pour pouvoir faire l'objet d'une réclamation et éventuellement d'un recours. Il faut, de plus, selon la Commission, que l'acte émane de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») (arrêt de la Cour du 27 octobre 1981, Venus et Obert/Commission et Conseil, 783/79 et 786/79, Rec. p. 2445, 2461) et qu'il traduise une décision définitive (arrêt du Tribunal du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T-46/90, Rec. p. II-699, II-708; ordonnance du Tribunal du 14 décembre 1993, Calvo Alonso-Cortés/Commission, T-29/93, Rec. p. II-1389, II-1403). La Commission estime que le coefficient correcteur de 96,1, tel qu'arrêté par le règlement no 3761/92 pour l'Allemagne à compter du 1er juillet 1992«sans préjudice des décisions que le Conseil est appelé à prendre suite à la proposition de la Commission du 10 septembre 1991», n'est qu'un coefficient provisoire. La conséquence en est, selon la Commission, que la liquidation des droits pécuniaires du requérant, telle qu'opérée dans le bulletin de pension litigieux en application du coefficient correcteur provisoire, n'a pu elle-même que revêtir un caractère également provisoire. Quant à l'argument tiré de l'absence de mention, dans l'acte attaqué, de son caractère provisoire, la Commission fait valoir que le point de savoir si un acte constitue ou non un acte faisant grief n'est pas fonction de la manière dont le ressent l'intéressé, mais de critères objectifs. Enfin, la Commission fait observer que le caractère provisoire du coefficient correcteur (96,1) fixé pour l'Allemagne, sauf Berlin et Munich, par le règlement no 3761/92 ne tient pas à la durée limitée de ce règlement, lequel n'a finalement régi que la période comprise entre le 1er juillet 1992 et le 30 juin 1993. Selon la Commission, le caractère provisoire tient à la circonstance que, de la volonté même du législateur, le coefficient correcteur litigieux a été fixé «sans préjudice» de sa révision, pour la même période que celle couverte par le règlement no 3761/92, à l'issue de l'examen de la proposition de la Commission du 10 septembre 1991.

Appréciation du Tribunal

15

Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, un bulletin de rémunération constitue un acte faisant grief au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, susceptible de faire l'objet d'une réclamation et éventuellement d'un recours (arrêts de la Cour du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, Rec. p. 195, 203, point 4, du 4 juillet 1985, Délhez e.a./Commission, 264/83, Rec. p. 2179, 2186, point 20).

16

Le requérant estime que l'acte faisant grief en l'espèce est la décision de la Commission d'appliquer à sa pension le coefficient correcteur provisoire pour l'Allemagne prévu à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92. Selon le requérant, cette décision est incorporée dans son bulletin de pension de janvier 1993, dont il demande, dans cette mesure, l'annulation.

17

S'agissant du prétendu caractère provisoire de l'acte attaqué, le Tribunal rappelle que seul un acte constituant la manifestation définitive de la volonté d'une institution communautaire peut constituer un acte faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours (voir notamment arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, I-1184, point 27; arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, II-857, point 39).

18

Le Tribunal constate que, bien que le règlement no 3761/92, sur lequel la décision litigieuse est fondée, ait fixé d'une manière provisoire le coefficient correcteur pour l'Allemagne, la Commission ne pourra plus revenir sur cette décision aussi longtemps que le Conseil n'a pas adopté un règlement modifiant, avec effet rétroactif, le règlement no 3761/92. Le Tribunal estime qu'une décision de la Commission qui ne pourra être modifiée qu'à la suite de l'adoption d'un acte réglementaire par le Conseil, avec effet rétroactif, constitue un acte définitif, susceptible de faire l'objet d'un recours.

19

Il s'ensuit que la demande tendant à l'annulation du bulletin de pension du requérant de janvier 1993 est recevable.

Sur le fond

20

Le requérant invoque trois moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de la violation du principe d'égalité de traitement. Le deuxième est pris de la violation de l'article 65 bis du statut et des articles 1 et 9 de l'annexe XI du statut et le troisième est tiré de la violation du principe de sollicitude et d'assistance. Le Tribunal estime qu'il convient d'examiner d'abord le deuxième moyen.

Argumentation des parties

21

Le requérant fait valoir que les articles 64 et 65 du statut et les modalités d'application contenues à l'annexe XI du statut énoncent le principe selon lequel le coefficient correcteur pour un pays est fixé en fonction du coût de la vie dans sa capitale. Des coefficients correcteurs pour des lieux déterminés peuvent néanmoins être retenus s'il existe une distorsion sensible du pouvoir d'achat entre ces lieux et la capitale. Selon le requérant, la Commission était donc tenue de faire application du coefficient correcteur de la capitale Berlin, ou à tout le moins celui de Munich, lorsqu'elle a établi le bulletin de pension litigieux et non du coefficient correcteur pour l'Allemagne, fixé à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92, sur la base du coût de la vie à Bonn. Selon le requérant, les articles du statut contiennent en effet des dispositions imperatives qui prévalent, en cas de conflit, sur une réglementation d'application qui y contrevient.

22

La Commission fait valoir que ce moyen est inopérant dans la mesure où les articles 64 et 65 du statut sont des dispositions qui attribuent au Conseil, et non pas à la Commission, une compétence exclusive pour fixer les coefficients correcteurs. La Commission estime qu'elle aurait commis un excès de pouvoir si elle avait appliqué d'office, pour liquider la pension du requérant, un coefficient correcteur pour l'Allemagne différent de celui prévu à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92, règlement qui a été adopté par le Conseil dans l'exercice de ses compétences institutionnelles et dont la force obligatoire ne peut être déniée.

23

Le requérant fait valoir, dans sa réplique, que le statut et ses annexes apparaissent comme un règlement de base et que les règlements d'application ne peuvent méconnaître les principes qui y sont inscrits. Dès lors, en établissant l'acte attaqué sur la base d'un règlement d'application qui viole les principes inscrits aux articles 64 et 65 et à l'annexe XI du statut, la Commission, dans son rôle d'AIPN, a fondé le bulletin de pension du requérant sur un règlement illégal et, ce faisant, a méconnu les principes inscrits dans le statut. Si la Commission avait appliqué, malgré le règlement no 3761/92 le coefficient correcteur de Berlin, ou à tout le moins celui de Munich, elle ne se serait, selon le requérant, nullement rendue coupable d'un excès de pouvoir, mais se serait bornée à agir dans la légalité.

24

La Commission, bien qu'elle reconnaisse qu'un règlement d'application doit respecter les dispositions du statut, estime, dans sa duplique, que le principe de hiérarchie des normes ne lui donne pas compétence ni pour empiéter sur les pouvoirs du Conseil, seul habilité à arrêter le statut et les règlements d'application, ni pour se substituer au Conseil dans le cas où elle estimerait que le Conseil a méconnu une norme supérieure en adoptant un règlement d'application. A cet égard, elle fait référence à l'arrêt de la Cour du 14 juin 1990, Weiser (C-37/89, Rec. p. I-2395, I-2422). De plus, la Commission estime que le Tribunal ne peut se prononcer sur la légalité du coefficient correcteur prévu à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92 que par le biais d'une exception d'illégalité. La Commission, qui fait remarquer qu'en l'espèce le Tribunal n'est pas saisi d'une telle exception, estime que le requérant tente d'obtenir, par un détournement de procédure, un résultat semblable à celui qui résulterait d'un constat ď inapplicabilité de l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92.

25

Répondant à des questions du Tribunal relatives à la hiérarchie des normes, la Commission et le Conseil ont fait valoir, dans leurs lettres datées respectivement du 16 et du 27 juin 1994, que le règlement (CECA, CEE, Euratom) no 3830/91 du Conseil, du 19 décembre 1991, modifiant le statut et le régime applicable aux autres agents des Communautés, en ce qui concerne les modalités d'application des rémunérations (JO L 361, p. 1, ci-après «règlement no 3830/91») - règlement qui a, entre autres, ajouté l'annexe XI au statut - constitue un ensemble de normes de rang supérieur par rapport aux dispositions du règlement no 3761/92. A la question de savoir si l'annexe XI du statut impose au Conseil l'obligation de fixer un coefficient correcteur pour un État membre par rapport au coût de la vie dans sa capitale, la Commission et le Conseil ont répondu à cette question par l'affirmative. Toutefois, le Conseil a précisé que, lorsqu'il ne dispose pas de données statistiques suffisamment précises, il est justifié qu'il fixe un coefficient correcteur provisoire dans l'attente d'une vérification ultérieure par la Commission. Le Conseil a ajouté dans sa lettre du 27 juin 1994:

«3.1.

C'est d'ailleurs bien dans la situation décrite ci-dessus que le Conseil s'est trouvé lorsqu'il s'est agi de fixer, à partir du 1er octobre 1990, les coefficients correcteurs pour la République fédérale d'Allemagne. Les instances du Conseil ont exprimé de fortes réticences à l'égard de la proposition de la Commission visant à tirer les conséquences du changement de la capitale de l'Allemagne, intervenu le 3 octobre 1990 suite au ‘Traité d'Unification’ et impliquant que le coefficient correcteur applicable pour l'ensemble de ce pays — à l'exception de Bonn et de Karlsruhe - soit fixé au niveau de Berlin.

Ces réticences tenaient au fait que les données statistiques disponibles ne reflétaient pas pleinement la nouvelle situation résultant de l'unification allemande et que le changement de capitale n'avait pas encore produit d'effets significatifs; la proposition de la Commission s'avérait donc prématurée.

3.2.

Le Conseil a ainsi estimé que les éléments dont il disposait à la fin de l'année 1991 ne lui permettaient pas encore de statuer sur la proposition de la Commission pour la fixation des coefficients correcteurs pour la République fédérale d'Allemagne à partir du 1er octobre 1990.

Il a donc demandé à la Commission de lui soumettre préalablement une analyse approfondie portant sur les aspects statistiques, économiques, concrets et juridiques à la base de sa proposition, celle-ci demeurant entre-temps sur la table du Conseil.

En conséquence, il décidait de fixer les coefficients correcteurs pour l'Allemagne à titre provisoire, dans les conditions alors en vigueur, étant entendu que les coefficients correcteurs définitifs seraient adoptés avec effet rétroactif.

La Commission s'est engagée à soumettre au Conseil les éléments demandés, dans les délais les plus brefs.

3.3.

Le Conseil est amené à constater que la Commission ne lui ajamáis fourni l'étude complémentaire sollicitée. Or, elle était, pour lui, un élément essentiel de sa prise de décision en la matière.

C'est pour cette raison que le Conseil n'a pas poursuivi l'examen de la proposition de la Commission. L'étude demandée est toujours attendue; elle permettra de ‘débloquer’ le dossier et le Conseil pourra statuer sur le coefficient correcteur définitif pour l'Allemagne.»

Appréciation du Tribunal

26

Il convient de rappeler que l'article 64, premier alinéa, du statut prévoit, afin que tous les fonctionnaires bénéficient, indépendamment de leur lieu d'affectation, d'un pouvoir d'achat équivalent pour la rémunération qu'ils perçoivent, que «la rémunération du fonctionnaire exprimée en francs belges ... est affectée d'un coefficient correcteur supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie aux différents lieux d'affectation». Selon une jurisprudence constante, il convient d'entendre «lieux d'affectation» comme indiquant non pas les seules capitales des États membres, mais les lieux exacts où se déroule l'activité des fonctionnaires où agents des Communautés (voir arrêts de la Cour du 15 décembre 1982, Roumengous Carpentier/Commission, 158/79, Rec. p. 4379, 4401, point 23, Birke/Commission, 543/79, Rec. p. 4425, 4461, point 39, Amesz e.a./Commission, 532/67, 534/67, 567/67, 600/67, 618/67 et 660/79, Rec. p. 4465, 4493, point 39, Battaglia/Commission, 737/79, Rec. p. 4497, 4520, point 23).

27

L'article 65 du statut concerne le niveau des rémunérations et prévoit, dans son paragraphe 1, la procédure et les modalités de l'examen annuel, au 1er juillet de chaque année, de ce niveau et, le cas échéant, de son adaptation. Aux termes de l'article 65, paragraphe 2, du statut, «en cas de variation sensible du coût de la vie, le Conseil décide, dans un délai maximum de deux mois, des mesures d'adaptation des coefficients correcteurs et, le cas échéant, de leur effet rétroactif».

28

L'article 65 bis dispose ensuite que «les modalités d'application des articles 64 et 65 sont définies à l'annexe XI».

29

Enfin, en ce qui concerne les pensions, l'article 82, paragraphe 1, du statut dispose qu'elles «sont affectées du coefficient correcteur fixé pour le pays ... où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence».

30

Pour démontrer l'illégalité du bulletin de pension litigieux, le requérant fait valoir, en premier lieu, que les articles 64 et 65 du statut et les modalités d'application contenues à l'annexe XI du statut énoncent le principe selon lequel le coefficient correcteur pour un pays est fixé en fonction du coût de la vie dans sa capitale. Il fait remarquer que le coefficient correcteur pour l'Allemagne prévu à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92, n'a pas été fixé sur la base du coût de la vie dans la nouvelle capitale Berlin, mais par référence au coût de la vie à Bonn. Dans ces circonstances, le requérant estime que la Commission, lorsqu'elle a établi le bulletin de pension litigieux, était tenue de faire application du coefficient correcteur de la capitale Berlin, également fixé à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92 et non du coefficient correcteur général applicable à l'Allemagne.

31

Le Tribunal estime que, par ce moyen, le requérant vise à obtenir l'annulation de son bulletin de pension de janvier 1993, en mettant en cause la légalité du coefficient correcteur pour l'Allemagne prévu à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92, que la Commission a appliqué en établissant ledit bulletin. Dans ces circonstances, le Tribunal estime que le requérant l'a saisi d'une exception d'illégalité au sens de l'article 184 du traité.

32

En vue d'apprécier la hiérarchie des normes applicables, il convient de remarquer que l'article 65 bis et l'annexe XI ont été incorporés au statut par le règlement no 3830/91. Ce règlement, en tant que règlement modifiant le statut a été adopté, conformément à l'article 24, paragraphe 1, du traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes (JO 1967, 152, p. 2), après avis du Parlement européen et de la Cour de justice. De plus, conformément à l'article 10 du statut, la proposition de règlement a également fait l'objet d'un avis du comité du statut. Par contre, le règlement no 3761/92 - qui, en adaptant, à compter du 1er juillet 1992, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectés ces rémunérations et pensions, a donné exécution à quelques dispositions du statut — n'a, en tant que règlement d'exécution, pas fait l'objet de telles consultations.

33

Le Tribunal rappelle que, en vertu du principe du respect de la hiérarchie des normes, un règlement d'exécution ne peut pas déroger aux règles contenues dans l'acte auquel il donne exécution. A cet effet, le Tribunal estime que le règlement no 3761/92, qui est expressément fondé sur les articles 63 à 65 bis et 82 du statut ainsi que l'annexe XI du statut, ne saurait déroger aux principes contenus dans ces dispositions.

34

Quant à l'éventuelle obligation pour le Conseil de fixer le coefficient correcteur d'un État membre par rapport au coût de la vie dans sa capitale, le Tribunal fait observer que l'article 1er, paragraphe 3, sous a), de l'annexe XI du statut dispose que les parités économiques qu'il incombe à l'Office statistique de calculer «établissent les équivalences de pouvoir d'achat entre les rémunérations payées aux fonctionnaires des Communautés européennes en service à l'intérieur des États membres dans les capitales et certains autres lieux d'affectation prévues à l'article 9, par référence à Bruxelles». Selon l'article 3, paragraphe 5, de l'annexe XI, «les coefficients correcteurs applicables dans les capitales et les lieux d'affectation autres que Bruxelles et Luxembourg sont déterminés par les rapports entre les parités économiques visées à l'article 1er et les taux de change prévus à l'article 63 du statut pour les pays correspondants». Selon l'article 9 de la même annexe du statut, en cas de «distorsion sensible du pouvoir d'achat dans un lieu déterminé par rapport à celui constaté dans la capitale de l'État membre concerné, le Conseil, sur proposition de la Commission et conformément à l'article 64, deuxième alinéa, du statut, décide la fixation d'un coefficient correcteur pour ce lieu».

35

Le Tribunal estime qu'il résulte de ces dispositions que le Conseil a voulu maintenir le principe, prévu auparavant au point II. 1.1. de l'annexe à la décision 81/1061/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 15 décembre 1981, portant modification de la méthode d'adaptation des rémunérations des fonctionnaires et autres agents des Communautés (JO L 386, p. 6), et confirmé dans la jurisprudence de la Cour (voir notamment arrêt de la Cour du 28 juin 1988, Commission/Conseil, 7/87, Rec. p. 3401, 3439, point 18), d'une fixation du coefficient correcteur pour chaque État membre par rapport au coût de la vie dans sa capitale.

36

Il y a dès lors lieu d'examiner si la fixation d'un coefficient correcteur provisoire pour l'Allemagne à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92, calculé sur la base du coût de la vie à Bonn et non à Berlin, nouvelle capitale depuis octobre 1990, constitue une dérogation illégale à ce principe.

37

Le Conseil explique qu'il a décidé de fixer des coefficients correcteurs pour l'Allemagne à titre provisoire au motif que «les données statistiques disponibles ne reflétaient pas pleinement la nouvelle situation résultant de l'unification allemande et que le changement de capitale n'avait pas encore produit d'effets significatifs».

38

Le Tribunal constate toutefois que le règlement no 3761/92 ne fixe non seulement un coefficient correcteur provisoire pour l'Allemagne sur la base du coût de la vie à Bonn, mais fixe également des coefficients correcteurs spécifiques pour Berlin et Munich. Il ressort de l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92 que ces derniers coefficients ont été fixés de manière définitive. Bien que l'absence de certaines données statistiques puisse justifier la fixation d'un coefficient correcteur provisoire, le Tribunal estime que, tenant compte du fait que le Conseil disposait d'éléments suffisants pour fixer un coefficient correcteur définitif pour la capitale Berlin, le Conseil avait nécessairement en sa possession, au moment de l'adoption du règlement no 3761/92, toutes les données nécessaires pour fixer un coefficient correcteur définitif pour l'Allemagne, calculé par référence au coût de la vie dans sa capitale.

39

II découle de ce qui précède que l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92, pour autant qu'il fixe un coefficient correcteur provisoire pour l'Allemagne sur la base du coût de la vie à Bonn, viole le principe, énoncé à l'annexe XI du statut, d'une fixation du coefficient correcteur d'un État membre par référence au coût de la vie dans la capitale et est, de ce fait, illégal.

40

Bien que seul le Conseil, comme le fait valoir la Commission, ait la compétence pour fixer les coefficients correcteurs, il n'en reste pas moins que la Commission a appliqué un coefficient correcteur illégal - notamment le coefficient correcteur pour l'Allemagne de 96,1 fixé à l'article 6, paragraphe 2, du règlement no 3761/92 - lorsqu'elle a établi le bulletin de pension du requérant pour le mois de janvier 1993.

41

Le présent moyen étant fondé, il y a lieu d'annuler le bulletin de pension litigieux, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens et arguments avancés par le requérant.

Sur les dépens

42

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

le bulletin de pension du requérant afférent au mois de janvier 1993 est annulé pour autant qu'il fait application d'un coefficient correcteur calculé par référence au coût de la vie à Bonn.

 

2)

La Commission est condamnée aux dépens.

 

Briët

Saggio

Bellamy

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 octobre 1994.

Le greffier

H. Jung

Le président

C. P. Briët


( *1 ) Langue de procédure le français

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